En contra:

lundi 05 mars 2007
de 11h00 à 12h30

Avec Helyette Bess, ancienne militante
d’Action Directe

Question
de : Internaute

Quelque chose m’échappe, Madame. Comment peut-on être contre la
peine de mort et abattre des gens dans la rue sans aucune forme de
procès ?

Réponse : D’abord je ne m’appelle pas A.D mais Hellyette
Bess et j’étais en prison lors de ces événements. Ensuite si je
suis contre la peine de mort légalisée je ne suis pas non plus
d’accord pour abattre les gens dans la rue. Mes camarades à ce
moment ont fait une analyse qui leur appartient. Ils étaient
persuadés qu’il fallait dire non à cette société, à celle qui
se profilait. Ils y ont répondu comme un groupe restreint peut
répondre. L’analyse leur appartient.

Question de : Internaute

Regrettez-vous vos errements passés ?

Réponse : Je n’ai aucun errement passé à regretter.
L’état mis en cause nous a jugés comme des ennemis. C’est normal.
Ce qui l’est moins c’est l’acharnement au-delà de ce qui était
prévu pour mes camarades encore emprisonnés.

Question de : Internaute

J’ai participé au mouvement des chômeurs entre en 1997-98. J’ai
été scandalisé que vous ayez cru devoir vous mêler à nous lors
de l’occupation du Fouquet’s. Jamais je n’y serais allé si j’avais
su qu’une ancienne d’Action directe s’était infiltrée dans nos
rangs ! N’avez-vous pas honte, vous qui soutenez des assassins, de
venir polluer la lutte d’honnêtes chômeurs ?

Réponse : Lors des événements du chômage, j’étais avec
un grand nombre de camarades à l’initiative des réunions à
Jussieu et à l’occupation du Fouquet’s. Je n’étais pas infiltrée
mais partie prenante.

Question de : Internaute

On dit souvent que les militants d’Action directe étaient des
Autonomes. Est-ce vrai ? Et, au fait, c’est quoi au juste,
l’Autonomie ?

Réponse : Il est vrai qu’au début un certain nombre de
camarades qui sont à la base d’Action Directe étaient à la
“coordination Autonome”. C’est à dire des Autonomes
organisationnels.
Autonomes? C’est tous ceux qui ressentent le
besoin de se réunir pour prendre leur destin en main. Sans chef.
Sans slogans préétablis. Ca va de l’Anar au marxiste en passant
par les mao.

Question de : Maurice

Vous êtes une libraire, et donc une humaniste. Comment avez-vous
pu vous montrer solidaire de personnes s’étant arrogé un droit de
vie et de mort sur certains de leurs contemporains. Qu’y a-t-il de
plus autoritaire, de plus inhumain ?

Réponse : Ok. C’est autoritaire et inhumain. Ca fait partie
des contradictions. Je n’ai pas été de ceux qui ont exécuté ces
actes. Mon analyse est différente mais je pense cela explicable. Le
monde capitaliste est tout-puissant, il n’a pas besoin de la peine
de mort pour se défendre. Les militants d’AD étaient seuls,
isolés, muselés. Ils ont agi comme ils pensaient utiles de le
faire pour reprendre à l’oppression. L’explication leur appartient.
Mais l’époque était différente et on ne peut regarder ces actes à
l’aune de celle d’aujourd’hui.
Je sais que pour les proches cela
n’est pas un réconfort et que la disparition d’un compagnon, d’un
père ou d’un ami est irremplaçable.
Je sais que se croire le
bras armé du prolétariat est une erreur et qu’il eut été plus
vrai de dire comme le disaient les mao “Vengeance
prolétarienne”, mais ce n’est pas leur avis. Et leurs motifs
leur appartiennent.

Question de : Internaute

pensez vous avoir accompli une oeuvre posistive ?

Réponse : Oui je pense que mon action personnelle a été
positive. Je ne répondrais sur ce point que pour moi.

Question de : Internaute

qu’est ce qui vous a poussé a faire ceci

Réponse : Je répète que j’étais en prison à l’époque
des faits. J’ai été de l’époque où on s’attaquait aux symboles
et c’est parce qu’il n’y avait pas d’autre façon de se faire
entendre et de dire non à la société qui nous est imposée que
nous agissions. Nous espérions ainsi (ou plutôt j’espérais)
réveiller les individus et leur faire prendre conscience que si
nous nous unissions nous avions la capacité de détruire le vieux
monde pour créer un monde fraternel et lumineux.

Question de : Internaute

A quoi sert encore votre combat ?

Réponse : Mon combat actuel en-dehors de travailler à
faire sortir mes camarades de prison est le même; oeuvrer pour une
société différente, sans oppresseurs et oppressés.

Question de : Internaute

Vous sentez-vous des proximités avec les jeunes de banlieue qui
ont foutu le feu en 2005 ?

Réponse : Oui, même si je ne crois pas que ceux-ci avaient
un projet de société, leur révolte est soeur de la mienne.

Question de : Internaute

Bonjour. Quel bilan tirez-vous de vos années passées avec
Action Directe?

Réponse : Les années AD? des années de lutte et d’amitié.
La lutte pour une société où tout le monde aurait sa place. La
lutte pour l’égalité et la liberté de tous.

