Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

9 d'abril de 2018
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Víktor Orban, cabdill hongarès i referent europeu

La tercera victòria electoral consecutiva de Viktor Orban a Hongria el confirma com un líder nacional i un referent pels partits identitaris europeus contraposats a l’europeisme abstracte emanat des de Brussel·les. L’editorial de Le Monde d’avui no pot ser més hostil: “Le défi hongrois à l’Europe après la victoire du populiste Viktor Orban”.

En canvi, el digital francès Atlantico va entrevistar ahir l’analista Cyril Bret en relació a la transcendència a escala europea del triomf ideològic del president hongarès tot comparant-lo a la personalitat difusa d’Emamnuel Macron :

Atlantico : Alors qu’Emmanuel Macron est régulièrement présenté comme le nouveau visage de l’Europe, et son nouvel homme fort, cette perspective n’a-t-elle pas le défaut de voiler ce qui pourrait apparaître comme l’émergence d’un autre homme fort, Victor Orban, dont la longévité au pouvoir n’est dépassée, sur le continent, que par Angela Merkel ?

Edouard Husson : Il est indéniable qu’Emmanuel Macron est apprécié dans une partie de l’opinion publique internationale – en particulier par une partie de l’Europe. Mais il s’agit de la partie la plus aisée de nos sociétés. Le président français est le dernier représentant en Europe, comme Justin Trudeau en Amérique du Nord, de ce qu’on appelle, depuis les années 1980, le néo-libéralisme. Avant d’être économique, ce néo-libéralisme a été culturel et moral.: la libération des moeurs et le multiculturalisme sont inséparables de la financiarisation de l’économie et du libre-échangisme généralisé.

Avec Macron ou Trudeau, il s’agit, en quelque sorte, du chant du cygne de cette époque libérale qui a commencé dans les années 1960 et qui aura duré un demi-siècle. Cette ère néo-libérale a fait des perdants, comme tous les systèmes historiques devenus dominants, elle aura broyé bien des vies, précarisé de nombreux individus qu’elle voulait – ou prétendait – émanciper. En Europe, le libéralisme reflue. Dans l’ouest du continent, il n’y a pas eu encore de personnalité politique capable d’incarner un élément d’alternative.

En Europe centrale, au contraire, on voit émerger un nouveau conservatisme: Autriche, Tchéquie, Pologne, Hongrie sont de plus en plus rétifs au néolibéralisme, qui se traduit dans les injonctions convergentes de Berlin, Bruxelles et Paris. C’est en particulier l’ancienne Europe centrale sous domination soviétique qui exprime un fort rejet. Dans cette zone, Orban est sans aucun doute, actuellement, la personnalité la plus affirmée, le gouvernant le plus charismatique. I faut bien comprendre que la Hongrie, la Pologne ou la Tchéquie ont réussi à survivre aux empires qui les opprimaient grâce à une conscience nationale aiguisée. Quand on a subi le nazisme puis le soviétisme, il est peu probable que l’on se laisse impressionner par le totalitarisme mou venu de l’ouest du continent. Le parcours d’Orban résume très bien ce qui s’est passé: lors de son premier mandat de Premier ministre, à la fin des années 1990, il est assez libéral mais ne réussit pas à se faire réélire. Il revient au pouvoir en 2010 après avoir effectué un tournant conservateur.

Cyrille Bret : La figure de Viktor Orban est d’autant plus marquante qu’elle est clivante, non seulement au sein des institutions européennes qu’en Europe centrale et orientale et à l’intérieur même de son pays. La longévité compte. Mais elle ne suffit pas : la capacité à déférer dépend de l’autorité acquise dans les crises. Or, tel n’est pas le cas pour le Premier ministre hongrois à l’heure actuelle. Premier ministre de 1998 à 2002 et de 2010 à nos jours, le leader du parti Fidezs a effectivement une longévité au pouvoir conséquente. Il peut également se targuer à juste titre d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale de deux tiers avec son allié démocrate-chrétien du KDNP. Son candidat à l’élection présidentielle a également largement remporté l’élection en 2017. Toutefois, au sein du groupe de Visegrad, Orban ne parvient pas à s’imposer comme un leader en raison d’une part des désaccords avec la Pologne sur les relations à entretenir avec la Russie et, d’autre part, en raison de l’atonie de l’économie hongroise. La comparaison avec la chancelière Merkel est cruelle pour le Premier ministre hongrois : même si Angela Merkel est contestée notamment dans le sud de l’Europe, elle a acquis une autorité morale durant plusieurs crises : sa fermeté face à la Russie lors de l’annexion de l’Ukraine, sa volonté réelle d’accueil des migrants durant la crise migratoire, sa combativité lors de la campagne électorale, etc. tout cela lui a valu une estime par-delà les frontières de son parti CDU-CSU et les frontières de son pays. On serait en peine de trouver ces phénomènes pour le Premier ministre hongrois : il reste un chef partisan et non un leader continental.

