Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

4 de juny de 2023
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“Décivilisation” a la francesa

Le Figaro del proppassat 25 de maig es preguntava,  «Décivilisation»: que veut dire ce mot employé par Emmanuel Macron? Après «l’ensauvagement», voici la «décivilisation». “Ce mot fait couler beaucoup d’encre depuis mercredi 24 mai, jour où a eu lieu le Conseil des ministres. Une infirmière assassinéedes policiers tuésun élu agressé… Le chef d’État s’est exprimé sur la multiplication des agressions et menaces ces derniers jours en France. «Il faut être intraitable sur le fond. Aucune violence n’est légitime, qu’elle soit verbale ou contre les personnes. Il faut travailler en profondeur pour contrer ce processus de décivilisation», a-t-il alors déclaré, selon des informations confirmées par le Parisien.

Sans surprise, l’emploi de ce terme a fait polémique, notamment au sein de la gauche, plus précisément chez Les Insoumis. Ces derniers ont rappelé que le mot «décivilisation» avait été choisi en 2011 par Renaud Camus, figure de l’extrême-droite identitaire et théoricien du «grand remplacement», dans l’un de ses ouvrages. C’est oublier la référence indirecte aux travaux du grand sociologue allemand, Norbert Elias, qui a beaucoup travaillé sur le «processus de civilisation», élaborée à la veille de la Seconde Guerre mondiale.”

Jacques Tarnero, des de les pàgines de Causeur hi aporta la seva visió: “Le choc de la «décivilisation»

Les préfixes abondent pour indiquer le changement de sens : illibéral vous précipite au purgatoire, tandis que décolonial vous remet dans le bon chemin. En France, on adore se payer de mots et celui de « décivilisation » est le dernier en date dans la palette des signifiants proposés dans le débat public.

Cette fois-ci, la charge est lourde, angoissante tant elle prend appui sur une terrible actualité mais elle inscrit cette actualité dans un processus installé dans la durée. Si c’est la civilisation qui fout le camp, qu’allons-nous devenir ?

Est-ce seulement une affaire de mots ? En France, en la matière, les communicants débordent de créations ! Après le « séparatisme », après les « sauvageons » de Chevènement, après les « jeunes-des-banlieues-difficiles » ou des « quartiers-sensibles » issus de la « fracture-sociale » et de la « diversité », voilà qu’une nouvelle formule pourrait aider les décideurs, mais aussi le peuple à y voir plus clair.

En effet une question vient immédiatement à l’esprit : quand un réfugié tchétchène a pris soin d’acheter un couteau neuf pour aller couper la tête d’un professeur d’histoire géographie qui aurait mal parlé du prophète, ce réfugié tchétchène était-il un « sauvageon » ou un « décivilisé »?

Quand un fumeur, excessif de cannabis certes, frappe à mort une vieille femme de soixante-quatorze ans et la jette par la fenêtre aux cris de « Allah akbar ! » ce jeune, était-il un « déséquilibré », un« séparatiste », un « sauvageon », un « décivilisé » ? Quand un autre jeune en scooter tue d’une balle dans la tête une petite fille dans une cour d’école, était-il un « décivilisé », un « séparatiste », un « sauvageon » ? À moins qu’il soit un malade mental ne sachant pas ce qu’il faisait ?

Repoussoir magique

La justice a estimé que celui qui a assassiné Sarah Halimi était coupable, mais pas responsable et donc ne lui a fait aucun procès. Un jeune tueur qui tire sur des enfants juifs pour « venger des enfants palestiniens » est-il coupable et responsable alors que sa schizophrénie potentielle devrait corriger sa responsabilité, car c’est au nom d’une noble cause que ce sauvageon aurait agi?

Aujourd’hui, c’est une anthropologue du CNRS qui est menacée de mort pour avoir étudié de près (de trop près sans doute) la stratégie des Frères musulmans pour séduire, convaincre, recruter, s’imposer dans le paysage. Pour ces gens, cette enquête est une menace, car en dévoilant précisément cette entreprise de conquête, elle donne des armes utiles pour une contre-attaque.

Dès lors, il faut faire taire Florence Bergeaud-Blackler. Étrangement, ses diverses autorités de tutelle paraissent se méfier de ce travail, craignant sans toutes de se voir qualifiées d’islamophobes, en protégeant la chercheuse. Samuel Paty a déjà payé le prix de cette myopie délibérée.

En élargissant le registre lexical pour nommer et comprendre cette violence qui croît, le président prend des risques évidents. Tous les experts en lexicologie politique ont sorti leur lexicomètre pour situer la charge idéologique de ce nouveau concept. Est-il de droite (voire d’extrême droite) ou de gauche ? En utilisant le concept de « décivilisation » le curseur se rapproche des portes de l’enfer.

