Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

3 de setembre de 2023
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Pierre-André Taguieff: De quoi Médine est-il le symptôme et le symbole ?

Pierre-André Taguieff, eminent historiador del pensament polític contemporani,  analitza en aqueix article aparegut el proppassat 31 d’agost a Le Point “Comment une partie notable de la gauche française s’est laissé contaminer par un néo-antiracisme judéophobe. Analyse d’une dérive”. L’escrit fa referència al fet que un raper islamista i antijueu com Médine ha estat l’estrella de les escoles d’estiu de la France Insoumise i dels ecologistes:

Comment une partie notable de la gauche française s’est laissé contaminer par un néo-antiracisme judéophobe

Depuis la fin des années 1960, on a assisté à la lente réinvention d’une vision antijuive du monde, dont l’un des principaux traits et qu’elle s’est accomplie sur des terres de gauche et surtout d’extrême gauche,  au nom de “l’antiracisme “. La création de l’État d’Israël le 14 mai 1948 a été aussitôt dénoncée comme une “catastrophe” ou un crime par les ennemis du projet sioniste, de droite comme de gauche. La rediabolisation des juifs s’est opérée sur la base de la diabolisation d’Israël et du “sionisme”, dénoncé comme “une forme de racisme”  et fantasmé d’une façon complotiste comme “sionisme mondial”. Corrélativement, alors que les Palestiniens ont été mythifiés en tant que peuple martyr, victime du colonialisme, de l’impérialisme et du racisme attribués au nationalisme juif, les sionistes ont été criminalisés par les propagandes antisionistes, celle des pays arabes comme celle de l’empire soviétique, avant de jouer le rôle de l’ennemi absolu dans les propagandes des divers groupes islamistes et de la plupart des mouvements gauchistes. Les stratèges culturels de l’antisionisme, sous toutes ses formes, n’ont cessé d’alimenter et d’exploiter l’imaginaire et la rhétorique victimaires, autour de la figure du Palestinien-victime, devenue progressivement celle du musulman-victime.  Ce gros amalgame victimaire a permis d’articuler antisionisme radical et “lutte contre l’islamophobie”.

Le traitement démonologique du conflit israélo-palestinien a chassé toute approche politique de ce dernier. Cet antisionisme gnostique globalisé est au cœur de la nouvelle judéophobie. On peut considérer qu’il s’est substitué en partie au vieil antisémitisme, qui survit cependant dans les milieux extrémistes de droite, qu’il s’agisse de chrétiens fondamentalistes ou de néonazis.

Au cours du dernier demi-siècle, pour les gauches et les extrêmes gauches, la “cause palestinienne” est devenue une “cause universelle”, voire la cause des causes. C’est surtout à travers elle que la gauche anticapitaliste et anti-impérialiste s’est ralliée à une vision à la fois angélique et victimaire de l’islam et des musulmans.

Cette convergence idéologico-politique présuppose à la fois que la lutte contre l’antisémitisme est secondaire, résiduelle ou dépassée et que la “lutte antiraciste” doit désormais avoir pour cible principale, sinon exclusive, ce qu’on appelle, dans ces milieux militants extrémistes, “l’islamophobie.

L’ennemi fantasmé de l’islam et des musulmans est censé s’incarner avant tout dans Israël et le “sionisme”, ainsi que dans les milieux de droite ou d’extrême droite dénoncés comme “sionisés”, on disait naguère “enjuivés” ou “judaïsés”.

C’est pourquoi les juifs sont redevenus, dans l’imaginaire d’une partie de la gauche, des suspects ou des coupables en puissance, au point d’incarner le nouveau racisme qu’est “l’islamophobie” ou le “racisme antimusulmans”, sans parler du “sionisme”, mot employé comme une injure. C’est ainsi que le néo-antiracisme islamophile et judéophobe s’est transformé en vulgate et que les gauches se sont laissé insensiblement imprégner par ce nouvel ensemble d’évidences idéologiques, qui n’a cependant pas fait disparaître la nuée de clichés et de stéréotypes négatifs sur les juifs, “riches”,  “capitalistes”, “dominateurs”, “exploiteurs”   et “manipulateurs”, qui surgissent sur le mode du retour du refoulé.

