Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

14 de setembre de 2024
0 comentaris

Daniel Sibony: “L’effet Gaza”

Daniel Sibony, (Marrakech, Marroc, 1942), és un matemàtic, filòsof i psicoanalista jueu de nacionalitat francesa que abans d’ahir va publicar a Tribune Juive aqueix article clarivident.

L’effet Gaza, cela consiste à ne voir qu’une partie du phénomène et à se cacher le reste qui pourrait contredire votre vision partielle. Si vous ne voyez que les morts de civils à Gaza, vous devez en conclure qu’Israël fait des crimes de guerre ; et si vous êtes un étudiant épris de liberté, cherchant une Cause à défendre, vous flambez pour ce cas d’injustice et vous soutenez le Hamas. Il vous faudra une secousse pour comprendre que votre élan vertueux est exactement ce que veut provoquer le Hamas avec ses boucliers humains. 

Vous pouvez aussi être une foule israélienne plutôt critique et cultivée, mais si elle ne voit que les otages exécutés, elles s’en prend à son premier ministre et non pas au Hamas ; et il lui faut une vraie pause de réflexion pour voir que non seulement elle fait ce qu’attend d’elle le Hamas, comme il le dit dans ses textes très officiels, mais qu’elle est dans un temps de deuil, O combien légitime, et qu’on ne prend pas des décisions stratégiques quand on est en deuil, qu’il y a le reste (de la vie et de la guerre) qui suit son cours.

Toutes ces visions précipitées et impatientes, inspirées par la douleur ou l’empathie, ou le besoin de fixer son affect débordant, peuvent être rassemblées sous le nom de l’effet Gaza qui ne relève pas toujours d’une pathologie, mais d’une conduite platement humaine, parfois de l’ordre du réflexe, et qui se soigne par des secousses de réflexion ; encore faut-il être disposé à se rendre compte que la vision qu’on a formée est partielle et biaisée.

L’effet Gaza est aujourd’hui l’arme principale des islamistes, parce qu’ils savent que leur cause est insoutenable, qu’elle n’a pas la force de vaincre, que pour lui donner ses chances, ils doivent faire de la scène mondiale un Théâtre illusionniste où l’on fait voir des choses qui soulèvent les spectateurs et les enferment dans leur révolte pour qu’ils ne voient pas le reste. Le reste qui est pathologique, c’est l’appel coranique à tuer l’autre et spécialement quand il est juif.

Dans l’effet Gaza, on occulte une part des causes et on manipule les effets. Il y a des civils tués, et parmi eux des femmes et des enfants ; on en déduit que ces gens qui meurent de mort injuste appartiennent à ce qu’on a fini par appeler « peuple palestinien », ce peuple qui n’a pas d’État ; DONC il lutte pour un État Palestinien  ! Il faut lui en faire un de toute urgence pour réparer l’injustice. Or les gens du Hamas ne veulent pas un État palestinien, ils veulent libérer la Palestine de son État juif. C’était donc une illusion pour vous fixer sur un But : un État Palestinien.  On peut aussi vous rétorquer que le 7 octobre, ils ont surtout exprimé leur désespoir ; le désespoir où les a mis l’État hébreu, mais qu’au fond, ce qu’ils veulent, c’est un État ;  il faut donc les soutenir et en attendant, il faut un cessez le feu immédiat. Et comme la guerre continue, et qu’ils résistent, on doit soutenir la résistance d’un peuple en lutte pour ses droits. Et nous voilà dans un schéma universel qui balaie toute singularité. Les jeunes des campus adorent ça, mais dans la vie, il n’y a que des singularités qui comptent. C’est pourquoi ces braves jeunes vont patiner encore longtemps.

De toute évidence, le Hamas a fait le 7 octobre pour déclencher l’effet Gaza, c’est-à-dire pour faire maudire les juifs par le plus de monde possible, puisque leur malédiction par Allah a trouvé ses limites. Le Hamas se doutait bien que son projet d’effacer l’État juif déclencherait une forte réaction. C’est sur les effets de cette réaction qu’il a misé totalement.