“L’homme le plus important sur la scène européenne” pour l’ancien conseiller de Donald Trump, Steve Bannon, une politique migratoire prise comme exemple par le nouveau pouvoir autrichien… comment mesurer l’influence de Viktor Orban en Europe ? ​

Cyrille Bret : L’influence se mesure à la capacité à rallier à soi non seulement ses alliés mais également certains de ses adversaires et à proposer des projets fédérateurs. Assurément, Orban fascine en Europe centrale les parties de l’électorat méfiantes à l’égard des migrations de population musulmanes et réticentes à octroyer des compétences fédérales aux institutions européennes. Il ne sert de rien de minimiser son effet d’entraînement et son charisme. Mais il hérisse ses opposants autant qu’il galvanise ses partisans.

Son attitude de soutien à la coalition ÖVP- FPÖ dans l’Autriche voisine a étendu ce clivage.

Edouard Husson : Pourquoi citer seulement Steve Bannon? Pourquoi serait-il le seul à voir ce qui se joue actuellement au centre de l’Europe? C’est trop facile de qualifier de populisme, comme le font beaucoup de commentateurs, le conservatisme qui est en train de s’installer en Europe centrale; c’est abusif de qualifier d’autoritaires ou semi-autoritaires des gouvernements sous prétexte qu’ils ne partagent pas le credo hyper individualiste de l’Europe occidentale. Orban est beaucoup plus proche du Général de Gaulle que de l’Amiral Horthy auquel on veut toujours le comparer! L’Europe centrale actuelle, modelée dans la lutte contre le communisme, croit qu’il n’y a pas de démocratie hors du cadre national. Beaucoup de nos dirigeants, qui ont voulu récupérer l’héritage du gaullisme contre toute exactitude historique, seraient étonnés s’ils prenaient le temps de découvrir ce que pensait et faisait vraiment le fondateur de la Vè République. En matière d’immigration, il était partisan d’un contrôle et d’un contingentement très strict des entrées. De Gaulle aurait considéré que la politique d’Angela Merkel d’ouverture maximale des frontières était inacceptable. Et la fameuse formule prononcée devant Alain Peyrefitte pour justifier l’indépendance de l’Algérie – “Je ne veux pas que Colombey-les-deux-églises s’appelle un jour Colombey-les-deux-mosquées” serait aujourd’hui taxée d’islamophobe en Europe occidentale. Les soixante-huitards trouvaient de Gaulle ringard du fait même de son patriotisme de la même manière que l’Europe de l’Ouest aujourd’hui s’offusque de la droitisation que connaît la Pologne, du tournant russophile de la Tchéquie ou de la mobilisation anti-immigration d’Orban. Il existe aujourd’hui une Europe centrale néo-gaulliste qui entend peser dans les grands choix du continent et qui s’éloigne de plus en plus de l’esprit qui règne à Paris, Bruxelles ou Berlin. L’Europe est divisée politiquement.

Comment analyser ces deux faces d’une Union qui n’a jamais semblé aussi clivée ? Comment mesurer les rapports de force actuels et en devenir, et comment anticiper un avenir européen reposant sur deux jambes aussi opposées ? ​

Edouard Husson : L’Union Européenne est divisée en trois parties. Le nord de l’UE adhère largement à l’hyper individualisme libéral. Le sud est ravagé, économiquement et socialement, par la politique monétaire voulue par le nord. Quant à l’est, il s’en tire à peu près économiquement mais il rejette le libéralisme culturel et politique. Le nord de l’UE a réussi jusqu’à maintenant à empêcher la jonction de tous les mécontentements, en particulier parce que la France, qui aurait toutes les raisons de se sentir solidaire de l’Europe méditerranéenne en matière économique et sociale, fait, depuis des années, le choix politique de coller au nord de l’UE; et parce que les dirigeants de notre pays ont depuis longtemps déserté le gaullisme qui les ferait entrer en phase avec l’Europe centrale.

