Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

4 d'octubre de 2018
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El tombant identitari del nacionalisme quebequès

Tres dies abans de les eleccions del proppassat dilluns, Seda Hakobyan i Alexandre Solano publicaven a Vilaweb aqueix report premonitori: “L’independentisme quebequès, entre la regeneració i la desfeta a les urnes”. I, efectivament, el Parti Quebequois ha passat a tenir només 9 diputats, però la victòria espectacular de la Coalition Avenir Quebec amb 74 escons s’ha d’interpretar en clau nacional: la defensa de la identitat i la llengua francesa és prioritària al multiculturalisme i a l’acollida de la immigració.

La Declaració de principis de CAQ es va aprovar el 8 de novembre del 2015 i duu un títol ben significatiu: “Un nouveau projet pour les nationalistes du Québec“. Un tabú vist de Catalunya estant, on fins ara no han aparegut reflexions polítiques sinó només planys per la desfeta dels independentistes del PQ, una actitud tan superficial com la joia dels diaris espanyols que hi volen veure un presagi d’allò que desitjarien passés a Catalunya. Només la crònica de Julio César Rivas ahir a Deia enfilava els termes reals del resultat: “El histórico triunfo de la derecha abre otra brecha entre Quebec i Ottawa”.

El líder de la coalició nacionalista conservadora guanyadora, CAQ, François Legault fou membre del Partit Liberal, descarta convocar un nou referèndum d’independència però a la pràctica rebasteix un projecte nacional pel Quebec en línia amb els corrents identitaris creixents arreu Europa i dislocant l’enquistat bipartidisme liberal-sobiranista, com assenyala abans d’ahir l’editorialista de Le Devoir Bryan Myles, “L’émergence du Caquistan“. L’ascens de Quebec Solidaire fins a 10 diputats és una desfeta relativa del progressisme multiculturalista i de retruc també del primer ministre canadenc Justin Trudeau.

Uns canvis que contradiuen els esquemes dogmàtics dels progressisme abstracte i banal hegemònic ideològicament a Catalunya, també entre les forces independentistes. La crisi de l’independentisme quebequès hauria de ser analitzada com un toc d’alerta pel nacionalisme català que encara ha de clarificar què vol fer amb la independència.

Post Scriptum, 5 d’octubre del 2018.

El multiculturalisme ha esdevingut un dogma contraposat a la realitat de les comunitats nacionals que necessiten una identitat pròpia per a poder sobreviure, i en general s’utilitza la cobertura del multiculturalisme per deslegitimar els valors de les societats obertes occidentals. Una reflexió punyent és aqueix breu article de l’assagista quebequès Jéröme Blanchet-Gavel, publicat al digital francès Causeur el 28 de juny de l’any passat, titulat, “Au Québec, la censure gagne du terrain à l’université”.

El politòleg quebequès Matthieu Bock-Côté publica avui un clarificador article a Le Figaro: “Pourquoi les médias européens n’ont rien compris aux élections québéquoises”: FIGARO.- Quelles leçons tirer de ce scrutin?

Matthieu BOCK-CÔTÉ.- Il s’agit essentiellement d’une élection de réalignement qui s’éclaire d’abord à partir de l’histoire politique québécoise des dernières décennies. Lundi dernier, nous avons assisté au dernier moment d’une fin de cycle politique qui s’éternisait depuis une dizaine d’années, celui de l’affrontement qui tournait de plus en plus à vide entre les souverainistes et les fédéralistes québécois, les premiers plaidant pour l’indépendance du Québec, les seconds pour son maintien dans la fédération. Cet affrontement a pris forme au milieu des années 1960 et a culminé dans les deux référendums sur l’indépendance de 1980 et 1995, chaque fois perdus par les souverainistes – même si en 1995, le camp du «Oui» à l’indépendance a obtenu 49,4%. Mais il ne semblait plus déboucher sur rien d’autre qu’un affrontement stérile rituellement repris, et qui condamnait le Québec à un grand blocage collectif.

