Daniel Sibony, (Marrakech, Marroc, 1942), és un matemàtic, filòsof i psicoanalista jueu de nacionalitat francesa que abans d’ahir va publicar a Tribune Juive aqueix article clarivident.
L’effet Gaza, cela consiste à ne voir qu’une partie du phénomène et à se cacher le reste qui pourrait contredire votre vision partielle. Si vous ne voyez que les morts de civils à Gaza, vous devez en conclure qu’Israël fait des crimes de guerre ; et si vous êtes un étudiant épris de liberté, cherchant une Cause à défendre, vous flambez pour ce cas d’injustice et vous soutenez le Hamas. Il vous faudra une secousse pour comprendre que votre élan vertueux est exactement ce que veut provoquer le Hamas avec ses boucliers humains.
Vous pouvez aussi être une foule israélienne plutôt critique et cultivée, mais si elle ne voit que les otages exécutés, elles s’en prend à son premier ministre et non pas au Hamas ; et il lui faut une vraie pause de réflexion pour voir que non seulement elle fait ce qu’attend d’elle le Hamas, comme il le dit dans ses textes très officiels, mais qu’elle est dans un temps de deuil, O combien légitime, et qu’on ne prend pas des décisions stratégiques quand on est en deuil, qu’il y a le reste (de la vie et de la guerre) qui suit son cours.
Toutes ces visions précipitées et impatientes, inspirées par la douleur ou l’empathie, ou le besoin de fixer son affect débordant, peuvent être rassemblées sous le nom de l’effet Gaza qui ne relève pas toujours d’une pathologie, mais d’une conduite platement humaine, parfois de l’ordre du réflexe, et qui se soigne par des secousses de réflexion ; encore faut-il être disposé à se rendre compte que la vision qu’on a formée est partielle et biaisée.
L’effet Gaza est aujourd’hui l’arme principale des islamistes, parce qu’ils savent que leur cause est insoutenable, qu’elle n’a pas la force de vaincre, que pour lui donner ses chances, ils doivent faire de la scène mondiale un Théâtre illusionniste où l’on fait voir des choses qui soulèvent les spectateurs et les enferment dans leur révolte pour qu’ils ne voient pas le reste. Le reste qui est pathologique, c’est l’appel coranique à tuer l’autre et spécialement quand il est juif.
Dans l’effet Gaza, on occulte une part des causes et on manipule les effets. Il y a des civils tués, et parmi eux des femmes et des enfants ; on en déduit que ces gens qui meurent de mort injuste appartiennent à ce qu’on a fini par appeler « peuple palestinien », ce peuple qui n’a pas d’État ; DONC il lutte pour un État Palestinien ! Il faut lui en faire un de toute urgence pour réparer l’injustice. Or les gens du Hamas ne veulent pas un État palestinien, ils veulent libérer la Palestine de son État juif. C’était donc une illusion pour vous fixer sur un But : un État Palestinien. On peut aussi vous rétorquer que le 7 octobre, ils ont surtout exprimé leur désespoir ; le désespoir où les a mis l’État hébreu, mais qu’au fond, ce qu’ils veulent, c’est un État ; il faut donc les soutenir et en attendant, il faut un cessez le feu immédiat. Et comme la guerre continue, et qu’ils résistent, on doit soutenir la résistance d’un peuple en lutte pour ses droits. Et nous voilà dans un schéma universel qui balaie toute singularité. Les jeunes des campus adorent ça, mais dans la vie, il n’y a que des singularités qui comptent. C’est pourquoi ces braves jeunes vont patiner encore longtemps.
De toute évidence, le Hamas a fait le 7 octobre pour déclencher l’effet Gaza, c’est-à-dire pour faire maudire les juifs par le plus de monde possible, puisque leur malédiction par Allah a trouvé ses limites. Le Hamas se doutait bien que son projet d’effacer l’État juif déclencherait une forte réaction. C’est sur les effets de cette réaction qu’il a misé totalement.
La seule façon de combattre l’effet Gaza c’est de remonter aux causes. Mais aussi, de poser certaines questions : pourquoi les États occidentaux ont-ils ont permis cette prise de pouvoir dans les facs par des islamistes et leurs amis ? Par tous ceux qui sont tombés dans leur panneau sous le coup de l’effet Gaza ?
