Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

21 de desembre de 2022
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Renée Fregosi: Le propalestinisme, cette passion de la gauche française

Dins el dossier “Le Monde – Israël, un lynchage sans fin” que publica Tribune Juive destaca aqueix article de Renée Fregosi,  filòsofa i  politòloga, ha escrit  “Comment je n’ai pas fait carrière au PS. La social-démocratie empêchée” (Ed. Balland, 2021) i “Français encore un effort… pour rester laïques !” (Ed. L’Harmattan, 2019), Le propalestinisme, cette passion de la gauche française:

L’essor du propalestinisme

Le propalestinisme est l’engagement inconditionnel en faveur de la « cause palestinienne ». Caractérisée à la fois par sa tonalité islamiste et sa dimension « révolutionnaire », la cause palestinienne est la conséquence logique de l’invention du « peuple palestinien », vraisemblablement par le KGB, les services secrets soviétiques. Ces derniers ont parrainé l’OLP en 1964 dans le but de détruire l’État d’Israël, chasser les Juifs du Moyen Orient et affaiblir les Etats Unis. Pour ce faire, une rhétorique victimaire a été diffusée dans la région et bien au-delà, qui a fini par mobiliser de nombreux soutiens tant militants qu’institutionnels (Union Européenne, ONU…).

L’engagement propalestiniste a donc germé à gauche dès les années 60-70, mais il ne s’est développé que lentement dans la mesure où il a toujours marché de pair avec une conception révolutionnaire du changement social. Aujourd’hui, avec le retour en force de la « violence révolutionnaire » et l’effondrement de la gauche démocratique, le propalestinisme constitue l’ultime mythe mobilisateur de l’eschatologie messianique révolutionnaire dont l’islamo-gauchisme est la matrice.

A partir des années 2000, cet islamo-gauchisme va en effet commencer à s’affirmer à travers la chaîne d’équivalences (selon l’expression d’Ernesto Laclau) entre Palestiniens, Arabes, immigrés, migrants, musulmans, militants islamistes, ex-colonisés, néo-colonisés, nouveaux « damnés de la terre ». On a vu ainsi se mettre en mouvement une circulation du signifiant (selon l’expression de Jacques Lacan) « sujet révolutionnaire » réactivant le processus des religions séculières et entrant en congruence avec la dynamique politique de l’intégrisme musulman.

La rupture avec le sionisme de la SFIO

Tout au long de son histoire, le Parti Socialiste (PS) a été mis au défi par les « révolutionnaires » qui cherchaient à imposer une conception mystique autoritaire de la transformation sociale. Bien que minoritaire en interne lors du Congrès de Tours, la fraction qui avait résisté au bolchevisme a été choisie majoritairement par l’électorat de gauche lors des élections de 1936. C’est ainsi que Léon Blum a été en position de présider le gouvernement du Front populaire et d’y mettre en pratique sa théorie de l’exercice du pouvoir contre l’option de la prise révolutionnaire du pouvoir.

C’est également dans une opposition frontale avec le Parti communiste et l’URSS de la guerre froide que Guy Mollet a conduit le gouvernement du Front républicain en 1956 et s’est inscrit dans une continuité affirmée avec les réformes sociales de 1936. Sous la présidence de ces deux leaders, le PS a également adopté une ligne de soutien que l’on peut qualifier de sioniste au mouvement juif mondial puis à l’État d’Israël.

Léon Blum déclarait en 1925 « qu’un socialiste ne peut qu’espérer de beaux fruits de la renaissance d’une culture juive », puis à partir de 1946, passant d’un sionisme philanthropique à un sionisme politique (selon l’expression de Pierre Birnbaum(19)), il défendra de toutes ses forces la création de l’État d’Israël et obtiendra de la France un vote favorable à l’ONU et une reconnaissance relativement précoce.

En 1956, Guy Mollet déclarait au moment de la crise de Suez dans laquelle il avait engagé courageusement la France : « Nous connaissons bien le peuple d’Israël. Nous savons son courage et sa résolution, le courage avec lequel, jour après jour, les Israéliens s’attachent à la mise en valeur d’un sol difficile, le courage avec lequel, environnés de populations hostiles, ils maintiennent l’intégrité de leur territoire.

