Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

1 de març de 2017
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L’affaire Bensoussan

Aqueixos dies és d’actualitat a França el procés judicial instat pel CCIF contra l’historiador Georges Bensoussan acusat d’islamòfob. Jacques Tarnero n’ha fet una anàlisi punyent ahir a The Times of Israel titulat “Le mauvais procès fait à Georges Bensoussan: inculper une métaphore ne disculpe pas le réel“:

“Comment l’Etat qui a été agressé par l’islamisme terroriste peut-il faire procès à un historien qui en dévoile les soubassements idéologiques ? Comment le même Etat qui combat militairement le terrorisme islamiste peut-il poursuivre en justice le combat contre son terrorisme idéologique ? Comment la justice française peut-elle poursuivre un chercheur qui révèle la profondeur des sources anti-juives présentes dans la pensée commune arabo-musulmane ?

Comment ignorer que le terrorisme islamiste vient plonger ses racines dans ces stéréotypes? Comment des associations antiracistes peuvent-elles être myope au point de se porter parties civiles aux côtés d’une association qui détourne à son profit ce concept faux d’islamophobie?

Depuis quand le rejet d’une religion ou d’une idéologie relève-t-il d’une attitude raciste ? Comment peut-on être aveugle, au point de ne pas percevoir cette manipulation sémantique? Quel est ce déni idéologique qui interdit de voir le réel ? Quel est ce contre-sens intellectuel qui s’est opéré le 25 janvier devant la XVIIe chambre correctionnelle du palais de justice de Paris où l’historien Georges Bensoussan était poursuivi pour incitation à la haine raciale?

Il faut cultiver la confusion pour avoir ainsi prêté la main au CCIF. Il faut être d’une singulière mauvaise foi pour trouver dans les mots de Bensoussan une trace de haine « essentialiste » à l’égard de tous les musulmans, quand celui ci déclare que depuis la plus tendre enfance, ceux-ci, mais pas tous, seraient imprégnés de tous les clichés culturels du mépris voire de la haine à l’égard des Juifs.

Bensoussan ne dit pas que ces populations seraient antisémites par nature, structurellement antijuives, biologiquement antijuives, génétiquement antijuives. Il parle d’un antisémitisme transmis, « tété au sein de la mère ». Là serait donc la faute, la parole raciste ?

Faut-il faire l’archéologie de cette métaphore alors qu’elle reprenait, avec d’autres mots, la même idée qu’énonçait le sociologue Smaïn Laacher dans cette fameuse émission d’Alain Finkielkraut sur France culture. Faut-il faire la généalogie de cette métaphore alors même que la sociologue citée comme témoin à charge par une partie civile confirmait le propos en disant que le mot « Juif » a valeur d’insulte dans la langue commune du Maghreb.

Faut-il citer les bonnes blagues de Mehdi Meklat du Bondy blog sur la toile ? Faut-il considérer ces mots d’esprit comme autant de licences poétiques irrévérencieuses ? Le « double maléfique » a ici valeur de confirmation de ce que Bensoussan énonçait dans cette discussion avec Patrick Weil dans l’émission de Finkielkraut.

Pourquoi dans cette affaire, est-ce Bensoussan qui seul est poursuivi en justice et non pas simultanément Smaïn Laacher ?

Le président de la LICRA, partie civile contre Bensoussan, a écrit dans une lettre ouverte « Il n’est pas possible d’anéantir l’antisémitisme que vous dénoncez à juste titre en faisant usage d’armes de destruction racistes. » Le mot d’esprit supposé devient ici diffamatoire.

La LICRA, ne possède pas l’instrument arbitral en platine iridié capable de décider de ce qui doit être considéré comme raciste et de ce qui ne l’est pas. Il est des vérités qu’il faut nommer, qu’il faut affronter surtout quand elles mettent en cause les clichés confortables de la bien pensance.

Nous savons tous et Bensoussan y a largement contribué, que l’antisémitisme est un aliment premier, un code culturel partagé par une très grande part des populations issues de l’immigration arabo musulmane.

Quelque soient les raisons de relégation, de marginalisation des « jeunes-en-difficulté-des-quartiers-difficiles », pour parler la novlangue imposée, une culture du ressentiment trouve dans la haine des Juifs l’explication magique de leur souffrance sociale ou psychique.