La seule façon de combattre l’effet Gaza c’est de remonter aux causes. Mais aussi, de poser certaines questions : pourquoi les États occidentaux ont-ils ont permis cette prise de pouvoir dans les facs par des islamistes et leurs amis ? Par tous ceux qui sont tombés dans leur panneau sous le coup de l’effet Gaza ?

D’abord, il y a des décideurs qui approuvaient ces manifestations  (en outre, des départements de Harvard ont reçu de grosses sommes du Qatar). Mais d’autres décideurs qui, comme en France, n’étaient pas vraiment sur cette ligne, pourquoi ont-ils laissé s’installer ces « occupations » des locaux ? Là, il faut comprendre que les présences islamistes en Europe et en Amérique, outre leur poids électoral, ne sont pas restées inactives ces 20 ou 30 dernières années. Elles ont massivement fait alliance avec les tendances woke qui partagent le monde en oppresseurs et opprimés, et ont promu l’idée que les musulmans, où qu’ils soient, sont opprimés puisqu’ils ont été colonisés. Encore un maquillage de la vérité : les islamistes se sentent opprimés si on met des limites à leur élan prosélyte, si on bloque leur occupation du terrain ; et il suffit de lire la feuille de route dans le Coran destinée aux plus zélés, pour savoir qu’ils veulent occuper tout le terrain, que si on les en empêche, c’est qu’on est islamophobe, ce qui là aussi a une part de vérité : les gens ne sont pas phobiques de l’islam, ils ne veulent pas le voir occuper tout le terrain. Les activistes  ont réussi à nommer cela « islamophobes », et curieusement dans cette doxa, être phobique ou avoir peur c’est un délit. Et pourquoi donc ? Pourquoi ne pas craindre  (et se protéger de) quelqu’un dont le rêve est de vous tuer comme le lui ordonne son livre saint ? (Entre nous, si l’attaque du 7 octobre a eu cette ampleur, c’est que les Israéliens ont manqué de cette peur minimale.) Mais en Occident, le projet islamiste n’est pas de vous tuer, c’est de vous réduire au silence ; de faire taire les opposants en les pointant islamophobes ou racistes.

Pour cela, les islamistes ont investi le champ universitaire ; il y a beaucoup d’étudiants musulmans qui se doivent d’être solidaires avec la lutte de leurs frères ; s’ils y vont avec leurs ami(e)s, cela fait déjà du monde (le rôle des liens sexuels dans cette affaire n’est pas mince). Mais il y a plus : des islamistes font des doctorats, d’une valeur scientifique souvent douteuse mais qui leur ouvrent des postes d’enseignants à la fac ; et pas question de récuser leurs cours où ils distillent tranquillement comme vérité scientifique leur simple idéologie, qui peut séduire des âmes pures avides d’idéal.

Ajoutons que dans cette lutte, ils trouvent le soutien d’universitaires juifs hostiles à Israël. Je leur consacre un développement dans mon livre Les non-dits d’un conflit car ils ont une pathologie intéressante : ils veulent qu’on les distingue absolument de tout ce qui est tradition juive ou Israël. C’est comme si une rafle nazie était en cours et qu’ils craignaient d’y être pris, donc il se disent juifs mais totalement opposés aux autres juifs que l’on fustige (ou qu’on déporte). J’ai émis l’hypothèse que ces juifs antijuifs sont des traumatisés de l’antisémitisme, des antisémitophobiques. Ils ne veulent pour rien au monde que les flèches antisémites les effleurent ; pour cela, il leur faut dénoncer les autres juifs et leur État.

Mais revenons à l’idéal libérateur qui mobilise ces étudiants. J’ai dit que la formation de cet idéal a été très enrichie, c’est le cas de le dire, par les capitaux arabes pétroliers investi dans les universités notamment américaines ; si le Qatar donne 1 milliard à Harvard, ce n’est pas pour qu’on y recrute des enseignants qui critiquent l’islam. Mais des idéologues, des gens qui manipulent les faits pour produire un effet qui obstrue la place de la vérité ; une place en principe vacante, car les vérités qui parfois s’y produisent ne le font pas continûment et n’exigent pas des manifs quotidiennes. L’effet gaza montre bien comment se forme une idéologie.

