Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

3 de juliol de 2021
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Boualem Sansal: Où va l’Europe ?

Boualem Sansal, ( nascut el 15 d’octubre del 1949, a Theniet El Had, Algèria), és un escriptor i assagista d’expressió francesa, crític amb el règim autocràtic algerià, que observa amb angoixa el declivi civilitzacional europeu. En aqueix article aparegut ahir a Le Figaro titulat Où va l’Europe?, afirma que la Unió Europea no és capaç d’actuar com a potència global i no assumeix la defensa de les societats obertes occidentals.

Où va l’Europe ? Avant de chercher cela, demandez-vous d’abord : Qui la pilote ? Comme j’ai eu moi-même à le constater, vous ne tarderez guère, chers amis de là-bas, à découvrir que personne autour de vous ne le sait et ne sait même comment le trouver pour apprendre de lui ce qu’il voudra bien vous révéler : quel est son nom, qui l’a mandaté, où vous mène-t-on et s’il le sait lui-même, qu’il le dise : c’est quoi l’Europe et à quoi elle sert dans le schéma mondial dominé par l’équipe gagnante du millénaire, les onze vraies grandes puissances : les USA, la Chine, l’Allemagne, la Russie, le Royaume-Uni, Israël, la Turquie, l’Iran, le Qatar, l’Arabie, la Corée du Nord. La volonté de puissance et de domination est un cardinal essentiel de leur personnalité.

Les questions sont ainsi, une fois lâchées, elles se hèlent les unes les autres avec une urgence fiévreuse dans le ton.

À un certain niveau d’ignorance et de déception, on est condamné à imaginer le pire et le pire n’a pas de fin. Dans ce territoire perdu situé entre le Maroc et la Tunisie, d’où je vous adresse cette alerte, je peux vous le dire, le pire est passé par-là et n’a rien laissé derrière lui, rien. Chacun doit au moins savoir cela pour sa gouverne : c’est quoi, le pire chez lui et à quel stade il est ?

On peut en disputer encore et encore mais à un moment il faut s’arrêter et reconnaître la réalité : l’Europe a toutes les apparences d’une chose qui n’existe pas, n’a jamais existé, comme Europe, la déesse aux grands yeux de la mythologie grecque qui lui a donné son nom. Soit dit en passant, Arès, le dieu de la guerre, eût été tout désigné pour l’accompagner, il aurait transmis un peu de vigueur aux enfants de la belle. La guerre et la gloire, il n’y a que ça de vrai et tout l’art du guerrier est de ne la faire que pour gagner, et en cas de doute quant à son issue, la rendre impossible jusqu’à ce que le vent tourne à son avantage.

C’est rageant de s’être tant questionné pour au final se voir moins avancé qu’au départ où au moins on avait des illusions et le plaisir d’y croire.

Oublions cette Europe, la mythique, enlevée et abusée par Zeus puis offerte en cadeau de mariage à un mortel qui n’avait rien de fameux, le roi de Crète, et l’historique, trahie par les siens et livrée au moloch de Wall Street, et regardons un peu cette chose pénible, bien réelle elle, l’Union européenne, une colonie marchande inféconde, sans peuple ni mythologie mais avec un drapeau et un hymne, des institutions dans tous les coins et des démembrements à tous les étages, le tout actionné à hue et à dia par des officiers de la coloniale insipides et arrogants : « Je vous administre de loin, je n’ai pas à venir vous visiter et manger le même pain que vous. » Avez-vous entendu cela ? Moi, si, et ça m’a rappelé un temps que les moins de 20 ans…