Nous n’entrerons pas ici dans la psychopathologie de ceux qui se déclarent être des « Indigènes de la République ». Ils reconduisent en en inversant les termes, une vision essentiellement racialiste des rapports humains. Pour le « vivre ensemble » on ira voir ailleurs.

Faire de Bensoussan un raciste (alors que par ailleurs il est en France l’un des grands historiens de la shoah) poursuit le même objectif symbolique que le négationnisme: disqualifier son travail en le destituant de son statut. Son travail d’historien ne saurait être valide puisque justement produit par un raciste et cette shoah dont on nous abreuve tant saurait-elle faire oublier d’autres souffrances nées de la colonisation ?

Cet historien du sionisme (ce sioniste subliminal) dissimulerait mal son vice caché : inspiré par une haine anti-arabe il s’acharnerait en fait à cisailler tous les supposés tendres fils noués au cours des siècles entre Juifs et arabes. Ce mythe sympathique, Bensoussan l’a justement déconstruit dans une savante recherche (Juifs en pays arabes. Tallandier 2012) et dans un essai tout aussi érudit (Les Juifs du monde arabe. Odile Jacob 2016).

Le black out absolu qui a entouré le premier livre donne la mesure du refus de penser en dehors d’un cadre idéologique pré pensé. Qu’y apprend-on ? Que le statut des Juifs dans le monde arabe ne fut pas aussi rose que ce que la pensée commune essaie de le faire croire et qu’au contraire la culture née de l’islam y a construit de bien néfastes alliances dont la plus célèbre fut celle du grand muphti de Jérusalem avec les nazis.

La guerre d’Algérie a fait oublier les pogroms arabes, les liens du nationalisme algérien avec le nazisme, car la juste cause de l’indépendance primait sur les bavures racistes du FLN. Inscrit dans le giron progressiste du tiers-mondisme, le signifiant « arabe » éclipsait les parts d’ombre régressive de l’islamisme.

Faut-il aujourd’hui s’interdire de penser la totalité de cette complexité ? Faut-il faire procès à Boualem Sansal pour avoir écrit le Village de l’allemand ? Faut-il perpétuer ces clichés aussi confortables que faux du vaillant fellagha-feddayin-révolutionnaire combattant un sioniste-para-Massu-colon ?

L’effet du transfert sous nos latitudes, par images télévisées importées du conflit proche oriental entre israéliens (juifs) et palestiniens (arabo musulmans) a engendré une identification des « jeunes-des-quartiers-en difficulté » aux palestiniens lanceurs de pierre contre les soldats israéliens devenus la représentation substitutives de la police en banlieue.

Quand certains indignés au grand cœur ont cru malin de défiler sous des banderoles mettant un signe = entre la svastika et l’étoile juive au cours de toutes les innombrables manifestations de haine (progressiste) dénonçant les conflits entre Israël et ses voisins, la cause des causes, le drapeau de la Propalestine devenait celui des « quartiers-en-difficulté ».

Trois cent mille morts arabes en Syrie tués par d’autres arabes n’ont pas ému l’ombre d’une conscience indignée, par contre la guerre à Gaza a provoqué des débuts de pogroms l’été 2014.

Ce que tous les experts sociologues refusent de considérer c’est que la nazification d’Israël a simultanément permis un tour de passe –passe rédempteur des culpabilités françaises et européennes d’il y a 70 ans. Quelle aubaine de pouvoir dire que ces Juifs victimes hier soient devenus des israéliens bourreaux aujourd’hui. C’est cette double chaine d’identifications qui est à la source de la confluence idéologique présente entre islamisme et gauchisme.

C’est ce même écheveau idéologique passionnel qui aujourd’hui incrimine tous ceux qui essaient de comprendre ce qui nous arrive ici, en France. Comment être tombé dans le panneau de la culpabilisation pointant une France « raciste » pour avoir interdit le port du burkini sur les plages de Nice l’été dernier, alors que le sang des victimes sur la promenade des Anglais était à peine sec.

Combien d’attentats terroristes seront nécessaires à madame la procureur du procès Bensoussan pour qu’elle comprenne que le projet terroriste islamiste ne se partage pas : il est dans les armes, il est dans les crimes et il est aussi dans les mots, seraient-ils affublés d’un voile victimaire.

Depuis la conférence de l’ONU à Durban, l’été 2001, sur le racisme, nous savons que l’on peut crier « mort aux Juifs » au nom de l’antiracisme…

Post Scriptum, 7 de març del 2017.