Mais comme je le dis, ce n’était pas d’hier. On peut dire que depuis le milieu des années 2000, l’espace public structuré autour de cet affrontement, décrochait de plus en plus de la population qui ne s’y reconnaissait plus, voulait parler d’autres choses et tourner la page sur une aventure finalement décevante, qui avait avorté politiquement. D’une élection à l’autre, ce malaise s’amplifiait. Il a finalement explosé le 1er octobre entraînant une recomposition de la scène politique québécoise. La Coalition Avenir Québec, qui représente le centre-droit autonomiste, remplace le Parti Québécois, associé au centre-gauche souverainiste, comme principal parti nationaliste francophone, comme si elle permettait au nationalisme québécois de s’accorder à la nouvelle époque. Le débat gauche-droite, qui nous était globalement étranger, est en train de se normaliser dans la vie publique, même si ce vocabulaire nous est encore en bonne partie étranger.

Il y avait une autre dimension importante à ce scrutin. Depuis quinze ans, le Parti libéral du Québec (PLQ), très fédéraliste et très multiculturaliste, a gouverné presque sans interruption le Québec, et cela, dans une atmosphère de corruption qui était devenue toxique. Il y avait dans la population une vraie exaspération contre le PLQ. Et le PLQ gouvernait le Québec malgré un appui très minoritaire dans la majorité historique francophone, qu’il compensait avec l’appui à peu près unanime de la minorité anglophone et des communautés issues de l’immigration, qui adoptent les mêmes comportements électoraux qu’elle. Je m’explique: les Québécois francophones, qui composent 80% de la population environ, se divisaient exagérément en plusieurs partis, au point de se déposséder du pouvoir. Cela témoignait d’un déficit de cohérence nationale. En se tournant vers la Coalition Avenir Québec de François Legault, les Québécois francophones se sont dirigés vers le parti qui avait le plus de chances de battre le PLQ, et ils y sont parvenus. Le PLQ a connu le pire résultat de son histoire et est réduit, pour l’essentiel, à sa base la plus étroite. Quant au Parti Québécois, il s’est effondré électoralement, même s’il a évité la disparition.

FIGARO.- En France, François Legault a été qualifié de populiste. Est-ce le cas?

Non, pas du tout. Aucunement. Je vous avoue que j’étais effaré par le traitement médiatique des élections québécoises en France et en Europe, plus largement. On l’a assimilé au populisme, à la droite populiste, ou même à l’extrême-droite nationaliste! Il y a des limites à dire n’importe quoi. Dans plusieurs textes, on trouvait un mélange d’informations inexactes conjuguées à des interprétations si tordues de la réalité qu’elles en devenaient tout simplement fausses et mensongères. C’est un peu comme si des gens n’ayant qu’une connaissance superficielle et fragmentaire de la société québécoise décidaient de plaquer sur elle brutalement une grille d’analyse ne lui convenant pas du tout et déformant sa réalité.

Des incultes incapables de distinguer la scène politique fédérale de la scène politique provinciale et n’ayant aucune connaissance de la société québécoise nous récupèrent dans leur vision du monde avec une assurance désarmante. Les spécialistes patentés de «l’international» devraient faire un effort pour connaître un peu la société dont ils parlent, car s’ils se trompent ainsi sur le Québec, j’ai tendance à croire qu’ils se tromperont encore plus pour d’autres sociétés dont ils ne parlent même pas la langue. Est-ce qu’ils déforment ainsi chaque situation dont ils parlent?

Alors disons les choses clairement: Legault n’a rien d’un leader populiste à la québécoise. Il n’est pas dans une dynamique contestataire, il ne mise aucunement sur l’outrance verbale, il ne joue pas la carte du peuple en colère contre les élites. Pour le dire à la française, il ressemble bien davantage à Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand qu’à Donald Trump. C’est un homme politique de centre-droit, un comptable de formation, qui a fait fortune dans l’aviation avant de se lancer en politique à la fin des années 1990 au Parti Québécois, le grand parti indépendantiste et social-démocrate du Québec moderne. Legault a longtemps été un indépendantiste particulièrement résolu et un tenant d’une version québécoise de la troisième voie à la Tony Blair, très soucieuse de l’efficacité des services publics. Mais peu à peu, il s’est convaincu, comme une grande majorité de Québécois, il faut le préciser, que l’indépendance n’allait pas se faire. Elle disparaissait de l’horizon historique même si elle continue encore aujourd’hui d’obtenir environ 38% d’appuis dans les sondages – et parmi ceux-là, votre serviteur. Comme j’aime dire, la défaite défait et les deux échecs référendaires ont brisé les ressorts politiques du peuple québécois.

