Seguint la política francesa i els debats que s’hi generen trobo que emergeixen joves lliurepensadors d’origen immigrat o francesos de segona generació que s’expressen sobre temes que són tabú pels opinadors mediàtics: l’islamisme com a totalitarisme, l’antiracisme arbitrari, les oportunitats de les societats obertes occidentals. N’he destacat tres: Emmanuel Debono, Ferghane Azihari i Abnousse Shalmani.
El proppassat 18 d’aqueix mes l’historiador Emmanuel Debono, (París, 1970), (que manté un bloc personal titulat “Au coeur de l’antiracisme“, dedicat a estudiar les tendències i les idees d’aqueix moviment), era entrevistat per Le Monde arran de les manifestacions a França contra les violències policials envers els ciutadans d’origen africà fent una anàlisi panoràmica sobre l’evolució del moviment antiracista contemporani: L’antiracisme en France, de l’idéal « universaliste » aux luttes « catégorielles »<.
Un altre intel·lectual emergent és Fergane Azihari, (Torcy, 1994) dedicat a l’anàlisi de les polítiques públiques des d’una òptica liberal, que en una entrevista a Le Figaro opinava que: «La réponse efficace aux tensions ethniques en France: un vrai libéralisme économique!». A més, va publicar a Slate.fr l’1 d’octubre del 2017 aqueix article favorable a la causa catalana: Et si la sécession de la Catalogne était une bonne nouvelle pour l’Europe?.
Més punyent és Abnousse Shalmani (Teheran, 1977) que en una entrevista a Le Figaro el proppassat 12 d’aqueix mes s’expressava així: «Le nouvel antiracisme est un racisme déguisé en humanisme”: Des militants appartenant à la nébuleuse «décoloniale» s’emparent du meurtre raciste de George Floyd pour fustiger la police française. La situation en France est-elle comparable à la situation américaine ?
Abnousse SHALMANI. – Le meurtre de George Floyd a soulevé une vaste, juste et inédite indignation. Nous pouvons nous réjouir de constater que le racisme ne passe plus – et ce partout dans le monde – tout en refusant d’importer la question raciale américaine sur le sol français, où nous n’avons ni la même histoire ni la même culture. L’utilisation systématique de la force, l’état d’esprit paramilitaire, la crainte d’être confronté à un citoyen armé et la relative impunité des policiers, renforcée depuis le 11 septembre 2001, font des forces de l’ordre américaines une institution qui fait davantage la guerre aux citoyens qu’elle ne les protège.
D’autre part, les Américains se sont déchirés et se déchirent encore sur la question raciale, qui leur a coûté une guerre civile, longue et traumatisante. Rappelons-nous que jusqu’à la fin des années 1960, la ségrégation était la norme et les mariages interraciaux prohibés. Rappelons-nous Joséphine Baker ou James Baldwin, réfugiés en France pour vivre librement, fréquenter qui ils voulaient, entrer dans tous les cafés, les musées et les salles de spectacles. Ils ont aussi subi le racisme, mais jamais une porte ne leur a été fermée parce qu’ils étaient noirs. Rappelons-nous que Joséphine Baker était une remarquable résistante qui s’est battue pour la France, tout en défilant aux côtés de Martin Luther King, et en refusant de se produire à Miami où la ségrégation sévissait encore – au contraire de la France.
Y a-t-il un «racisme systémique» en France?
Abnousse SHALMANI.- Nous ne pouvons pas parler de «racisme systémique», car ce serait insulter la mémoire de tous ceux nés ailleurs qui ont fait la France. En politique, Hégésippe Jean Légitimus, premier, et plus jeune, député noir de France en 1898, mais aussi les Senghor, Houphouët-Boigny, Gaston Monnerville, Sékou Touré ou Kofi Yamgnane – pour ne citer que les plus historiques -, sans oublier Rama Yade, Harlem Désir, Rachida Dati, Christiane Taubira jusqu’à la porte-parole du gouvernement actuel Sibeth Ndiaye, sont des figures publiques et légitimes. Dans les arts, nous pouvons dire que l’art moderne, qui fait légitimement la fierté de la France, est un art métèque. Les Picasso, Soutine, Modigliani, Chagall, etc., venaient d’ailleurs. Tout comme les écrivains Joseph Kessel, Apollinaire ou encore René Maran (prix Goncourt 1921), qui font partie intégrante de la culture française. Je me souviens encore du Discours sur le colonialisme et du sublime Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire qui étaient au programme lorsque j’ai passé le bac en 1995.