Quel roi français, de Clovis Ier à de Gaulle Ier en passant par François Ier et Napoléon Ier, aurait accepté de voir pareils énergumènes venir lui en conter, l’abreuver de reproches, lui dicter des mesures drastiques et le sommer de se le tenir pour dit ? Quel roi, quelle gracieuse majesté britannique les aurait seulement reçus ? Aucun, aucune, la cruauté ne leur a jamais fait défaut, ceux-là. Dieu et mon droit, est leur foi. Les Allemands ont cédé et payé, certes, mais au seul titre des réparations imposées par les vainqueurs. Il n’est plus interdit de le penser aujourd’hui, ils n’ont payé que pour relever les économies de leurs victimes et s’enrichir de nouveau sur leurs dos. Cette nation conquérante, convertie au pacifisme stratégique, n’a jamais eu de difficultés à se faire des ennemis à envahir et à ruiner. Bon sang ne saurait mentir mais il peut jurer ses grands dieux ; la taqiya n’est pas qu’islamique. Les vainqueurs ne comprendront jamais rien aux ruses des vaincus, gagnants en dernier ressort car ils ont en main les instruments de la vengeance finale : la victimisation radicale, la persécution morale et le jugement de Dieu. Malheur aux vainqueurs ! écrivait Boris Cyrulnik.

En poursuivant le raisonnement et en vous souvenant que mettre dans le même espace de confinement des Latins, des Germains, des Vikings, des Slaves et des Magyars, ainsi que leurs émigrés africains, maghrébins, turcs, asiatiques, vous arriverez à la même conclusion que moi, la réaction nucléaire est au programme. Faire de grandes nations ayant vocation planétaire des provinces d’arrière-pays, est-ce leur vouloir du bien ? Arrivera le jour où on jurera qu’il n’y a jamais eu ici ni Europe ni autochtones, ni rien autour, ils auront été vaporisés dans le maelstrom, laissant place libre pour d’autres occupants, d’autres histoires.

Si on ne sait pas répondre à une question, on la prend par sa forme conjuguée, parfois ça marche. En l’occurrence, la forme conjuguée de « Où va, l’Europe ? » est « Où ne va pas, l’Europe ? ». Vu ainsi, tout devient simple, et les réponses et les mots pour les dire viennent aisément, il suffit ensuite de les inverser : faillite, régression, voie de garage, mur, dépôt de bilan, trou noir, liquidation avant fermeture, changement de propriétaire… qui sont bien les antonymes des mots en usage à Bruxelles : succès, progrès, paix et croissance, horizon lumineux, humanité heureuse, etc.

Avant toute fin est un point qu’il importe de repérer avant de poser le pied dessus, le point de non-retour. En ce lieu d’hébétude noire, on comprend d’un bloc tout ce que nos yeux et nos oreilles avaient refusé de voir et d’entendre quand les alarmes pleuvaient et que nous avions les moyens, hérités de nos pères, d’être notre propre assureur. On périt toujours par où on a péché, la perte de la confiance en soi est un grand malheur, autant que l’octroi de sa confiance à ses associés en affaires.

La bonne idée serait de tout changer, le bateau, le pilote et ce pauvre mythe d’une Europe heureuse dans un monde de barbares, mais parfois résoudre un problème revient à en créer un autre, plus grand, chose bien connue des bricoleurs du dimanche. Il faudrait probablement aller plus loin, repenser notre vision du monde et l’utilité de notre présence sur terre.

En fait, le raisonnement était vicié au départ. « Où va, l’Europe ? » n’est pas vraiment une question à poser, le futur n’est pas une destination, la nation n’est pas un bateau et le pilote n’est pas une personne mais un système, une raison froide servie par des machines électriques. La question exprimerait un ressenti, une angoisse sourde qui aurait à voir avec la respiration du peuple, les vibrations du sol, le comportement étrange des animaux, le climat qui chiffonne les cœurs.

L’inversion des pôles est en chemin, il faut le savoir. L’hyper organisation écrase l’humain en tant qu’individu en ses divers âges, en tant que couple, groupe, communauté, nation, et fatalement bride la vie et l’éteint, elle ne connaît que des catégories juridico-administratives : employés, consommateurs, entrepreneurs, foyers fiscaux, migrants, retraités, LGBT, chômeurs détachés, autres… des gens à la base c’est sûr mais beaucoup ne le savent pas, le lavage de cerveau les a aseptisés, ils croient être des numéros de sécurité sociale, des codes secrets tatoués sur disque dur, des émoticônes sur lesquels il faut cliquer pour avoir du son.