Dans ce contexte, Legault a quitté pendant un temps la politique, avant d’y revenir en 2011 en fondant la Coalition Avenir Québec, qui abandonnait la quête de la souveraineté pour se replier sur un nationalisme autonomiste qui entend défendre les intérêts du Québec dans le cadre canadien. Après un échec en 2012 puis un autre en 2014, il vient enfin de remporter son pari et de former un gouvernement majoritaire. Legault ne s’est pas converti au fédéralisme mais il semble désormais l’accepter, sans pour autant l’aimer. En d’autres mots, la fin de l’aventure souverainiste ne veut pas dire, de son point de vue, la fin de l’aventure spécifique du peuple québécois en Amérique. Par ailleurs, il entend réformer une social-démocratie qu’il trouve exagérément technocratique et trop pesante pour les classes moyennes. Mais il n’y a pas dans son programme de rupture thatchérienne annoncée.

Ici, il faut préciser le sens des mots: Legault est nationaliste, certainement, mais ce mot n’a pas la même signification au Québec qu’en France et il suffit d’un minimum de culture politique pour le savoir. Au Québec, le nationalisme n’a aucune connotation d’extrême-droite. C’est un terme qui désigne simplement une appartenance première au Québec – c’est le principe du Québec d’abord, c’est-à-dire qu’on s’identifie d’abord à la nation québécoise plutôt qu’à la fédération canadienne, ce qui n’a rien de surprenant dans un contexte où le peuple québécois est clairement minoritaire dans un ensemble canadien qui ne témoigne pas d’une sympathie particulière à son endroit. Il faut être d’une inculture époustouflante pour comparer cela au «America First» de Donald Trump, comme j’ai pu le lire dans le texte d’une agence de presse renommée.

Un de vos collègues me demandait cette semaine si c’en était fini de l’idée d’indépendance. Certes, le Québec fait partie de cette triste catégorie de nations qui ont raté leur indépendance. Je me permets néanmoins de dire qu’on aurait tort d’enterrer l’idée d’indépendance ou de la ranger pour de bon dans le grand musée des idées politiques avortées. Elle s’inscrit dans l’histoire longue du Québec et il n’est pas interdit de penser qu’elle pourrait resurgir tôt ou tard comme possibilité dans le cadre d’un affrontement constitutionnel opposant d’un côté le Québec désirant réaffirmer son identité collective, contre un multiculturalisme canadien qui la censure et qui la nie.

FIGARO.- Il a quand même centré sa campagne sur l’immigration…

Je relativiserais les choses en disant que la question de l’immigration s’est imposée dans la campagne alors que Legault espérait plutôt centrer la sienne sur l’économie. Cela dit, il n’a pas reculé et a osé assumer politiquement un constat qui était généralement censuré par la classe politique, les souverainistes eux-mêmes se montrant souvent hypnotisés par le politiquement correct: au Québec, nous recevons chaque année bien plus d’immigrants que nous ne sommes capables d’en intégrer. On le constate d’ailleurs avec l’anglicisation accélérée de la grande région de Montréal. On le constate aussi avec la faible adhésion des immigrés à l’identité québécoise – ils s’inscrivent plutôt sous la référence canadienne et regardent trop souvent la majorité francophone de l’extérieur. De plus en plus, les Québécois se sentent étrangers chez eux, surtout à Montréal, où ils sont de plus en plus clairement en minorité. Montréal, notre métropole, tend à se détacher mentalement du reste du Québec.

