Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

1 de maig de 2015
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Gérard Chaliand: “L’État Islamique sera vaincu”

Avui Le Monde publica aqueix interessant article del geoestratega belga d’ascendència armènia Gérard Chaliand on explica les raons per les quals, finalment, el Califat Islàmic serà vençut malgrat que encara no hi ha cap força militar sobre el terreny capaç d’alliberar el territori que encara ocupa i malgrat que l’atracció que exerceix simbòlicament sobre el jovent musulmà en crisi d’identitat a Occident perduri durant bastant de temps :

“Le djihadisme, forme extrême de l’islamisme, est loin d’avoir épuisé sa capacité de mobilisation. Après avoir eu pour creuset l’Afghanistan, soutenu par la logistique pakistanaise et les finances de l’Arabie saoudite et du Golfe, ce courant s’est particulièrement imposé en Syrie et en Irak.

En 2014, l’Etat Islamique en Irak et au Levant (Daech) proclamait un « califat » après la prise-éclair de Mossoul. Ces événements, ponctués par une politique de terreur, destinés à semer la panique, ne pouvaient qu’attirer des volontaires croyant que la victoire était au bout du fusil.

Un front de plus de 1 000 km

Une année plus tard, la situation de Daech en Irak est loin d’être triomphale. Grâce aux bombardements américains et européens, sa liberté d’action s’est très sensiblement réduite dans le plat pays sans couvert forestier qu’est la Mésopotamie. Quant à la partie orientale de la Syrie tenue par Daech, elle est, sauf aux abords de l’Euphrate, un semi-désert pierreux. Nombre des puits de pétrole tenus par ce mouvement ont été bombardés, le privant partiellement de ressources financières.

Les Kurdes réorganisés et équipés par les Occidentaux tiennent un front statique de plus de 1 000 km. La menace aérienne interdit toute offensive massive. Il faut pour Daech agir par temps couvert ou par surprise. On constate, par ailleurs, sur le front irakien la présence d’éléments du PKK (Kurdes de Turquie) et du Al-Qods (combattants iraniens). Les troupes et milices chiites soutenues par l’Iran ont investi Tikrit, dont la valeur symbolique est grande (c’est la ville de Saddam Hussein) et dont une partie importante de la population sunnite s’est enfuie. Reconquérir une région sunnite avec des troupes chiites équivaut à vouloir libérer des Polonais avec des troupes russes.

On est dans une guerre d’usure où Daech connaît un recul par rapport à l’année dernière. Nuisance considérable, le djihadisme, très coûteux à contrer, doit être évalué à son aune : il ne peut remettre en cause le statu quo mondial – ce que la Chine, grâce à sa croissance économique, est en mesure de faire.

Un danger marginal

Le djihadisme est-il même capable de susciter un autre ordre au Proche-Orient ? On peut symboliquement supprimer une frontière, mais la nouvelle configuration évacue-t-elle la complexité des entités ethniques et religieuses tissée au Levant ? Faudrait-il pour réaliser l’utopie prônée par Daech supprimer tous les chrétiens, les yézidis, les Druzes, les chiites, et, de surcroît, les sunnites nombreux opposés aux valeurs et aux normes prônées par le califat ? En Irak, à terme Daech sera perdant. En Syrie, il faudra compter avec le Jabhat Al-Nosra et d’autres organisations djihadistes ou non plus proprement syriennes.

En ce qui nous concerne, la menace terroriste est réelle, mais constitue un danger relativement marginal ; conséquence chez nous de trois décennies d’aveuglement volontaire ou de lâcheté à gauche comme à droite. Il était plus facile de fermer les yeux sur les économies parallèles fondées sur le trafic de la drogue et le développement de zones de non-droit.

L’attrait du djihad peut conforter une petite partie de ceux qui sont en mal d’identité et d’estime de soi. Mais il ne sera mobilisateur que s’il rencontre des succès sur le terrain. Or, ceux-ci tiennent d’abord à la maîtrise des réseaux sociaux et de la communication, dont les djihadistes ont récemment fait preuve. Le terrorisme se joue d’abord dans les esprits et les volontés. On souhaiterait, à cet égard, que nos médias ne servent pas indirectement la propagande des djihadistes.