Les rebelles devront travailler dur pour ne pas se laisser voler leur âme et leur pays. L’Europe n’existe pas mais rien n’interdit d’en rêver, de la bâtir aussi mais comme jadis on construisait une maison commune au centre du village, avec de bons matériaux et des sentiments qui ont cristallisé sur des siècles, la fraternité, la confiance, le respect, pas à coups de traités qui ne sont que la traduction de rapports de force vulgaires et de programmes ad hoc qui fabriquent des assistés compulsifs et des ayants droit condamnés à faire le pied de grue devant les guichets des administrations, ce que nos États respectifs font déjà très bien pour notre malheur et celui de nos enfants.

Orwell, au secours, ils remettent ça !, a-t-on envie de crier.

Une suggestion avant le point de non-retour ? Oui, démantelez l’UE, vaccinez ses chantres, décontaminez les lieux, lancez des programmes de réinsertion de ses fonctionnaires dans la vraie vie, et le reste viendra de lui-même, la raison reprendra du service, on se souviendra qu’à part les grands rois, les religions en leur début et d’immenses batailles qui ont fait trembler la terre des décennies durant et fait couler des torrents de sang, personne au monde ne sait comment on fabrique des peuples et comment on les accouple pour engendrer un peuple nouveau, supérieur en nombre et en volonté, donc dangereux pour les voisins.

Il faut se donner le temps de méditer la lamentable machination qui a fabriqué le monde dit arabe et l’a chargé d’un messianisme hors sujet, à partir de peuples modestes, sans ambition aucune, berbères, égyptiens, irakiens, syriens, libanais, palestiniens, yéménites, jordaniens, saoudiens, koweïtiens, omanais, qataris, ayant chacun son identité et son histoire bimillénaire. Ils sont aujourd’hui 430 millions d’Arabes pris dans une fiction apocalyptique, conçue pour eux par… oui par qui ? Ils naissent sous X, vivent sous X et meurent sous X. Alors, bientôt des Européens sous Y… ou sous US Woke ?

À part continuer de s’entretuer à l’aveuglette, sous le regard ombrageux de la Ligue arabe et celui très vigilant de la Ligue islamique, on voit mal ce qu’ils pourraient faire pour se libérer du sortilège et retrouver leurs identités et leurs souvenirs d’avant la conversion cataclysmique.

Pour le moment, Dieu merci, les Français et leurs petits voisins, belges, italiens, suédois, espagnols, etc., savent encore à peu près qui ils sontet de quoi est fait leur pain quotidien mais savent-ils ce qu’ils seront – comment le sauraientils avec si peu de mémoire – lorsque l’Europe conjuguée sera arrivée à destination ?

Post Scriptum, 15 de novembre del 2021.

Boualem Sansal ha estat entrevistat el proppassat 12 per Le Figaro, a propòsit del seu darrer assaig, «Lettre d’amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre», (Éditions Gallimard): “Face au terrorisme islamiste, « frapper vite et fort, c’est cela que morts et vivants réclament.

LE FIGARO. – Nous commémorons cette année le sixième anniversaire des attentats du 13 Novembre alors que le procès de ce carnage vient de s’achever. Avons-nous tiré les leçons de ces événements ?

Boualem SANSAL. – Face à l’islam, la France officielle a perdu toute capacité de réfléchir, de statuer et d’agir. Elle subit et se prépare à subir encore. Les musulmans, tout contraints qu’ils sont par le dogme et la communauté, sont plus libres face à leur religion ; ils l’aiment beaucoup, mais ils la discutent quand même, critiquent ses excès, lui donnent des coups de canif par-ci par-là. Il en est même, comme moi qui suis athée de naissance, qui recommandent de la mettre au musée. La France s’est mise dans un processus de soumission invraisemblable, elle s’humilie piteusement alors que personne à ma connaissance ne le lui demande, et surtout pas de s’humilier de cette façon wokienne, s’agenouiller dans la boue, se couvrir la tête de cendres, ­déchirer ses vêtements, se taillader les veines.