Georges Bensoussan ha estat absolt avui de l’acusació d’islamofòbia tal com explica Le Figaro:

Il répondait de provocation à la haine raciale pour des propos sur l’islam et l’antisémitisme. Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé, mardi, Georges Bensoussan. L’historien, défendu par Me Michel Laval, était poursuivi pour provocation à la haine raciale à la suite de propos tenus en octobre 2015, lors d’un débat sur France Culture: afin de dénoncer «un antisémitisme atavique qui est tu comme un secret» dans les milieux musulmans français, l’auteur des Territoires perdus de la Républiqueet responsable éditorial du Musée de la Shoah avait prétendu citer un «sociologue algérien», Smaïn Laacher, en ces termes: «Dans les familles arabes, en France, tout le monde le sait mais personne ne veut le dire, l’antisémitisme, on le tète avec le lait de la mère.» Or, M. Laacher est français et la citation n’est pas exacte, puisqu’il a en réalité déclaré: «Cet antisémitisme est déposé dans l’espace domestique (…), il est quasiment naturellement déposé sur la langue, déposé dans la langue. Une des insultes des parents à leurs enfants quand ils veulent les réprimander, il suffit de les traiter de juif, toutes les familles arabes le savent.» D’où un signalement au parquet, cinq mois plus tard, du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), représenté à l’audience du 25 janvier par une femme, Lila Cherif.

Un aréopage de témoins a été entendu par le tribunal, présidé avec une verve mordante par Fabienne Siredey-Garnier. L’un d’eux, Alain Finkielraut, a lancé une mise en garde: «Un antiracisme dévoyé vous demande de criminaliser une inquiétude, au lieu de combattre ce qui la fonde. Si le tribunal cède, ce sera une catastrophe intellectuelle et morale.» Le ministère public avait cependant requis 1500 € d’amende à l’encontre de l’historien.

La XVIIe chambre a donc désavoué le parquet. Selon les juges, «les propos incriminés ont été tenus dans un contexte bien particulier» – un débat radiophonique sur un sujet brûlant, «dans le feu de la conversation». Certes, poursuit le jugement, la citation par le prévenu de Smaïn Laacher n’est pas rigoureusement exacte, mais «l’idée exprimée par ce dernier est quasi similaire, voire identique à celle formulée par Georges Bensoussan». «Enfin et surtout, selon le tribunal, l’infraction de provocation à la haine, la violence ou la discrimination suppose, pour être constituée, un élément intentionnel», et la caractérisation de celui-ci «se heurte au fait que Georges Bensoussan (…) n’a eu de cesse de déplorer cette constitution de deux peuples séparés (…) et d’appeler non pas à une séparation de la fraction supposée avoir fait sécession, à son rejet, son bannissement ou son éradication, mais au contraire à sa réintégration dans la nation française». De sorte que, le prévenu rejetant «toute idée de fatalité ou d’essentialisation», il «ne saurait lui être fait grief d’avoir suscité ou voulu susciter un sentiment d’hostilité ou de rejet à l’encontre d’un groupe de personnes et encore moins d’avoir explicitement appelé à la commission de faits précis à l’encontre de ce groupe». Le tribunal a par ailleurs déclaré irrecevable la constitution de partie civile du CCIF.

Post Scriptum, 10 de març del 2017.

Atès que, malgrat la sentència absolutòria de Georges Bensoussan, la controvèrsia emmetzimada atiada en nom de la lluita contra la islamofòbia és lluny d’apagar-se a França recupero aqueix penetrant anàlisi del veterà periodista Yves Mamou publicat originalment en anglès al digital del Gatestone Institute el proppassat 4 de febrer amb el títol, “The French Inquisition. France’s New Dreyfus Trial, a jihad against the truth”. La versió francesa aparegué l’endemà titulada “La Nouvelle Inquisition Française. Les organisations antiracistes contre la liberté d’expression”.

Post Scriptum, 8 de juliol del 2017.

Georges Bensoussan ha estat entrevistat ahir per Le Figaro i les seves respostes demostren l’alçada intel·lectual d’aqueix personatge proscrit de la vida cultural francesa arran de la contundència contrastada dels seus arguments que no poden ser refutat més amb el silenci i l’animadversió mediàtica i política. El títol de l’entrevista és coplidor: “Nous entrons dans l’unvers orwellien où la verité c’est derormais le mensonge”. Una de les reflexions més punyents és aqueixa: allò que més el sorprèn és la facilitat amb la que el gauchisme cultural s’ha fet aliat de la burgesia cosmopolita convergint en el propòsit de bastir un home desarrelat, un nòmade modern, reduït a la tasca de productor i consumidor.