Alors Legault a proposé une baisse modeste – tellement prudente qu’elle est frileuse à mon avis- des seuils d’immigration de 50 000 à 40 000 par année. Ce qui n’en fait pas un populiste pour autant. Même à 40 000 par année, le Québec demeurera une des sociétés occidentales qui recevra chaque année le plus d’immigrés. De même, il a décidé de lancer une politique de laïcité pour assurer une meilleure intégration des immigrés à la culture québécoise. Mais il s’agit d’une politique très modérée, qui consiste à obliger les employés de l’État en position d’autorité à ne pas afficher de signes religieux ostentatoires. On m’expliquera où se trouve l’extrémisme ici. Pour cela, il doit évidemment défier le multiculturalisme canadien, mais celui-ci n’a rien d’une merveille comme veut le faire croire la propagande d’Ottawa. Il ne faut jamais oublier que la première mission du multiculturalisme canadien a consisté historiquement à nier l’existence du peuple québécois, pour le réduire à un statut de communauté culturelle parmi d’autres dans un pays qui refuse désormais de se définir autrement que par son culte de la diversité. Dans le Canada de Justin Trudeau, la prétention qu’ont les Québécois de former une nation passe pour une forme de suprémacisme ethnique. On conteste leur droit à décider de leur propre modèle d’intégration. En fait, on conteste leur droit d’exister comme peuple.

J’aimerais d’ailleurs ajouter une chose: la situation historique et géopolitique du Québec est tout à fait singulière. Le défi du peuple québécois est absolument singulier: maintenir en vie une société moderne de langue et de culture françaises dans une fédération qui le nie et le tout à la frontière de l’empire le plus puissant de tous les temps. En Amérique du nord, la langue française passe souvent pour une anomalie et nos immigrés se demandent pourquoi ils devraient l’adopter: d’ailleurs, ils préfèrent souvent l’anglais. Le rapport de force, en

FIGARO.- On conteste aux Québécois le droit d’exister comme peuple.

Amérique du Nord, joue à l’avantage de l’anglais, et la défense du français comme langue commune exige une véritable vigilance politique. C’est un enjeu majeur: celui de la francisation de l’immigration et de son intégration culturelle. Les Québécois eux-mêmes sont de temps en temps tentés par le découragement: le pari québécois n’est-il pas insensé? De temps en temps resurgit la tentation de se fondre dans le continent, de s’y dissoudre. Après quatre siècles d’histoire, certains rêvent sans sel’avouer de s’assimiler au grand empire continental – ils en viennent même à s’exaspérer contre leur propre culture qu’ils caricaturent en ghetto linguistique. Mais l’instinct de vie, jusqu’à présent, a toujours fini par l’emporter. Je suis de ceux qui voient dans l’élection de lundi une forme de sursaut, même s’il demeure bien trop faible à mon goût.

FIGARO.- La recomposition politique québécoise est-elle comparable à la recomposition politique à laquelle on assiste en Europe?

Le Québec est traversé par les vents de l’époque: les courants qui traversent l’Occident le traversent aussi. Il n’y est heureusement pas imperméable! Nous ne vivons pas à l’écart du monde. Mais il ne suffit pas de dire cela pour en venir à conclure qu’on peut appliquer partout les mêmes catégories politiques, comme si d’un pays à l’autre, chaque situation se reproduisait à l’identique. Alors oui, dans une certaine mesure, mais dans une certaine mesure seulement, la recomposition québécoise fait écho à ce qui se passe ailleurs en Occident, dans la mesure où comme je vous le disais plus haut, il y aura désormais dans la vie politique québécoise un pôle nationaliste (vous diriez chez vous républicain) et un pôle multiculturaliste, et que la question de l’indépendance, pour un temps du moins, ne sera plus prioritaire. Si le premier est clairement majoritaire dans la population, le second domine clairement le parti médiatique. Mais cette recomposition n’a pas la radicalité de la recomposition européenne. La culture politique québécoise est globalement centriste, et fondamentalement tranquille. Alors voilà la situation: la CAQ, au pouvoir pour quatre ans, est un parti nationaliste de centre-droit qui tient compte de la situation bien particulière du Québec sur le continent nord-américain. Le PLQ, qui forme l’opposition officielle, va assurément s’accrocher à son orthodoxie fédéraliste et multiculturaliste – il risque même de la radicaliser. Le Parti Québécois, devenu tiers-parti, devra chercher à refonder et réinventer le combat indépendantiste – la tâche n’est pas impossible mais elle sera difficile. Enfin, il y a une gauche populiste, Québec solidaire, qu’on pourrait rapprocher, mais en faisant de nombreuses nuances, à certaines franges de la France insoumise. Une chose est certaine: le Québec, à travers tout cela, continue d’être habité par le sentiment de son aventure très singulière en Amérique. Et cela, pour le mieux.

Post Scriptum, 23 d’abril del 2021.

