Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

22 de setembre de 2023
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Pierre-André Taguieff: “Le nouvel âge de la bêtise”

Avui, l’historiador especialitzat en el pensament polític contemprani, és entrevistat per Le Figaro arran de l’aparició del nou assaig “Le nouvel âge de la bêtise” (Éditions de l’Observatoire, 2023):

“L’ intelligence a des limites, la bêtise n’en a pas”, disait déjà Claude Chabrol. Politologue et historien des idées, Pierre-André Taguieff estime, pour sa part, que la résilience de l’imbécile s’est même accrue dans notre monde moderne. Et de citer tous ces mots en “isme” (néoféminisme, antiracisme, anticapitalisme, écologisme, décolonialisme…) qui occupent le débat public. Auteur d’une trentaine d’ouvrages, le directeur de recherche honoraire au CNRS publie “Le Nouvel Âge de la bêtise” (L’Observatoire).

LE FIGARO. – Pourquoi consacrer un livre à la bêtise?

Pierre-André TAGUIEFF.- Rien n’est plus banal que la bêtise, car elle se confond avec l’émission de pensées banales, indéfiniment répétées, et cette affligeante banalité la rend imperceptible à beaucoup, comme si elle était un élément nécessaire du décor. Elle s’intègre pour ainsi dire dans le bruit de fond du fonctionnement social, elle fait partie de la rumeur du monde, celle qu’on n’écoute plus dans la vie ordinaire mais dans laquelle on baigne.

On peut voir dans l’attrait de la ressemblance la raison majeure du regroupement spontané des imbéciles, la force motrice qui les amène à “faire communauté”, phénomène relevé par Schopenhauer: “En matière de relations sociales aussi, chacun préfère nettement celui qui lui ressemble ; ainsi, pour un imbécile, la fréquentation d’un autre imbécile est infiniment plus agréable que celle de tous les grands esprits réunis”.

On lutte, parfois avec succès, contre l’ignorance, l’erreur, l’illusion et le mensonge. On dénonce ou on moque les délires, les pensées devenues folles, ou encore, à la suite de Socrate, le faux savoir et les raisonnements biaisés des sophistes. Au nom de la vérité, on lutte aussi contre les rumeurs, les préjugés et les mythes, et bien sûr contre le fanatisme sous ses formes religieuses et idéologiques. Mais peut-on lutter efficacement contre la bêtise, en particulier contre la bêtise de ceux qui sont supposés savoir et penser, et comment? Telle est la question que je pose dans mon livre. On aura compris que c’est surtout la bêtise des intellectuels qui fait l’objet de mes descriptions, de mes analyses et de mes tentatives de conceptualisation.

Peut-on définir la bêtise?

Il n’est pas facile de définir la bêtise, car, en raison de l’extrême diversité de ses illustrations possibles (elles-mêmes pourtant claires), on peine à passer de la perception de certaines ressemblances (d’”airs de famille”, dirait Wittgenstein) à la construction d’un concept, ou plus exactement d’un noyau conceptuel, sur la base des caractéristiques communes des cas de bêtise identifiés. Certes, l’on peut s’en tenir à des critères simples,tels que l’incapacité à analyser des données ou à résoudre des problèmes, ce qui définit le manque d’intelligence. Et, par exemple, le recours à des arguments fallacieux dans les débats politiques témoigne souvent d’une incapacité cognitive, qu’on prend naïvement pour des preuves de mauvaise foi ou de démagogie.

Mais on ne peut donner une définition scientifique de la bêtise, phénomène irréductible aux instruments de mesure disponibles. On ne peut la réduire à un simple manque d’intelligence dont on pourrait mesurer les degrés, ni même à un manque de jugement. Alors que l’intelligence est peu probable, minoritaire et non transmissible socialement, la bêtise est hautement probable, majoritaire, socialement transmissible et renouvelable. Elle est même contagieuse, par imitation ou intimidation. C’est là sa supériorité. Elle semble indestructible. On ne peut guère espérer que l’ébranler furtivement. C’est l’une des tâches de l’ironiste.

