14 d'octubre de 2010
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éric chevillard, nou amic escriptor

Recoman  L’autofictif, el blog d’Éric Chevillard i els seus textos. Aquí he fet un pot-pourri de declaracions que trob ben intel·ligents i estimulants.
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« Tout
ce qui est pur en matière de style est élaboré ».

Lorsqu’on écrit, on a l’ambition — dérisoire,
peut-être — d’ouvrir un petit espace où l’on sera seul aux commandes, où
l’on sera enfin libre. Mais immédiatement, d’autres structures aliénantes,
propres cette fois à la forme romanesque, se mettent en place, et, à nouveau,
il faut forcer ce système, l’abattre. La digression permet justement de
s’engouffrer dans les brèches. À mes yeux, le texte n’existe que pour que
naisse tout à coup la possibilité d’une digression, c’est-à-dire d’une
aventure : c’est une chance qui s’offre de s’étonner soi-même, d’aller un
peu plus loin que ce qu’on avait imaginé. Ici, le conte n’est en effet qu’un
prétexte — pour le coup au sens littéral : un texte
préexistant —, et je saisis toutes les occasions que ce prétexte m’offre
pour digresser.

Parmi les armes que vous
employez, il y a aussi l’humour. Le rire, c’est pour vous quelque chose de
central ?

C’est vraiment central. Je me demande même si ce
n’est pas à l’origine de mon désir d’écrire. Faire apparaître la qualité
poétique de l’humour, montrer à quel point humour et poésie peuvent se
confondre, cela a été, très tôt, l’objet de mon travail. L’humour a pour moi
toutes les qualités : je crois que la subversion et l’humour ont partie
liée, que la violence et l’humour ont partie liée, que la tendresse et l’humour
ont partie liée, que la douleur et l’humour ont partie liée… Si j’avais quelque
chose d’épouvantable à dire, j’essaierais encore de le faire à travers
l’humour.

Parmi les auteurs que vous
dites admirer, il y a Beckett, et il y a Michaux — deux écrivains qui s’y
connaissaient en matière d’humour.

Oui. Le rire de Beckett, justement, est une
arme : un rire de connivence qui soudainement devient un rire féroce,
implacable, si bien que le lecteur ou le spectateur, entraîné par son rire, se
retrouve à devoir affronter l’horreur du néant dévoilé par Beckett. Et
peut-être qu’il y a chez moi quelques éclats de ce rire-là. À mes yeux, le
rire, c’est l’intelligence des situations : une manière de voir le néant
derrière ce qui nous accable, si bien qu’il n’y a plus qu’à en rire. Quant à
Michaux, son humour est tout bonnement stupéfiant. De manière générale, Michaux
est aujourd’hui l’écrivain auquel je me sens le plus redevable, l’écrivain qui
m’est nécessaire. À cause, je crois, de son extrême courage : la
littérature a été sa grande aventure, et il y a pris tous les risques, est allé
puiser à toutes les extrémités la matière de son écriture.

En vous lisant, il arrive qu’on
pense aussi à Ponge : il y a chez vous un parti pris des choses, une
manière de vous laisser fasciner par les objets, les animaux, qui deviennent
aussitôt prétextes à digression poétique.

Je n’ai jamais eu de souci de description réaliste
des choses. Par contre, j’use beaucoup de l’analogie et de la métaphore :
je suis incapable de décrire un nénuphar ou une girafe sans aussitôt les
inscrire dans un réseau d’analogies, de ressemblances. Et je vais aussi loin
que cette logique m’entraîne — jusqu’à ce qui peut, parfois, ressembler au
délire. Il me semble qu’en jouant ainsi sur le rapport et la confrontation
entre les choses, on peut créer quelque chose de neuf, de surprenant,
redécouvrir des réalités qu’on avait cessé de voir. C’est cela, la marge
d’intervention de l’écrivain : il ne peut rien inventer de toutes pièces,
il est, de toute façon prisonnier du langage, mais il peut, en travaillant sur
les mots, révéler un autre pan du réel.

Dans votre œuvre, la
préhistoire n’est jamais aussi présente que dans le roman qui porte son nom. Préhistoire paraît en 1994, quelques
semaines avant la découverte de la grotte Chauvet, découverte qui a bouleversé
nos “connaissances” en matière d’art pariétal (à 35000 ans,
Chauvet est plus belle que Lascaux, et bien plus vieille). On est resté
longtemps à la porte de la grotte – porte aussi massive que celle qui clôt
Lascaux. Puis la porte s’est ouverte et, on a enfin pu entrer, et voir avec un
film intitulé Dans le Silence de la
grotte Chauvet
, qui nous fait visiter la grotte, mais sur la pointe des
pieds, et à voix basse. La préhistoire de Préhistoire
échappe au regard, c’est à peine si l’on ose parler de “découverte”
tant l’énigme cherche à se préserver…

Plus l’homme avance dans le temps, plus il recule
aussi son origine. Plus il se fait vieux, et plus il se fait jeune. Son
aventure se poursuit ainsi, par les deux bouts, pourrait-on dire. Il ne se
passe pas un mois sans qu’un paléontologue ne brandisse glorieusement un fémur
de préhominien plus ancien que le plus ancien fémur de préhominien connu. La
question qui se pose à l’homme contemporain n’est donc pas seulement :
quand tout cela va-t-il finir ?, mais aussi : quand tout cela va-t-il
commencer ? Du coup, nous ne savons plus trop où nous en sommes. Les
grottes ornées, récentes dans cette odyssée de l’évolution, sont les premières
créations évidentes et même spectaculaires du génie de l’homme. Ce sont
d’ailleurs des endroits hantés véritablement, où l’on éprouve de très vives
émotions. Impossible de ne pas se sentir lié à tout cela. Je comprends pourquoi
les inventeurs de ces grottes tardent toujours à en révéler l’existence. Ils se
comportent en héritiers jaloux de la vieille maison familiale pleine de
souvenirs : on ne peut plus y vivre mais on ne peut davantage se résoudre
à s’en séparer. Que faire alors ? On verrouille. On campe devant. On porte
la clé à son cou. Puis, comme il faut bien reprendre le cours de sa vie, on
laisse son nom sur place. C’est la grotte Chauvet, la grotte Cosquer. Encore
quelques années et on prendra ces découvreurs pour les peintres.