Au Monde, les experts ne s’y sont pas trompés. Ils ont immédiatement reniflé les relents « d’extrême-droite » dans cet usage. Ce repoussoir magique a une qualité pour celui qui l’emploie. Il permet de faire l’économie du regard critique sur ce qui s’est passé avant.

L’idéal universaliste ébranlé

Déjà en 1989, c’est bien au nom de la soumission aux règles d’une autre civilisation que des lycéennes refusaient d’ôter leur voile pour rentrer dans un lycée à Creil. En 2002, un livre pointait les « territoires perdus de la République » mettant en évidence cette sécession en milieu scolaire de la part de certains élèves issus de l’immigration.

Ce livre fut rapidement rangé sur les étagères réservées aux livres incorrects. Il fallut bien légiférer, après qu’un rapport eut confirmé la menace de rupture. La décivilisation était-elle déjà en marche ? Le rapport de l’inspecteur Obin fut rapidement glissé, avec la poussière, sous le tapis du ministère. De rapport en rapport, de projet de loi en projet de loi, la rupture n’a cessé des progressé et la décivilisation de s’étendre.

Avons-nous beaucoup progressé depuis ? Les foudres des lexicomètres n’ont pas tardé. C’est bien à l’extrême-droite qu’il faut positionner le curseur. « Le choc des civilisations » déjà annoncé par Samuel Huntington annonçait la couleur. Accueillie par des cris indignés, cette formule, jugée immédiatement comme étant réactionnaire, fracturait l’idéal universaliste. Elle faisait tache dans l’euphorie postcommuniste annonçant la « fin de l’histoire » de Francis Fukuyama.

Mondialisation aidant, personne n’avait voulu prendre en compte ce nouveau monstre né de la révolution islamique, occupant la place laissée libre par la fin du communisme. La mondialisation, le e-commerce, l’internet allaient faire de la planète ce « village global » tant espéré.

Hélas pour tous, le retour des tribus, des sectes, des gangs, des mafias, des ligues, des fous de dieu autant que les nouveaux virus vont pulvériser ces illusions. La guerre contre l’axe du Mal va aggraver les choses, transformant les bonnes intentions en catastrophes successives. Les talibans, l’État islamique vont séduire des milliers de jeunes en rupture identitaire.

Sinistre inventaire

La « décivilisation » dénoncée par le président de la République est aussi le produit dérivé de cette histoire dont les raisons sont multiples et entrelacées, mais dont le résultat est justement bien nommé. Si notre culture, nos manières d’être, nos habitudes de vie, notre vocabulaire, notre langue commune, notre patrimoine sont à ce point mal-en-point, il faut bien en dresser l’inventaire.

Avec ses fractures, ses ruptures, ses guerres de religion, ses infractions vichystes, ses révoltes, ses révolutions, la France était restée malgré tout un pays qui retrouvait la douceur d’y vivre. Le choix de l’équilibre paraissait une constante et les trente glorieuses semblaient avoir de l’avenir.

Il suffisait de regarder en arrière pour prendre la mesure des progrès accomplis, malgré ces sauts, de crise en crise, depuis le programme du CNR, les conflits de la décolonisation, Mai 68 et tant d’autres moments de troubles furent suivis d’autant d’ajustements. Il suffit aussi de regarder ailleurs pour voir combien, ailleurs qu’en Europe, ça va mal. La perspective européenne dessinait un avenir démocratique en proscrivant la guerre.

Si la formule dit un diagnostic, elle est à la fois trop large, pour nommer avec justesse ce qui la compose. Le concept utilisé, pour pertinent qu’il soit, souffre lui d’une absence de résultante. Celui qui la prononce a un statut particulier. Il incarne le pouvoir, il est celui qui choisit, décide, anticipe, dessine des perspectives. Que déduit-on de ce constat, et ça n’est pas Chat-GPT qui aura la réponse ?

Quel modèle de civilisation est en train de s’effriter et dans quelle autre configuration est-elle en train d’entrer ? L’expression « archipel français » met en évidence le statut inégal des zones fracturées quand la géographique répartit inégalement les zones décivilisées.

La multiplication des crimes liés au trafic de drogue à Marseille révèle une libanisation croissante du territoire dont les ramifications s’étendent à Anvers et Rotterdam. Les attentats de 2015 avaient déjà montré les alliances communautaires entre islamistes de Molenbeck et ceux de Clichy. La criminalité européenne met à jour des alliances d’intérêt entre djihadistes et truands progressant plus vite que les dispositifs existants pour les contrer. Ces chemins criminels constituent autant de voies annexes de la décivilisation que le président déplore.

