Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

8 de març de 2016
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Bérénice Levet: “La grille idéologique des nouvelles féministes les empêche de se saisir des vrais combats”

La jove filòsofa francesa Bérénice Levet, especialitzada en l’obra d’Hannah Arendt, aporta una visió crítica del neo-feminisme emergent a les societats europees, particularment la francesa -i la catalana també-, que construeix un anti-patriarcalisme dogmàtic lligat a l’anticapitalisme abstracte alhora que s’absté dels veritables combats de les dones més pregonament sostmeses a la discriminació com són les que provenen de la immigració musulmana.

Aqueixa entrevista publicada avui per Le Figaro afereix una anàlisi crítica que no es troba en les intel·lectuals feministes catalanes. Un exemple, és la pintada de lila d’una església catòlica de Lleida per part del col·lectiu de joves de l’Esquerra Independentista Arran que a sobre de no atrevir-se a fer el mateix a una mesquita encara se situen com a víctimes per justificar la seva agressió tot pintant “Contra els atacs de l’Esglèsia”.

Nous célébrons le 8 mars la «journée de la femme». Trente ans après la mort de Beauvoir, le féminisme a-t-il encore un sens, ou a-t-il au contraire accompli ses promesses?

Bérénice LEVET: Si le féminisme a encore un sens, ce n’est surtout pas celui que lui attachent les néo-féministes, tributaires d’une grille idéologique qui les empêche de se saisir des seuls vrais combats qu’il y aurait encore à mener. L’égalité et la liberté sont acquises pour les femmes en France. Comment peut-on encore parler, ainsi que le font certains, d’un fondement patriarcal de notre société? Qu’est-ce qu’une société patriarcale? Une société où la femme dépend entièrement de l’homme, une société où la femme est assignée à résidence et vouée aux tâches domestiques. Or, si ce monde n’est pas tout à fait derrière nous, si patriarcat il y a encore en France, il se rencontre exclusivement dans les territoires perdus de la République. Là, en effet, les principes d’égalité, de liberté, d’émancipation des femmes sont foulés au pied par les hommes. Là, en effet, certaines femmes sont maintenues dans un état de minorité. Mais ce ne sont pas nos mœurs qui sont coupables mais bien l’importation, sur notre sol, de mœurs étrangères aux nôtres. En sorte que si le féminisme a encore un sens, c’est en ces territoires qu’il doit porter le fer or les femmes qui ont le courage de se dresser contre le patriarcat, contre les interdits prescrits par les autorités religieuses, et dont les frères, les fils se font les implacables sentinelles, se retrouvent bien seules.

En dehors d’Elisabeth Badinter, qui sait faire prévaloir l’exigence de vérité et le principe de réalité sur toute idéologie, qui ose nommer les seuls ennemis des femmes aujourd’hui en France?

Les statistiques sont là pour nous montrer que les inégalités salariales subsistent entre hommes et femmes. La lutte contre les stéréotypes permet-elle selon vous de réduire les inégalités réelles?

Ne nous laissons pas intimider par le discours ambiant et ces statistiques qu’on ne manque jamais d’exhiber – la seule arme capable d’impressionner à notre époque, disait Hannah Arendt – qui voudraient nous faire croire que les femmes restent d’éternelles victimes de la domination masculine. Vous parlez des inégalités réelles, mais en dehors des inégalités salariales qui en effet persistent, mais dont les femmes triompheront sans tarder et sans qu’il soit nécessaire qu’une quelconque loi intervienne, quels autres exemples pourriez-vous invoquer? Aucun. Les dernières élections municipales à Paris mettaient aux prises trois femmes et c’est Anne Hidalgo qui dirige la capitale. Qui a été élu à la tête de l’île de France lors des élections départementales de décembre 2015? Valérie Pécresse. Le seul parti politique qui puisse s’enorgueillir de gagner des électeurs est dirigé par une femme, Marine Le Pen et a pour figure montante sa nièce, Marion Maréchal Le Pen. Qui préside à la destinée de France-Culture, de France 2 télévision ou de la Ratp? Respectivement, Sandrine Treiner, Delphine Ernotte, Elisabeth Borne. Qui vient d’être nommé à la direction du Centre Européen de Recherche Nucléaire? Fabiola Gianotti. Il faut donc en finir avec cette rhétorique féministe de l’assujettissement.