-Mark Lilla, professeur à l’université Columbia, dénonce la dérive identitaire de la gauche américaine, en particulier sur les campus. Suivons-nous le même chemin ?
–Je souscris à la théorie de Mark Lilla, qui dénonce le glissement de la gauche américaine de la dénonciation des inégalités au discours identitaire, qui réduit chaque être humain à son sexe, sa race, sa religion, sans espoir de ne jamais y échapper. L’une des raisons pour lesquelles les démocrates ont perdu les élections de 2016 tient à ce que Hillary Clinton ne se soit jamais adressée aux Américains dans leur ensemble, mais aux seules minorités. Joe Biden emprunte la même voie quand il clame qu’un Noir ne peut pas voter pour Trump (ils étaient 8 % à le faire en 2016). Cette dérive identitaire est à l’opposé de l’universalisme. Je sais que l’universalisme semble démodé face à la déferlante de la novlangue qui, sous couvert de nouveaux concepts, ne fait que remettre au goût du jour la fatalité de la naissance, autrement dit une théorie antérieure à la Révolution française!
Une image m’a particulièrement glacée lors de la manifestation de soutien à Adama Traoré: un policier français noir se fait harceler par la foule qui lui crie hargneusement: «Vendu! T’as pas honte?» Reprocher à un homme noir d’être un policier équivaut exactement à interdire à un homme noir l’accès à la députation, à un bar ou à un mariage mixte sous prétexte de sa couleur. C’est immonde. Si nous ne nous dressons pas, immédiatement et fermement, face à cette injonction au déterminisme racial, nous allons perdre la plus belle des idées née en France: la possibilité de l’émancipation.
-Une certaine sémantique s’impose dans le débat public. On parle désormais de «mâle blanc», mais aussi de «racisés», de «blanchité» ou encore de «privilèges blancs». Est-ce la banalisation du discours des Indigènes de la République ?
–Imaginez qu’il m’est arrivé d’être décrite comme une «fausse Blanche» parce que née en Iran ! C’est terrifiant ! Je suis née à la fin des années 1970, j’ai été élevée par des parents nés après-guerre, qui m’ont répété, dès l’enfance, qu’un salaud était un salaud quels que soient sa couleur, son sexe, son origine sociale, sa religion, que le racisme et l’antisémitisme étaient la négation de l’humanisme. Je refuse avec la même force le néoféminisme et le repli identitaire qui m’assimilent à un groupe fermé et inamovible. Je suis ce que je choisis d’être. Femme et métèque, ce que j’entends dans ces discours indigénistes, c’est mon infantilisation. Ce qui résonne dans ce discours, c’est la prison de la victimisation et l’essentialisation. Sous-entendre que tout Blanc est mauvais – en témoigne le déboulonnage récent des statues de Victor Schoelcher, père de l’abolition de l’esclavage, en Martinique – et que tout Noir est victime, c’est réduire tous les hommes. Cette confusion ne rend pas compte de la réalité: tous les habitants de banlieue ne sont pas des voyous, tous les Noirs ne sont pas dealers, tous les Blancs ne sont pas riches et racistes. Combattre le racisme en usant d’un vocabulaire raciste n’est pas de l’antiracisme, mais le renouveau de la ségrégation.
-Certes, la France est fondée sur un modèle républicain universaliste qui ne reconnaît pas la couleur de peau. Mais est-il faux de dire que les «minorités» souffrent davantage de racisme que la majorité blanche ?
–Le racisme existe en France, il existe aussi dans la police. Mais la police française, si elle doit impérativement se réformer – dans sa technique de maintien de l’ordre comme dans sa confrontation quotidienne avec les citoyens -, ne vise pas exclusivement les Arabes et les Noirs. Le contrôle au faciès empoisonne les relations entre les Français issus de l’immigration et la police. De la même manière, l’accès à l’emploi et au logement doit faire l’objet d’un contrôle accru pour éviter l’accumulation de ressentiments légitimes. Il nous reste beaucoup à faire pour endiguer le racisme, mais le séparatisme ne nous sera d’aucune utilité, puisqu’il n’est qu’un racisme inversé.