D’abord, il y a des décideurs qui approuvaient ces manifestations (en outre, des départements de Harvard ont reçu de grosses sommes du Qatar). Mais d’autres décideurs qui, comme en France, n’étaient pas vraiment sur cette ligne, pourquoi ont-ils laissé s’installer ces « occupations » des locaux ? Là, il faut comprendre que les présences islamistes en Europe et en Amérique, outre leur poids électoral, ne sont pas restées inactives ces 20 ou 30 dernières années. Elles ont massivement fait alliance avec les tendances woke qui partagent le monde en oppresseurs et opprimés, et ont promu l’idée que les musulmans, où qu’ils soient, sont opprimés puisqu’ils ont été colonisés. Encore un maquillage de la vérité : les islamistes se sentent opprimés si on met des limites à leur élan prosélyte, si on bloque leur occupation du terrain ; et il suffit de lire la feuille de route dans le Coran destinée aux plus zélés, pour savoir qu’ils veulent occuper tout le terrain, que si on les en empêche, c’est qu’on est islamophobe, ce qui là aussi a une part de vérité : les gens ne sont pas phobiques de l’islam, ils ne veulent pas le voir occuper tout le terrain. Les activistes ont réussi à nommer cela « islamophobes », et curieusement dans cette doxa, être phobique ou avoir peur c’est un délit. Et pourquoi donc ? Pourquoi ne pas craindre (et se protéger de) quelqu’un dont le rêve est de vous tuer comme le lui ordonne son livre saint ? (Entre nous, si l’attaque du 7 octobre a eu cette ampleur, c’est que les Israéliens ont manqué de cette peur minimale.) Mais en Occident, le projet islamiste n’est pas de vous tuer, c’est de vous réduire au silence ; de faire taire les opposants en les pointant islamophobes ou racistes.
Pour cela, les islamistes ont investi le champ universitaire ; il y a beaucoup d’étudiants musulmans qui se doivent d’être solidaires avec la lutte de leurs frères ; s’ils y vont avec leurs ami(e)s, cela fait déjà du monde (le rôle des liens sexuels dans cette affaire n’est pas mince). Mais il y a plus : des islamistes font des doctorats, d’une valeur scientifique souvent douteuse mais qui leur ouvrent des postes d’enseignants à la fac ; et pas question de récuser leurs cours où ils distillent tranquillement comme vérité scientifique leur simple idéologie, qui peut séduire des âmes pures avides d’idéal.
Ajoutons que dans cette lutte, ils trouvent le soutien d’universitaires juifs hostiles à Israël. Je leur consacre un développement dans mon livre Les non-dits d’un conflit car ils ont une pathologie intéressante : ils veulent qu’on les distingue absolument de tout ce qui est tradition juive ou Israël. C’est comme si une rafle nazie était en cours et qu’ils craignaient d’y être pris, donc il se disent juifs mais totalement opposés aux autres juifs que l’on fustige (ou qu’on déporte). J’ai émis l’hypothèse que ces juifs antijuifs sont des traumatisés de l’antisémitisme, des antisémitophobiques. Ils ne veulent pour rien au monde que les flèches antisémites les effleurent ; pour cela, il leur faut dénoncer les autres juifs et leur État.
Mais revenons à l’idéal libérateur qui mobilise ces étudiants. J’ai dit que la formation de cet idéal a été très enrichie, c’est le cas de le dire, par les capitaux arabes pétroliers investi dans les universités notamment américaines ; si le Qatar donne 1 milliard à Harvard, ce n’est pas pour qu’on y recrute des enseignants qui critiquent l’islam. Mais des idéologues, des gens qui manipulent les faits pour produire un effet qui obstrue la place de la vérité ; une place en principe vacante, car les vérités qui parfois s’y produisent ne le font pas continûment et n’exigent pas des manifs quotidiennes. L’effet gaza montre bien comment se forme une idéologie.
Mais le catalyseur qui fait que toutes ces duperies s’installent, c’est l’idée vaguement chrétienne que si des gens souffrent, c’est qu’ils ont raison, et qu’il n’y a plus à discuter, qu’il faut d’abord les soutenir. Les juifs ont souffert le 7 octobre mais c’est passé, alors que les gens de Gaza souffrent depuis un an, c’est eux qui ont besoin d’aide, la moindre dignité humaniste c’est de prendre leur parti. Cette supercherie oublie que c’est le Hamas qui a commencé, et qu’en continuant, il ne fait que confirmer sa haine initiale ; qu’il a déclenché cet enfer au nom d’une haine millénaire des juifs, qui fait que le Coran appelle au djihad les plus zélés de l’islam ; que cette haine se délecte sur le dos des otages ; qu’il aurait pu, le Hamas, d’un geste arrêter la guerre, mais la haine qui le porte est insatiable.