Nous savons leur attachement aux droits de l’homme et aux principes fondamentaux de la démocratie, principes dont, plus que personne peut-être, ils savent le prix réel. Nous savons, enfin, les provocations auxquelles Israël est soumis de la part de certains pays arabes. Nous savons que ces pays – je dis bien : certains d’entre eux – agissent de plus en plus à l’instigation de l’Égypte et qu’ils affichent ouvertement leur volonté de rayer un jour Israël de la carte(20) ».

L’incubateur des années 80-90

Face au soutien de l’État d’Israël par les socialistes, les communistes, alignés sur Moscou, soutenaient eux, les pays arabes. La guerre d’Algérie a même posé les fondements du premier islamo-gauchisme à travers le soutien au FLN. La SFIO s’est alors trouvée attaquée à la fois par le PC et par de nouvelles forces qui se développaient à gauche autour de l’UNEF et du PSU d’une part, mais aussi au sein de la nébuleuse trotskiste. Plus tard, l’entrée au PS mitterrandiste de nombreux représentants de ces trois mouvements (communiste, nouvelle gauche et trotskiste) a renforcé la pression en faveur du virage pro-palestiniste du Parti.

Á partir du milieu des années 70, une lente dérive propalestinienne s’amorce tant au PS français qu’au sein de l’Internationale socialiste (21). Si bien que dans les années 1980, le soutien à Israël est devenu des plus ambigus. C’est en effet au cours de ces années 80-90, années du mitterrandisme, de SOS racisme, de l’engouement pour la révolution islamique d’Iran et de l’abandon du combat laïque, que la nouvelle orthodoxie a commencé de s’emparer de la gauche.

Le journal Le Monde, reflet de l’évolution propalestiniste à gauche

Le journal Le Monde, et la plupart des médias « de gauche », ont bien sûr accompagné ce mouvement. La détestation d’Israël se manifeste ainsi sous les quatre types principaux du discours devenu majoritaire à gauche :

1) Une partialité systématique au détriment d’Israël dans le compte-rendu des affrontements qui opposent les Israéliens aux Palestiniens. Ainsi, le 17 juin 2022, le corps de l’article énonce un fait objectif – « Depuis le mois de mars, dix-neuf personnes, en majorité des civils, ont été tuées lors d’attaques en Israël et en Cisjordanie, perpétrées par des Palestiniens et des Arabes israéliens depuis la fin de mars» – tandis que le titre et le sous-titre sont : « Trois Palestiniens tués en Cisjordanie dans une opération de l’armée israélienne » et « Multiplication des opérations israéliennes ».

2) Une délégitimation d’Israël par l’usage du terme apartheid. Ainsi, entre juin et août 2022, la thématique revient au moins trois fois : « Dès 2008-2009, au regard du droit international, nous avons conclu que la nature du régime qu’on nous imposait allait au-delà de la simple occupation : c’est un apartheid et un régime colonial » déclare le directeur d’une ONG palestinienne dans un long entretien complaisant. Un peu plus tard, les journalistes Benjamin Barthe et Abel Mestre se font un plaisir de placer « apartheid » dans un titre : « Régime d’apartheid » : l’accusation lancée contre Israël par des ONG des droits de l’homme rebondit sur les bancs de l’Assemblée nationale ».

Quant à Louis Imbert, à propos des élections israéliennes, il affirme : « Lundi, M. Bennett a expliqué que sa coalition avait perdu les moyens de renouveler une série de lois qui entretiennent dans les territoires de Cisjordanie un régime d’apartheid, soumettant les Palestiniens à une occupation militaire… ».

3) Une analogie est systématiquement établie entre le sort fait aux Juifs sous le nazisme et celui des Palestiniens en Israël. Shoah, colonisation, esclavage sont mis en équivalence comme autant de « crimes contre l’humanité ». En mai 2022, Louis Imbert a estimé ainsi qu’une décision de la Haute Cour de justice d’Israël avait légalisé des transferts de population qui seraient « définis comme un crime contre l’humanité par le Statut de Rome ».

4) Récemment, la guerre en Ukraine a fait émerger l’idée d’un « privilège juif », dérivé du « privilège blanc » utilisé par les indigénistes. De mars à mai 2022 par exemple, on dénombre au moins trois articles estimant que « Si le combat des Ukrainiens bénéficie d’un large soutien international, celui offert aux Palestiniens luttant contre l’occupation est bien chiche » (selon les mots de Rony Brauman). Par ailleurs, la correspondante du journal, Clothilde Mraffko, reprend semble-t-il à son compte les propos d’un Palestinien estimant que « Les Européens, en traitant Israël comme une exception, l’ont encouragé à continuer ses violations ».