Quels sont aujourd’hui les exemples les plus probants de la bêtise?

La bêtise semble n’avoir pas d’histoire. Et pourtant. Jean Cocteau disait: “Le drame de notre temps, c’est que la bêtise se soit mise à penser”. C’est là peut-être la marque du nouvel âge de la bêtise: le surgissement d’une bêtise dotée des signes extérieurs de l’intelligence. Et cette bêtise masquée s’orne en outre de références culturelles prestigieuses. Elle est “cultivée”, disons “enrubannée”. Cette bêtise huppée plastronne dans les médias. Voilà de quoi nous désarçonner. Raison de plus pour tenter de comprendre le phénomène.

Aujourd’hui, en France, la palme de la bêtise tout-terrain revient à Sandrine Rousseau. Ses saillies passent souvent par l’emploi systématique du fameux couteau suisse qu’est la “déconstruction”, gros concept creux qui fait entrer en transe les écoféministes décoloniales et intersectionnalistes depuis une trentaine d’années. Sur LCI, le 22septembre 2021, la militante “radicale” s’est confiée: “Je vis avec un homme déconstruit, et j’en suis hyper-heureuse”. Cet heureux “homme déconstruit” aurait, selon sa compagne “hyper-heureuse”, “pris conscience des normes implicites” qui sont des “constructions sociales” fondant sa “position dominante”. Il aurait ainsi fait preuve d’éveil, il serait devenu woke. Sur LCI, le 23 septembre 2021, on pouvait lire ce tweet de la militante écoféministe, désireuse d’expliquer sa déclaration de la veille: “Quelqu’un comme Emmanuel Macron n’a pas déconstruit les discriminations. Et c’est un problème. La déconstruction est une démarche personnelle, ça demande du temps, des lectures, et une volonté aussi de déconstruire les a priori que nous pouvons chacun·e  avoir”.

Sa bêtise est à la fois répétitive et inventive, et aussi sans frontières. Bien qu’elle se répète beaucoup, car elle jouit d’enfiler les clichés (manière de rester fidèle à elle-même), il lui arrive de surprendre. Elle donne en permanence sur tous les sujets d’actualité des spectacles de bêtise idéologisée, applaudis par les “cons” de son camp, qui la trouvent courageuse. Mais elle est aussi roublarde et pratique l’art de la provocation calculée qui séduit les médias. Sans en être pleinement consciente, elle a professionnalisé, en tant que comédienne pseudo-politique, la mise en scène d’elle- même comme délicieusement simplette, spontanément caricaturale.

Elle prêche sans sourciller pour la “radicalité”: “Aujourd’hui, ce qui peut vraiment nous sauver, c’est la radicalité”. La “radicalité”, c’est-à-dire la rupture totale avec le monde tel qu’il est, et sans attendre. Il s’agit une fois de plus de “transformer le monde” et de “changer la vie”: Marx + Rimbaud = Rousseau. Elle est donc une “bonne cliente” pour les professionnels du spectacle médiatique.

Comment la bêtise des “belles âmes” peut-elle nourrir ce qu’on appelle des discours de haine?

Le propre des nouvelles “belles âmes” est de s’installer confortablement dans le camp des “bons combats” pour les collectionner, afin d’incarner avec la fermeté requise le Bien et le Juste. C’est là qu’on rencontre le paradoxe des “ismes” et des “anti-ismes” de bonne réputation: néo-féminisme, antiracisme, anticapitalisme, antisionisme, écologisme, décolonialisme, transgenrisme. Car on découvre que la haine est partout dans les discours et les comportements de ces activistes farouches partis en croisade contre la haine et surtout contre les “discours de haine”. C’est ainsi que se fabriquent des saints et des martyrs de plateaux télé, des combattants et des victimes de pacotille.

