Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

1 de novembre de 2025
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Pierre-André Taguieff: « Pour les néoantiracistes, la blanchité est un péché originel »

Ahir, a Le Figaro: “Dans Du racisme en général et du racisme anti-Blancs en particulier (H & O éditions), l’historien décrypte les limites et les effets pervers d’un antiracisme dévoyé. Derrière celui-ci se cache une forme masquée de racisme anti-Blancs, alerte-t-il.”

LE FIGARO. – Lors d’un meeting politique, la semaine dernière en Seine- Saint-Denis, Imane Hamel (LFI) a fustigé « celui dont la seule gloire malheureuse est d’être né blanc » . Que révèle ce propos, qui a été qualifié de raciste sur les réseaux sociaux ?

PIERRE-ANDRE TAGUIEFF. – Pour les activistes néogauchistes contemporains professant un singulier « antiracisme politique », « naître blanc » signifie être porteur d’une malédiction. La « blanchité » ou la « blanchitude » est fantasmée comme un péché originel, impliquant une culpabilité irrémédiable. Le prétendu « privilège blanc » est ainsi retourné en malheur d’être un « Blanc », c’est-à-dire un raciste. Les néoantiracistes qui militent dans des partis ou des mouvements d’extrême gauche pensent le monde social en termes de « races » ou d’identités ethno-raciales en conflit, sur la base d’une opposition fondamentale entre les « Blancs » et les « non- Blancs », les premiers étant voués à dominer et à discriminer les seconds, leurs victimes.

Il s’agit clairement d’une mise en accusation globale d’un groupe humain caractérisé avant tout par la couleur de peau de ses membres et certains traits de son histoire civilisationnelle censés dévoiler son racisme, tels que l’esclavagisme et le colonialisme, comme si les peuples « blancs » avaient été les seuls à avoir pratiqué la traite des esclaves et colonisé des territoires étrangers. Il est difficile de faire ici la part de l’ignorance et de la malveillance.

Il faut avoir à l’esprit que le paysage du racisme, individuel et groupal ou « institutionnel », est aussi vaste que diversifié : il va de l’indifférence plus ou moins marquée au sort de certaines catégories d’« autres », à la haine meurtrière culminant dans des génocides, en passant par l’intolérance, qui se manifeste par divers degrés de rejet, et par des formes plus ou moins radicales de persécution.

Le mot « racisme » se noie, selon vous, dans un « flottement de significations ». Cette confusion n’entre-t-elle pas en contradiction avec l’usage péremptoire et inflationniste qui en est fait dans le débat
public ?

Rappelons brièvement comment nous en sommes arrivés à patauger dans ce marécage de mots-slogans qu’est le discours dit « antiraciste » aujourd’hui. Les travaux savants comme les intérêts politiques et militants se sont portés d’une façon croissante, tout d’abord, sur le racisme colonial, conceptualisé en tant que racisme d’exploitation, attribué aux seuls « Blancs ». Chercheurs, universitaires et activistes se réclamant de l’antiracisme ont fixé ensuite leur attention sur les discriminations et les modes d’exclusion dont sont réputées être victimes les minorités dites « racialisées » et « racisées » dans les nations occidentales, nations dites « blanches », les discriminations existant hors du monde occidental étant fort peu prises en compte.

Dans ce domaine, les études historiques et critiques consacrées au cas étasunien, centrées sur l’héritage négrophobe et ségrégationniste du système esclavagiste, ont joué le rôle d’un modèle théorique général. D’où l’orientation des milieux universitaires et militants, dans les démocraties occidentales tout particulièrement, vers l’étude des discriminations racistes, justifiant qu’on puisse parler de racisme d’exclusion et de discrimination, manifesté par des attitudes (opinions, croyances, etc.), des comportements, des fonctionnements institutionnels ou des doctrines idéologiques, sans qu’on s’interroge sérieusement sur les liens entre ces différents domaines. Or, depuis le début des années 1930, de nombreuses études ont établi, contre les idées reçues toujours observables, qu’entre les opinions racistes et les comportements racistes il n’y avait pas de relation nécessaire de cause à effet. Une opinion raciste ne se traduit pas nécessairement par des actes racistes (agressions physiques, meurtres, etc.)