Une spécificité française

La nouvelle radicalité de gauche qui s’exprime à travers un propalestinisme virulemment anti-Israël se retrouve dans tous les pays occidentaux des États-Unis à l’Europe, en passant par l’Amérique latine. La gauche intellectuelle israélienne n’est pas épargnée non plus. Au demeurant, la France est particulièrement touchée et cela pour au moins quatre raisons historico-culturelles qui lui sont spécifiques :

1) La question coloniale : difficulté à décoloniser et à garder de bonnes relations après la décolonisation. La guerre d’Algérie constituant l’abcès de fixation le plus le grave et le plus emblématique.

2) L’immigration massive en provenance des anciennes colonies, notamment du Maghreb et tout particulièrement de l’Algérie.

3) La place singulière des intellectuels « engagés » et leur fâcheuse tendance à pratiquer l’intransigeance inquisitoriale.

4) Enfin c’est en France que la ligne de fracture entre d’une part le socialisme démocratique, républicain, réformiste et traditionnellement sioniste et d’autre part le bolchevisme sous ses différents avatars communistes, trotskistes, maoïstes, sera la plus marquée et la plus durable.

Aujourd’hui, réduit à la portion congrue, le PS a lâché prise face à l’option révolutionnaire. Malgré quelques voix dissidentes inaudibles, le PS se laisse misérablement aller à des prises de positions de type « antisionistes » (avec toutes les ambiguïtés de cette notion) objectivement complices en tous les cas des propos antisémites de certains représentants de la LFI et de la complaisance de ce mouvement pour l’islamisme.

Post Scriptum, 25 d’octubre del 2023.

Renée Fregosi publica avui a Tribune Juive aqueix article: “Cette passion dévastatrice anti-Israël est aussi un crime contre la raison”.

Caractérisé par son fondement islamiste et sa dimension révolutionnaire, le propalestinisme est avant tout une passion. Il consiste en un engagement inconditionnel en faveur de ladite “cause palestinienne” et son but stratégique est la destruction d’Israël et sa tactique, la délégitimation de l’État juif notamment par la victimisation obsessionnelle des populations palestiniennes. Or l’idéologie propalestiniste est aujourd’hui devenue une vulgate hégémonique car elle a insidieusement gagné les esprits de façon majoritaire. Et cela non seulement dans les pays dits « musulmans » jusqu’en Indonésie, mais aussi en Occident et tout particulièrement dans le monde anglosaxon et en France, grâce à l’adhésion progressive d’une grande part de la gauche politique, des intellectuels et des médias. Depuis l’épouvantable raid terroriste du Hamas en Israël, le 7 octobre dernier, on voit ce propalestinisme lamentablement à l’œuvre.

À peine découvre-t-on ce matin-là l’ampleur des assassinats, tortures, dévastations, enlèvements, et l’indicible des crimes contre l’humanité commis par le Hamas, que des manifestations de masse contre Israël se lancent dans les rues, du Caire à Téhéran, de Tunis à Jakarta en passant par Damas ou Istanbul. De New-York à Londres et bien sûr dans les grandes villes de France, des rassemblements en soutien au « peuple palestinien » se tiennent aux cris de “Israël assassin” et du sinistre “Allahu akbar”. En somme, l’attaque contre la population civile israélienne serait méritée puisqu’il y aurait, selon le communiqué de LFI (La France insoumise), une “intensification de la politique d’occupation israélienne à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem Est”, et que le Hamas serait un “mouvement de résistance”.

Ce penchant pour la logique de l’excuse trouve naturellement un écho dans le monde médiatique, souvent sous le couvert hypocrite d’une posture “équilibrée” renvoyant dos-à-dos Israéliens et Palestiniens. Et lorsque le 17 octobre, une explosion se produit dans la cour de l’hôpital Al Ahli de Gaza, la presse écrite et audiovisuelle occidentale, relayant l’annonce de la chaîne qatarie Al Jazeera, se précipite sans réflexion dans une dénonciation plus ou moins directe : il s’agirait d’une frappe de Tsahal, faisant près de 500 morts dont de nombreux enfants et femmes enceintes. Bien sûr, les jours suivants apporteront les éléments techniques probants disculpant l’armée israélienne et réduisant considérablement le nombre des victimes, mais le mal est fait et la plupart des médias qui se sont rendus complices de la fake news resteront très discrets sur leur coupable bévue. Pourtant, la simple raison leur aurait fait au moins soupçonner qu’Israël n’avait aucun intérêt, bien au contraire, à lancer un tel bombardement au moment même de la visite de Jo Biden et à la veille de sa rencontre importante avec le président égyptien Al Sissi et le roi de Jordanie, qui a de ce fait été aussitôt suspendue.