Rares sont aujourd’hui ceux qui, tel Dieudonné en 2009, osent dénoncer “le puissant lobby des youpins sionistes”. Non seulement la plupart des anti-juifs contemporains ne se disent pas “antisémites”, mais ils vont jusqu’à déclarer qu’ils luttent contre l’antisémitisme. L’hostilité aux juifs se manifeste désormais dans l’espace public sans être revendiquée et d’une façon indirecte. D’où le recours à des procédés rhétoriques relevant de l’humour, de la satire et de l’ironie, allant du jeu de mots aux traits d’esprit, visant à faire rire aux dépens des juifs. En témoigne par exemple le calembour publié le 10 août 2023 sur Twitter par le rappeur Médine visant l’essayiste Rachel Khan, juive et petite-fille de déportés juifs : “resKHANpée”.  Et de caractériser ainsi sa cible en l’extrême-droitisant  : “Personne ayant été jetée par la place Hip Hop, dérivant chez les socialtraîtres et bouffant au sens propre à la table de l’extrême droite”.

Mais ledit rappeur, présenté comme  “proche de la Nupes”, “antiraciste” et “antifasciste de longue date”, n’a nullement assumé l’intention antijuive de son calembour. Reconnaissant une “erreur”, il a déclaré au quotidien “Le Parisien” le 23 août 2023 : “C’est un tweet maladroit. […] l’antisémitisme est un poison, je le combats depuis longtemps”.  A cet égard, Médine peut être considéré comme un symptôme social. Le rappeur n’en a pas moins été invité aux universités d’été des Verts pour y débattre le 24 août avec Marine Tondelier -secrétaire nationale d’EELV-, ainsi qu’aux universités d’été  de LFI, où il a été applaudi. Ce respectable antifasciste et antiraciste n’aurait commis qu’une bien excusable maladresse textuelle, transformée malignement par des  “islamophobes” de tous bords en invective antisémite. Le symptôme Médine s’est ainsi doublé d’un symbole, celui de la bonne altérité islamique, qui ne saurait être critiquée que par “l’extrême droite” et une gauche “reac-publicaine” saisie par une pitoyable “panique morale”.

Angélisme et démonologie

Cette réorientation de l’antiracisme interfère avec la stratégie politico-culturelle des multiples associations créées par les Frères musulmans, dont l’objectif consiste soit à infiltrer certains mouvements antiracistes, soit à se donner le visage d’organisations antiracistes. Placée au cœur de l’antiracisme, la “lutte contre l’islamophobie” se métamorphose ainsi en mode de légitimation de l’islamisme. Dans un contexte où l’extrême gauche dans son ensemble et une partie de la gauche tendent à basculer dans l islamophilie angélique et l’antisionisme démonologique, les islamistes intelligents ont compris qu’ils devaient jouer la carte de l’antiracisme. Ils pouvaient ainsi apparaître comme des “humanistes”, des “progressistes” et des “universalistes” politiquement corrects, c’est-à-dire des partisans d’un “universalisme pluriel”. Du début des années 1990 à la fin des années 2010, l’idéologue médiatique du “réformisme islamique” Tariq Ramadan, avant sa chute pitoyable en 2018 pour des affaires de mœurs, avait parfaitement réalisé ce projet : par sa défense de la cause palestinienne et sa présentation édulcorée du fondamentalisme islamique, Ramadan, déjà adoubé par l’extrême gauche néo-tiers-mondiste et altermondialiste, s’était attiré la sympathie d’une partie de la haute intelligentsia de gauche ( de Jean Ziegler à Edgar Morin), qu’il avait contribué à convertir à l’islamophilie militante.