Pel nou líder del Parti Québécois, Paul St-Pierre Plamondon, la independència del Quebec tornarà a ser una prioritat als anys a venir, segons aqueix article publicat ahir per Le Figaro: «Le bilan de la Coalition avenir Québec, qui gouverne depuis 2018 et prétendait nous défendre face à Ottawa, est très décevant».

Le Québec, et ce dès la Nouvelle-France, a su développer une conscience collective. Ce sentiment de former un peuple distinct en Amérique s’est tranquillement muté en un projet de faire du Québec un pays souverain. Cette aspiration s’est manifestée d’abord lors la révolte des patriotes en 1837, alors que les Canadiens d’origine française s’étaient insurgés dans l’espoir d’obtenir des droits égaux à ceux des anglophones, mais surtout de former une nation.

Appelé à rendre des comptes à Sa Majesté britannique une fois la révolte matée, l’administrateur colonial Lord Durham avait conclu que la meilleure manière d’éviter de nouveaux soulèvements et de favoriser la stabilité du régime était d’assimiler les francophones; car à ses yeux, les descendants des Français dans le Canada formaient un peuple inférieur.

Cette manière pour le Canada anglais de décrire les Québécois a été constante dans notre histoire, ce qui explique que lorsqu’un certain général de Gaulle a traversé l’Atlantique pour nous dire que nous avions une valeur aux yeux de la France et qu’il nous souhaitait un Québec libre, l’effet fut retentissant, tant dans nos cœurs que dans notre trajectoire politique. Celle-ci allait en effet mener à deux référendums sur notre indépendance, en 1980 et en 1995 – ce dernier ayant vu le camp du NON l’emporter par une mince avance, avec 50,58 % des voix exprimées.

La défaite référendaire de 1995 a eu des conséquences désastreuses sur le plan politique: pour s’assurer que plus jamais une démarche d’accession à l’indépendance ne voie le jour au Québec, les forces fédéralistes ont soutenu et propulsé au pouvoir des partis voués à nous affaiblir de toutes les manières possibles.

En effet, les régimes politiques d’allégeance fédéraliste qui ont gouverné le Québec de 2003 à 2018 auront eu d’importantes conséquences sur le déclin de la langue française. Si l’on se fie aux projections, en 2036, la proportion de locuteurs ayant le français comme langue d’usage au Québec sera passée de 82 % à 75 % et le déclin du français se fera surtout ressentir dans sa métropole, Montréal, où son utilisation oscillera les 50%. Du point de vue de l’histoire longue du Québec, 2036, c’est demain.

En réaction à des années de déclin linguistique, social et économique, les Québécois ont décidé de porter au pouvoir en 2018 une nouvelle formation politique, la Coalition avenir Québec (CAQ), qui leur promettait du changement. La CAQ disait pouvoir défendre nos intérêts à l’intérieur du Canada, armée d’un nationalisme devant permettre des gains substantiels.

Près de trois ans plus tard, le bilan est cependant très décevant. La quasi-totalité des demandes nationalistes de la CAQ – notamment l’obtention des pleins pouvoirs en matière d’immigration, l’application des lois de protection du français aux entreprises relevant du gouvernement fédéral, ainsi que l’administration d’une seule déclaration de revenus (les Québécois en produisent actuellement deux) – a été rejetée par le gouvernement fédéral de Justin Trudeau.

Une telle réalité suggère l’hypothèse que le projet d’angliciser les francophones n’a jamais été abandonné par le Canada. En fait, la structure politique dans laquelle évoluent les Québécois n’a pas changé. Les mentalités n’ont guère évolué non plus. Ainsi, la Constitution canadienne de 1867, confisque toujours aux Québécois une partie des pouvoirs fondamentaux à leur autodétermination, par exemple en matière de commerce international, de santé, de langue, d’environnement, d’immigration, et j’en passe.

Au-delà des pouvoirs fondamentaux dont les Québécois sont privés, c’est la fracture entre deux nations distinctes dont les projets de société sont incompatibles qui pousse les Québécois à reconnaître leur étrangeté à ce système. D’un côté, le Canada célèbre un modèle auquel il croit fermement: le multiculturalisme, qui se définit par la place grandissante donnée aux droits religieux, au communautarisme et au racialisme. De l’autre, le Québec, qui prône depuis toujours un modèle laïque, universaliste et davantage tourné vers un contrat social collectif qui s’inscrit dans un patrimoine de civilisation.