L’expression «inégalités réelles» que vous avez employée m’évoque la dernière trouvaille sémantique de notre président de la République qui excelle en ce domaine. A la faveur du dernier remaniement ministériel, le chef de l’Etat a ainsi créé un secrétariat d’Etat à l’égalité réelle – on se croit revenu au temps du marxisme et du combat contre l’égalité formelle, il est vrai que François Hollande doit donner des gages à l’aile gauche de son parti et à ses satellites.

Il semble que l’objectif primordial des féministes soit de «mettre la femme au travail» et de lui faire réussir sa carrière. La femme qui n’exerce pas de profession pour éduquer ses enfants appartient elle au passé?

Tout porte à le croire tant la femme au foyer est aujourd’hui dévalorisée socialement. Les femmes y ont-elles gagné en troquant une injonction contre une autre? Hier, assignées au foyer, aujourd’hui sommées de travailler…Qu’on me comprenne bien, je ne milite en aucune façon pour un retour des femmes dans la sphère domestique, l’indépendance économique est une immense conquête, elle est la condition même de la liberté. Mais cela ne doit pas nous interdire de nous interroger sur les conséquences quant à l’éducation des enfants, de ce désinvestissement par les deux sexes de l’espace familial.

Avec la naissance, les parents ne donnent pas seulement la vie, ils font entrer l’enfant dans un monde, c’est-à-dire dans un monde vieux, qui le précède, un monde de significations qu’il faut lui transmettre, lui donner à aimer. Il convient donc de l’y escorter, or, requis par leur carrière, leur épanouissement personnel, les parents se sont délestés de cette tâche. «Les parents modernes,écrit le grand sociologue Christopher Lasch, tentent de faire en sorte que leurs enfants se sentent aimés et voulus ; mais cela ne cache guère une froideur sous-jacente, éloignement typique de ceux qui ont peu à transmettre à la génération suivante et qui ont décidé, de toute façon, de donner priorité à leur droit de s’accomplir eux-mêmes»

La crise de la transmission est telle et la déréliction d’une jeunesse abandonnée à elle-même devient si éclatante, que peut-être y aura-t-il un retour de bâton. Que les parents renoueront avec leur responsabilité de parents. Sinon mieux vaut renoncer à mettre au monde des enfants.

Sous l’impulsion de l’idéologie du genre, il semble que désormais l’horizon du féminisme ne soit plus l’égalité mais l’interchangeabilité…

Le féminisme s’est égaré en adoptant les postulats du Genre. En ratifiant ce petit vocable, en apparence inoffensif, qui s’est imposé afin de marquer une scission parfaite entre le donné biologique et anatomique (que prend en charge le mot sexe) et l’identité sexuée et sexuelle, qui serait purement culturelle (que désigne le mot Genre), le féminisme s’est littéralement désincarné. Rappelons en un mot l’enjeu de cette théorie. «On ne naît pas femme, on le devient» disait Simone de Beauvoir, le Genre considère que l’auteur du Deuxième sexe est demeurée comme en retrait de sa propre intuition et en poursuit la logique à son terme: si l’on ne naît pas femme, pourquoi le deviendrait-on? Si l’identité sexuée et sexuelle est sans étayage dans la nature, dans le corps, dans l’incarnation, bref si tout est culturel, pourquoi ne pas s’essayer à tous les codes, jouer de toutes les identités. Les partisans du Genre se grisent ainsi de l’obsolescence de l’identité ou de la «flexibilité sexuelle» (le Gender fluid) dont les grandes marques de luxe seraient les promoteurs au travers de leur collection de mode.

Partant, éduquer différemment son enfant selon qu’il naît dans un corps féminin ou un corps masculin, transmettre les normes, les codes que notre civilisation attache à chacun des deux sexes est assimilée à de l’assignation identitaire, du «formatage». Que l’humanisation de l’homme ait partie liée avec l’inscription dans une humanité particulière nous est devenu inintelligible, que ces codes, ces significations partagées cimentent une société, nous est indifférent. Le Genre travaille assurément à l’interchangeabilité des deux sexes mais plus énergiquement encore, à la désidentification. La nov-éducation, acquise aux postulats du Genre et promue par notre ministre de l’Education nationale, entend parachever un processus commencée dans les années 1970. Après la désidentification religieuse et la désidentification nationale, il s’agit désormais d’accomplir la désidentification sexuée et sexuelle.