-La romancière Virginie Despentes a publié une «Lettre adressée à mes amis blancs qui ne voient pas où est le problème…». Que cela vous inspire-t-il ?
–Le texte de Virginie Despentes nous décrit une ségrégation qui n’a jamais existé en France et semble oublier qu’il existe des médecins, des avocats, des chefs d’entreprise issus des minorités. C’est insultant. Qu’il n’existe pas en France de racisme d’État ne signifie pas qu’il n’y a pas de racisme. Je considère que le problème des minorités en France est davantage d’ordre social que racial. Que la frontière vient des castes davantage que des races, qu’il est plus ardu pour un gamin pauvre, quelles que soient sa couleur et son ethnie, de réussir que pour un fils de bourgeois, que les codes sont figés et qu’il nous faut renouveler rapidement les élites avant de nous ankyloser à force de recycler le passé. L’ascenseur social est en panne, qui ralentit l’accès des non-bourgeois aux postes de pouvoir, et pérennise un système de castes qui se joue dès la maternelle. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une réforme de l’éducation, mais aussi d’un nouveau contrat social qui assure à chaque citoyen l’accès au savoir et à la liberté de choisir son destin.
-Votre dernier livre s’intitule «Éloge du métèque». Qu’entendez-vous par ce terme ? D’une certaine manière, diriez-vous que les «décoloniaux» sont des «antimétèques» ?
–Je définis le métèque comme une liberté qui flotte. Un métèque est en rupture: avec son pays d’origine, mais aussi avec sa communauté reconstituée dans le pays d’adoption. Il est donc un anticommunautariste. Autonome et solitaire, son statut est fragile: il est en équilibre entre les facilités confortables de l’origine glorifiée et l’assimilation sans mémoire. Il est aussi l’œil extérieur indispensable à son pays d’adoption: il remarque ce qui est invisible aux yeux de ceux qui vivent là où ils sont nés. Le haussement d’épaules est son geste, le rire sa politesse, l’ironie son humour, la poésie son langage, le désir son moteur, la chaire son chant et l’Amour son sacerdoce. Le métèque est une figure consolante qui peut apaiser les tensions identitaires et célébrer un métissage joyeux qui ne peut que revivifier la pensée et la culture. Le cosmopolitisme est une richesse commune là où le multiculturalisme est un poison séparatiste.
-Lorsque vous avez fui le khomeynisme après la révolution iranienne, la France représentait pour vous l’universalisme et la liberté. Est-ce toujours le cas ?
–Je suis tombée amoureuse de la langue et de la littérature françaises. J’ai appris les gammes de la liberté dans les pages de Hugo, Zola, Balzac, etc., je me suis approprié la culture française avec gourmandise. J’insiste sur l’appropriation que j’oppose à l’assimilation ou l’intégration: s’approprier une culture est une démarche active, s’intégrer sous-entend une passivité qui ne rend pas justice à l’excitation de se plonger dans une nouvelle culture. Rajoutons à cela que j’ai été forcée de porter le voile à Téhéran, et que mon exil m’a libérée, en libérant mon corps de femme. La France m’a donné une langue, je lui ai offert des livres ; elle m’a donné la liberté, je me battrai pour la préserver. Il ne faut pas prendre peur devant la crise identitaire, la culture française est assez riche pour répondre aux séparatistes de la race, elle est assez solide pour résister à la déferlante antiraciste qui n’est qu’un racisme déguisé en humanisme. Alors, oui, je crois encore aux vertus de la France universaliste. Sans elle, je ne serais pas celle que j’ai choisi d’être… en toute liberté.
Post Scriptum, 7 de juliol del 2020.
Emmanuel Debono està oferint una sèrie extraordinària d’apunts al seu bloc “Au coeur de l’antiracisme” allotjat a Le Monde, dels quals mereix una menció especial el corresponent al proppassat 2 de juliol, « Racisme d’État », la déconstruction à l’assaut de la République (6/7).