En plus de son idéologie nuisible à l’épanouissement culturel du Québec, ce Canada «postnational» tel que défini par les Trudeau de père en fils, entend se développer démographiquement de manière phénoménale. On nous promet 100 millions de Canadiens d’ici 2100, alors qu’on en compte quelque 37 millions à l’heure actuelle. De tels changements démographiques cumulés avec un processus d’intégration inexistant ne peuvent que provoquer une résistance chez les Québécois qui connaissent bien leur fragilité linguistique et culturelle. Dans ces circonstances, il est donc fort possible que le Québec entame très bientôt un nouveau cycle vers son indépendance, porté par une nouvelle génération d’indépendantistes qui constatent le cul-de-sac que leur réserve le Canada.

L’horizon laisse par ailleurs entrevoir un certain nombre d’affronts démocratiques, alors que les tribunaux canadiens sont assurément sur le point de nier à nouveau le droit des Québécois à s’autodéterminer, entre autres en cassant notre loi sur la laïcité, adoptée en 2018, et en rejetant la tentative du Québec de renforcer la Charte de la langue française dans l’espoir de freiner l’érosion du français dans la grande région de Montréal.

Le fait qu’à la suite de la pandémie, plusieurs peuples à travers le monde redécouvrent les vertus de l’autonomie et de la protection des intérêts nationaux contribue également à ces circonstances favorables. De plus, en digne descendant de Lord Durham, le Canada anglais, par des insultes constantes selon lesquelles les Québécois sont racistes, retardés ou encore d’authentiques suprémacistes blancs, n’aide certainement pas sa cause. Additionnons tout cela; nous avons là les conditions pour que les Québécois relèvent la tête, ressentent le besoin de compléter une œuvre fondamentale qui est toujours inachevée et obtiennent finalement justice.

Car ultimement, oui, c’est une question de justice. Depuis des siècles, les Québécois francophones persévèrent dans leur désir de durer bien qu’ils ne représentent que 2 % de la population sur un continent anglophone. Cette survivance culturelle est un exploit inusité, et la France y a grandement contribué. Tous les Québécois vous le diront: notre radio, notre télévision et notre littérature donnent beaucoup de place à la culture française. Or le maintien de ce lien historique avec notre mère patrie est mis au défi par une mondialisation qui, sur le plan culturel, rime d’abord avec standardisation à travers le prisme anglo-saxon.

En effet, des deux côtés de l’Atlantique, le regard anglo-saxon méprise et condamne le modèle social et culturel qu’ont choisi le Québec et la France. Par cette résistance au moule multiculturaliste, nous avons en ce sens un destin commun. Le soutien de la France a été de tout temps et demeurera toujours un pilier pour la pérennité du fait français en Amérique. Cette amitié est également fondamentale dans la longue démarche des Québécois vers la liberté.

Post Scriptum, 1 de juny del 2021.

Justin Trudeau ha donat el vist i plau a una eventual reforma constitucional per tal d’incloure-hi el reconeixement de la nació quebequesa, segons analitza Benoît Pelletier en aqueix article aparegut a Le Devoir el proppassat 29 de maig: Une modification de la Constitution souhaitable.

Post Scriptum, 4 d’octubre del 2022.

Els resultats electorals d’ahir al Quebec consoliden l’hegemonia del CAQ. La caiguda del Parti Québécois fins a tres escons i el manteniment del Québec Solidaire (progressisme muliticulturalista) amb onze diputats. Entre els fets destacats per Le Devoir hi ha l’entrada per primer cop al Parlament d’una electa de la comunitat autòctona.

Post Scriptum, 16 d’octubre del 2022.

Abans d’ahir a Le Figaro, “Lors des dernières élections parlementaires, le parti Québec solidaire a obtenu 15,42 % des suffrages et semble stagner. Docteure en philosophie politique, Sophie Marcotte Chénard explique en partie ce résultat par le changement de ligne du mouvement sur la question de la laïcité: «Le virage “multiculturaliste” de la gauche québécoise l’a éloigné de l’électorat rural».

Post Scriptum, 15 d’agost del 2023.