Les “belles âmes” d’aujourd’hui prennent la figure de nobles extrémistes, et plus particulièrement celle de militants engagés dans toutes les “bonnes causes” idéologiques. On aura reconnu les extrémistes dits “progressistes”, de gauche ou d’extrême gauche, “insoumis” en quête de “soulèvements” à toute occasion. Il y a une bêtise spécifique chez ces extrémistes, tous partisans d’un quelconque jusqu’au-boutisme, une bêtise aggravée par le fanatisme idéologique. D’où l’impression que les extrémistes sont extrêmement bêtes. Mais ce n’est pas toujours vrai. Car leur fanatisme fait d’eux des adeptes du principe selon lequel “la fin justifie les moyens”. Ils sont parfois dotés d’une intelligence tactico-stratégique.

C’est dans les rangs des “belles âmes” engagées qu’on rencontre, outre les stupides primaires et ordinaires qui, frappés d’une “faiblesse générale de l’entendement”, illustrent la bêtise spontanée, “simple” et “honnête” (de loin la plus répandue), un grand nombre d’individus incarnant la forme “la plus dangereuse”, selon Robert Musil, de la bêtise: la bêtise sophistiquée, “intelligente”, parfois subtile et toujours immodeste. Non pas la simple inintelligence, qui se réduit à la non-compréhension propre à un esprit passif, mais une forme d’activité de l’esprit mettant l’intelligence au service de causes absurdes ou defi ns dénuées d’intérêt. C’est la sottise active, bavarde et engagée, infatigable et intarissable de Bouvard et Pécuchet, ces “deux agités” (Clément Rosset). Car s’il y a des “têtes creuses plus ou moins vides”, comme le notait Karl Kraus, il y a aussi, et en grand nombre, des têtes creuses plus ou moins remplies de certitudes. De certitudes idéologiques, qui rassurent ou apaisent, ou au contraire excitent et poussent à l’action “radicale”. L’opium ou l’amphétamine. Les conformismes suiveurs ou les fanatiques à l’esprit guerrier.

En quoi la “loi de Godwin” permet-elle d’analyser la bêtise?

La “loi de Godwin”, formulée par l’avocat Mike Godwin en 1990, désigne le fait que plus une conversation ou discussion est longue et difficile, plus la probabilité qu’y surgisse une comparaison ou une analogie impliquant les nazis, le nazisme, Adolf Hitler ou la Shoah, en vue de disqualifier l’argumentation de l’adversaire, est proche de 1, c’est-à-dire quasi certaine. Dans un échange argumentatif intense, le gagnant est celui qui arrive à pratiquer d’une façon efficace, c’est-à-dire crédible, la “reductio ad Hitlerum” définie en 1953, avec une pointe d’ironie, par Leo Strauss. Le “point Godwin” désigne donc une forme d’abus des comparaisons ou des analogies historiques, qu’illustre l’assimilation accusatoire et disqualificatoire avec le nazisme et le génocide hitlérien des Juifs d’Europe. Dans les controverses politico-médiatiques, on se réfère ordinairement, selon le cliché, aux “heures les plus sombres de notre histoire”.

Le “point Godwin”, dans sa version française ou gallocentrique, se redéfinit en remplaçant Hitler, le nazisme, les nazis et la Shoah par “les années trente”, Pétain, Vichy(et la collaboration), le fascisme (ou les fascistes) et les rafles de Juifs. Les amalgames polémiques les plus ordinaires sont formés sur ce modèle. C’est ainsi que, dans le discours victimaire contemporain, “les musulmans” sont désignés comme “les nouveauxJuifs” qui seraient également soumis à des discriminations et des persécutions, tandis que l’”islamophobie” illustrerait le “nouvel antisémitisme” ou le “nouveau racisme”.

La forme la plus élémentaire du “point Godwin” consiste à prendre prétexte de l’emploi par un adversaire politique d’un terme censé appartenir au lexique nazi ou pétainiste pour accuser le locuteur de nazisme ou de pétainisme. Opinions, croyances ou expressions peuvent ainsi être jugées “sales” et “salissantes”, parce qu’elles sont censées véhiculer ou transmettre le Mal absolu, l’abominable, l’intolérable.

Pouvez-vous en donner une illustration?