Post Scriptum, 2 d’octubre del 2020.
Emmanuel Debono s’ha fet càrrec de la direcció de la revista “Le Droit de Vivre”, el periòdic antiracista més antic del món, editat per la LICRA des del 1932.
Post Scriptum, 6 de novembre del 2020.
Ferghane Azihari publica avui a Causeur aqueix article punyent: Islam radical: et si la solution passait par l’apostasie des musulmans?
Post Scriptum, 13 d’abril del 2021.
Les violències que afecten el món musulmà són injustament atribuïdes a Occident estima Ferghane Azihari, en aquesyt article publicat avui per Le Figaro, segons ell, les derives islamistes tenen bàsicament origen en els principis inherents a aqueixa religió: «L’islam n’est pas la religion des opprimés».
Post Scriptum, 5 de novembre del 2023.
El proppassat 1 de novembre Le Figaro entrevistava Abnousse Shalmani: “Islamisme, wokisme et bêtise nourrissent l’antisémitisme”.
LE FIGARO. – L’antisémitisme qui progresse en France se déploie parfois au nom de l’antifascisme. Comment expliquez-vous ce paradoxe?
Abnousse SHALMANI. – L’antifascisme n’a plus de sens, car l’Histoire n’est plus apprise, le savoir est dévalorisé. Nous l’avons constaté avec l’invasion de l’Ukraine et la propagande russe qui présente les Ukrainiens comme des nazis. Ce faisant, l’islamisme qui est un totalitarisme, un léninisme de droite, échappe aux radars antifascistes. L’islamisme est un antisémitisme, un antiféminisme, une homophobie, un antidémocratisme, un antihumanisme. Mais l’islamisme est parvenu à faire croire qu’il était du côté des opprimés anticapitalistes, ralliant à lui les miettes d’une gauche en perdition.
Rajoutons à cela le “Wokistan” qui récuse le savoir et l’Histoire (considérés comme appartenant aux dominants, donc aux “Blancs” et par extension aux Juifs) et voilà comment on se retrouve avec des étudiants occidentaux décérébrés, ici comme ailleurs, qui arrachent fièrement les affiches représentants les victimes et les otages juifs d’une organisation sanguinaire et terroriste, le Hamas. La confusion est totale, le renversement de valeurs, vertigineux.
Dans une chronique sur France Inter, l’humoriste Guillaume Meurice a comparé le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, à un nazi. Que vous inspire ce parallèle?
J’étais, je suis, je reste une inconditionnelle de l’esprit Charlie Hebdo.L’expression de la satire et la caricature participent de la bonne santé démocratique d’une nation. Mais il faut s’entendre sur ce que sont la caricature et l’humour. Non seulement comparer un Juif à un nazi est d’une bêtise abyssale, qui relève de l’antisémitisme, mais rajouter “sans prépuce” ne renvoie certainement pas à un trait d’humour, mais à une réalité abjecte quand les nazis vérifiaient la judéité des hommes à l’absence de prépuce.
La question demeure toujours la même: de qui vient la blague, le trait d’esprit? Guillaume Meurice n’est ni journaliste ni humoriste. C’est un militant obtus, un idéologue méprisant qui souffle sur les braises d’un antisémitisme qui tue. Ce sont les Français juifs qui meurent en France sous les attaques terroristes des islamistes. Je rajouterai que faire le parallèle entre Israël et le nazisme sous-entend qu’un génocide serait en cours à Gaza et en Cisjordanie. C’est non seulement nier la réalité des 20% d’Arabes israéliens qui vivent, étudient et travaillent en Israël, mais c’est aussi refuser de voir que la population palestinienne a quadruplé en cinquante ans.
Cette nazification des Juifs s’inscrit aussi dans un contexte de diabolisation d’Israël. Que pensez-vous des critiques qui visent l’État hébreu actuellement? Sont-elles justifiées?