Frederic de Natal publicà el proppassat 12 d’aqueix mes a Causeur la reflexió següent: Québec : la Nouvelle Alliance, nouveau parti indépendantiste.

En se rendant en voiture à leur travail le 15 juillet 2023, les habitants de Lennoxville ont eu une drôle de surprise en s’arrêtant à chaque carrefour de cet arrondissement de Sherbrooke. Ils ont constaté que de nombreux autocollants « ARRÊT » avaient été apposés sur les panneaux « STOP » du quartier. De quoi donner du fil à retordre aux employés municipaux qui se sont échinés à les enlever un à un.  Derrière cette opération, qui a suscité l’intérêt des médias canadiens, francophones comme anglophones, les militants de Nouvelle Alliance (NA). Un mouvement politique qui se définit lui-même comme la « principale référence indépendantiste et nationaliste au Québec » et qui se considère comme le bouclier de la langue de Voltaire.

Organisés sur un modèle qui n’est pas sans rappeler celui des royalistes de l’Action française (AF), ces souverainistes suscitent déjà la controverse dans cette partie de l’Amérique du Nord. Selon le Canadian Anti-Hate Network (CAHN), c’est en mars 2022 que la Nouvelle Alliance a été portée sur les fonts baptismaux par le jeune François Gervais. Le mouvement serait une émanation d’un autre plus notoirement connu sous le nom de « Front canadien-français » (FCF), un groupe ultra-nationaliste, radical et traditionaliste catholique radical, ayant des liens avec la Fraternité Saint Pie X. Sur ses différents réseaux sociaux, qui comptent un millier de followers, la Nouvelle Alliance exalte l’idée de patriotisme. « Être patriote, c’est refuser le capitalisme mondialisé, fer de lance implicite du néo-libéralisme. C’est également refuser l’extrême gauche apatride, ne voyant tout qu’au travers du prisme matérialiste, confondant dangereusement l’aliénation bourgeoise au [sicmythe fondateur, la frontière à l’asservissement, les fondements nationaux à un opium domestiquant le peuple », peut-on d’ailleurs lire sur la page officielle Facebook de la NA.

À grands renforts de photos montrant ses militants arborant des drapeaux québécois et tee-shirts fleurdelysés, la Nouvelle Alliance plaide pour un grand rassemblement des mouvements indépendantistes « dans la mesure où lesdites forces sont dirigées contre le régime fédéral d’Ottawa et ses entreprises d’asservissement de la Nation », afin d’émerger comme un seul bloc uni. En filigrane de ces revendications politiques et entre deux commémorations historiques (comme l’arrivée de Jacques Cartier au Canada il y a 489 ans), la défense de la langue française, indissociable de l’identité francophone québécoise.  « Parler français n’est pas un honneur dû ou acquis. C’est une rébellion face à ce qui nie notre identité, c’est le fruit de la résistance culturelle : ce devoir permanent de chaque Québécois. La patrie se construit d’abord en soi : la langue est la forteresse de l’âme, sans quoi elle ne saurait s’exprimer dans ses traits propres. Faire entendre notre parler français en Amérique, c’est s’acquitter de notre dette envers les ancêtres, c’est renouer avec l’essence de notre peuple. […] Refuser d’adresser la condition québécoise pour ce qu’elle est, soit le combat continuel contre le colonialisme britannique dans toutes les sphères de notre existence populaire, c’est se vautrer dans un confort complice », peut-on lire sur différents post visibles sur leur page Facebook officielle. Des militants qui dénoncent le soutien passif des Québécois au fédéralisme.

