Ahir, Pierre-André Taguieff (philosophe, politiste et historien des idées, dernier livre paru : L’Invention de l’islamo-palestinisme. Jihad mondial contre les Juifs et diabolisation d’Israël, Paris, Odile Jacob, 2025), publicava aqueix punyent article a Tribune Juive:
Face à la riposte militaire israélienne à Gaza, comment, quand on est un Juif socialement visible, échapper au sentiment de culpabilité alors que ce dernier est dans l’air du temps, imposé par les « belles âmes » qui défilent et alimenté par un harcèlement médiatique permanent au nom de la « cause palestinienne », nouvelle cause victimaire immaculée ? Comment résister à l’accusation d’être « complice du génocide à Gaza » ? Comment refuser de suivre ceux qui accusent les « sionistes » de « tuer des enfants palestiniens » ou de les « affamer » ? Car, dans la guerre politico-culturelle contre Israël, tels sont les deux principaux mensonges de propagande qui sont aujourd’hui exploités : le « génocide des Palestiniens de Gaza » et l’organisation criminelle d’une « famine » en vue de faire mourir le plus possible d’enfants palestiniens. Voilà qui revient à accuser Israël de « crime contre l’humanité », ce qui a pour effet de légitimer l’amalgame polémique standard « sionisme = nazisme ».
Les « belles âmes » d’en haut et d’en bas, mues par l’intimidation et la mauvaise conscience, donnent dans l’indignation morale et la dénonciation édifiante, condamnant la prétendue « politique suprémaciste et raciste » de l’État juif. Se contentant pour l’essentiel d’emprunter leurs accusations à la propagande du Hamas, elles ajoutent leurs voix à celles des ennemis les plus implacables d’Israël, ceux qui veulent sa disparition. Ce faisant, elles s’efforcent de se conformer à la doxa et de s’acheter à moindres frais une bonne conscience. Leur réputation est en jeu. Il en va ainsi de Delphine Horvilleur, la plus célèbre des trois femmes rabbins de France, qui, intervenant dans l’espace médiatique les 8 et 9 mai 2025, a exprimé sa profonde « douleur » de voir Israël « s’égarer dans une déroute politique et une faillite morale ». C’est là un signe d’encouragement donné aux vrais et aux faux dévots de la « cause palestinienne » : si la sage, vertueuse et photogénique rabbine Delphine Horvilleur peut mettre en accusation la politique d’Israël, alors tout est possible et licite dans la guerre idéologique visant à criminaliser l’État juif. Dès lors qu’elles portent sur Israël, toutes les calomnies prennent une couleur morale.
La démonisation d’Israël est désormais au programme médiatiquement affiché par tous les opportunistes, esprits faibles ou stratèges cyniques, sentimentaux naïfs ou calculateurs narcissiques. Les guerriers moralisateurs de salon se déchaînent et se font prédicateurs, armés des clichés anti-israéliens indéfiniment rabâchés par les islamistes et les gauchistes de toutes obédiences. Nul besoin de faire preuve d’invention lexicale et rhétorique : il suffit de puiser sans états d’âme dans le stock des arguments de propagande « antisionistes », en les adaptant hâtivement aux événements du jour, interprétés dans le sens du vent idéologique.
En se ralliant au nouveau discours moralement et politiquement correct visant Israël, les « grandes consciences » de plateaux ou de tréteaux peuvent ainsi lustrer leur image, confirmer qu’elles sont bien « à gauche » ou « de gauche » et plastronner avec bonne conscience, suivies par la meute des freluquets, des falots et des rabougris qui, confortablement installés dans le « camp du Bien », osent désormais cesser de se taire. Il est désormais de bon ton de pleurer dans les chaumières et les grands hôtels sur le sort des Palestiniens, surtout les enfants, en oubliant le méga-pogrom du 7 octobre 2023. De même que la promotion médiatique de la Nakba visait à faire pièce à la Shoah – comme si un exode au cours d’un conflit armé était comparable à une extermination physique programmée –, de même l’accusation ultramédiatisée de « génocide des Palestiniens » vise à rendre acceptable le projet d’un démantèlement de l’État juif, après sa condamnation pour « crime contre l’humanité ».
Il faut aussi souligner le fait que l’antisionisme affiché dans l’espace public fonctionne comme un marqueur de gauche, qui fait partie d’un portefeuille militant comportant l’antiracisme moralisateur, la « lutte contre l’islamophobie », machine à stigmatiser la laïcité, et l’antifascisme diabolisateur, mis à toutes les sauces pour disqualifier tout ce qui est patriotique ou national.
L’exploitation démagogique, dans une perspective victimaire, du mythe de la « montée de l’islamophobie » comme principale menace fait partie du paysage. Sa première fonction est de faire oublier l’augmentation saisissante des actes antijuifs, quant à elle bien réelle. L’occultation de la réalité des manifestations les plus diverses de la haine antijuive dans la société française est l’objectif recherché. Le 28 avril 2025, sur France 5, dans son émission C ce soir, le journaliste Karim Rissouli a invité notamment Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre de l’Éducation nationale et présidente de l’association France terre d’asile. Cette militante socialiste donneuse de leçons, reprenant platement le discours démagogique de LFI, a brossé le tableau d’une France globalement islamophobe. Pour ce faire, elle a joué sur la substitution idéologique imagée que diffusent depuis longtemps les milieux islamo-gauchistes : une « islamophobie d’atmosphère » aussi foudroyante qu’inquiétante aurait remplacé un « antisémitisme d’atmosphère » en voie de disparition. La société française, selon elle, aurait donc laissé s’installer une « islamophobie et une haine antimusulmans d’atmosphère », les musulmans ayant été « déshumanisés petit à petit » et étant « présentés systématiquement sous un jour de danger, de menace ». Les antisionistes professionnels savent traduire le message dans leur idiome : derrière la guerre contre les jihadistes du Hamas, il y a une guerre génocidaire contre le peuple palestinien, dont le moteur affectivo-imaginaire n’est autre qu’une irrépressible « islamophobie ».
Telle est l’opinion dominante en France dans ce qu’il faut bien appeler la gauche gauchiste, qui espère revenir au pouvoir après l’effacement du mirage macronien, parfaitement illustré par les positions équivoques et variables du président Macron sur le conflit israélo-palestinien, le « meilleur ami d’Israël » se révélant, selon les contextes, son ennemi le plus pervers, notamment lorsqu’il se transforme en avocat de la « solution à deux État » sans que les conditions soient réunies pour qu’elle puisse être mise en œuvre. Une posture comme une autre pour exister, sans faire trop d’efforts, dans le paysage international. Mais une posture qui pourrait se réduire à une nouvelle imposture. Rien de nouveau sous le soleil. Les tartuffes continuent de s’agiter sur la place publique et d’y asséner des leçons de vertu.
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