Que Benyamin Netanyahou se soit déshonoré politiquement pour échapper à la justice en s’alliant à des clowns messianiques qui ne sont que des voyous, tels Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, qu’il ait accepté de jouer le jeu d’une extrême droite israélienne avide d’annexion fait de lui un politique coupable devant l’Histoire, mais pas un nazi. Par contre, on refuse obstinément de voir la vigueur démocratique et citoyenne de la société israélienne, on refuse de voir les millions d’Israéliens qui ont manifesté durant neuf mois contre la réforme de la justice, on refuse de voir que l’État d’Israël, juif et démocratique, est un phare dans la nuit obscurantiste du Moyen-Orient.
Cette diabolisation d’Israël nourrit avant tout un antisémitisme meurtrier. L’antisémitisme est increvable depuis deux mille ans, mais il a évolué. La totalité des Occidentaux ont refusé la réalité d’un antisémitisme islamiste, par peur, par lâcheté, cet antisémitisme-là s’est installé dans le paysage occidental. À travers l’expression décomplexée d’un antisémitisme islamiste à la faveur de la guerre Israël-Hamas, soudain l’Occident prend conscience de son aveuglement. La question est de savoir s’il n’est pas déjà trop tard.
Nous sommes le pays de la liberté d’expression. Où doit-elle s’arrêter?
La liberté d’expression s’arrête là où commence la loi. Dieudonné n’a pas été condamné pour antisémitisme, mais pour négationnisme. Il a nié la réalité de la Shoah et des 6 millions de Juifs assassinés par le régime nazi. La différence est que Dieudonné était proche d’un Jean-Marie Le Pen, là où Guillaume Meurice représente la gauche radicale mélenchoniste – ce qu’il assume. Comme si se proclamer de gauche vous offrait un totem d’immunité, vous préservait de dérapage, car on ne peut pas être raciste ou antisémite à gauche, n’est-ce pas? La gauche avant l’affaire Dreyfus était globalement antisémite: le Juif c’était le capital, Rothschild, l’ennemi de la classe ouvrière.
La gauche mélenchoniste ressuscite cette gauche moisie pré-dreyfusarde: le Juif est non seulement redevenu le ploutocrate, mais doublé d’un colon, du dernier des colons associé à l’éternel impérialisme américain, donc à combattre pour libérer les dominés – dont les islamistes. On oublie trop facilement que le boulangisme était sous la III République un populisme ni de droite ni de gauche, antiparlementaire et antisémite, et composé à moitié de monarchistes et à moitié d’ex-communards. Le service public continue de perdre de la crédibilité en offrant une tribune à des militants qui surfent sur le catéchisme islamiste en pensant que tous les moyens sont bons pour parvenir au pouvoir.
Post Scriptum, 17 de gener del 2024.
El proppassat 12, a Le Figaro, Abnousse Shalmani: “Les islamistes nous regardent dans les yeux et nous disent: ‘On n’aime pas vos libertés’”.
PORTRAIT – Née en Iran, l’écrivain et chroniqueuse entremêle, dans son dernier roman, les vies de deux femmes de lettres qui ont toujours choisi la passion et la liberté. Comme elle.
Elle arrive comme une tornade. Un courant d’air de vitalité. Boucles blondes virevoltantes. Sourire en bandoulière. Le regard animé par une pointe de défi amusé. Féminine sans afféterie. Abnousse Shalmani ne fait pas de manières. Elle est joyeuse, enjouée, directe. Elle nomme les choses: appelle un chat un chat, «un cul, un cul». Avec une espèce de délectation malicieuse. Elle pose ses deux cigarettes électroniques (l’une au goût nature, l’autre framboise-cassis) sur la table du petit salon d’un hôtel du 6e arrondissement où nous avons rendez-vous. Glisse à la serveuse qu’elle a passé un bon Noël «même si un peu arrosé, tout était trop», s’amuse-t-elle. Et, en la voyant ainsi s’installer, on comprend tout de suite que l’on est face à ce que l’on appelle «un tempérament». Un tempérament, mais doué de raison. Et qui a gardé une part d’enfance. L’insolence de la petite fille qui a vécu ses premières années en Iran et s’est révoltée tout de suite, de tout son être, lorsqu’elle a dû, après l’arrivée de Khomeyni au pouvoir, revêtir la tenue traditionnelle religieuse et le voile.