Mais le catalyseur qui fait que toutes ces duperies s’installent, c’est l’idée vaguement chrétienne que si des gens souffrent, c’est qu’ils ont raison, et qu’il n’y a plus à discuter, qu’il faut d’abord les soutenir. Les juifs ont souffert le 7 octobre mais c’est passé, alors que les gens de Gaza souffrent depuis un an, c’est eux qui ont besoin d’aide, la moindre dignité humaniste c’est de prendre leur parti. Cette supercherie oublie que c’est le Hamas qui a commencé, et qu’en continuant, il ne fait que confirmer sa haine initiale ; qu’il a déclenché cet enfer au nom d’une haine millénaire des juifs, qui fait que le Coran appelle au djihad les plus zélés de l’islam ; que cette haine se délecte sur le dos des otages ; qu’il aurait pu, le Hamas, d’un geste arrêter la guerre, mais la haine qui le porte est insatiable.

Sur ce point, la population de Gaza qui le soutient est impressionnante : elle souffre mais n’esquisse aucun geste pour que ça s’arrête, elle assume pleinement son appui au Hamas, et se révèle ainsi champion collectif de la haine antijuive. Car elle a lu la charte du Hamas qui lui promet d’effacer l’État juif, elle l’a soutenu à 70 %,  elle se doutait que cet effacement demanderait des sacrifices, elle les assume, tout en mettant ses sacrifices et ses souffrances au compte de la cruauté juive. Voilà donc un petit peuple qui se dévoue pour  qu’un autre petit peuple soit effacé. Ça mériterait admiration si c’était lui qui avait inventé l’idée, mais il l’a reçue de la longue tradition islamique où les juifs ne doivent pas avoir de souveraineté ni même de dignité ; les Gazaouis ont pris au sérieux ce message « divin », tout comme l’élite combattante  qui les dirige.

Au départ, il n’y a pas de véritable pathologie chez ces jeunes occidentaux pro-Hamas, hormis une fixation idéalisante ; mais celle-ci contient un noyau pathologique dont ils ignorent qu’ils sont porteurs. Pathologique au sens propre d’une souffrance. Quelle souffrance ? Celle qui a menée l’islam à réagir violemment, dès l’origine, au fait d’avoir été précédé par les juifs. C’est ce que j’ai appelé le Complexe du second-premier, quand le second (en fait le troisième) ne veut pas reconnaître le premier et prendre sa suite, mais veut être à la place du premier, ce qui l’amène, en l’occurrence à vouloir, non seulement que le premier disparaisse et que les juifs n’existent plus, ce qui est déjà énorme, mais à vouloir qu’ils n’aient pas existé, ce qui est une insulte au temps ; car rien ne peut faire que ce qui a été ne fût pas. Et cela a quelques conséquences très concrètes : par exemple, du point de vue islamique, même si il y a des citations du Coran qui rapportent que Dieu a donné cette terre aux juifs, du fait qu’elle a été islamisée, cela veut dire qu’avant l’islam, tout ce qu’il y avait sur cette terre ne comptait pas, et qu’après l’islam, il ne saurait rien y avoir d’autre ; une terre islamisée ne peut pas cesser de l’être. Donc, de ce point de vue, Israël est une intrusion en terre d’islam, et les bons intellos américains ou français qui soutiennent le Hamas ne savent pas que dans leur noble révolte, il y a ce noyau de folie. Du coup l’effet Gaza est bel et bien pathologique.