Faiblesse fondamentale

Cependant, maîtriser la communication n’est pas maîtriser une situation. Dans les territoires qu’il domine, quelles perspectives économiques offre Daech ? Quel programme, en dehors de la moralisation de la vie publique ?

Les méthodes de Daech sont fondées sur la terreur à forte charge symbolique. Il s’agit, à chaque fois, d’augmenter le niveau d’horreur, de façon à occuper l’espace médiatique, et d’inquiéter des populations qui, en Europe, n’ont plus de la violence qu’une perception de spectateur lointain et apeuré.

Les djihadistes dissimulent ainsi leur faiblesse fondamentale en matière de projets économiques et sociaux. A l’heure où la Chine s’efforce de devenir le banquier du monde, Daech en est encore à couper des têtes et instaure un califat dont le pouvoir principal se borne à la nuisance. Il ne faut pas confondre les lames de fond avec l’écume des choses.”

Post Scriptum, 1 d’abril del 2016.

Gérard Chaliand acaba de publicar un nou llibre titulat significativament “Pourquoi perd-on la guerre ? Un nouvel art occidental” (Odile Jacob, 2016), del qual avança el contingut en una entrevista a Le Figaro del proppassat 29 de març el titlar de la qual és força eloqüent: “Avec le terrorisme, nous récoltons ce que l’on a laissé pousser”.

Post Scriptum, 26 d’agost del 2016.

Gérard Chaliand ha estat entrevistat abans d’ahir per Le Figaro: “Syrie: l’intervention turque contre Daech est un prétexte pour lutter contre les kurdes”:

L’Armée turque est intervenue au Nord de la Syrie pour reprendre à Daech la ville de Jarablos, l’un des derniers points de passage de l’Etat islamique entre la Syrie et la Turquie. Pourquoi la Turquie intervient-elle aujourd’hui?

Gérard CHALIAND. – A Jarablos en Syrie, Erdogan intervient moins pour détruire l’Etat islamique que pour contrer l’avancée des Kurdes. En effet, Jarablos se trouve dans cette zone de Daech prise en tenaille entre les deux régions kurdes d’Afrin et de Kobané. Les Kurdes continuent d’avancer face à Daech et souhaitent faire se rejoindre ces deux régions. Cette jonction était en train de se faire depuis que les Kurdes de Syrie avaient pu se rendre maître de la ville de Manbij il y a quelques semaines. Pour Erdogan, un territoire d’un seul tenant entre les mains des Kurdes de Syrie est une chose absolument non négociable, car ceci signifierait qu’il n’y aurait plus la possibilité d’un passage directe entre la Turquie et la Syrie. C’est donc un prétexte si Erdogan attaque aujourd’hui le Daech, alors qu’en réalité c’est un mouvement qu’il a aidé pendant très longtemps. Depuis, il a envoyé dans cette région d’autres troupes islamistes, formées directement en Turquie, notamment des Turkmènes. Le président turc veut empêcher à tout prix cette jonction kurde et, à cette fin, envoie son armée et d’autres troupes syriennes islamistes contre Daech.

Dans quelle mesure cette intervention est-elle liée au récent rapprochement entre Recep Erdogan et Vladimir Poutine?

Jusqu’à présent, l’Armée turque n’était pas intervenue au sol et s’était contentée de tirer au mortier parce qu’elle craignait que la Russie ne la bombarde. L’Etat-major à Ankara avait parfaitement conscience que les troupes turques ne pouvaient pas franchir la frontière au risque de se retrouver en position de faiblesse. Recep Erdogan a rendu visite au président Poutine et a obtenu que la Russie ne procède pas à un tel bombardement. En échange, Recep Erdogan reconnaît finalement que le régime de Damas ne tombera pas et que Bachar el-Assad demeurera en fonction, au moins provisoirement. C’est un prêté pour un rendu, un accord tactique, qui arrange Moscou, Ankara et Damas.