Les féministes ont tardé à s’indigner pour le scandale de Cologne. Au moment où éclatait l’affaire en Allemagne, elles se mobilisaient contre l’absence de femmes dans la sélection du festival d’Angoulême. Que révèle selon-vous ce deux-poids deux mesures?

Elles ont plus que tardé, elles sont demeurées muettes et quand elles sont sorties de leur silence, elles ont pris le parti de ne pas s’indigner, comme Clémentine Autain, ou alors à front renversé, à l’instar de Caroline de Haas qui a rageusement invité ceux qui avait l’outrecuidance de rendre publics les faits, à aller «déverser leur merde raciste ailleurs». Ce deux-poids deux-mesures – qu’on se souvienne également du traitement réservé à Dominique Strauss-Kahn – révèle la déroute du féminisme, son incapacité à être au rendez-vous, son inutilité et son irresponsabilité. Une chasse ouverte aux femmes se produit au cœur de l’Europe, – 766 plaintes sont déposées à la police, dont 497 pour agression sexuelle – et les égéries du néo-féminisme restent impassibles.

Leur mutisme tient d’abord, mais la chose a suffisamment été dite, au fait que les prédateurs étaient musulmans et qu’entre deux maux – la violence faite aux femmes et le risque d’alimenter le racisme, de «faire le jeu du front national», – les néo-féministes n’hésitent pas un instant. Elles sacrifient les femmes. La barbarie peut croître, leur conscience est sauve: elles restent du côté de ceux qu’elles ont définitivement rangés dans le camp des opprimés, des réprouvés, des damnés de la terre.

Leur résistance vient aussi, et ce point me semble décisif bien qu’il ait été peu ou pas relevé, de ce que ces faits les obligeraient à se désavouer elles-mêmes. De quel récit vivent-elles? De celui de l’éternelle domination des femmes par les hommes. A les suivre, tout resterait à faire, l’égalité, la liberté ne seraient que formelles. Lorsque Kamel Daoud écrit: «Ce que je jalouse dans l’Occident, la seule avance qu’il a comparé à nous, c’est dans le rapport des femmes», elles doivent s’étrangler. Or, si ces événements nous révoltent, c’est pour leur sauvagerie, naturellement, mais non moins pour l’offense faite à nos mœurs en matière de relation homme/femme, des mœurs taillées dans l’étoffe de l’égalité et de la liberté, et notre art de la mixité des sexes: les femmes habitent l’espace public sans hantise de voir les hommes se jeter sur elles comme de proies.

D’aucuns, comme Kamel Daoud ou Claude Habib, ont vu dans le réveillon cauchemardesque de Cologne le symbole d’un choc des civilisations. Partagez-vous ce constat?

Il faut le dire, ces pratiques barbares ne sont pas même d’un autre âge. L’Occident n’a jamais connu de telles mœurs. Jusqu’au XXe siècle, les femmes étaient certes en état de minorité juridique par rapport à leur époux, mais elles n’étaient pas de la chair livrée à l’hallali des hommes. Les hommes ont été «poli» par les femmes, ils ont appris à dompter le désir que l’autre sexe leur inspire, à emprunter tours et détours. Ils n’ont pas exigé que l’objet de leur concupiscence se voile de la tête au pied pour ne pas céder sans délai à la tentation, ils ont appris les règles de la galanterie. Et dans notre imaginaire, il n’est rien qui évoque les scènes décrites par les victimes de Cologne sinon L’Enlèvement des Sabines tel que peint par Poussin qui a su rendre magistralement les sentiments que les femmes allemandes ont dû éprouver le soir de la Saint-Sylvestre, cette peur panique qui s’empare des femmes prises au piège, dans un guet-apens. Bref, ces actes portent atteinte à l’un des biens les plus précieux de notre civilisation, la condition des femmes.