Le reste est une affaire de propagande et de guerre psychologique, pour laquelle les islamistes ont les moyens de s’engager à fond, et d’entraîner avec eux les naïfs qui veulent d’abord une Cause à défendre pour justifier leur existence ; et comme la « cause palestinienne » n’est pas près d’aboutir, ils sont servis. Dans 10 ans, leurs enfants militeront pour un état de Palestine, lequel n’aura pas vu le jour, car les Palestiniens n’en veulent pas ; ce qu’ils veulent, c’est une Palestine islamique. Ils ont accepté, semble-t-il, la place sacrificielle que la Umma leur assigne depuis plus de 70 ans, à savoir : être la pointe avancée du refus islamique de toute souveraineté pour les juifs et même de toute dignité, sauf s’ils se soumettent au statut humiliant des dhimmis, qui aujourd’hui est absurde, mais qui a eu son intérêt : c’est grâce à ce statut humiliant et protecteur de dhimmis que les juifs ont survécu dans le monde arabo-musulman. Sans ce statut, ils auraient subi eux aussi une Shoah ; c’est quelque chose qu’on oublie quand on se perd en discussions pour savoir comment ils se sentaient là-bas.

Post Scriptum, 26 de setembre del 2024.

Daniel Sibony publica avui a Tribune Juive un altre excel·lent article: “Mise au point sur l’antisémitisme”.

Post Scriptum, 25 de novembre del 2024.

Ahir Tribune Juive publicava una entrevista a Daniel Sibony que acaba de publicar, « Les non-dits d’un conflit. Le Proche-Orient après le 7 octobre », (Éditions Intervalles, 2024).   Expliquer que la cause palestinienne, perçue dans le monde et surtout chez les Occidentaux comme un combat de libération,  est en réalité un djihad, était-il votre but premier ?

“En partie ; l’idée que ce qu’on perçoit ici comme une guerre de Libération nationale voire anticoloniale est en fait, sur le terrain, un pur Djihad, cette idée, je l’avais déjà évoquée dans mon livre Le grand malentendu, écrit en 2015 pendant la guerre de Gaza et pendant que j’étais à Tel Aviv à regarder les rockets finir en fumée dans le ciel. J’ai écrit celui-ci, Les non-dits,  pour mettre les choses au clair, en exploitant ma connaissance des fondements, notamment textuels, dont je m’étonne qu’ils soient à ce point opérants, tout comme je m’émerveille de voir la pure nécessité des choses.”

Post Scriptum, 2 de gener del 2025.

Daniel Sibony, avui a Tribune Juive: “La Cause palestinienne est sacrée, c’est ce qui l’empêche d’aboutir“.

Revenons un instant sur le 7 octobre, sans oublier, rassurez-vous, les « massacres de Gaza », ni le « mur de Gaza » du Journal Le Monde. Si l’attaque du Hamas a eu l’étrange aspect d’une extase de meurtre – même les nazis n’étaient pas extatiques, ils faisaient le travail -, si à son propos on a pu parler de pogrom, de razzia, de djihad, c’est qu’elle a quelque chose de plus que tout cela, à travers cette « tuerie des juifs », quelque chose qu’il faut comprendre.

En effet, les fervents de l’islam vivent depuis treize siècles une énorme frustration envers les juifs : ils lisent chaque jour que ces derniers sont maudits par le Coran, que les Hadiths prévoient leur disparition, or tout ce temps ils vivaient tranquillement en terre d’islam, avec certes des massacres sporadiques parfois importants mais peu nombreux et pas d’ordre exterminateur.

C’est que les rescapés juifs du massacre de Khaybar, la dernière oasis juive d’Arabie, ont arraché à Mohammed un pacte où, moyennant un impôt et un statut humiliant appelé Dhima, ils seraient protégés par le pouvoir musulman. (Protégés de quoi ? Des abus possibles du pouvoir musulman.) Du coup, les fervents extrémistes n’ont jamais eu réellement l’occasion d’entamer le programme d’effacement inscrit dans le Texte sacré qu’ils récitaient  régulièrement.