Question de : Internaute

Avez-vous des regrets?

Réponse : Des regrets de quoi? Je suis toujours une
militante anarchiste révolutionnaire. Je n’ai à aucun moment trahi
mes convictions.

Question de : Internaute

Que sont devenus les militants d’Action Directe?

Réponse : Les militants d’AD sont en prison. Pour les
autres, ils ont continué leur route sans trahir leurs idées,
chacun dans des directions différentes.

Question de : Internaute

Comment osez-vous venir participer ?n forum sur le Nouvel Obs,
l’hebdo de la gauche qui abdique ?

Réponse : Il n’y aurait pas de début avec qui que ce soit
si nous n’acceptions de répondre que dans un cadre qui nous
ressemble. Je participe à ce débat et à d’autres dans l’idée de
démystifier une histoire qui est simple et qu’il est utile de faire
comprendre.

Question de : Internaute

Quels moyens employez-vous pour diffuser vos idées aujourd’hui ?

Réponse : Je n’ai d’autres moyens que la parole et l’écrit
comme beaucoup d’entre nous.

Question de : Internaute

Quel a été l’ampleur et la portée de votre engagement dans AD
?

Réponse : AD a été une pèriode de ma vie. Il y en a eu
beaucoup d’autres et lorsque je m’engage je le fais en conscience et
complètement.

Question de : Internaute

Quel regard portez-vous sur vos actions passées, comment
analysez-vous votre engagement politiques de l’époque ? Que sont
devenues vos convictions, votre militantisme?

Réponse : Je revendique toujours ma participation à AD.
Mon engagement politique de l’époque découlait lui-même de mon
passé, j’ai 76 ans et un passé militant très rempli. Il y a des
périodes historiques où des méthodes d’action semblent
nécessaires, et sont employées par beaucoup. Je suis anarchiste
depuis de longues années, j’ai été enfant pendant la guerre, j’ai
vécu l’occupation. Un jour, on a arrété un bus à Grenoble où ma
famille s’était réfugiée après la déportation de mon père. Un
soldat allemand a choisi six hommes et les a collés au mur. Ils ont
été fusillés parce qu’un soldat allemand avait été tué. J’ai
été avant tout anti-raciste antimilitariste. J’ai haï les armes
mais pensé que contre la force établie il n’y avait pas d’autres
possibilités que d’en posséder et de s’en servir au besoin. Je
pense n’avoir à aucun moment trahi mes aspirations et mes
convictions, elles n’ont pas changé. Je reste persuadée que le
capitalisme est un fléau, que nous devons bouleverser cette société
et en repenser une où chacun pourra vivre comme il l’espère, dans
une collectivité réelle. Je milite toujours dans le même sens. Je
le fais actuellement avec ceux qu’on appelle les Autonomes.

Question de : Internaute

Pour quelle raison avez-vous fait de la prison ?

Réponse : Je me suis fait arréter avec Régis Schleicher
en Avignon et j’ai été jugée pour association de malfaiteurs.

Question de : Internaute

Pouvez-vous clairement répondre à cette question: assumez-vous
tous les actes d’Action directe ?

Réponse : J’assume tous les actes d’Action Directe,
jusqu’au jour de mon arrestation en mars 1984.

Question de : Internaute

Seriez-vous pr? ?articiper de nouveau ?ne action terroriste ?

Réponse : Je n’ai participé à aucune action terroriste
puisque je n’ai jamais voulu répandre la terreur, mais seulement
réagir contre la violence établie.

Question de : Internaute

Donc si vous n’êtes pas solidaire de vos anciens camarades
assassins, puisque vous étiez en prison au moment des faits….,
quelle est l’utilité de votre démarche ?

Réponse : Je suis solidaire de tous mes camarades d’AD
emprisonnés ou non. Et je le prouve chaque jour, je vais voir Régis
Schleicher et Jean-Marc Rouillan en prison, je lutte pour leur
libération. Nous ne sommes pas des petits soldats et nous avons une
sensibilité politique et personnelle qui ne sont pas des
décalcomanies. Je ne revendique pas (et je n’ai pas à le faire)
des actes que je n’ai pas commis, c’est tout!

Question de : Internaute

Quelle est l’action dont vous êtes la plus fière ? la moins
fière ?

Réponse : Il n’y a pas d’action dont je suis fière. J’ai
simplement agi, en conscience, comme je pensais utile et nécessaire
d’agir. Je n’ai pas la grosse tête. Je pense qu’il faut
s’interroger sur les instants de vie et y donner une réponse. J’
l’ai fait. J’ai surtout choisi de m’occuper de la solidarité, de
“dépanner” les camarades d’autres pays en danger, les
Espagnols, les Italiens, les Allemands, et je n’ai aucun regret de
cela.

Question de : Internaute

Si c’était à refaire ?

Réponse : Je le referais, et il est une partie de ce que
j’ai fait que je continue. Bien sûr, les moyens ne sont pas les
mêmes mais l’idée est toujours la même.

Question de : Internaute

Un mot sur les prisons. Que pensez-vous de l’état des prisons
françaises ?

Réponse : Je crois que d’autres ont parlé mieux que moi de
l’état des prisons. Je suis pour un monde sans classes ni
prisons.

Je vous remercie pour vos questions, ce forum est
maintenant terminé.