Nos féministes ne veulent y voir qu’une version, paroxystique certes, d’une menace qui pèserait en permanence sur les femmes. Autrement dit la différence ne serait que de degré, nullement de nature. Or, si ces actes nous terrorisent au sens fort, c’est parce que nous savons qu’ils ne sont pas le fait de quelques hommes particulièrement brutaux et/ou avinés en cette nuit de Saint-Sylvestre, mais qu’ils sont pratiques communes dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient dont ces hommes sont originaires. Ce type d’agression sexuelle de masse a un nom en arabe, Taharrush gamea. Le procès en islamophobie intenté à Kamel Daoud pour avoir eu le courage d’établir un lien entre les agressions sexuelles de Cologne et les mœurs dans lesquelles les agresseurs ont grandi est hautement significatif de la cécité et de l’irresponsabilité à laquelle l’idéologie confine.

Oui il s’agit bien d’un choc des civilisations, et, ce qui me semble capital, rappel de ce que nous sommes une civilisation et une civilisation qui, après avoir été accablée de tous les maux, accusée de tous les péchés, n’a guère à rougir d’elle-même. Rappel également et spécialement sur ce chapitre des relations entre les hommes et les femmes, de ce que toutes les civilisations ne se valent pas.

Post Scriptum, 27 d’octubre del 2016.

Bérénice Levet és entrevistada novament per Le Figaro que encapçala així les seves paraules: “La véritable domination masculine se trouve dans les territoires perdus de la République“:

 Le ministère du droit des femmes vient de lancer une campagne ministérielle contre le sexisme, spécialement contre le «sexisme ordinaire», appuyée sur un sondage aux chiffres alarmants: 40 % des femmes assurent avoir été victimes d’une humiliation ou injustice liée à leur sexe?

Bérénice LEVET. – L’initiative ministérielle est un indice supplémentaire, s’il en fallait, de ce que la Présidence Hollande se sera exténuée jusqu’au bout dans des batailles soit vaines soit destructrices – comme dans le cas de l’école où, sous couvert de refondation, il ne s’agit rien de moins que de parachever sa transformation en centre d’animation, ou du mariage, institution qui a été vidée de toute signification: consacrer l’amour entre deux êtres n’était pas sa fonction.

Or, le pays réclame des actions qui ne devraient souffrir aucun délai, et ce, spécialement dans le domaine dont Madame Rossignol a la responsabilité. Les femmes deviennent un véritable enjeu de la guerre que l’islamisme mène avec détermination contre notre civilisation.

Plutôt que d’exhiber des chiffres qui disent tout et rien, je voudrais que l’on reconnaisse une fois pour toutes que si régression de l’égalité entre les sexes il y a en France, si domination et patriarcat il y a dans notre pays, cet état de fait est lié exclusivement à l’importation, sur notre sol, des mœurs musulmanes, et non à je ne sais quelle survivance du passé.

Plutôt que des sondages qui noient dans la généralité et l’abstraction des chiffres, des réalités fort contrastées – car quoi de commun entre une femme qui s’interdit de porter telle tenue vestimentaire par crainte d’entendre ses collègues masculins l’en complimenter et une femme qui, en banlieue, exclut de porter une jupe ou un short par soumission aux codes dictés par un islam rigoriste dont les Grands frères se font les gardiens? -, plutôt que ces sondages donc, Madame Rossignol ferait bien de lire par exemple, l’essai de Géraldine Smith, Rue Jean-Pierre Timbaud. Une vie de famille entre barbus et bobos. Elle y apprendrait, entre autres choses tout aussi édifiantes, qu’il est des boulangeries, en plein cœur de la capitale, où les hommes sont systématiquement servis avant les femmes. La croisade contre le sexisme et la reconquête de ces territoires ne se fera pas à coup de manifestations festives.

Plutôt que de divertir la nation avec la mobilisation de «people» contre le sexisme ordinaire et la distribution de badge estampillé «Sexisme, pas notre genre», le gouvernement devrait porter le fer là où s’exerce une véritable domination masculine, en commençant par les territoires perdus de la République, ces enclaves ayant fait sécession d’avec nos mœurs, nos lois, nos principes, dont l’égalité des sexes, vivant sous l’autorité et la règle d’un islam radical. Les femmes qui se dressent vaillamment contre leur assujettissement, s’y retrouvent bien seules.

