Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

11 d'abril de 2012
1 comentari

Antoine Courban: “La réalité inversée du totalitarisme”

Antoine Courban, metge i professor d’història de la filosofia a la Université de Saint Joseph, a Beirut, va publicar aqueix article el proppassat 5 al diari libanès L’Orient-Le Jour. L’autor és un dels intel·lectuals de més prestigi entre la comunitat cristiana i conegut defensor de la democràcia front als totalitarismes diversos que l’amenacen, a Orient i a Occident:

 

D’aucuns s’étonnent de l’habileté des dictatures à pratiquer cette authentique schizophrénie du discours qu’est leur extraordinaire capacité à l’inversion de la réalité. Cette dernière n’est pas un simple déni du réel car il s’agit d’une guerre contre le sens des mots. On vide un vocable de son contenu sémantique afin de le remplacer par un autre. Ce principe était bien illustré par le slogan nazi inscrit à l’entrée de tous les camps de concentration : Arbeit macht frei, ou « Le travail rend libre ».

C’est ce que George Orwell appelle la « double-pensée » dans son roman 1984 qui décrit l’univers totalitaire de Big Brother. La double-pensée y est gérée par le ministère de la vérité (Miniver) chargé de produire le mensonge en élaborant le Dictionnaire de la Novlangue, la langue du Parti et du Peuple. Au moment d’achever la onzième édition, le fonctionnaire Syme dit à son collègue Winston : « Vous croyez, n’est-ce pas, que notre travail principal est d’inventer des mots nouveaux ? Pas du tout ! Nous détruisons chaque jour des mots, des vingtaines de mots, des centaines de mots. Nous taillons le langage jusqu’à l’os. »

Aujourd’hui, avec la mondialisation des médias, cette inversion de la réalité connaît un exceptionnel développement et sert des intérêts multiples, notamment ceux des régimes les plus oppressifs comme le régime en place à Damas. Les médias de ce régime transmettent des images et un discours pour le moins surréalistes. On a vu, après la destruction de Baba Amr par l’armée syrienne, une jeune speakerine aguichante au look de top model, vêtue d’un jeans hypermoulant au milieu des ruines, nous expliquer toute l’horreur dont s’étaient rendus coupables les « bandes armées terroristes » qui ont réduit Baba Amr en cendres, disait-elle, mais qui maintenant « ne sont plus là, ayant été chassées par les héros de l’armée nationale… ». Plusieurs prélats ont froidement fait état d’un complot international par l’image, ourdi par des médias satellitaires contre la citadelle syrienne qui résiste grâce à son jeune président contre toutes les machinations des forces du mal.

Dans 1984, le régime de Big Brother divise le peuple en trois catégories de gens : un très petit nombre qui fait se produire les événements ; un groupe plus large qui veille à leur exécution et les regarde s’accomplir, et enfin l’immense majorité qui ignore tout de la réalité des événements. Cette trichotomie recoupe de manière éclairante tout système totalitaire. Elle permet de mieux saisir la réalité du régime de l’actuelle Syrie mais aussi de mieux comprendre l’attachement des forces de facto au Liban à vouloir distinguer, au sein de la société, trois groupes : le Peuple (majorité insignifiante et ignorante) ; l’Armée (noyau périphérique qui exécute et qui veille au bon déroulement des événements) ; la Résistance (petit noyau central des décideurs qui crée l’événement).

La pensée totalitaire ne cherche pas le pouvoir en vue de ses propres fins mais pour le bien de la majorité tel qu’elle-même le définit. L’espèce humaine aurait donc le choix dialectique entre la liberté et le bonheur, or le bonheur vaut certainement mieux. Les minorités religieuses de l’Orient ne disent rien d’autre quand elles parlent du régime syrien et du printemps arabe.

La pensée totalitaire contemporaine se distingue du communisme et du nazisme de jadis. Personne ne s’empare du pouvoir avec l’intention d’y renoncer. « On n’établit pas une dictature pour sauvegarder une révolution. On fait une révolution pour établir une dictature. La persécution a pour objet la persécution. La torture a pour objet la torture. Le pouvoir a pour objet le pouvoir. » Ce dernier n’est pas uniquement une domination sur les corps mais surtout sur les esprits. Comment y parvenir ? Par la souffrance car l’obéissance ne suffit pas. Seule la souffrance permet d’affirmer que l’homme qui se soumet obéit, non à sa volonté, mais à celle d’un autre. Ce pouvoir absolu et discrétionnaire se doit d’infliger les pires humiliations, de déchirer l’esprit humain en mille morceaux en vue de les réassembler à sa guise.

Ainsi se met en place un monde habité par la terreur et la félonie, un monde impitoyable et binaire fait uniquement d’écraseurs et d’écrasés. L’unique fondement de cette culture de mort est la haine. En dehors d’elle point d’émotion autre que la crainte de l’humiliation ou l’orgasme de la puissance. Tout le reste sera écrasé en croyant être protégé en vertu de l’inversion de la réalité qui aura été opérée.

Tel se profile le risque d’un monde de terreur qui se présente à nous comme étant le libérateur de tout mal, de toute corruption, « un monde où les victoires succéderont aux victoires et les triomphes aux triomphes ». Les idéologues d’un tel univers sont convaincus, qu’au bout du compte, chacun fera plus que comprendre leur monde. Chacun savourera les joies de la haine partagée, acceptera son aliénation avec jouissance et exigera sa part en idolâtrant ses propres bourreaux.
  1. Gracies per divulgar aquestes opinions interesants i tant convenients sempre, pero especialment ara amb tant discurs politic desvergonyit i distorsionador.
    El senyor Orwell ja havia publicat abans (anys 30), un assaig tocant aquest tema Politics and the English Language, denunciant la sutil manipulació de les noticies per part de la premsa.

Deixa un comentari

L'adreça electrònica no es publicarà. Els camps necessaris estan marcats amb *

Aquest lloc està protegit per reCAPTCHA i s’apliquen la política de privadesa i les condicions del servei de Google.

Us ha agradat aquest article? Compartiu-lo!