Post Scriptum, 10 de desembre del 2017.

Georges Bensoussan és entrevistat pel digital Valeurs Actulles: “L’antisémitisme aujourd’hui parle la langage de l’antiracisme“:

VA.- À l’issue de la première accusation de viol contre Tariq Ramadan par Henda Ayari, de nombreuses injures antisémites et des dénonciations de complot sioniste ont fleuri sur la Toile. Simple réaction d’une communauté musulmane outrée ou révélateur d’un problème plus profond ?

Georges Bensoussan.- Qu’une partie de la communauté musulmane puisse se sentir outrée est déjà en soi un problème car la seule question est de savoir si ce prédicateur est coupable ou non. Se poser d’emblée en victime, c’est s’exonérer de tout examen sur soi-même et considérer que seule compte sa propre souffrance. On peut déplorer cette tendance à adopter une posture victimaire, celle-là même qui offre le plus de profits symboliques.

Il est étrange d’entendre régulièrement invoquer, dans une partie de cette communauté quand elle s’estime touchée par l’opprobre qui frappe l’un de ses intellectuels, un “complot juif”. Lorsqu’en 2013 le grand rabbin Gilles Bernheim fut contraint à la démission après avoir été accusé de plagiat et d’usurpation de titre, a-t-on entendu les juifs de France hurler au “complot”, islamique ou autre ? Il y a une part d’immaturité politique à imputer ses malheurs à autrui. Aux juifs en l’occurrence, comme si le signe juif ne cessait d’obséder une partie de cette communauté.

VA.- Cette perception du juif comme l’ennemi, à quand remonte-t-elle ?

Georges Bensoussan.- Sans doute a-t-elle été aggravée par la colonisation et surtout par la naissance de l’État d’Israël en 1948. Mais en vérité, elle lui est largement antérieure. Ressasser que l’antisémitisme au Maghreb y a été importé par le colonisateur français (ou plus récemment, comme en Algérie, par les enseignants wahhabites saoudiens) relève du réconfort moral. Pas de l’histoire.

Qu’on étudie les montagnes d’archives relatives au Maghreb des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, avant l’arrivée du colonisateur, pour y constater que le mépris et l’humiliation des juifs étaient dans ces sociétés une donnée de base. Les juifs y étaient des “chiens”, ce mot couramment utilisé encore dans le monde arabe pour les désigner, voire, pour reprendre les termes du Coran, des « singes » (sourate 2, verset 65 et sourate 7, verset 166). En 2010, Paul Fenton et David Littman publiaient aux Presses de l’université Paris-Sorbonne un fort volume de documents traduits de l’arabe et de l’hébreu, sur la condition des juifs au Maghreb du XIIe au début du XXe siècle (l’Exil au Maghreb). L’accueil réservé à ce livre scientifique fut glacial tant il est vrai que toute connaissance est risque de reconnaissance.

La bonne nouvelle est qu’aujourd’hui, au sein de la communauté française d’origine maghrébine, un certain nombre de voix s’élèvent pour secouer le déni, le dogmatisme et l’interdiction de penser en dehors de la communauté. Prendre en compte le terreau culturel d’un homme n’est pas l’enfermer dans une essence culturelle, l’autre nom du racisme. Par définition, la culture est le fruit du temps quand la race, elle, est du domaine de l’intangible. C’est pourquoi il faut avoir le modeste courage de prendre acte de représentations du monde différentes, sinon divergentes. Quand l’Occident du XVIIe siècle et des Lumières érige le sujet en valeur cardinale et promeut la raison critique contre la soumission, dans le monde arabo-musulman contemporain la communauté demeure une dimension essentielle de l’existence. Ce qui explique, comme une étude récente l’a montré, que si le fanatisme qui passe à l’acte demeure en effet le fait d’une poignée, au nom de la communauté et des liens qu’elle tisse, la majorité ne se résout pas à condamner, publiquement, cette fraction. Ici, la réalité première n’est ni l’individu ni l’État, mais la communauté des croyants, l’oumma.