La Nouvelle Alliance puise ses idées dans celles de deux défunts leaders nationalistes québécois. Tout comme Charles Maurras pour l’Action française ou Karl Marx pour le Parti communiste, c’est Raymond Barbeau (1930-1992) qui a les faveurs du mouvement. Professeur et écrivain québécois, il a fondé l’Alliance Laurentienne, première organisation à revendiquer l’indépendance du Québec, à la fin des années 1950. Considéré comme trop à droite, favorable au corporatisme, souhaitant la mise en place d’un gouvernement « d’inspiration chrétienne, qui perpétuerait les saines traditions », l’organisation de Barbeau avait fini par être dissoute une décennie plus tard, abandonnée par ses alliés. Il n’est pas le seul car le mouvement affiche ostensiblement une autre admiration pour Lionel Groulx (1878-1967). Prêtre et professeur d’histoire, il a exercé une influence considérable sur la politique au Québec durant presque toute la moitié du XXe siècle. On lui doit même la création de l’actuel drapeau fleurdelysé québécois (« la plus solennelle affirmation du fait français au Canada » expliquera-t-il en 1948). Conférencier et orateur de talent, à son retour de voyage en Europe, il fonde une revue intitulée L’Action française. Le mimétisme avec les royalistes français s’arrêtant à ce titre, ses articles provoquent de virulents débats au Parlement. Véritable penseur de la nation québécoise, Lionel Groulx finira par entrer en conflit avec les jeunes générations qui aspirent à plus d’actions que de discours. « C’est tout naturellement que nous l’érigeons en maître doctrinal, nous inscrivant de ce fait dans la même lignée que beaucoup d’organisations nationalistes et indépendantistes du siècle dernier », affirme la Nouvelle Alliance.

Durant des années, la politique québécoise a été longtemps dominée par le Parti québécois (PQ) qui prônait l’indépendance de la Belle-Province. Boostés par la visite du général de Gaulle en 1967, qui n’hésite pas à crier « Vive le Québec libre ! » au balcon de la marie de la capitale québécoise (voyage qui se révélera comme une véritable catastrophe diplomatique pour le président français quasiment expulsé du Canada après cette bravade, mais transformé en un succès par la propagande gaulliste et qui perdure encore dans l’inconscient des Français), les péquistes vont réussir à imposer par deux fois un référendum sur la souveraineté du Québec. D’abord en 1980 où le « non » sort largement vainqueur (avec 60% contre 40% de « oui »), puis une nouvelle fois en 1995 où le Québec manque de peu de se séparer du reste du Canada (51% de « non » contre 49% de « oui »). Dans la veine du général de Gaulle, le président Jacques Chirac n’hésitera pas à donner son appui aux indépendantistes lors de diverses déclarations qui susciteront les rires narquois du gouvernement canadien de l’époque. Ce second échec est un choc pour les indépendantistes qui vont avoir du mal à reprendre pied après cette défaite. Aujourd’hui, l’idée ne fait plus recette chez les Québécois qui font fi de leur devise : « Je me souviens »…

En 2020, un sondage édité par le Journal du Québec a révélé que les Québécois n’étaient plus que 36% à souhaiter l’indépendance de la plus française des provinces du Canada. Pis, 59% ne croient même plus que cette possibilité puisse arriver dans l’avenir. L’âge des votants est même révélateur d’un conflit de générations. Ceux qui ont connu le dernier combat pour l’indépendance, de 40 ans et au-delà, sont le plus enclin à souhaiter un nouveau référendum. Chez la nouvelle génération, le souverainisme intéresse peu. Ils sont à peine 31% entre 18 et 35 ans à se prononcer en faveur de l’indépendance, alors que celle-ci continue de faire fantasmer leurs cousins français qui ne cessent de refaire l’Histoire sur les réseaux sociaux, imaginant à satiété ce qu’aurait pu être le Canada français si celui-ci était resté dans le giron de la monarchie capétienne. Des chiffres qui restent toujours les mêmes aujourd’hui et qui démontrent que l’idée indépendantiste est en net recul au Québec. Même si les jeunes souverainistes tentent de la repenser afin de la rendre plus parlante à une génération plus sensible aux thèmes abordant l’inclusivité, le wokisme, les droits LGBT ou la lutte contre le réchauffement climatique.

C’est un travail de longue haleine qui attend les militants de la Nouvelle Alliance, qui devront faire leur mue, au-delà de leurs coups d’éclat, afin de percer et de convaincre leur propre génération de l’utilité de leur combat. Face à eux, la puissante machine du CAQ (Coalition avenir Québec) qui préside le Québec depuis 2018 et qui n’entend pas leur faire de la place. Dirigé par le Premier ministre, François Legault, le parti politique réclame seulement que la province obtienne plus de pouvoirs (notamment en matière d’immigration et judiciaire) et conforte son autonomie au sein d’un Canada fédéral, reléguant presque l’idée indépendantiste aux oubliettes de l’histoire canadienne.

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