Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

16 de juliol de 2009
0 comentaris

Llibres (LI)

“Roman Polanski”, de F.X. Feeney i Paul Duncan, Taschen, Madrid, 2006.

Roman Polanski, el director de cinema nascut a Polònia, format professionalment als Estats Units d’Amèrica i jueu, és un personatge que sempre m’ha impressionat. Més enllà de la seva extraordinària trajectòria cinematogràfica, de les circumstàncies tràgiques de la seva vida (supervivent de l’holocaust nazi i supervivent de l’assassinat de la seva dona Sharon Tate a mans de Charles Manson i la seva secta) i de les presumptes conductes escabroses de la seva senectut.

Aquest que recomano no és pas un llibre exhaustiu sobre la seva biografia, ni un aplec de documents per erudits de la cinematografia, és simplement una obra divulgativa, farcida d’il·lustracions gràfiques sobre els detalls de la seva activitat com a cineasta. No sóc especialment amant del cinema, m’interessa la força creativa i vital -amb tots els seus mèrits i els defectes- de Polanski, i més enllà dels articles de la premsa rosa que han escampat les seves peripècies amoroses, mirant les fotografies del llibre hom pot copsar (crec) una part de la seva energia, els seus gestors, els seus ulls, el tremp que mostren els supervivents contra pronòstic. “El pianista” -la pel·lícula seva que més m’ha agradat- està basada en una història verídica, però respon també a  la seva personalitat.

Post Scriptum, 17 de febrer del 2021.

Encertat article d’Albert Bensoussan, “Polanski, ce mensch”, publicat ahir al bloc jueu francòfon “Terre des juifs”.

Post Scriptum, 16 de febrer del 2024.

Abans d’ahir Renée Fregosi va publicar aqueixa ressenya a La Revue des DEux Mondes: “Qui a peur de Roman Polanski ? de Sabine Prokhoris”.

Ces jours-ci, la multiplication de nouvelles plaintes pour viol visant de grands noms du cinéma français ranime le mouvement « #MeToo du cinéma ». Les révélations en cascade à l’encontre du très médiatique psychanalyste Gérard Miller viennent également alimenter le torrent des dénonciations d’abus d’autorité et « d’emprise », et les « affaires » s’emboîtent les unes dans les autres. Après une émission de télévision mettant en cause Gérard Depardieu lors du tournage d’un documentaire, des plaintes pour viols avaient surgi contre l’acteur vieillissant jadis adulé. Á la suite de la diffusion d’une interview du cinéaste Benoît Jacquot réalisée en 2011 par Gérard Miller, Judith Godrèche fait une révélation accusant le réalisateur déjà mis en cause par ailleurs, d’autres femmes se décidant à leur tour à témoigner publiquement.

Accusations légitimes ou farfelues, vrais ou faux coupables, c’est tout un monde, toute une époque qui sont ainsi sur la sellette. Et bien sûr, puisqu’il est peut-être la figure la plus emblématique de ce déchainement accusatoire médiatique, le « cas Polanski » est encore une fois agité. La meute pourchasse Polanski à la sortie de chacun de ses nouveaux films. En 2020, devant les salles où l’on donnait J’accuse, des femmes appelaient à le « gazer » et scandaient « Polanski, bois nos règles » (allusion aux prétendus meurtres rituels où le sang des victimes serait mêlé au pain azyme des Juifs fêtant Pessah) et lors de la cérémonie des César, Polanski a été surnommé « Atchoum » (qui donc a également un gros nez dans l’iconographie antisémite ?). « Que cet aspect antisémite ait été le plus souvent dénié ne supprime pas ce que l’analyse précise des slogans et des discours fait clairement apparaître », comme le démontrait déjà Sabine Prokhoris dans son précédent livre, Le Mirage #MeToo. 

Or non seulement le J’accuse de Roman Polanski est une œuvre cinématographiquement parfaitement réussie et d’une grande justesse historique et humaine, mais il invite aussi à l’esprit critique et à la justice véritable, loin des injonctions autoritaires et des violences vengeresses. D’ailleurs, sensible à la vérité vraie malgré l’époque, le public n’a eu cure du boycott féminiciste victimaire, et le film a connu un grand succès.  Mais en 2023, à causes des pressions de minorités agissantes exercées sur les salles de cinéma, les cinéphiles français n’ont pas eu en grand nombre la chance de voir et d’apprécier l’émouvant documentaire Promenade à Cracovie au cours duquel Roman Polanski et le photographe Ryszard Horowitz échangent leurs souvenirs d’enfance juive dans le ghetto. Et pire encore, en 2024, la distribution du dernier film de Polanski, The Palace, semble désormais impossible en France où aucun producteur ne s’était d’ailleurs risqué au financement. Le film, qui a cependant trouvé des producteurs, a été sélectionné – hors compétition – à la Mostra de Venise. Il est sorti en Italie en septembre 2023 et a sans surprise mobilisé à nouveau contre lui des collectifs dits féministes.

Roman Polanski est désormais devenu en France un véritable tabou. Le livre de Sabine Prokhoris tout récemment paru aux Éditions du Cherche Midi, qui tombe donc à pic, risque précisément de subir la même « annulation » de la part de la société de « cancel culture » qui s’impose de plus en plus. Poursuivons alors l’association d’idées à laquelle nous invite le titre de cet ouvrage remarquable : « Qui a peur de Virginia Woolf ? » – « Qui a peur de Roman Polanski ? » – « Qui a peur du loup ? » – « Qui a peur du méchant loup Polanski ? ». Car Sabine Prokhoris est psychanalyste, mais pas seulement. Brillante critique de cinéma, cinéphile et lettrée de haut vol, elle nous guide ici sur les chemins escarpés mais luxuriants de la création artistique et ceux tortueux et arides, de la haine et de la calomnie.