La crainte de désespérer la banlieue et la peur de la guerre civile, du séparatisme et des représailles des gardiens de l’islam ou des parrains de l’islamisme n’expliquent pas tout. On croirait que la France s’est engagée dans un processus de conversion volontaire qui ne dit pas son nom. À moins que par un mécanisme de compensation psychique elle remplace le christianisme qu’elle a chassé par la porte par un islam arrivé par la fenêtre. ­Malraux l’avait dit : le XXe siècle sera religieux ou ne sera pas. Moi j’y vois aussi du sexe : l’islam est jeune, vigoureux, infatigable, le christianisme vieux, faible, les Français qui aimaient tant la bagarre et la bagatelle regardent ça avec lubricité et regret. Ce qui s’est passé le 13 novembre est un acte de guerre d’une violence inouïe auquel la France présidente a répondu par des larmes et des lamentations. Ce faisant, elle a humilié son peuple, sa ­police et son armée, et signé sa fin.

LE FIGARO.- Rien de bon ne peut-il sortir de tout cela ?

Le scénario le plus probable est la guerre civile, avec à terme la libanisation du pays ou son algérianisation qui est un mix entre dictature militaire et dictature islamiste. Écoutez Michel Onfray, il ne cesse de le répéter avec force arguments. La seule façon de l’éviter, et ça, c’est moi qui le dis, c’est le grand chambar­dement, il faut abattre la maison avant qu’il ne soit trop tard et la reconstruire après une séance d’exorcisme réussie. Belzébuth, sors de ce corps, par les ­Lumières vitales.

LE FIGARO.- Il y a à peine un mois nous commémorions l’assassinant de Samuel Paty ? Que pensez-vous de ces hommages ?

Bien sûr qu’il faut des hommages, mais s’ils ne sont pas suivis d’actes forts, ils consacrent l’état de lâcheté et d’incompétence de l’Autorité. C’est insuppor­table de voir la France de Macron passer ses journées à rendre des hommages aux victimes de l’islamisme, et les enterrer ainsi une deuxième fois. Un chef des ­armées n’enterre pas ses morts, ne fait pas de discours en larmoyant, il tonne, il agit, il frappe vite et fort. C’est cela que les morts et les vivants réclament.

LE FIGARO.- La campagne pour l’élection présidentielle est marquée par les questions liées à l’immigration et à l’islam. Est-ce le retour du refoulé ?

Il n’y a pas de refoulé, ces questions sont sur la table depuis de Gaulle qui craignait de voir atterrir des mosquées à ­Colombey-les-Deux-Églises, Giscard, maître d’œuvre du regroupement familial, qui disait que la France faisait face à une invasion migratoire, Marchais qui réclamait l’arrêt de l’immigration, ­Rocard qui disait que la France ne pouvait pas accueillir toute la misère du monde, Chirac qui s’offusquait du « bruit et des odeurs », Sarkozy qui se voulait le champion des expulsions, Hollande qui disait que la France était en guerre, ­Macron qui découvre qu’il faudrait y voir, qu’il y a peut-être, des relations de cause à effet dans les malheurs de la France.

Non, la vraie nouveauté c’est Zemmour le polémiste qui impose à tous ses thèmes de campagne. Et voilà que tous, ­manchots, pingouins et autres canards boiteux, lui emboîtent le pas, mais avec des couacs et des « oui, mais, cependant » qui montrent qu’ils ne feront rien, sinon déplorer, soumis qu’ils sont à la doxa en vigueur.

LE FIGARO.- Paradoxalement en 2017, ces questions avaient très peu été abordées…

En 2017, on a privilégié l’émotion, on a invité toutes les autruches de France à se rassembler pour affronter le danger et bouter l’ennemi. C’était à qui pleurait le plus fort sous l’œil ému des caméras. L’émotion c’est fort, ça unit dans les larmes, le temps qu’elles sèchent. Nous étions quand même quelques-uns à parler de ces choses, mais on le sait l’émotion rend sourd. N’oubliez pas le politiquement correct et la police de la pensée et souvenez-vous de ce que disait Prévert : « Quand la vérité n’est pas libre, la liberté n’est pas vraie. »

LE FIGARO.- N’y a-t-il pas aussi un souci légitime de ne pas stigmatiser l’ensemble des musulmans, de ne pas confondre islam et islamisme ?