Comment le régime de Damas observe-t-il cette intervention de la Turquie contre Daech et, en réalité, contre les Kurdes?

Jusqu’à présent, le régime de Damas était relativement neutre à l’égard des Kurdes de Syrie dans la mesure où ceux-ci ne l’attaquaient pas. Entre Bachar el-Assad et les Kurdes, il y avait une sorte d’accord tacite: «tu ne m’attaques pas, je ne t’attaque pas». Ceci pouvait s’entendre dans la mesure où les islamistes (membres ou non de Daech) sont l’ennemi principal du gouvernement de Damas.

Maintenant que le régime s’est renforcé, surtout depuis l’accord russo-turc, Bachar el-Assad ne veut pas non plus que les Kurdes de Syrie deviennent trop importants. Il partage cette position avec Recep Erdogan. C’est la raison pour laquelle le régime de Damas a attaqué Hassaké au Nord-Est de la Syrie. Cette ville était en partie contrôlée par les troupes de Bachar el-Assad mais se trouve en plein dans la région de Syrie contrôlée par les Kurdes. Sur la question du bombardement d’Hassaké, n’oublions pas ce sont les troupes américaines qui ont aussi directement attaqué les troupes de Bachar. Ils l’ont fait pour permettre aux Kurdes de Syrie de ne pas être bousculés dans cette ville. On est donc dans un imbroglio extrêmement complexe!

Sur le point précis des Kurdes en revanche, Recep Erdogan et Bachar el-Assad ont bien des intérêts en partie convergents. La politique d’Erdogan est une politique extrêmement rapide et vive qui passe d’une alliance circonstancielle à une autre de façon à conserver la main quelles que soient les difficultés. Pour lui, la seule chose non négociable, ce sont les Kurdes de Syrie qui ont partie lié avec les Kurdes turcs du PKK et, de ce côté-là, il a raison.

Avec l’intervention turque, les Kurdes ont-ils militairement la possibilité, après la reprise de Manbij, de continuer d’avancer contre Daech pour unifier entièrement leur territoire tout le long de la frontière Nord de la Syrie?

Ils ont très peu de temps! Il va falloir qu’ils aillent vite. Leur but n’est plus tellement de prendre Jarablos parce que se heurter aux troupes turques serait une erreur énorme. En passant plus au Sud de Jarablos, ils vont chercher à interdire le passage entre la Turquie et la Syrie et à unifier entièrement les différents territoires kurdes, notamment entre les cantons d’Afrin et de Kobané. S’ils y arrivent, on ne pourra plus passer impunément de Syrie en Turquie. Est-ce que les troupes turques vont avoir l’ordre d’aller plus au Sud pour empêcher ce projet kurde d’un «Rojava» (nom du Kurdistan syrien, ndlr.) unifié? Je n’en sais rien, mais, pour les Kurdes de Syrie, il y a encore une foule de difficultés. Tout le territoire dont il est question – comme la Djézireh, j’y étais l’année dernière – est un terrain absolument plat comme la main. C’est absolument indéfendable! On n’est pas du tout dans la configuration montagnarde qui est celle des Kurdes en Irak ou des kurdes de la région de Hakkari en Turquie.

Cet étonnant rapprochement entre Damas et Ankara sur la question kurde peut-il changer la donne à Alep, capitale économique de la Syrie qui est coupée en deux entre d’un côté le régime, soutenu par la Russie et l’Iran, et de l’autre les rebelles islamistes, soutenus par la Turquie?