Sabine Prokhoris parcourt la filmographie foisonnante, fulgurante, époustouflante de Polanski, pour saisir le miracle de la création artistique, cinématographique en l’occurrence, où « ce qu’il y a de plus mystérieusement idiosyncrasique, qui demeure en chacun presque entièrement inconnu, se fera passage fécond et libre vers l’universel. » Si l’œuvre de Roman Polanski est magistrale en effet, c’est aussi parce qu’elle révèle l’homme, «  ce « filigrane » irréductiblement singulier, fruit des hasards de l’existence, donne à lire à tous, dans une intensité renouvelée, des questionnements qui concernent n’importe qui »), qui concerne l’humanité. 

Alors non, il ne faut pas « distinguer l’œuvre de son auteur » ! Le parcours de vie de l’homme Polanski fait œuvre. « Ce souci de faire renaître et de transmettre le vrai par la puissance indomptée de l’imagination croise chez Polanski une interrogation récurrente sur les figures du destin : hasards salvateurs ou au contraire porteurs de malheur ». Ceux qui pusillanimes, veulent sauver les films sans affronter les détracteurs et surtout les détractrices de l’homme dans la vague des « fatwas lancées par le mouvement #MeToo », nous enjoignent de ne pas condamner l’œuvre, de ne pas « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Non seulement ils acquiescent par là à la culpabilité supposée de « Polanski-violeur », mais ils ne comprennent rien au créateur.  Comme ils ont tort ! Il faut tout garder au contraire, et l’œuvre et l’homme !

Car Polanski n’est pas le monstre qu’on a voulu faire de lui. Il est génial certes, mais surtout il est « humain, trop humain ». Comme le livre de Nietzsche, son propos a à voir avec la vérité et le mensonge, comme lui il s’adresse à des « esprits libres » (sous-titre de cet ouvrage de Nietzsche). Mais aujourd’hui plus encore qu’hier sans doute, « la toute-puissance irréfléchie des médias, désespérant sommeil de la raison, a accouché de toutes sortes d’inepties destructrices présentées comme des « vérités » incontestables. » Roman Polanski est une victime emblématique de cette stupide méchanceté assassine. Aussi Sabine Prokhoris nous aide-t-elle à « comprendre, au-delà même du cas emblématique de Polanski, comment opèrent des processus de falsification », comment « en ruinant irrémédiablement la distinction du mensonge et de la vérité, un univers de « vérités » alternatives engendre en effet un univers total, sans extériorité », qui abêtit, étouffe et proscrit.  

Répétons-le une fois encore, Polanski n’est pas coupable du « viol initial » dont on l’accuse depuis des décennies au mépris des dires et des volontés de Samantha Geimer qui se rebelle contre « l’instrumentalisation fanatique de son histoire par des cohortes vindicatives se réclamant du féminisme ». « Faire de Polanski la créature horrifique à abattre, « figure méconnaissable. Ni homme. Ni auteur », mais « plutôt une sorte de Brigand [de Violeur] majuscule », relève d’une entreprise entêtée de destruction du réel, qui va de pair, et c’est également catastrophique comme nous l’avons signalé d’entrée de jeu, avec la désintégration de la sphère imaginaire, en son inaliénable pouvoir de dessillement, en sa capacité à « dire enfin des choses qu’il ne convient pas d’ébruiter ». 

Roman Polanski est un empêcheur de mentir en rond et il pointe « l’inquiétante étrangeté du familier ». Il touche aux interdits du refoulé, à ce que l’on refuse de connaitre ou de reconnaître dans ce qui nous est pourtant connu, ce qui fait confiner la fascination et la répulsion et sourdre l’angoisse, ce que l’on ne peut regarder en face, le sexe, la mort, la vérité. « Avoir vu le loup » ne signifiait-il pas jadis, pour une jeune fille, avoir eu ses premières relations sexuelles avant le mariage ? Et dans le mythe, le vampire ne se transmute-t-il également en loup ? A-t-on donc à nouveau à ce point peur du loup, pour faire ainsi la chasse au Polanski jusqu’à l’hallali ? 

Gageons pourtant que la sinistre pudibonderie justicialiste ne vaincra pas in fine, et que vivra, « constant chez Polanski y compris dans ses films les plus tragiques, l’humour, explosant dans mille détails. L’humour, ce « don précieux et rare » – antidote le plus radical de toute mystification –, qui signe une attitude, n’en déplaise aux grincheux, d’une insigne grandeur morale, à mille lieues de toute étroitesse moralisatrice face aux vicissitudes de l’existence. » L’ouvrage ciselé, érudit, passionnant et passionné de Sabine Prokoris, constitue, lui aussi, un formidable antidote à la bêtise et à la méchanceté, par la connaissance qu’il nous donne de Roman Polanski, de l’homme à l’image de son œuvre.

« Son œuvre, dénuée de la fausseté des bons sentiments, vitalement inventive et puissamment décapante, démontre ainsi, de film en film, et de multiples manières, l’intégrité absolue, et la liberté sans fard d’un homme libre de haine, capable de nous ouvrir un passage généreux autant que dessillé sur ce que nous sommes. Avec en prime une qualité d’émotion et un gain de plaisir extraordinairement réparateurs. Les chasseurs en meute n’y pourront rien. » 

Deixa un comentari

L'adreça electrònica no es publicarà. Els camps necessaris estan marcats amb *

Aquest lloc està protegit per reCAPTCHA i s’apliquen la política de privadesa i les condicions del servei de Google.

Us ha agradat aquest article? Compartiu-lo!