Sur ce plan, Zemmour dit des choses d’une justesse parfaite mais ne les explique jamais afin que chacun puisse voir ce que les mots cachent. L’islamisme c’est de l’officiel, c’est l’une des quatre écoles canoniques qui forment l’islam sunnite, toutes nées entre le VIIe le VIIIe siècle, quelques décennies à peine après la mort de Mahomet en 632 : le malékisme (dominant au Maghreb et au Sahel), le hanafisme (dominant en Turquie, Bosnie, Chine, Inde, Pakistan, Afghanistan), le chafiisme (dominant au Yémen, en ­Afrique de l’Est, en Asie et Asie du Sud-Est), le hanbalisme (école ultra-orthodoxe qui impose une lecture littérale du Coran, dominant en Arabie, au Qatar et au ­Yémen, où il a accouché du wahhabisme ; il est également présent en Asie, aux Comores, sous une forme moins agressive et en Égypte, où il a donné les Frères musulmans).

C’est ce courant minoritaire mais très remuant, le hanbalisme, version wahhabite qu’en Occident on appelle islamisme. Mais aujourd’hui cette école, irriguée par les pétrodollars saoudiens et qataris et les aspirations califales qui fleurissent dans l’ensemble du monde musulman, a contaminé les trois autres écoles de l’islam sunnite, et les autres courants de l’islam, chiite, kharidjite et même soufi, et au final personne ne sait vraiment reconnaître les siens. Les musulmans qui connaissent un tant soit peu leur religion et l’école juridique de leur communauté, ne se sentent ­nullement stigmatisés. Ceux qui se ­mouchent, ce sont les hanbalites, les ­wahhabites, les Frères musulmans et ceux qui confondent tout avec tout.

LE FIGARO.- Alors que les 60 ans des accords d’Évian approchent, Emmanuel Macron a multiplié les gestes mémoriels reconnaissant notamment « la responsabilité de la France dans le massacre du 17 octobre 1961 ». A-t-il raison de faire ce type de gestes ? Sont-ils appréciés en Algérie ?

Macron, c’est Gaston Lagaffe, il en fait toujours trop parce qu’apparemment il ne sait pas au juste ce qui doit être fait. Il devrait lire Un président ne devrait pas dire ça. Il a sûrement tous les talents que les siens lui prêtent mais pas celui-là, le sens de l’histoire, il n’est pas historien, ni psychologue. Les Algériens n’aiment pas qu’on vienne les caresser dans le sens du poil, ce qu’ils veulent c’est écrire eux-mêmes leur histoire, chose que leur gouvernement ne leur permet pas, il les oblige à boire le breuvage officiel jusqu’à la lie et obéir aux alertes du ministère de la vérité. Ce qui intéresse le pouvoir (algérien, NDLR) c’est tout ce qui peut lui apporter un peu de légitimité pour conserver le pouvoir dérobé par lui un certain juillet 1962. La légitimité pour lui c’est le blanc-seing pour piller le pays en toute bonne conscience. Il a trouvé en Macron le gars sympa qui leur en donne tant et plus. Venant de l’ex-colonisateur ça vaut acquittement.

Macron avait passé la pommade à son vieil ami Bouteflika, il le fait aussi avec son nouvel ami Tebboune. Les Algériens observent sans comprendre ce qui peut lier un charmant jeune homme propre sur lui avec la gérontocratie haineuse d’Alger. En fait ils s’en fichent, ce qu’ils veulent c’est un peu de liberté, de la tranquillité, et si possible la vérité sur les affaires de leur pays, et en cadeau un visa pour visiter la France et y faire souche le cas échéant.