Est-il trop tard pour rattraper le temps perdu ?

Comment lutter contre cet effilochage alors qu’au cœur de l’État, au plus profond de ce qui devrait constituer la matrice intellectuelle de la reconstruction civilisationnelle, le ministre en charge de l’Éducation nationale s’emploie à défaire les lignes de force de son prédécesseur ? Comment comprendre cette incohérence ?

Si le président déplore la perte progressive de ce qui faisait sens dans une nation homogène, son ministre ne vante-t-il pas les mérites de ce qui la défait ? Peut-on promouvoir la civilisation ayant construit ce pays avec sa mise en accusation comme fil conducteur ? Peut-on éduquer avec la culpabilisation décoloniale comme filigrane de notre histoire ? Éduquer c’est transmettre des savoirs, éduquer c’est donner à penser autour des multiples contradictions d’une histoire, mais éduquer ne consiste surement pas à substituer à la complexité une autre simplification.

Les extrémismes politiques se nourrissent de ce renversement. Si la France est un pays de salauds, comment inciter à l’amour de la patrie ? Ce mot a-t-il encore un sens ? Est-il trop désuet ? Déboulonner les statues de Colbert fait-il progresser la connaissance du Code noir ? L’histoire est un tout, où le pire côtoie le meilleur. Jean Moulin est déjà au Panthéon et Missak Manouchian va bientôt rejoindre ces grands personnages que la nation se doit d’honorer.

Lutter contre la décivilisation, c’est d’abord indiquer un cap et s’y tenir malgré les vents contraires du poujadisme et le brouillage de la confusion dont un Cyril Hanouna est le grand promoteur. Les héros, les belles choses, les beaux gestes, les gens bien ne manquent pas en France, encore faut-il vouloir ne pas se contenter des apparences.

Post Scriptum, 3 de setembre del 2023.

Ahir, Le Point entrevistava “Guillaume Guérin, président de la métropole de Limoges « le sentiment d’abandon est le même » dans les quartiers prioritaires et dans les zones rurales: « Où la République recule, l’islamisme et le wokisme prospèrent ». De la qual val la pena extreure’n aqueixos paràgrafs:

L’electe “théorise un nouveau clivage en passe de supplanter celui entre droite et gauche : « Entre ceux qui veulent préserver notre mode de vie et ceux qui veulent le détruire. » Il faut faire attention à ne pas lasser les gens. À ne pas donner l’impression que ne comptent que les places et non l’exercice des responsabilités. Ce qui importe réellement, c’est le quotidien et la manière de l’améliorer. Or le quotidien aujourd’hui est celui d’une société fracturée comme elle ne l’a jamais été, en proie à un ensauvagement et à l’irrespect des règles qui jusque-là la faisaient tenir. Tant dans l’Éducation que la Justice, c’est tout un système qu’il faut remettre à plat. Les émeutes de juin dernier, auxquelles Limoges n’a pas échappé, ont par exemple montré l’urgence de revoir l’excuse de minorité comme le préconise le président de l’AMF, David Lisnard. Nous ne pouvons plus traiter la justice des mineurs comme il y a vingt ans. Nous ne faisons plus face au même phénomène. J’attends des ministres qu’ils soient opérationnels et non qu’ils soient dans des conjectures pour 2027.

Quelle a été la réalité des émeutes dans la métropole et comment y avez-vous répondu ?

À Limoges, nous avons subi des centaines de milliers d’euros de dégradations de biens publics. C’est incompréhensible, les émeutiers ont détruit des aménagements dont se servent leurs mères, leurs amis, leurs voisins. En agissant de la sorte, ils touchent à l’universalité. Puis, une nuit, trente-cinq d’entre eux ont descendu deux rues principales du centre-ville pour y piller les magasins. La force et les décideurs publics doivent être extrêmement fermes contre les auteurs de ces exactions, même s’ils sont mineurs. Il faut rompre avec cette résignation qui gagne malheureusement beaucoup d’élus. Ceux qui disent : « C’est comme cela, on répare et on verra la prochaine fois. » Il n’y a pas de meilleur moyen de décourager ces parents, ces mères isolées qui, eux, ont fait leur devoir en tenant leurs gamins pour qu’ils n’aillent pas casser dans la rue.