Un exemple récent en est fourni par la polémique qui a suivi l’emploi du mot “décivilisation” par le président Macron le 23 mai 2023, mais qui avait été précédemment employé, entre autres, par “l’infréquentable” Renaud Camus, en 2011, pour titrer l’un de ses livres, ce qui l’a rendu inacceptable, voire abominable, aux yeux des lexicophobes d’extrême gauche en lutte contre le vocabulaire qu’ils jugent “réactionnaire”, “raciste” ou “fasciste”. En employant le mot “décivilisation” pour caractériser un processus social et culturel négatif et inquiétant, illustré par la multiplication et la banalisation de diverses formes de violence, le président Macron, selon ses ennemis politiques, aurait fourni malgré lui la preuve qu’il était “réactionnaire” et qu’il menait une intolérable politique “verticale et autoritaire”. Une telle inférence est un bel exemple de stupidité. Il aurait suffi de conclure simplement que souvent Macron varie, passant d’une position à une autre, donnant dans le politiquement correct et flirtant avec le verbalement incorrect.

Les cris des indignés permanents témoignent de l’imprégnation des gauches françaises par le néo-puritanisme woke, qui implique un lexico centrisme paranoïaque consistant à ne voir dans les mots que des armes, des menaces ou des pièges, ou encore des indices ou des preuves de proximités, d’allégeances ou de complicités infamantes. Le militantisme néo-gauchiste se réduit aujourd’hui, pour l’essentiel, à signaler et à condamner publiquement de tels “écarts de langage”, assimilés à des fautes morales. Tel est le fonctionnement de la nouvelle vision policière de l’histoire. La police de la pensée s’est transformée en police du langage. L’hyper-moralisme d’intimidation est un puissant facteur d’abêtissement.

Quel est le meilleur remède contre la bêtise?

La bêtise est intarissable et irréfutable. Et sans remèdes. Il faut pourtant vivre avec la bêtise, mais en multipliant les cloisons étanches. On ne peut que la tenir à distance, la prendre comme objet d’analyse ou comme cible d’une ironie moqueuse. Il faut en rire lorsqu’on ne peut l’éviter. C’est ainsi qu’on peut nuire à la bêtise, sans perdre son temps avec elle mais sans jamais pouvoir espérer la faire disparaître, c’est-à-dire la faire taire.

  1. Pierre-André Taguieff: “La nueva era de la estupidez”

    Hoy, el historiador especializado en el pensamiento político contemporáneo, es entrevistado por Le Figaro a raíz de la aparición del nuevo ensayo “Le nouvel âge de la bêtise” (Éditions del Observatoire, 2023):

    “La inteligencia tiene límites, la estupidez no los tiene”, ya decía Claude Chabrol. El politólogo e historiador de las ideas, Pierre-André Taguieff, cree, por su parte, que la resiliencia del imbécil ha aumentado incluso en nuestro mundo moderno. Y para citar todas estas palabras del “ismo” (neofeminismo, antirracismo, anticapitalismo, ecologismo, decolonialismo, etc.) que ocupan el debate público. Autor de una treintena de obras, el director honorario de investigaciones del CNRS publica “La nueva era de la estupidez” (Ediciones L’Observatoire).