Non, on reste dans le cas de la bataille d’Alep dans une configuration complétement différente. Le régime de Damas qui est appuyé par l’Iran depuis le tout début du conflit n’a absolument pas les mêmes intérêts que la Turquie qui n’a jamais cessé d’appuyer les islamistes. A terme, l’intérêt de la Turquie demeure la chute du régime de Bachar el-Assad et la victoire des islamistes. Car qui sont les «rebelles» soutenus par la Turquie? C’est l’ex Front al-Nosra qui s’est rebaptisé Front Fath al-Sham, c’est le Jaysh al-Islam (Armée de l’islam), c’est Ahrar al-Sham, autrement dit tous les mouvements islamistes qui composent la constellation des islamistes de Syrie. En réalité, les troupes que les Américains appellent les rebelles «modérés» peuvent remplir trois hôtels! Il n’y a pas de mouvement démocratique proprement dit dans ce pays.

Après cinq ans de guerre en Syrie, assiste-on à un début de compromis entre les grandes puissances régionales? Comment se positionnent les Etats-Unis qui soutiennent les Kurdes au sein du Front démocratique syrien tout en se rapprochant des Russes et en se déliant des islamistes?

Il n’y a aucun compromis régional car il n’y a aucune solution en vue pour la Syrie! Il y a certes quelques avancées. Aujourd’hui, les Russes et les Américains sont d’accord pour être opposés aux islamistes. Ils sont aussi globalement d’accord pour être les soutiens des Kurdes de Syrie, à l’exception de l’accord par lequel Moscou reconnaît que les troupes turques peuvent pénétrer à Jarablos sans être bombardées.

Pour le reste, les Etats-Unis vont continuer à avoir la même politique, c’est-à-dire ne pas rompre avec la Turquie, qui reste un allié important à terme. La situation est certes tendue aujourd’hui, mais ceci ne devrait pas remettre en cause l’équilibre général. Un exemple de ces tensions: les Américains pourraient avoir retiré leurs armes nucléaires de la base turque d’Incirlik qu’ils utilisent depuis la Guerre froide et qui est un lieu extrêmement stratégique. Du côté turc, il y a une véritable campagne qui vise à désigner les Américains comme étant derrière le coup d’Etat manqué de juillet. D’une façon générale, les théories du complot plaisent beaucoup au Moyen-Orient! A mon avis, dans le cas précis de la tentative de coup d’Etat, les Etats-Unis n’ont pas été mêlés à cette affaire. Ceci dit, il est vrai que les Etats-Unis ont manifesté de l’hostilité à l’égard de la politique d’Erdogan. Ainsi, quand ce dernier s’est rendu aux Etats-Unis pour rendre hommage à Mohamed Ali, lors de ses funérailles, la famille du boxeur a «interdit» au président turc de prendre la parole. Personne ne va nous faire croire que la famille a pu prendre, sans l’accord de Washington, la décision d’interdire à un chef d’Etat de prononcer quelques mots. Un message a été clairement adressé par les Etats-Unis à Recep Erdogan: Washington n’apprécie pas du tout la politique qu’il pratique!

Depuis deux ou trois ans, les agendas de l’Arabie Saoudite et de la Turquie ne suivent plus du tout celui de Washington. Il y a des alliances dont on peut dire – pour rester mesuré – qu’elles sont très ambiguës. En Syrie, on est dans un imbroglio complet où vos soi-disant alliés sont aussi vos adversaires. La Turquie virevolte d’un acteur à l’autre. En quelques années, les Turcs sont passés d’un antisionisme prononcé à des rapports cordiaux avec l’Etat hébreu, d’antagonismes virulents avec la Russie à des excuses officielles pour l’avion qu’ils ont abattu et à un rapprochement avec Moscou, d’une condamnation totale du régime de Damas – après l’avoir soutenu pendant de longues années – à un abandon du départ de Bachar el-Assad comme préalable à toute négoociation. Tout ça, c’est de la tactique diplomatique. Les Turcs sont très forts! Il faut reconnaître que M. Erdogan – quoi qu’on puisse en penser par ailleurs – est un chef d’Etat qui a beaucoup de talent.

Post Scriptum, 11 de febrer del 2018.

Gérard Caliand publicà abans d’ahir a Le Figaro aqueixa crua anàlisi: “Bataille d’Afrin: la trahison des Kurdes par les occidentaux”.

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