À notre niveau, nous avons donc décidé de ne rien laisser passer. Nous avons, par exemple, envoyé un avocat systématiquement, à chacune des audiences en comparution immédiate d’auteurs de dégradations de biens publics. Tous les majeurs ont été condamnés relativement lourdement. Pour ce qui est des mineurs, nous sommes systématiquement allés chercher des réparations pécuniaires auprès de leurs parents. Au-delà de ces émeutes, ce qui est inquiétant, c’est que nous voyons arriver dans nos villes moyennes les problématiques des grandes villes. L’explosion du trafic de drogue, notamment, sur fond de communautarisme islamiste et d’immigration non intégrée.

Est-ce pour cela que vous avez dénoncé, lors de votre rentrée samedi 26 août au lac de Vassivières (Haute-Vienne), le sentiment de « déclassement des territoires » comme le vôtre ?

Pas seulement. Il existe une France silencieuse qui fait face à une crise d’une telle intensité qu’elle ne se définit plus vraiment ni comme de droite ni comme de gauche. Un autre clivage prend le pas entre ceux qui veulent préserver le mode de vie qu’ont connu leurs grands-parents et leurs parents et qu’ils espèrent transmettre à leurs enfants et ceux qui veulent le détruire.

Deux grands périls cherchent aujourd’hui à détruire nos modes de vie : le fondamentalisme religieux islamique et une forme d’anarchisme qui se grime en écologie et surfe sur la mode du « wokisme ». En Haute-Vienne nous avons les deux. D’une part les neuf quartiers prioritaires de Limoges, frappés par endroits par une extrême pauvreté, une immigration fortement communautarisée qui n’est pas intégrée et qui suscite un véritable problème de vivre ensemble. La prophétie de l’ancien ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, qui craignait que les gens ne vivent plus côte à côte mais face à face, y est devenue une réalité. Tandis qu’à quelques kilomètres de là, il y a ces mouvements « woke » qui menacent tout autant la société mais de façon différente.

C’est-à-dire, qu’entendez-vous par mouvements « woke » ?

Se sont installés sur le plateau de Millevaches des gens pour qui le mode de consommation actuel n’est pas le bon et qui veulent une rupture avec le mode de vie occidental. Grand bien leur fasse. Chacun vit comme il l’entend. Sauf qu’ils ont décidé d’imposer leur façon de vivre aux gens qui vivent là-bas depuis parfois dix à douze générations, quitte à employer la force. Destruction d’antennes relais, d’abatteuse forestière, de fourreaux pour l’installation de la fibre… Ils sont allés jusqu’à décapiter des sapins sur des parcelles de pauvres gens qui y avaient placé leurs économies, parce qu’ils jugent l’essence des résineux « capitaliste », servant les intérêts privés. Ces anarchistes ne s’installent pas en zone périurbaine, mais dans les endroits les plus reculés. Là où il n’y a plus de services publics et où l’arrivée de nouvelles personnes était plus que la bienvenue. Les gens ont vite déchanté en découvrant leurs intentions. Qu’ils résident dans des quartiers prioritaires en cité, ou dans des zones rurales extrêmement reculées, le sentiment d’abandon des habitants est finalement le même.

Qu’attendez-vous de l’État face à ces deux phénomènes ?

J’attends de la part du président de la République et du gouvernement qu’ils se saisissent du problème à bras-le-corps. Lorsqu’on demande des effectifs de police et de gendarmerie supplémentaires, il faut nous les donner. Lorsque l’on prie pour des réquisitions fermes du parquet contre ceux qui violent la loi, il faut nous entendre. En Haute-Vienne, des gens pourtant historiquement de gauche sont prêts à voter Marine Le Pen parce qu’ils voient s’enfuir le mode de vie, la culture dans lesquels ils ont grandi sous le poids de ces deux périls : le « wokisme » et « l’islamisme ». Là où la République recule, ces deux idéologies prospèrent. Or, pendant ce temps, l’État abandonne ses missions régaliennes pour s’occuper de tout le reste. Un jour promoteur du plan cyclable, l’autre, de la contraception chez les adolescents… Qu’il laisse les territoires et les acteurs locaux se charger des politiques publiques de proximité pour se concentrer sur ses missions essentielles. À être partout, l’État n’est plus nulle part.

Post Scriptum, 30 de novemebre del 2023.

Abans d’ahir a Le Figaro: Le drame de Crépol a de nouveau mis en lumière l’impuissance de l’État, analyse le docteur en droit Laurent Lemasson. Face au risque que des Français soient tentés de se faire justice eux-mêmes, les gouvernants doivent prendre en compte l’exaspération qui monte, plaide-t-il. «Quand l’État ne veut ou ne peut pas remplir son devoir, les Français sont hélas tentés d’agir à sa place».

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