Pour les tenants du « racisme systémique », dénonciateurs du « privilège blanc », les discriminations racistes sont devenues un secteur particulier des « discriminations systémiques ». Dans la littérature engagée sous le drapeau du postcolonialisme et du décolonialisme, les nations occidentales sont criminalisées en ce qu’elles seraient les héritières du colonialisme supposé intrin sèquement raciste. Elles sont donc accusées de racisme, cette accusation tendant à se confondre avec celle de nationalisme, elle-même amalgamée avec celle de xénophobie. Or, le nationalisme n’est pas nécessairement raciste, ni même xénophobe : la distinction entre « nous » et « eux » (ou « les autres ») ne prend pas nécessairement la figure d’une opposition manichéenne conduisant à d’inévitables conflits, et n’implique nullement une essentialisation des identités nationales distinguées, ni leur réduction à l’ethnicité (comme dans les ethno-nationalismes).

Vous interprétez l’antiracisme comme une idéologie à part entière, dont le racisme anti-Blancs est devenu une composante implicite. « La mythologie coloriste est passée du vieux racisme au nouvel antiracisme dit politique » , écrivez-vous. Comment s’est opéré le glissement d’une critique légitime des discriminations vers une condamnation morale de la « blanchité » ?

Le cœur de l’argumentation néoantiraciste se trouve dans la thèse que le racisme est l’expression d’une domination ou d’un pouvoir. Or, le pouvoir, dans les « sociétés blanches », étant détenu et exercé par les « Blancs » qui sont irrémédiablement racistes, ces sociétés sont nécessairement racistes.

La grande prêtresse américaine de la religion néoantiraciste, Robin DiAngelo, a énoncé le dogme : « La suprématie blanche est le fondement des sociétés occidentales. » De très nombreux ouvrages « antiracistes » sur le racisme parus aux États-Unis depuis les années 1980 soutiennent la thèse de « la nature indélébile du racisme blanc ». Traduisons : les « Blancs » ne peuvent cesser d’être « racistes », car la « race blanche », pour être une construction sociale, n’en est pas moins porteuse de racisme. La référence à la « race » n’a donc pas disparu. Le racisme est devenu l’attribut principal de la « blanchité». Mais alors que les « Blancs » sont accusés de racisme, ils seraient les seuls à l’être. D’où le rejet sans discussion de la notion de« racisme anti-Blancs », perçue comme autocontradictoire.

L’utopie multiculturaliste des années 1990 a, selon vous, produit une société contemporaine multicommunautariste qui fait de la race une notion centrale du débat public. Comment comprendre ce basculement ?

La diabolisation de la nation et du sentiment national a fait émerger une pluralité d’identités culturelles ou ethniques infranationales mises sur un pied d’égalité, conformément à l’idéologie égalitariste des « progressistes », et supposées pouvoir coexister pacifiquement et harmonieusement dans un nouveau type de société n’ayant plus rien à voir avec le modèle républicain de la communauté des citoyens. La dislocation de la nation française ne peut faire naître qu’une mosaïque de communautés ou d’identités ethniques ou ethno-raciales fermées sur elles-mêmes et rivales. La société dénationalisée promise est une société divisée, fragmentée, conflictuelle, qui peut basculer dans une guerre civile.

Parallèlement, le nationalisme et ses présupposés, le principe de souveraineté, le sentiment patriotique et l’attachement à l’identité nationale (impliquant la défense et l’illustration de l’identité culturelle de la nation), ont été mis en accusation et « déconstruits » sauvagement par les nouveaux sophistes qui sévissent, donnent le ton et imposent leurs dogmes et leur pensée-slogan sur les campus universitaires, le tout relayé par les réseaux sociaux. Les activistes du néoantiracisme racialiste, pratiquant un terrorisme intellectuel importé du monde anglo-saxon et s’inspirant de la « religion woke » autant que de la propagande « antisioniste », jouent un rôle majeur dans ces mobilisations qui prennent l’allure d’une conquête de territoires culturels, politiques et institutionnels.

Le rejet haineux du « Blanc » est-il indissociable de celui du Français, de l’Européen, de l’Occidental, du juif ou du chrétien ?

C’est là en effet l’une des principales nouveautés de la configuration néoantiraciste : elle met en œuvre une vision racialiste qui dérive vers une criminalisation et une diabolisation des « Blancs », accusés d’être les inventeurs, les orchestrateurs et les exploiteurs du racisme. Les dénonciateurs du « privilège blanc » en viennent à imaginer un « privilège sioniste » qui fait renaître la vieille accusation complotiste et antijuive des « Juifs maîtres du monde » sous divers masques, du capitalisme ou de la « haute finance » au sionisme « raciste, impérialiste et colonialiste ».

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