    EL FÍGARO. – ¿Por qué dedicar un libro a la estupidez?
    Pierre-André TAGUIEFF.- Nada es más banal que la estupidez, porque se confunde con la emisión de pensamientos banales, indefinidamente repetidos, y esta angustiosa banalidad la hace imperceptible para muchos, como si fuera un elemento necesario del decorado. Está integrado, por así decirlo, en el ruido de fondo del funcionamiento social, es parte del ruido del mundo, ese que ya no escuchamos en la vida ordinaria pero en el que estamos inmersos.
    Podemos ver en la atracción de la semejanza la razón principal de la agrupación espontánea de los imbéciles, la fuerza motriz que los lleva a “formar una comunidad”, fenómeno observado por Schopenhauer: “También en materia de relaciones sociales, cada uno prefiere claramente al otro que se le parece”; así, para un imbécil, la compañía de otro imbécil es infinitamente más placentera que la de todas las grandes mentes juntas.
    Luchamos, a veces con éxito, contra la ignorancia, el error, la ilusión y la mentira. Denunciamos o nos burlamos de los delirios, de los pensamientos enloquecidos o incluso, siguiendo a Sócrates, de los falsos conocimientos y del razonamiento sesgado de los sofistas. En nombre de la verdad luchamos también contra los rumores, los prejuicios y los mitos y, por supuesto, contra el fanatismo en sus formas religiosas e ideológicas. Pero, ¿podemos luchar eficazmente contra la estupidez, en particular contra la estupidez de quienes se supone que saben y piensan, y cómo? Esta es la pregunta que hago en mi libro. Se comprenderá que el tema de mis descripciones, de mis análisis y de mis intentos de conceptualización es sobre todo la estupidez de los intelectuales que es el tema de mis descripciones, mis análisis y mis intentos de conceptualización.

    -¿Podemos definir la estupidez?
    -No es fácil definir la estupidez porque, debido a la extrema diversidad de sus posibles ilustraciones (aunque claras), es difícil pasar de la percepción de ciertas semejanzas (“parecidos de familia”), diría Wittgenstein) a la construcción de un concepto, o más precisamente de un núcleo conceptual, a partir de las características comunes de los casos de estupidez identificados. Por supuesto, podemos ceñirnos a criterios simples, como la incapacidad para analizar datos o resolver problemas, que define la falta de inteligencia. Y, por ejemplo, el uso de argumentos falaces en debates políticos refleja a menudo una incapacidad cognitiva, que ingenuamente tomamos como prueba de mala fe o demagogia.
    Pero no podemos dar una definición científica de estupidez, un fenómeno irreductible a los instrumentos de medición disponibles. No podemos reducirla a una simple falta de inteligencia cuyos grados podamos medir, ni siquiera a una falta de juicio. Mientras que la inteligencia es improbable, en la minoría y no socialmente transmisible, la estupidez es altamente probable, en la mayoría, socialmente transmisible y renovable. Incluso es contagiosa, por imitación o intimidación. Ésta es su superioridad. Ella parece indestructible. Difícilmente podemos esperar librarnos de ella sigilosamente. Ésta es una de las tareas del ironista.

    -¿Cuáles son los ejemplos más convincentes de estupidez en la actualidad?
    -La estupidez parece no tener historia. Y todavía. Jean Cocteau decía: “La tragedia de nuestro tiempo es que la estupidez ha empezado a pensar”. Esta es quizás la marca de la nueva era de la estupidez: el surgimiento de una estupidez dotada de los signos externos de la inteligencia. Y esta estupidez enmascarada también está adornada con prestigiosas referencias culturales. Está “cultivada”, digamos “envuelta”. Esta estupidez pija está en todos los medios. Esto es suficiente para desorientarnos. Razón de más para intentar comprender el fenómeno.
    Hoy, en Francia, el premio a la estupidez todoterreno es para Sandrine Rousseau. Sus estallidos implican a menudo el uso sistemático de la famosa navaja suiza que es la “deconstrucción”, un gran concepto vacío que ha puesto en trance a las ecofeministas decoloniales e interseccionalistas durante unos treinta años. En LCI (1), el 22 de septiembre de 2021, el activista “radical” confió: “Vivo con un hombre deconstruido y estoy súper feliz por ello”. Este feliz “hombre deconstruido” habría, según su compañero “hiperfeliz”, “tomado conciencia de las normas implícitas” que son “construcciones sociales” que fundamentan su “posición dominante”. De este modo habría demostrado el despertar, se habría despertado. En LCI, el 23 de septiembre de 2021, pudimos leer este tweet de la activista ecofeminista, deseando explicar su declaración del día anterior: “Alguien como Emmanuel Macron no ha deconstruido la discriminación. Y eso es un problema. La deconstrucción es un proceso personal, requiere tiempo, lectura y también ganas de deconstruir los prejuicios que cada uno tenemos”.
    Su estupidez es a la vez repetitiva e inventiva, y también sin fronteras. Aunque se repite mucho, porque le gusta poner clichés (una forma de permanecer fiel a sí misma), a veces sorprende. Constantemente hace demostraciones de estupidez ideológica en todos los temas de actualidad, aplaudida por los “idiotas” de su bando, que la encuentran valiente. Pero también es astuta y practica el arte de la provocación calculada que seduce a los medios de comunicación. Sin ser plenamente consciente de ello, profesionalizó, como actriz pseudopolítica, la presentación de sí misma como deliciosamente sencilla, espontáneamente caricaturizada.
    Predica sin pestañear la “radicalidad”: “Hoy lo que realmente puede salvarnos es la radicalidad”. “Radicalidad”, es decir la ruptura total con el mundo tal como es, y sin demora. Se trata una vez más de “transformar el mundo” y “cambiar la vida”: Marx + Rimbaud = Rousseau. Por tanto, es un “buen cliente” para los profesionales del entretenimiento mediático.