«J’avais 6 ans, mais je ne trouvais pas ça normal. Je ne comprenais pas pourquoi on devait me coller un voile. À la maison, ma mère avait cinq sœurs, extrêmement libres, bien habillées, avec des couleurs. Et tout d’un coup, je voyais ce pays, ce gouvernement se couvrir de noir. Et moi la première. C’était très étonnant, et c’est vrai que c’était physique. J’étouffais.» Elle a raconté dans son premier livre comment, par goût de la provocation, mais surtout par un réflexe de survie, elle a refusé de «porter ce truc, ce foulard gris qui serre trop» et s’est baladée, par défi, les fesses à l’air ou en culotte avant de «sprinter vers la porte de sortie de l’école». «Il fallait que j’enlève ces oripeaux, sourit-elle aujourd’hui, et de voir les femmes corbeaux me courir après et se casser la gueule, ça a été un grand moment… Je n’avais que 6 ans. C’est plus tard que j’ai compris l’aspect transgressif» de ce geste.
Le grand public connaît surtout Abnousse Shalmani pour ses chroniques à LCI, i24 News et dans L’Express et la manière dont elle torpille avec allégresse et de manière argumentée le wokisme, l’islamisme, le néoféminisme, et défend avec ardeur la laïcité. Mais il ne sait pas toujours qu’elle est avant tout une femme écrivain (elle tient au masculin). Une femme de lettres dont la conscience politique a été aiguisée et alimentée par la littérature. «Lorsqu’on est arrivés en France, en 1985, j’ai décidé que je voulais être écrivain français, ce qui faisait rire toute la famille: je ne connaissais pas un mot de français. Après, j’ai découvert Madonna et Victor Hugo, et j’ai voulu être les deux en même temps. Le corps et la tête, je trouvais que cela allait très bien ensemble.»
La passion et la liberté
Son père adoré, chimiste de métier, cinéphile et grand lecteur, surnommé «haute tolérance» («Je l’ai toujours vu avec une pile de livres à côté de lui») a entretenu cette passion. Il lui fait apprendre le français avec Victor Hugo. «Le premier jour d’exil, réveil à 6 h 30, mon père ouvre Les Misérables avec un dictionnaire franco-persan à côté et me dit: “Allons-y!” On a fait de l’archéologie de la langue!» C’est aussi grâce à lui qu’elle découvre Pierre Louÿs et sa littérature, à 13 ans. «On n’avait pas de sous pour partir en vacances, alors nous allions chez Gibert. Et là, avec mon petit frère, on avait le droit de remplir un panier de livres de poche, surtout ceux avec étiquettes noires et rouges, avec des réductions. C’étaient nos vacances d’été.» Elle acquiert ainsi un livre de Dominique Bona, Les Yeux noirs, qu’elle dévore le soir même. «Et là, je découvre José-Maria de Heredia, les sœurs Heredia, Henri de Régnier, Blum, Proust jeune, quand il faisait des blagues, la Belle Époque et surtout Pierre Louÿs!»