Et le 7 octobre 2023 fut la première fois, depuis 13 siècles, que ces fervents ont eu entre les mains une masse juive inavertie, toute nue pour aussi dire, prête à être massacrée et à être inscrite dans l’appel pieux millénaire qui restait jusque-là un vœu pieux. D’où le déchaînement inédit qu’on a vu. Et la parole du petit jeune homme à sa mère de Gaza, lui disant par téléphone qu’il venait de tuer 10 juifs de la même famille, les félicitations de celle-ci, la joie de la foule à Gaza et celle des foules ferventes qui ont manifesté, tout cela s’inscrit dans ce cadre et acquiert son sens de ferveur meurtrière qui n’en pouvait plus d’une aussi longue attente.

On ne saurait trop insister sur ce côté première mondiale et historique et même transhistorique du 7 octobre : c’est comme si le Coran, ayant pointé sur le peuple juif une arme chargée prête à tirer, celle-ci avait été au cours des siècles, non pas désamorcée mais empêchée, retenue par le Pacte de la dhimmitude ou, si l’on veut, par la ruse des juifs de Khaybar. Et voilà que le 7 octobre, cette arme se décharge à bout portant, plus rien ne la retient ; c’est une décharge libératrice et jubilante : le peuple de Gaza se libère de toute entrave, il libère sa pulsion sacrée ; et les autres fervents, un peu partout sur la planète, ont crié leur joie sacrée. (Comme le dit le panneau du Monde, ça ne date pas du 7 octobre ; ça date non pas de 48 mais de treize siècles. J’ajoute en passant que la femme de leur rédacteur Benjamin Barthes a eu raison de recommander à Allah l’âme de Sinwar quand il est mort : cet homme fut un fervent fidèle, appliquant à la lettre l’appel à la guerre sainte (sauf que c’est l’appel d’Allah et non de Dieu, car le Dieu biblique n’est pas antisémite ; c’est leur principale différence.)

Ladite joie donc confirmait cette évidence : les arabes de Palestine ont pour mission d’être la pointe avancée de la Oumma contre l’ennemi juif qu’il faudra bien anéantir. L’ennui est que de ce fait, les Palestiniens, ainsi consacrés, se retrouvent sacrifiés puisque cette tâche, celle du djihad antijuif, met la barre juste trop haut : pas moins que l’effacement d’Israël. Du fait que ce but est inaccessible, ceux qui disent vouloir l’atteindre sont forcément sacrifiés, et c’est bien ce qu’on observe depuis plus de 70 ans. Ils encaissent ainsi le retour sur eux de la malédiction sur les juifs.

Ce partage de malédiction, je le montre en détail dans mon dernier livre, Les non-dits d’un conflit : ils sont forcés par eux-mêmes et par leurs frères, de rester dans cette posture de sacrifiés. La cause palestinienne est devenue sacrée, c’est pourquoi elle n’aboutit pas. Le malheur des Palestiniens est que leur cause, d’être liée au djihad de manière indissoluble, les a mis jusqu’ici dans l’impasse. Outre le fait que leurs combattants, de façon très naturelle et compréhensible, prennent les maisons, les écoles, les mosquées, les hôpitaux, comme des bases de lancement, ils ne peuvent pas faire autrement que d’associer ainsi leur peuple, qui d’ailleurs a voté pour eux très massivement. Ce peuple a parcouru le temps, de djihad en djihad, avec là-bas un rêve de solution finale, qu’ici on pensait être la solution à deux États ; mais chaque fois que cette solution s’ébauchait, ils étaient obligés de la refuser. Ils sont forcés d’associer leur peuple à leur mort comme à leur combat. Le nombre de victimes civiles montre que le peuple de là-bas a fait corps avec la guerre sainte. Et même ici, quand nous déplorons les victimes, nous sommes forcés de pleurer celle des gens du Hamas, malgré notre désaccord, puisque le chiffre qu’il nous donne les confond tous.