Sur ce point, la population de Gaza qui le soutient est impressionnante : elle souffre mais n’esquisse aucun geste pour que ça s’arrête, elle assume pleinement son appui au Hamas, et se révèle ainsi champion collectif de la haine antijuive. Car elle a lu la charte du Hamas qui lui promet d’effacer l’État juif, elle l’a soutenu à 70 %, elle se doutait que cet effacement demanderait des sacrifices, elle les assume, tout en mettant ses sacrifices et ses souffrances au compte de la cruauté juive. Voilà donc un petit peuple qui se dévoue pour qu’un autre petit peuple soit effacé. Ça mériterait admiration si c’était lui qui avait inventé l’idée, mais il l’a reçue de la longue tradition islamique où les juifs ne doivent pas avoir de souveraineté ni même de dignité ; les Gazaouis ont pris au sérieux ce message « divin », tout comme l’élite combattante qui les dirige.
Au départ, il n’y a pas de véritable pathologie chez ces jeunes occidentaux pro-Hamas, hormis une fixation idéalisante ; mais celle-ci contient un noyau pathologique dont ils ignorent qu’ils sont porteurs. Pathologique au sens propre d’une souffrance. Quelle souffrance ? Celle qui a menée l’islam à réagir violemment, dès l’origine, au fait d’avoir été précédé par les juifs. C’est ce que j’ai appelé le Complexe du second-premier, quand le second (en fait le troisième) ne veut pas reconnaître le premier et prendre sa suite, mais veut être à la place du premier, ce qui l’amène, en l’occurrence à vouloir, non seulement que le premier disparaisse et que les juifs n’existent plus, ce qui est déjà énorme, mais à vouloir qu’ils n’aient pas existé, ce qui est une insulte au temps ; car rien ne peut faire que ce qui a été ne fût pas. Et cela a quelques conséquences très concrètes : par exemple, du point de vue islamique, même si il y a des citations du Coran qui rapportent que Dieu a donné cette terre aux juifs, du fait qu’elle a été islamisée, cela veut dire qu’avant l’islam, tout ce qu’il y avait sur cette terre ne comptait pas, et qu’après l’islam, il ne saurait rien y avoir d’autre ; une terre islamisée ne peut pas cesser de l’être. Donc, de ce point de vue, Israël est une intrusion en terre d’islam, et les bons intellos américains ou français qui soutiennent le Hamas ne savent pas que dans leur noble révolte, il y a ce noyau de folie. Du coup l’effet Gaza est bel et bien pathologique.
Le reste est une affaire de propagande et de guerre psychologique, pour laquelle les islamistes ont les moyens de s’engager à fond, et d’entraîner avec eux les naïfs qui veulent d’abord une Cause à défendre pour justifier leur existence ; et comme la « cause palestinienne » n’est pas près d’aboutir, ils sont servis. Dans 10 ans, leurs enfants militeront pour un état de Palestine, lequel n’aura pas vu le jour, car les Palestiniens n’en veulent pas ; ce qu’ils veulent, c’est une Palestine islamique. Ils ont accepté, semble-t-il, la place sacrificielle que la Umma leur assigne depuis plus de 70 ans, à savoir : être la pointe avancée du refus islamique de toute souveraineté pour les juifs et même de toute dignité, sauf s’ils se soumettent au statut humiliant des dhimmis, qui aujourd’hui est absurde, mais qui a eu son intérêt : c’est grâce à ce statut humiliant et protecteur de dhimmis que les juifs ont survécu dans le monde arabo-musulman. Sans ce statut, ils auraient subi eux aussi une Shoah ; c’est quelque chose qu’on oublie quand on se perd en discussions pour savoir comment ils se sentaient là-bas.
Post Scriptum, 26 de setembre del 2024.
Daniel Sibony publica avui a Tribune Juive un altre excel·lent article: “Mise au point sur l’antisémitisme”.
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