Il est vrai que cela suppose un courage qui n’est pas notre fort. Autant il est aisé de mobiliser contre le mâle blanc hétérosexuel de plus de cinquante ans, autant il est inenvisageable de réunir Julie Gayet ou Axel Kahn, pour ne citer que deux des parrains de l’opération de Madame Rossignol, contre la mise sous tutelle des femmes par l’islamisme. J’aimerais les voir aux côtés de Nadia Remadna, la présidente de la Brigade des mères à Sevran par exemple.

Surtout après l’affaire du «burkini», une large partie du gouvernement ne parle guère d’islamisme. Sur la question des femmes, Laurence Rossignol a lancé l’expression de «campagne culturelle». Qu’en dîtes-vous?

Cette «campagne culturelle» est l’ultime invention des communicants d’un président aux abois. S’agit-il de reconquérir un électorat perdu? Doit-on y voir une tentative de diversion, afin de faire oublier l’incurie et l’impéritie du gouvernement?

Et avec quelle ardeur et quel zèle les médias relayent la campagne du gouvernement. Je pense notamment à France Inter qui a ouvert le bal en recevant dès lundi, Laurence Rossignol, laquelle leur a fait l’honneur de «dévoiler» des chiffres alarmistes sur les humiliations, les injustices dont les femmes seraient victimes. Or, c’est sur cette même antenne que, quelques jours auparavant, Thomas Legrand vociférait contre ceux, dont je suis, qui avaient eu la faiblesse de prendre au sérieux l’irruption sur nos plages de ce vêtement qui dit non seulement la sécession d’avec la communauté nationale mais la soumission des femmes à des diktats masculins. «Surenchère normative» dénonçait-il, et complicité implicite avec le Front national.

Qu’est-ce qui peut motiver idéologiquement Laurence Rossignol?

L’esprit qui préside à cette campagne ministérielle s’inscrit dans la continuité du rapport sur «le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun» et poursuit le même objectif.

Il s’agit de conduire les femmes à ne pas oublier qu’elles sont et demeurent les victimes des hommes, c’est-à-dire, je le répète, des mâles blancs hétérosexuels et, suspects entre tous, de plus de cinquante ans, partant que la lutte continue. Ces néo-féministes ne redoutent rien tant que de voir les femmes considérer que l’égalité est acquise – ce qui est, soit dit en passant.

Lorsque le rapport sur les transports en commun fut rendu public, l’information a été couverte par tous les médias, unanimement et presque toujours dans les mêmes termes: «Harcèlement dans les transports en commun: 100% des femmes en ont été victimes». Ce score, si je puis dire, m’intrigua. Je lus donc attentivement le rapport. La conclusion était quelque peu hâtive, la réalité était que 100% des femmes avait fait l’expérience d’un regard suggestif, d’une apostrophe flatteuse, d’un sourire enjôleur. Or, et là était le problème, pour le Haut Conseil à l’Egalité dont émanait ce rapport, les femmes n’identifient pas spontanément et nécessairement ces signes à du harcèlement, ni l’homme sensible à leur charme à un agresseur. L’enjeu de la campagne était donc de faire prendre conscience aux femmes qu’elles étaient victimes d’agression. Naïves que nous sommes, nous interprétons comme un hommage à notre féminité ce que nous devrions ipso facto identifier comme une offense! Le scénario est toujours le même avec ces belles âmes, il y a d’un côté, les consciences instruites et de l’autre, les masses ignorantes qu’il faut éclairer.

L’objectif est le même objectif.

Je voudrais souligner que rien n’est plus offensant pour la femme que je suis que d’entendre mes semblables verser dans un discours victimaire, se plaignant, comme dans une cour d’école, des «humiliations», des «injustices» que les hommes leur feraient subir, comme si nous n’avions toujours pas accédé à l’âge de la majorité et n’étions pas en mesure de répliquer à ces avanies.