Quels que soient les choix faits par la France dans les deux à trois ans, on peut cependant parier sur une perte d’influence de la partie “néo-libérale” de l’Union Européenne: La Grande-Bretagne sortie de l’Union d’un côté, la Russie de l’autre, où Poutine vient d’être réélu pour six ans, vont peser en direction d’un nouveau conservatisme européen. Tant qu’on prétendra que ce qui n’est pas du néo-libéralisme marche contre la démocratie, on maintiendra les divisions du continent. En revanche, si l’on redécouvre le caractère fécond pour la démocratie de son enracinement national, l’Europe pourra surmonter ses divisions.

Cyrille Bret : L’Union d’abord : son histoire n’a jamais connu d’âge d’or sans tensions internes à l’Europe : les Pères fondateurs se sont heurtés à bien des obstacles pour lancer la CECA et conclure le Traité de Rome. La Communauté européenne de défense a été rejetée notamment par les Français réticents à réarmer l’Allemagne dès les années 1950. L’Acte unique et la constitution du marché commun s’est faite difficilement sous la houlette de Jaques Delors malgré des résistances françaises, britanniques, etc. Quant au Grand Elargissement de 2004, il a été réalisé en vainquant les réticences à l’Ouest et à l’Est. L’Union est le fruit de compromis et de coopérations difficiles. Rien de neuf à cela.

Concernant le clivage entre le couple franco-allemand d’un côté et les pays du groupe de Visegrad depuis 4 ans : elles sont importantes car elles mettent en jeu la coordination entre des souverainetés nationales récemment recouvrées et la nécessaire intégration de l’Union. Ces tensions doivent être prises non comme les signes de l’échec de l’Union mais comme des symptômes d’une intégration à parfaire et comme des aiguillons pour tourner ses regards vers l’orient de l’Europe. Une grande partie du destin du continent se joue à l’est.

Post Scriptum, 3 de juliol del 2021.

Le Figaro del proppassat 29 de juny: La Commission européenne prévoit d’engager une procédure pour sanctionner la Hongrie après l’adoption d’une loi interdisant la «promotion» de l’homosexualité auprès des mineurs. L’essayiste Max-Erwann Gastineau voit dans cette controverse à l’échelle européenne un nouvel épisode d’une guerre culturelle. La Hongrie accusée par Bruxelles: «L’opposition entre les deux Europe est plus affirmée que jamais».

Post Scriptum, 6 d’abril del 2022.

Avui, Persuasion publica aqueixa anàlisi dels resultats de les eleccions a Hongria de la politòloga Edit Zgut: “Hungary’s Point of No Return.

In the Hungarian election held on Sunday, Prime Minister Viktor Orbán won his 4th consecutive term after gaining 135 seats in parliament, an even larger supermajority than he won in 2014. It was, he claimed, a “victory so big you can see it from the moon… and Brussels.”

His opponents, composed of six ideologically divided parties that united in order to defeat Orbán, failed to undercut his populism. Although multiple crises—including Covid and the war in Ukraine—provided an opportunity to unbalance Orbán’s Fidesz party, the United Opposition could not build momentum. Their performance was so insufficient, it’s likely that Orbán would have defeated them no matter what—something that many in Fidesz and on the Western right will be keen to point out.

But the fact remains that in Hungary, even if the opposition does everything right, it is nearly impossible to replace Fidesz during elections. Since the party returned to power in 2010, the country has seen the deepest erosion of democracy in the European Union. Orbán has successfully manipulated Hungary’s system in order to translate popular support into an unbeatable electoral majority. He provides a textbook example of how autocrats can erode liberal democracy while facing minimal consequences.

The Hungarian model is a mix of both formal and informal threats to democracy. On the formal and legal side, the regime has put a great emphasis on what Kim Lane Scheppele calls “autocratic legalism.” Orbán is one of the new autocrats of the EU who are undermining constitutionalism while claiming the legitimacy of a democratic mandate to rewrite the constitutional rules for their own benefit. As a result of a recent law, private foundations have been allowed to capture an unprecedented amount of public money. Due to gerrymandering, which packs opposition voters into only a handful of constituencies, it is fair to say that Fidesz voters had effectively two votes where an opposition voter had only one.

But you cannot understand the regime without understanding the informal power that underpins it. These are the uncodified and informally enforced interactions that go beyond legalism, and through which the regime can further tilt the electoral playing field in its favor.