En 2012, dans son livre d’entretiens avec Pascal Boniface, “Don’t Panik”, le rappeur Médine, adepte d’un islam identitaire et politique, ne cachait pas sa dette à l’égard de Ramadan, qu’il présentait comme l’un de ses maîtres et comme celui qui “représente le mieux la communauté musulmane européenne” : le chapitre sur Ramadan se termine sur un jeu d’identifications fantasmées hautement significatif :   “Toutes proportion gardées, je me sens être un peu Muhammad Ali dans les rues de Harlem avec Malcolm X lorsque nous sommes ensemble dans les manifestations de tout type”.

Rappelons que le célèbre boxeur Cassius Clay s’était fait appeler Muhammad Ali en 1965 après sa conversion à l’islam et son adhésion à la Nation of Islam (NOI), dirigée par Elijah Muhammad et dont le porte-parole national avait été Malcolm X. Le même Muhammad Ali, auquel Médine n’hésite pas à s’identifier, a déclaré dans une interview parue le 1 février 1980 dans le journal “India Today” : “Vous savez que la structure du pouvoir global est sioniste. Ils contrôlent l’Amérique ; ils contrôlent le monde”.

C’est par cette vulgate  “antisioniste”, retraduisant les vieilles accusations antijuives ( domination, impérialisme, manipulation), que des liens se sont tissés entre mouvements islamistes et mouvances gauchistes.

On ne saurait donc s’étonner de la complaisance dont ont fait preuve de nombreux médias de gauche  à propos des invitations de Médine par EELV et LFI. Leur regard sur le rappeur est le même que celui des mouvements néogauchistes qui lui font les yeux doux. Comment oser accuser d’antisémitisme un rappeur musulman célèbre, antiraciste déclaré et de gauche, “issu des quartier populaires” et suivi par des centaines de milliers de “jeunes des banlieues”, électorat qu’il s’agit de séduire ?

Le choix des partis et des médias néogauchistes est celui de la banalisation : il n’y aurait pas d’affaire Médine. La gauche divine reste fidèle à elle-même : aveugle, portée par le déni, vertuiste, donneuse de leçons. Cette gauche divine a récemment pris le visage d’une gauche Médine.

Post Scriptum, 5 de setembre del 2023.

El periòdic ecologista francès “Reporterre” va publicar el proppassat 24 d’agost aqueixa interessant reflexió: “La polémique autour de « l’affaire Médine » est symptomatique de l’incapacité de la gauche à développer une vraie critique de l’antisémitisme, selon le doctorant en sociologie Memphis Krickeberg:« La gauche a une vraie incapacité à identifier ce qu’est l’antisémitisme ».

Post Scriptum, 5 de març del 2024.

Ahir, Rachel Khan alertava des de Le Figaro: «Dans une France où l’antisémitisme prospère, les enfants juifs se construisent comme des citoyens clandestins».

«Les jeunes pensent que…»«Les jeunes veulent que…», «Les jeunes aimeraient que…» : voilà la notion magique que les politiques arborent fièrement à chaque campagne, faisant croire à une proximité avec notre jeunesse dont ils s’approprient un peu de leur superbe à l’eau de jouvence. Or, loin des déplacements séquencés aux finalités électoralistes, à l’instar des «vraies gens» à qui l’on offre gracieusement des éléments de langage, nous avons à la maison de «vrais jeunes», des jeunes faits de chair, de sang et dont le cœur est en mille morceaux, déjà… alors que nés autour de 2005, et qu’ils n’ont pas encore 20 ans.

Toute leur petite enfance, leur enfance, leur adolescence, et jusqu’à leur passage à l’âge adulte a été marqué par l’antisémitisme, la peur et la violence. Face à cette haine permanente et montante, ni l’école de la République, ni le pays des Lumières ne semblent plus assez puissants pour faire d’eux des citoyens comme les autres. Ils avaient un an lorsqu’Ilan Halimi a été retrouvé mort après 40 jours de torture par le «gang des barbares». Peut-être se souviennent-ils, entre «une cuillère pour papa, une cuillère pour maman», d’avoir vu leurs parents pleurer.