VA.- Boualem Sansal parle d’un antisémitisme qui plonge ses racines dans le Coran…

Georges Bensoussan.- Il se retrouve en effet dans le corpus du texte, en particulier dans les sourates médinoises, postérieures aux sourates mecquoises plus spirituelles et pacifiées, quand l’islam se fait à la fois État et foi. Pour le corpus théologique musulman, les juifs auraient trahi la parole de leurs prophètes puis constamment oeuvré contre Mahomet (« les ennemis les plus acharnés des croyants », sourate 5, verset 82). Cet antijudaïsme, qui plonge ses racines dans la jalousie de l’origine, met en lumière l’importance des matrices culturelles qui nous parlent et dont nous ne pouvons nous délivrer qu’à la condition de les mettre au jour. Ni fatalité ni destin, mais tout au contraire la liberté du savoir qui libère des déterminismes.

VA.- Quels liens entre islamisme et antisémitisme ?

Georges Bensoussan.- Cette vision traditionnelle des juifs a été aggravée par les conflits du XXe siècle. Et plus encore peut-être par le sentiment de déclin qui habite le monde musulman, en particulier depuis la fin du califat en 1924. Et surtout le monde arabe, travaillé par la honte de qui se voit à la traîne sur les plans culturel, économique, etc. Ces éléments conjugués (incluant la réussite de l’État d’Israël et le sentiment de déclassement) cristallisent le ressentiment sur la figure du “juif” rendu responsable des malheurs du monde arabe.

VA.- Que vous inspire la publication d’un tweet du socialiste Gérard Filoche mettant en scène Emmanuel Macron arborant un brassard nazi sur lequel la croix gammée a été remplacée par un dollar américain, entouré par Jacques Attali, Patrick Drahi et Jacob Rothschild, avec en arrière-plan les drapeaux nord-américain et israélien ?

Georges Bensoussan.- En partageant ce photomontage d’Alain Soral sur Twitter, Gérard Filoche n’a fait que mettre ses pas dans ceux d’une des matrices de l’antijudaïsme contemporain, celle de la gauche révolutionnaire. Une tradition bien analysée jadis par Léon Poliakov et plus récemment, et brillamment, par Pierre-André Taguieff. Toussenel, Proudhon, Malon (l’un des artisans de la fondation de la CGT) viennent d’un socialisme dont la vision du monde faisait du “juif” le détenteur de l’argent, le vecteur de la domination capitaliste et l’agent de la modernité.

En France, il faudra l’affaire Dreyfus pour qu’une grande partie de la gauche rompe avec l’antisémitisme. Une rupture ni claire ni définitive quand on se souvient, entre autres, des mots de Thorez à propos de Blum en 1940… Gérard Filoche s’inscrit donc dans cette vieille tradition de la gauche française. S’y ajoute dans le même temps, mais ce n’est pas forcément son propos, le complotisme qui démonise l’État d’Israël responsable (comme “le juif” des années trente) des malheurs du monde.

L’antisémitisme d’aujourd’hui se focalise sur l’État d’Israël (au “juif accapareur” d’hier a succédé l’État juif “dominateur et raciste”) et parle le langage de l’antiracisme. Comme ce discours qui, au prétexte de casser la domination des “Blancs”, donne au racisme une nouvelle jeunesse et lui offre une nouvelle légitimité via les catégories de “racisés” et de “blanchité”, les “ateliers non mixtes” et le “camp d’été décolonial”. « Je ne suis pas antisémite, puisque j’ai toujours milité à gauche », s’est alors défendu Gérard Filoche… C’est un peu comme si Gérard Filoche assurait qu’étant à gauche, il était forcément amoureux de la liberté. En oubliant le mot d’Orwell pour qui la gauche, pour être antifasciste, n’était pas forcément antitotalitaire. Une partie de l’extrême gauche d’aujourd’hui côtoie l’antisémitisme en épousant le fantasme de la domination financière “cosmopolite” et complotiste (via l’État d’Israël, version Mossad). Dans cette mouvance politique, qui n’a pas renoncé à l’idée de la rupture révolutionnaire, demeure l’inlassable quête d’un agent causal expliquant les malheurs du monde. Pour autant, il serait naïf de penser que l’antisémitisme d’extrême droite a disparu. Tant s’en faut, même s’il a aujourd’hui d’autres priorités. Et s’il bénéficie aussi, comme d’autres, de la libération de la parole antisémite en Europe.