    -¿Cómo puede la estupidez de las “almas hermosas” alimentar lo que llamamos discurso de odio?
    -La característica de las nuevas “almas hermosas” es instalarse cómodamente en el campo de las “buenas luchas” para recogerlas, a fin de encarnar con la firmeza requerida el Bien y lo Justo. Aquí es donde nos encontramos con la paradoja de “ismos” y “antiismos” reputados: neofeminismo, antirracismo, anticapitalismo, antisionismo, ambientalismo, decolonialismo, transgenerismo. Porque descubrimos que el odio está en todos lados en los discursos y comportamientos de estos feroces activistas que han emprendido una cruzada contra el odio y especialmente contra el “discurso de odio”. Así se crean santos y mártires de los programas de televisión, luchadores y víctimas de pacotilla.
    Las “almas hermosas” de hoy toman la forma de nobles extremistas, y más particularmente la de activistas comprometidos con todas las “buenas causas” ideológicas. Habremos reconocido a los llamados extremistas “progresistas”, de izquierda o extrema izquierda, “rebeldes” en busca de “levantamientos” en cualquier oportunidad. Hay una estupidez específica entre estos extremistas, todos partidarios de algún extremo, una estupidez agravada por el fanatismo ideológico. De ahí la impresión de que los extremistas son extremadamente estúpidos. Pero esto no siempre es verdad. Porque su fanatismo les hace seguidores del principio según el cual “el fin justifica los medios”. En ocasiones están dotados de inteligencia táctico-estratégica.
    Es en las filas de las “almas hermosas” comprometidas donde nos encontramos, además de los estúpidos simples y comunes, que, afectados por una “debilidad general de comprensión”, ilustran una estupidez espontánea, “simple” y “honesta” (con diferencia). la más extendida), un gran número de individuos que encarnan la forma “más peligrosa”, según Robert Musil, de estupidez: una estupidez sofisticada, “inteligente”, a veces sutil y siempre inmodesta. No una simple inteligencia, que se reduce a la incomprensión propia de una mente pasiva, sino una forma de actividad de la mente que pone la inteligencia al servicio de causas absurdas o de fines carentes de interés. Es la estupidez activa, locuaz y comprometida, incansable e inagotable de Bouvard y Pécuchet, estas “dos personas inquietas” (Clément Rosset). Porque si hay “cabezas huecas más o menos vacías”, como señaló Karl Kraus, también hay, y en gran número, cabezas huecas más o menos llenas de certezas. Certezas ideológicas, que tranquilizan o calman, o por el contrario excitan y empujan a una acción “radical”. Opio o anfetamina. Seguidores del conformismo o fanáticos con espíritu guerrero.