En 2012, ils avaient 7 ans, lorsqu’il a fallu faire une minute de silence dans la cour, la maîtresse expliquant que des individus étaient entrés dans une école pour tuer des enfants juifs. Et c’est ainsi, alors qu’ils n’avaient que 7 ans, que leurs parents ont été devancés par l’attentat islamiste de Toulouse. Devancés par le drame, nous n’avons même pas pu transmettre en paix à nos enfants ce qu’est être juif, si ce n’est que de raconter les douleurs ancestrales et de rassurer celles du présent. Et s’il y a des militaires à l’entrée des écoles, c’est, au fond, pour nous protéger, parce qu’on nous aime bien.

Ils avaient 10 ans, lors de l’attentat islamiste de l’Hyper Cacher, porte de Vincennes. 10 ans, ce 9 janvier 2015 où nous aussi, nous avions acheté innocemment des boulettes ou du hareng. Ils avaient 12 ans, en 2017, lorsqu’il a fallu expliquer l’assassinat de Sarah Halimi puis de Mireille Knoll. Ce devait être des bouffées délirantes, mais «ne vous inquiétez pas les enfants». Ils avaient 14 ans lorsque la mode des «quenelles» et autres ricanements de la Shoah ont commencé. Ils avaient 16 ans, en 2021, lorsqu’April Benayoum, dauphine de Miss France est insultée sur les réseaux sociaux, non pas pour son esthétique mais parce que son père est israélien. Non, mais «ne vous inquiétez pas, les enfants, ce n’est pas juif, c’est israélien». Nuance !

Ils avaient 17 ans au moment du Covid, où des pancartes «anti-pass» et «anti-vax» brandissaient le slogan «Mais qui ?» et que la réponse à cette question concernait les Juifs. Non, mais «ce sont des fous, ne vous inquiétez pas les enfants». Sinon, ça avance les révisions pour le bac ? Ils avaient 18 ans en août 2023, lorsque les ricanements de l’été sur leurs arrière-grands-pères venaient des influenceurs haine. Oui, les enfants, vous êtes en âge maintenant, ils font qu’on parle…

Et, puis deux mois plus tard, ce sont les parents qui ont commencé à se poser des questions. Peut-on être juif et avoir 18 ans après le 7 octobre 2023 ? Nos enfants n’ont plus leur âge, en tout cas pas celui de l’insouciance. L’antisionisme botox de l’antisémitisme a fait vieillir leur âme. Ils ont changé leur nom sur Heetch et Uber, ils ont abandonné la fac colonisée par les «free Palestine», les mettant en apartheid, préférant soutenir la «résistance» du Hamas. Ce 1er mars 2024, ils n’ont pas encore 20 ans et apprennent qu’un monsieur, qui aurait pu être leur grand-père s’est fait agresser en pleine rue du XXe arrondissement de Paris pour shabbat. «Sale juif», voilà leur leçon de vie, depuis petits.

Parents, nous vivons avec eux et leurs regards, dans lequel nous retrouvons les silences de nos grands-parents apatrides revenus des camps. Dans d’autres séquences politiques, il paraît que l’attention aux générations futures dans le cadre de l’écologie et d’un développement durable est une priorité ? Mais pour nos enfants, depuis la naissance, le présent rime avec douleur d’un autre temps. Alors, demain, ils ne l’envisagent pas vraiment.

Pourtant, en tant que parents, nous n’avons jamais cessé de leur dire de relever la tête, de leur rappeler que la France est toujours aux côtés de ses enfants, que c’est même écrit dans la Marseillaise et que «ça ira, ça ira», alors que nous n’y croyons presque plus. On ne peut pas mentir aux enfants de cette République, les bien nommés 2005, qui au lieu d’en faire des citoyens éclairés, en a fait des citoyens de l’ombre au judaïsme clandestin.

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