Nabokov, au terme de son autobiographie, le confie
tristement : dès que l’on précise un souvenir par un effort de
remémoration et qu’on le fixe ainsi par l’écriture, plus net, on le perd. À
mesure que nous progressons dans la connaissance de nos origines, nous nous
coupons paradoxalement de la vérité de ce passé que chaque époque semble
éprouver moins sensiblement que la précédente. On peut dire sans exagérer
beaucoup que certains gestes préhistoriques – et partant, certaines façons
de penser, sans doute – avaient encore cours dans la France rurale de
1900, un rapport aux saisons, aux outils également, qui tend à devenir de plus
en plus abstrait. D’un côté, donc, nous avons des certitudes nouvelles
concernant ce passé, grâce aux découvertes scientifiques ; de l’autre,
nous l’éprouvons comme irréel, quasi fantastique, en somme fort peu
vraisemblable. Les représentations précises du cinéma se substituent aux
figures anciennes, confuses mais constitutives de notre imaginaire. Et voilà, justement,
tout cela n’est plus que du cinéma.

Le héros de Préhistoire va commencer son œuvre
pariétale avec un art animalier. Votre bestiaire est aussi imposant
qu’extraordinaire. L’animal, réel ou fabuleux (Palafox), fait sentir sa présence à chaque page de chacun de vos
romans. On songe à Georges Bataille qui, rêvant à l’absence de représentations
humaines dans l’art préhistorique (minimale par rapport à celle des animaux)
souligne que l’homme de Lascaux venait à peine de se distinguer des animaux, et
que l’étrangeté inhumaine, l’animalité des œuvres préhistoriques nous donnent
le signe sensible de notre présence dans l’univers.

C’est à ce titre, indépendamment de toutes les
significations magiques, rituelles ou religieuses que l’on prête à ces
fresques, que la peinture rupestre relève bel et bien de l’art. C’est un geste
d’appropriation autant que de célébration. Une tentative d’accéder au mystère
de ce qui nous échappe par la représentation. La main qui sait représenter le
monde tient le monde. Impressionné par les vastes troupeaux de rennes ou de
bisons, l’homme de Lascaux a sans doute jugé que c’était ainsi en effet que se
manifestaient la force et la présence en ce monde : il a reproduit ces
troupeaux pour affirmer sa propre présence. La figure humaine n’aurait pas eu
cet effet péremptoire ou rassurant puisqu’il connaissait sa faiblesse. Il ne la
connaissait que trop. Au contraire, cette faiblesse affichée ainsi sur tous les
murs eût peut-être perdu l’homme. Audacieusement, je pourrais dire que ma défiance
à l’égard du genre romanesque vient de ce même malaise de voir redoublée dans
les livres l’éternelle destinée de l’homme. Je coiffe donc celui-ci d’une
chaise, ou je lui lance un hérisson dans les pattes, il est au moins distrait
un peu de ses vieilles préoccupations d’amour et de mort

“La fin de la préhistoire
fut précipitée par l’apparition de l’écriture. Plus exactement, on considère
que l’apparition de l’écriture marque la fin de la préhistoire, que celle-ci en
somme s’achève lorsque le récit commence”. C’est la définition du
héros de Préhistoire. Le gardien qui
s’isole pour devenir artiste mais seulement après avoir longuement procrastiné,
digressé, après avoir péniblement hésité à prendre ses fonctions, à “s’y
mettre” comme on le lui demande “là-haut”, cet homme tardivement
préhistorique devient peintre, mais peut-on aussi y voir une figure de
l’écrivain (et “là-haut”, de l’éditeur) ?

Sans doute. Chacun de mes livres est aussi le
récit de sa propre apparition et illustre organiquement ce qu’il raconte.
Ainsi, dans Préhistoire, on attend
durant tout le livre que le roman commence. Puisqu’il est d’usage d’assimiler
en effet le début de l’Histoire aux débuts de l’écriture, il m’amusait
d’imaginer une écriture pré-historique, qui refuserait le roman, qui ne
consentirait pas obligatoirement à ce jeu de causes et de conséquences qui
fonde aussi bien l’Histoire que le roman. De là ces stratégies dilatoires,
digressives, tout au long du livre – lequel ne commence enfin que pour
finir, justement… En cela, je ne suis
pas un romancier : tout roman met en œuvre dès les premiers mots les
conditions de sa fin. C’est un processus d’autodestruction, de catastrophe. Un
processus morbide. Tout est noué pour être dénoué. La tension dramatique nous
entraîne et même nous précipite vers la fin du livre, et la fin de tout. Mes
romans voudraient plutôt instaurer un temps hors de l’Histoire, propice au
songe, à une méditation poétique sans enjeu concret.

 

 

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