    -¿Cómo nos permite la “ley de Godwin” analizar la estupidez?
    -La “Ley de Godwin”, formulada por el abogado Mike Godwin en 1990, se refiere a que cuanto más larga y difícil sea una conversación o discusión, más probable es que una comparación o analogía que involucre a los nazis, el nazismo, Adolf Hitler o la Shoah, con miras a descalificar el argumento del oponente, es cercano a 1, es decir casi seguro. En un intenso intercambio argumentativo, gana quien logra practicar de manera eficaz, es decir creíble, la “reductio ad Hitlerum” definida en 1953, con un toque de ironía, por Leo Strauss. El “punto Godwin” designa, por tanto, una forma de abuso de las comparaciones o analogías históricas, ilustrada por la asimilación acusatoria y descalificadora al nazismo y al genocidio hitleriano de los judíos de Europa. En las controversias político-mediáticas, solemos referirnos, según el tópico, a las “horas más oscuras de nuestra historia”.
    El “punto Godwin”, en su versión francesa o galocéntrica, se redefine reemplazando a Hitler, el nazismo, los nazis y la Shoah por “los años treinta”, Pétain, Vichy (y la colaboración), el fascismo (o los fascistas) y las redadas de Judíos. Las amalgamas polémicas más corrientes se forman según este modelo. Así es como, en el discurso victimista contemporáneo, se designa a los “musulmanes” como “los nuevos judíos” que también serían objeto de discriminación y persecución, mientras que la “islamofobia” ilustraría el “nuevo antisemitismo” o el “nuevo racismo”.
    La forma más básica del “punto Godwin” consiste en tomar el pretexto del uso por parte de un oponente político de un término supuestamente perteneciente al léxico nazi o petainista para acusar al hablante de nazismo o petainismo. Las opiniones, creencias o expresiones pueden, por tanto, ser juzgadas como “sucias” y “manchadoras”, porque se supone que vehiculan o transmiten el Mal absoluto, lo abominable, lo intolerable.

    -¿Puede darnos una ilustración de esto?
    -Un ejemplo reciente lo proporciona la polémica que siguió al uso de la palabra “descivilización” por parte del presidente Macron el 23 de mayo de 2023, pero que ya había sido utilizada anteriormente, entre otros, por el “infrecuentable” Renaud Camus, en 2011, para titular uno de sus libros, lo que lo hacía inaceptable, incluso abominable, a los ojos de los lexófobos de extrema izquierda que luchan contra un vocabulario que consideran “reaccionario”, “racista” o “fascista”. Al utilizar la palabra “descivilización” para caracterizar un proceso social y cultural negativo y preocupante, ilustrado por la multiplicación y banalización de diversas formas de violencia, el presidente Macron, según sus enemigos políticos, habría aportado de mala gana pruebas de que era “reaccionario” y que lideraba una intolerable política “vertical y autoritaria”. Semejante inferencia es un buen ejemplo de estupidez. Habría bastado simplemente concluir que Macron a menudo varía, pasa de una posición a otra, es políticamente correcto y coquetea con lo verbalmente incorrecto.
    Los gritos del pueblo permanentemente indignado atestiguan la impregnación de la izquierda francesa por el neopuritanismo ‘woke’, que implica un centrismo léxico paranoico consistente en ver en las palabras sólo armas, amenazas o trampas, o incluso pistas o pruebas de proximidades, lealtades o complicidades infames. El activismo neoizquierdista se reduce hoy, esencialmente, a denunciar y condenar públicamente tales “discrepancias de lenguaje”, asimiladas a faltas morales. Así funciona la nueva visión policial de la historia. La policía del pensamiento se ha transformado en policía del lenguaje. El hipermoralismo intimidante es un poderoso factor de estupidización.

    -¿Cuál es la mejor cura para la estupidez?
    -La estupidez es inagotable e irrefutable. Y sin remedios. Sin embargo, hay que vivir con la estupidez, pero multiplicando los tabiques estancos. Sólo podemos mantenerla a distancia, tomarla como objeto de análisis o como blanco de una ironía burlona. Tienes que reírte de ella cuando no la puedes evitar. Así es como podemos dañar la estupidez, sin perder el tiempo con ella pero sin poder esperar nunca hacerla desaparecer, es decir, silenciarla.

    (1) LCI. https://www.tf1info.fr/direct/

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