Une révélation. L’auteur de La Femme et le Pantin, «qui met du rire dans le sexe», apaise certains souvenirs d’enfance ancrés en elle, et notamment «cette idée qu’en République islamique la chair, et donc forcément le corps des femmes, est quelque chose de dramatique, dangereux, un lieu de perdition». Il s’inscrit dans le panthéon littéraire d’Abnousse Shalmani et apparaît logiquement dans son dernier livre, J’ai péché, péché dans le plaisir (Grasset). Un roman à l’écriture enflammée qui entremêle les vies extraordinaires de deux femmes écrivains: Forough Farrokhzad (1934-1967), «immense poétesse iranienne». Et Marie de Régnier, la maîtresse de Pierre Louÿs. Deux femmes qui ont toujours choisi la passion et la liberté. Et qui semblent être des sœurs d’âme d’Abnousse Shalmani. Surtout Marie de Régnier: «Marie, personne ne lui arrive à la cheville. Personne! Elle a mené la barque de sa vie avec une intelligence et un enthousiasme rares.» Chaque année, la chroniqueuse dépose d’ailleurs des pivoines sur sa tombe, au Père-Lachaise. «Quand j’ai découvert qu’elle y était, j’ai écumé le cimetière: il y a toute l’histoire de France, là-bas, c’est extraordinaire: Sarah Bernhardt, Piaf, Modigliani, Colette, la Callas, Pierre Brossolette, Balzac, Victor Noir, Proust…»
Importance de la culture et du corps
Le titre de son dernier livre, comme ceux des précédents (Khomeiny, Sade et moi, Les exilés meurent aussi d’amour ou Éloge du métèque, tous publiés chez Grasset), claque au vent comme une oriflamme. Une déclaration crâne d’indépendance. Et affirme un goût évident de la résistance – mais une «résistance souriante, joyeuse et aussi basée sur le plaisir», souligne-t-elle, manière de préciser qu’elle n’a pas le goût du tragique, étant toujours mue par une espèce d’urgence de vivre, de rire aussi. Elle qui a été inspirée par des figures de femmes au profil très différent – de Marie-Antoinette à Simone de Beauvoir en passant par Colette, Mona Ozouf ou Élisabeth Badinter – se souvient ainsi que, lorsqu’il y avait la guerre en Iran et des alertes à la bombe sur Téhéran, sa mère, «affolée à l’idée que l’on puisse trouver nos cadavres mal habillés», lui faisait porter une jolie robe et qu’elle avait le droit – «comme on pouvait mourir» – de mettre du rouge à lèvres.
Ses livres ont en commun de lier toujours l’importance de la culture et du corps. Ce corps que le régime des mollahs lui présentait comme maléfique. Elle se souvient ainsi de ces cours durant lesquels un professeur de religion lui avait répondu, alors qu’elle lui demandait pourquoi elle devait porter le voile: «Parce que vous, les femmes, vous êtes des objets dangereux.» Elle sourit: «Je me suis dit: ce type, un adulte, j’ai 7 ans, et il a peur de moi! C’est donc que les femmes sont trop fortes, elles ont des superpouvoirs, si elles font peur à un vieux type comme ça. C’est à partir de là que je me suis dit qu’il ne faut jamais capituler sur le corps des femmes. C’est un instrument de domination et de revendication extraordinaire», argumente-t-elle, en rappelant que, pour Sayyid Qutb, l’idéologue des Frères musulmans, marqué par un séjour aux États-Unis, «la décadence occidentale, c’était le rire des femmes, leurs jambes, la mixité, qu’elles travaillent, se déplacent seules, qu’elles côtoient des hommes qui ne soient pas leurs frères, leurs pères, leurs maris. Il en fait des pages et des pages de manière obsessionnelle dans ce qui est la mouture intellectuelle des Frères musulmans.»
C’est probablement aussi pour cela que la jeune femme a réagi aussi vigoureusement, lors d’une chronique sur LCI qui a été partagée de nombreuses fois sur les réseaux sociaux, suite à l’attaque du Hamas en Israël, le 7 octobre dernier, et les viols et sévices monstrueux qui les ont accompagnés. «Entre l’Antiquité et les totalitarismes au XXe siècle – ce que j’ai le plus étudié, dit celle qui a une maîtrise d’histoire et une licence de lettres modernes -, je n’aurais jamais imaginé de mon vivant assister à un pogrom, un massacre de Juifs – des civils, des femmes et des enfants indistinctement – parce que juifs. Ils ne s’attaquaient non pas à des Israéliens mais à des “yahudi”, qu’ils ont assassinés dans la joie et la bonne humeur en partageant les images avec les leurs.» Elle formule l’espoir que certains comprennent que l’islamisme «est le même» qu’il soit au pouvoir chez des mollahs chiites iraniens, s’exprime par des actes terroristes comme les attentats de Charlie ou du Bataclan ou soit revendiqué par le Hamas. «C’est toujours la même volonté destructrice et brutale de l’Occident, ses valeurs, sa liberté», assure-t-elle. Et d’ajouter: «Les islamistes ne cherchent pas à mentir. Ils nous regardent dans les yeux et nous disent: “On n’aime pas vos libertés, on n’aime pas vos femmes, vos homosexuels, vos Juifs, vos démocraties libérales. En fait, on n’aime rien de chez vous et on va vous le faire payer!”»
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