Le ministre Laurence Rossignol a déclaré que le sexisme était un «ensemble de stéréotypes, de représentations, de comportements qui parfois sont nichés dans notre inconscient collectif et qui contribuent à «impuissanter» les femmes, les ramener toujours à une condition dont elles sortent depuis plusieurs dizaines d’années et les déstabiliser au quotidien». Cette définition frappe par la largeur de son spectre comme si la reconnaissance d’une différence des sexes était déjà en soi une forme de sexisme. Qu’en pensez-vous?

Avant de vous répondre sur le fond, j’attirerai l’attention sur ce verbe forgé par la ministre ou sans doute ses communicants, Impuissanter… Mona Ozouf disait des femmes qu’elles étaient les vigies de la langue, mais c’est assurément un préjugé sexiste que la ministre a à cœur de démentir!

Le gouvernement nous a certes accoutumé à pareil volapük, mais le ministère de Madame Rossignol se montre particulièrement sourcilleux sur la langue. Il est vrai que celle-ci n’intéresse qu’en tant que cheval de Troie du sexisme. Je renvoie au grotesque «Guide pratique pour une communication sans stéréotype de sexe» édité en novembre 2015 par le Haut conseil à l’égalité. Chacun aura d’ailleurs observé, partageant peut-être mon impatience, qu’il n’est pas un ministre, à commencer par le Premier d’entre eux, qui ne se soumettent à l’impératif catégorique énoncé en son temps par Najat Vallaud Belkacem, l’inversion de la préséance dans le rapport du masculin et du féminin: tous parlent à l’unisson de l’ «égalité femme-homme».

L’usage du mot sexisme ne vise rien d’autre qu’à diaboliser, criminaliser toute perception, toute pensée, toute exaltation de la dualité sexuelle. Cette épithète est absolument redoutable, elle vise à surveiller et punir les hommes en tant qu’ils s’obstinent à voir dans les femmes des femmes et à n’y être pas indifférents.

Cette notion de sexisme est, à dessein, une nébuleuse. Elle est une sorte d’enseigne destinée à recevoir les réalités les plus floues: N’importe quelle parole, n’importe quel comportement suspect de pactiser avec le «mythe» de la différence des sexes est menacé d’y être expédié. Où commence, où finit le sexisme? La frontière ne peut être tracée. C’est donc une chasse illimitée et sans merci qui s’ouvre.

Il n’est pas inutile de rappeler que le mot de sexisme a été forgé sur le modèle du terme racisme. Il n’est donc pas fortuit qu’il en partage les dérives. De la même façon que se trouve assimilé à une attitude raciste tout attachement à la nation, à ses mœurs, à son histoire, à sa singularité et la hantise de la voir se dissoudre ; se trouve rangé sous le vocable de sexisme, toute attitude qui témoigne de l’attachement à une certaine idée du masculin, du féminin et du jeu qui se noue entre eux, et l’obstination à les perpétuer.

La ministre se réjouissait sur France Inter de ce que ce vocable de sexisme, longtemps confiné dans les cercles militants, se soit diffusé dans l’ensemble de la société. La présidence Hollande, avec Najat Vallaud-Belkacem qui occupa ce ministère de 2012 à 2014, chaperonnée par l’inénarrable Caroline de Haas, y aura amplement contribué. Souvenons-nous des séminaires de sensibilisation aux préjugés sexistes imposés en 2012 à l’ensemble de son gouvernement par le Premier ministre d’alors, Jean-Marc Ayrault, et ce à l’initiative de la future ministre de l’Education nationale. Ces stages visaient à immuniser nos ministres contre toute parole qui ferait référence à une quelconque différence des sexes. La fondatrice d’ «Osez le féminisme» leur projetait des images de babygros, afin de démontrer qu’à peine né, chacun des sexes se trouvait assigné à un rôle, fatalement dévalorisant pour le sexe féminin (gourmande, jolie), flatteur pour le sexe masculin (vaillant, robuste). Et voilà comment le destin des hommes et des femmes serait à jamais scellés! Les ministres ressortaient édifiés, incapables d’objecter quoi que ce soit à ces démonstrations purement idéologiques.

Il ne s’agit pas de défendre les stéréotypes – il en est assurément – mais de prendre garde à ne pas rabattre toute pensée de la différence des sexes sur des stéréotypes, sur des préjugés.