Through massive media capture, Fidesz has used its structural advantage to wage a constant civil war on dissidents, financed by taxpayers’ money. The opposition was either excluded from state media or negatively framed in ways which fit Orbán’s narrative. Fidesz could spend 8 times more on billboard ads than the opposition and pushed the envelope with massive macro-targeting on social media. In such a distorted public sphere, mistakes made by oppositional frontrunner Péter Márki-Zay—such as his botched televised debate on weapons delivery to Ukraine—seemed more significant than they actually were.

Meanwhile, serious electoral malfeasance took place both before and after voting. For Hungarian voters living in Serbia, postal voting packages were reportedly delivered by the Alliance of Vojvodina Hungarians, an ethnic Hungarian party allied with Orbán, instead of the Serbian postal services. Elsewhere, postal votes for the opposition were removed from ballot boxes and burnt, such as in Romania.

Intimidation of the poor, and threats to withdraw social benefits, are also prominent in Hungarian politics. Hungary’s Roma community are especially vulnerable to electoral clientelism, in particular coercive vote-buying. In exchange for votes, local mayors and party representatives often provide cash handouts and food in elections. According to media reports, five portions of fresh pork meat and 10,000 forints (equivalent to 29 dollars) was the price of a vote in two smaller settlements.

One of the most efficient tools is the government’s politicization of the so-called public workforce program, which provides Hungarians with stable employment for a low wage. The dark side of this instrument is that the most deprived groups practically become dependent on local mayors who could threaten to cut off their benefits if they do not cast the right ballot during elections. In this way, the ruling party has created a massive system of dependency within the electorate.

Of course, none of this should prevent us from acknowledging that Orbán also articulates a popular identity among the Hungarian electorate that speaks to their grievances. The prime minister perfectly understands the soul of the Hungarian nation and successfully rides the wave of existential fears.

80% of the Hungarian population identifies as Christian, and Fidesz is positioning itself as a leading Christian Democratic party in Europe. In contrast to Poland, the Orbán regime can hardly be described as possessing a cohesive ideological conservative worldview; it is more accurate to say that it is using only those elements of conservative-collectivist values which serve its interests. It wants to blame Brussels for using rule-of-law criticism as a pretext to attack Fidesz, which presents itself as “protecting” Christian values against the “LGBTQ lobby.”

This campaign also resonated well with the country’s poor. As with the elections in 2014, Orbán attracted low-income voters with state-regulated food prices and lowered utility costs. This is called rezsicsökkentés, and was a central buzzword of the campaign. Such measures gave an extra layer of comfort to those heavily impacted by the combined economic effects of the pandemic and the war in Ukraine. It provided legal employment for those who have no other options in the most deprived northeastern and southwestern provinces of Hungary. This particularly affected the Roma, and the United Opposition missed a huge opportunity to invite Roma civil society representatives to discuss the pressing issues facing them.

Finally, there is the “security and stability” agenda to which the campaign shifted after Russia invaded Ukraine. Orbán successfully presented a false dichotomy by arguing that people need to choose between “peace [Fidesz] and war [the opposition].” He fuelled outrageous anti-Ukrainian sentiments and used President Zelensky as a punching bag.

What really mattered in this election was that Orbán could effectively secure the bottom needs of the political Maslow pyramid. He centered the campaign around cheap food, cheap electricity and security, all the while claiming that “Hungary moves forward, not backward.”

Since informal manipulation is as important as legal norms (if not more important), Orbán will keep operating under the radar of the EU. Despite developing a mechanism that will permit the slashing of funds to Hungary unless it strengthens the rule of law, the EU cannot address the damage caused by informal power. Corruption and electoral clientelism have much more complex underpinnings, which ultimately allow the regime to play hide-and-seek with Brussels.

And Orbán won’t stop here. Employing a tried and tested toolkit, his government will continue to capture the remaining civic referees by putting more pressure on the general court system. It will restrict public discourse even further by politicizing more independent media. By dissolving the remaining autonomous spheres of civic society, dividing the electorate between “us” and “them,” and delegitimizing dissidents, Orbán has ensured that autocratization and toxic polarization mutually reinforce each other.

In this election, Fidesz won significant popular support. But it’s unlikely that Orbán will willingly give up power even if that support evaporates in the future. The Hungarian political system may have reached a point of no return.”

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