D’aucuns, qui comprennent ce schéma, s’indignent que « l’Occident » prenne fait et cause pour le djihad. C’est là une vue très erronée. Certes, il y a, en France par exemple, un courant pro Hamas, soit pour des raisons de fraternité musulmane, soit pour avoir une Cause à défendre, une cause « révolutionnaire » de préférence, produit rare s’il en est. Mais celle-ci est tout indiquée, qui habille le djihad en termes occidentaux, ce qui en fait une guerre de libération digne de la guerre du Vietnam, avec en plus l’élan anti-génocide et anti-apartheid qui peut mobiliser des jeunes plus soucieux de se mouvoir que de comprendre. Car ladite accusation, venant de gens dont la charte même (voyez celle du Hamas) réclame un génocide, représente ce qu’on appelle en psychiatrie une injonction projective. On projette sur l’autre ce par quoi on se sent habité, et c’est un fait que la culture arabo-musulmane a pratiqué pendant 13 siècles le colonialisme, et la ségrégation sur ses minorités.

Mais cette même mouvance peut-elle se rendre compte qu’en sacralisant la cause des Palestiniens elle les met dans l’impasse ? Peut-elle lâcher ce filon juteux et enivrant où il suffit d’accuser l’autre de génocide, de cruauté (comme le fait le pape) pour se sentir conforté, avec le sens du devoir accompli ? Oubliant que lorsque dans les mémoires les horreurs de l’attaque et celles de la riposte finissent par s’équivaloir et par là-même s’annuler, ce qui reste, c’est la différence radicale des projets, des intentions : celle du djihad est d’exterminer l’autre, celle d’Israël est de protéger la vie dans son propre territoire, fût-ce au prix de la mort pour ceux qui veulent l’en empêcher. Ce n’est pas seulement un choc de deux cultures, ce sont deux rapports à l’être inconciliables : l’un choisit la vie, l’autre choisit la mort et le meurtre en vue d’une vie meilleure dans l’au-delà, où les vierges restent vierges pour pouvoir récompenser les nouveaux venus, bien que tant de martyrs leur soient déjà passés dessus.

Post Scriptum, 15 de maig del 2025.

Daniel Sibony, ahir a Tribune Juive: “De l’indignation et du mensonge par omission“.

Il faut répondre aux gens qui interpellent sur les enfants affamés à Gaza. Bien sûr, certains n’interpellent pas, ils affirment : « Gaza c’est Auschwitz ».

Déjà en 2001, l’écrivain portugais Saramago, prix Nobel lors d’un voyage avec Derrida à Ramallah, déclarait : « Ramallah c’est Auschwitz ».

Ceux-là aussi, il faut leur répondre, leur expliquer la différence. Tout récemment, un reportage de France 2 sur les affamés de Gaza montrait des images d’enfants au visage émacié pour suggérer le camp de concentration et graver cette croyance que les juifs font aux arabes ce que les nazis leur ont fait.

Et pour enfoncer le clou un article du « Monde » titrait « Gaza affamé par deux mois de blocus » ; mais ni la télé ni le journal n’expliquent pourquoi ce blocus.

Moi aussi j’ai dû répondre à quelqu’un qui m’envoie des images d’enfants faméliques. Voici ce que j’ai répondu : « Tu prêches un convaincu, mon cher, et tu as raison, c’est une vraie catastrophe. Due au fait que les Israéliens, dans la foulée du 7 octobre, ont fait deux découvertes traumatisantes : une ville souterraine à Gaza qui est de fait inaccessible et où se cachent les jihadistes ; et un projet exterminateur à très long terme qu’ils ont dénié jusque-là, qui date de 13 siècles et qui s’actualise quand il peut. Tout cela ne rend pas génial, puisqu’on dirait que leurs stratèges n’ont toujours pas trouvé le bon passage et ne savent pas encore résoudre ces deux équations : 1)Tuer des gens du Hamas = tuer des civils 2) Vouloir nourrir des civils = nourrir le Hamas et le renforcer. Si tu as des solutions ils sont preneurs ».

Donald Trump, lui, répond tranquillement qu’il faut faire parvenir cette aide humanitaire à la population de Gaza et non pas au Hamas qui la confisque ; et donc qu’il y a blocus tant que c’est le Hamas qui reçoit l’aide humanitaire, c’est assez clair. Et il est bien capable de faire livrer cette aide par des entreprises privées, on verra bien.