De quoi «les stéréotypes, les représentations, les comportements nichés dans l’inconscient collectif» dont parle justement Madame Rossignol sont-ils le nom?

Ils ne désignent rien de moins que l’imaginaire collectif, les significations que nous avons attachées au masculin, au féminin, au relation et au jeu qui se nouent entre eux et qui cimentent la communauté nationale.

Nous avons perdu le sens de la gratitude pour nos mœurs, on nous a tympanisé les oreilles avec l’idée que la différence des sexes n’avait été pensée, conçue qu’en termes de domination. Le paradigme des rapports de force hérité de Michel Foucault s’est imposé comme grille de lecture exclusive, nous rendant inaccessibles au moindre sentiment de dette.

Dans l’esprit de ce féminisme converti à la radicalité anglo-saxonne et acquis aux thèses du Genre, le premier des préjugés est de croire en la différence des sexes. Ces néo-féministes aspirent à vivre dans un monde où il n’y aurait plus ni homme ni femme, seulement des individus neutres, délestés de toute enveloppe charnelle.

Dans Eloge de l’amitié, Tahar Ben Jelloun écrit: «Respecter une femme, c’est pouvoir envisager l’amitié avec elle ; ce qui n’exclut pas le jeu de la séduction, et même, dans certains cas, le désir et l’amour». N’est-ce pas là une réponse des plus adéquates aux plus extrémistes, qu’ils soient islamistes ou féministes?

Assurément. Car en effet, l’islamisme et le néo-féminisme inspiré du féminisme américain se rejoignent dans une même hantise du désir que l’homme et la femme s’inspirent respectivement.

La croisade des féministes est tournée contre l’hétérosexualité. La rédemption, à leurs yeux, est dans l’homosexualité: le désir du même pour le même mettrait à l’abri du rapport de domination qui sature la relation homme/femme.

Et il n’est pas fortuit que la France soit leur commun abcès de fixation, car plus que tout autre nation, nous avons exalté ce jeu de la séduction dont parle Tahar Ben Jelloun. Je mentionnerai également le bel hommage que Kamel Daoud rendait à notre art de la mixité des sexes dans un entretien au Magazine littéraire : «Ce que je jalouse dans l’Occident, disait le romancier, la seule avance qu’il a, comparé à nous, c’est dans le rapport aux femmes» et dans un autre entretien, il distinguait particulièrement la France dont la littérature, confiait-il, avait joué un rôle majeur dans sa propre éducation amoureuse.

Si aujourd’hui, gouvernement et médias se donnent la main pour peindre une France inamicale, voire hostile aux femmes, souvenons-nous qu’en novembre 2015, après les carnages islamistes des terrasses de café des Xe et XIe arrondissements de la capitale, la mixité des sexes était célébrée comme une composante essentielle de l’art de vivre à la française.

Comment expliquez-vous ce décalage voire cet aveuglement radical face à la menace islamiste à l’égard des femmes?

Ce décalage s’explique par le deux-poids deux-mesures de l’islamo-gauchisme. Les néo-féministes en offrirent un funeste exemple lors des agressions sexuelles de Cologne la nuit de la saint-Sylvestre. Les agresseurs étaient musulmans. Entre deux maux – la violence faite aux femmes et la crainte de se rendre suspect d’islamophobie, de faire le jeu du Front national – les égéries du néo-féminisme n’hésitent pas un instant. Elles sacrifient les femmes. La barbarie peut croître, leur conscience est sauve: elles restent du côté de ceux qu’elles ont définitivement rangés dans le camp des opprimés, des reprouvés, des damnés de la terre. Ces égéries comptent des hommes, notamment Eric Fassin qui, à la faveur de cet événement, a déployé une rhétorique destinée à déresponsabiliser les coupables, tout à fait ignominieuse (1).

L’idéologie triomphe de toute exigence de vérité et de tout principe de réalité. On songe à la phrase de Tartuffe au sujet d’Orgon: «Je l’ai mis au point de tout voir sans rien croire». Cela vaut pour le féminisme contemporain.

(1) Je me permets de renvoyer à mon article de La Revue des Deux Mondes, «Evénements de Cologne, un cas d’école» (Juin 2016).

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