VA.- Dans un ouvrage paru cet automne qui regroupe les divers textes publiés à l’occasion de votre procès en janvier dernier, Barbara Lefebvre explique que les antiracistes sont les complices de l’islam politique… Pas l’antiracisme en tant que tel. Mais l’antiracisme dévoyé qui est effectivement le complice d’un islam qui est politique. Un antiracisme fi gé dans une vision du monde arrêtée aux années 1970, qui voit dans “les musulmans” la figure des nouveaux damnés de la terre. Sans entendre le phénomène d’“islamisation” (dont témoigne l’explosion du marché halal) et la mutation démographique qui le porte. Cette extrême gauche, qui pactise avec cet islam politique, demeure prisonnière de cette vision idéologique. Elle plaque sur les réalités nouvelles un schéma historique dépassé. Elle tord les faits, les cache ou les maquille quand ils perturbent sa vision du monde. C’est-à-dire aussi, voire surtout, sa position sociale et son statut : qui aime reconnaître avoir été dupé, a fortiori quand il fait profession d’intelligence ?

Georges Bensoussan.- Puisque vous faites référence au livre consacré à mon procès, l’antiracisme dévoyé qui en est à l’origine avait besoin de me camper en sorcière raciste pour protéger sa vision du monde. J’étais, à ses yeux, la figure cathartique de l’ennemi, qui cristallise les angoisses et permet de continuer à vivre. L’islamo-gauchisme n’est pas un fantasme de la fachosphère : c’est le nom de l’égarement d’une partie de la gauche française qui enferme les musulmans dans un statut de victimes. Qui, loin de les aider à s’émanciper, perpétue à leur endroit une vision coloniale en les minorant. En les cloîtrant dans une identité de naissance quand il faudrait favoriser, au contraire, l’ouverture à l’universel.

VA.- « Le langage est mis sous surveillance », dénonce Michèle Tribalat dans ce recueil. Partagez-vous cet avertissement ?

Georges Bensoussan.- À l’évidence, oui, pour en avoir fait les frais. Notre société est sous surveillance. Une forme de police de la pensée veille sur le vocabulaire, et induit une peur de parler qui n’est pas étrangère à la dépression collective qui mine ce pays. La liberté de parole de chacun est menacée par la mise à l’écart pour mal-pensance. Le monde intellectuel français n’est évidemment (et heureusement) pas homogène. Mais il demeure dominé par un catéchisme moralisateur hérité du gauchisme culturel : c’est le monde des satisfaits d’eux-mêmes, le monde de ceux qui pensent bien. Et qui peinent à penser le mal.

Cette partie de la gauche, qui depuis longtemps a abandonné les classes populaires, participe aujourd’hui pleinement à la mise en place de ce nouveau conformisme bourgeois. Celui qui a effacé la lutte des classes au profit d’un antiracisme promu religion civile (ou “de salon” ? ), celui-là même qui enferme les milieux populaires dans la réprobation morale (“populiste”). Pourtant, ce conformisme intellectuel perd du terrain chaque jour. C’est pourquoi, d’ailleurs, il se fait plus agressif. Il participe de cette novlangue qui parle de “quartiers sensibles” pour désigner des lieux où la violence s’installe. Sur ce plan, la situation française vire orwellienne, tant le désir de nommer et d’analyser est étouffé par le souci de la “pensée correcte”. De la norme du bien. C’est au nom du bien (mais aussi du “vrai” et de la “science”) que la description du réel a ici pris un tel retard. Et que ceux “qui pensent bien” n’ont plus face à eux des adversaires politiques, ou des contradicteurs, mais des salauds immoraux.

Dans De la démocratie en Amérique, Tocqueville expliquait que celui qui s’écarterait de la voie médiane ne serait ni emprisonné ni même privé de ses biens. Le cercle de l’opinion se chargerait de l’isoler du reste de ses semblables. On lui laissera la vie, mais on la lui laissera « pire que la mort ».

Post Scriptum, 23 de setembre del 2019.

El proppassat 17 de setembre el tribunal d’apel·lació va absoldre definitivament Georges Bensoussan del delicte d’incitació a l’odi contra l’islam, una victòria de la llibertat d’expressió front a les acusacions falses segons aqueix article de Barbara Lefebvre publicat fa quatre dies per Le Figaro.

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