Pour l’instant, la logique du bouclier humain sur le plan militaire est transposée sur le plan alimentaire. Vous ne pouvez pas riposter sans tuer de civils, vous ne pouvez pas nourrir les civils de Gaza sans nourrir le Hamas, ce qui prolonge la guerre. Et la même logique perverse se reporte dans le journal « Le Monde » et le docu télévisé, mais cette fois par omission : on parle de la famine à Gaza mais on n’en dit pas la cause pour que le poids de cette famine retombe sur les juifs, tout comme le poids des victimes civiles doit retomber sur eux.

Et pour obtenir quoi ? Que le maximum de gens maudisse Israël et donc s’aligne sur la malédiction coranique des juifs. En ce sens, le reportage de « France 2 », la page du « Monde » et l’action du Hamas approfondissent cette malédiction, cette médisance radicale sur les juifs, qui est dans l’esprit coranique ; elle prend sa source dans les racines de l’islam relayées par les radicaux.

C’est la même procédure que depuis des siècles

Pendant des siècles cette mécanique de la malédiction grâce aux mensonges par omission a fonctionné. Y compris dans le monde chrétien : un prêtre fait un prêche où il cite dans l’Évangile l’épisode où des juifs demandent la mort de Jésus, et cela suffit pour qu’au minimum on les regarde de travers ou qu’on les pourchasse ; et le prêtre n’est pas méchant, il a seulement omis de citer les passages où ce sont ces mêmes foules juives qui ont porté Jésus et qui l’ont célébré comme guérisseur et homme inspiré. Du coup, personne ne dit que ce sont les foules juifs qui ont fait Jésus.

Il ne faut désespérer de la bonne foi en tant que possibilité

Le peuple juif a été si souvent objet de mensonge et notamment par omission, qu’il en recueille presque une mission : se battre pour la vérité, parler aux gens de bonne foi ; il ne faut désespérer de la bonne foi en tant que possibilité. La bonne foi est infiniment possible alors que la mauvaise foi est calculée pour tuer. Elle n’y arrivera sans doute pas, car en vérité, les juifs souffrent moralement de ce qui se passe à Gaza, autant que les gens de Gaza en souffrent physiquement. Peut-être même davantage car on ameute contre eux la terre entière, qui heureusement reste calme. Alors que tout le monde, sauf le Hamas, a pitié pour les enfants de Gaza. Les juifs aussi, mais ils sont empêchés de l’exprimer massivement car ce serait soutenir le Hamas. Toujours la même logique perverse : on ne peut pas les nourrir sans nourrir le Hamas, on ne peut pas leur dire notre compassion sans soutenir le Hamas.

Les Juifs sublimes

Seules des personnalités à qui on tend le micro peuvent le dire, et tant mieux, même si elles en profitent pour leur combat politique qui veut nourrir une gauche israélienne très affaiblie. Pourquoi pas ? C’est de bonne guerre, outre qu’elles ont leur image à défendre, celle de juifs supérieurement moraux. La masse des juifs, elle, supporte patiemment que ces juifs sublimes lui fassent la leçon, mais parfois elle se rebiffe quand on lui dit : Et que faites-vous de « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ? » –

Vous voulez dire qu’on doit aimer les gens de Gaza ? Nous on veut bien, mais ils sont collés au Hamas, on ne peut pas les aimer sans aimer le Hamas. À moins d’aimer nos ennemis ? Même les chrétiens qui le disent ne le font pas, voyez l’Ukraine et la Russie. – Mais il y a les femmes et les enfants, les enfants surtout ! – C’est vrai, ils sont comme leur famille les otages du Hamas, mais on se tue déjà assez pour nos otages, vous voulez qu’on se tue aussi pour ceux des autres ?

Deixa un comentari

L'adreça electrònica no es publicarà. Els camps necessaris estan marcats amb *

This site is protected by reCAPTCHA and the Google Privacy Policy and Terms of Service apply.

The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.

Us ha agradat aquest article? Compartiu-lo!