Le monde intellectuel, hélas, peut parfois être paradoxalement enclin aux engouements irraisonnables et aux emballements conduisant au pire. Sans remonter aux centaines d’universitaires de toutes disciplines, de la philosophie à la biologie, du droit à l’archéologie, en passant bien sûr par la médecine et l’histoire qui ont légitimé et structuré l’idéologie hitlérienne, ou ces “intellectuels engagés” qui ont soutenu aveuglément non seulement Castro, mais aussi Staline, Mao et Pol Pot, il suffit de constater aujourd’hui comment l’idéologie woke et la propagande islamiste ont envahi les campus. Le plus troublant est la convergence et la collusion entre wokisme et islamisme. À y regarder de plus près cependant, on constate que la même la passion “décoloniale” anime les deux mouvements, et cette passion est tellement puissante qu’elle balaie toute réticence des wokistes à tenir des position propalestinistes. Comment expliquer autrement par exemple, que des militants LGBTQ++ aient fondé un mouvement spécifique “Queers for Palestine” (Les homos pour la Palestine) alors que les islamistes les persécutent, allant jusqu’à les assassiner des pires façons dans les attaques jihadistes ? Leurs banderoles ont ainsi fleuri dès le 7 octobre à Times Square à New-York et sur plusieurs campus, lors de manifestations de soutien au Hamas.

Dans la vision fantasmatique conjointe que la plupart des wokistes partagent avec les islamistes, le Juif demeure en effet l’exploiteur capitaliste et le financier “suceur du sang du peuple” de l’antisémitisme de gauche traditionnel, avec son versant complotiste de “maître du monde”, mais il est devenu de surcroit, colonialiste. Mondialiste après avoir été “cosmopolite”, le Juif n’est plus l’apatride, le “métèque”, le “sang-mêlé”, la “race inférieure”, voire le “sous-homme” de l’antisémitisme raciste de jadis mais devient au contraire le “super-blanc” dans une conception racialiste de la domination : suppôt de l’impérialisme américain, ancien supplétif des colons français et nouveau “colon” des “territoires occupés” ( “disputés”  de fait, après que la Jordanie qui s’en était emparé en 1948 en a été chassée par la guerre des Six-jours en 1967).

Dans ce justicialisme “antisioniste” et propalestiniste, la victimisation du peuple est, comme dans tout simplisme populiste, consubstantielle à l’affirmation de l’impunité des puissants et au prétendu “deux poids deux mesures” qui les favoriserait toujours. Le justicialisme consiste en une posture qui réclame la justice tous azimuts pour “les petits, les dominés, les discriminés, les exclus” considérés comme systématiquement “stigmatisés” et injustement persécutés, tandis qu’une injustice foncière organiserait l’impunité des puissants, des privilégiés, des élites corrompues et licencieuses, des dominants, des bénéficiaires de la mondialisation. Or parmi les favorisés, les Juifs accusés de “profiter” de tout y compris de la Shoah, occupent une place privilégiée en quelque sorte. Le “privilège juif”, cet hashtag qui s’est répandu comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux depuis 2020, a été inventé comme justification ultime de cet antisémitisme contemporain.

Les Juifs seraient donc des colonisateurs qui usurperaient la terre des Arabes et plus particulièrement desdits Palestiniens, allant jusqu’à réaliser un génocide du “peuple palestinien”, en se faisant passer pour des victimes, comme le faisaient les nazis, dont les Juifs seraient une nouvelle incarnation. Vladimir Jankélévitch était donc visionnaire dans un texte de 1967, repris dans l’ouvrage posthume “L’imprescriptible”, quand il dénonçait ce retournement de la raison rationnalisante : “L’antisionisme est une incroyable aubaine, car il nous donne la permission – et même le droit, et même le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les juifs étaient eux-mêmes des nazis? Ce serait merveilleux”.

Post Scriptum, 1 de maig del 2024.

Avui, Renée Fregosi a Tribune Juive: “Le propalestinisme, une idéologie du Sud global”.

 

 

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