LE FIGARO.- Dans le même temps, Emmanuel Macron a accusé le régime algérien de vivre de la rente mémorielle…

Macron est inconséquent, d’un côté il flatte ses vieux amis d’Alger, les abreuve d’hommages et de reconnaissance, et de l’autre il les accuse de vivre sur la rente mémorielle comme ils vivent royalement sur la rente pétrolière, deux choses qui se confondent au fond quand on n’a pas de légitimité et de dignité. On se demande qui conseille si mal ce jeune ­président qui certainement ne demande qu’à bien faire.

LE FIGARO.- Il a également réduit le nombre de visas octroyés aux Algériens après l’échec du dialogue au sujet de la réadmission des clandestins expulsés. Comment le pouvoir algérien a-t-il réagi ?

Il n’y regarde même pas, il sait que ­Macron ne fera rien, il est intelligent mais peureux, il sait que le pouvoir ­algérien ne rigole pas si on touche à ses intérêts. Alors qu’il n’a rien fait, juste émis une idée, voilà que son vieil ami Tebboune rappelle son ambassadeur à Paris, ferme l’espace aérien aux avions militaires français, interdit l’usage du français dans plusieurs ministères, rompt 500 contrats avec des PME françaises et appelle les grandes firmes ­allemandes et italiennes à venir rem­placer au pied levé les entreprises du CAC 40 opérant en Algérie. Que fera-t-il si Macron s’avisait de toucher aux visas dus à ces messieurs, à leurs familles et ­alliés. Bravo, ça, c’est un chef ! Pauvre Macron, il s’est mis un caillou dans la chaussure et un sacré souci dans la tête.

LE FIGARO.- Au-delà de ces derniers épisodes, comment expliquez-vous que soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, les rapports entre les deux pays soient si passionnels?

Avant d’être passionnels, ils sont ­intéressés. La seule source de légi­timation de la junte a été et reste la geste anti coloniale. Elle continue la guerre de libération pour maintenir le peuple sous l’empire des lois de la guerre clandestine. On lui explique journellement, par ­communiqués du haut commandement, que la guerre n’est pas finie, que ­l’ennemi est toujours là, plus dangereux que jamais. Il doit y croire, le voir partout et agir en bon moudjahid et si nécessaire mourir en héros. Il doit chaque jour ­sacrifier au quart d’heure de la haine du JT de 20 heures contre la France. C’est du pur Orwell. L’Algérie est de ces rares pays encore vivants (Corée du Nord, Cuba), à avoir réussi à faire de la magnifique fiction orwellienne 1984 une réalité vivante.

D’un autre côté la France a un besoin ­vital de l’amitié et l’affection des ­Algériens pour se persuader et démontrer au monde que sa colonisation a été pour eux un pur bonheur. La preuve est qu’ils prennent d’assaut ses consulats pour obtenir leur visa ou vont affronter à mains nues les ­dangers de la mer pour venir se jeter dans les bras de la mère adoptive ­indigne.

LE FIGARO.- Votre dernier livre prend la forme d’une Lettre d’amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre (Gallimard). En vous lisant, on ne sait trop si c’est un geste de désespoir ou d’optimisme fou ?

L’optimisme fou et le désespoir sont les deux faces d’une même pièce, la pièce de sagesse, s’entend. Des pans entiers de la vie sont en train de disparaître sous nos yeux. La désintégration se fait par l’action de ce que dans ma lettre j’ai appelé les Grands Destructeurs formés par les couples maléfiques Argent-Marché, ­Religion-Colonisation, Malbouffe- Machinisme, Jeux d’arènes-Délinquance. Le combat de la jeune Greta Thunberg me paraît ne pas viser la bonne cible. La COP, les partis Verts et autres agitations connexes ne servent à rien, ce sont des leurres. Le danger n’est pas le réchauffement climatique, ce sont les Destructeurs, il n’est que l’une des innombrables conséquences de leur sinistre magistère. Ils tuent la raison, la joie, l’amour, l’amitié, l’esprit, les âmes et ensemencent dans ce qui reste de vivant en nous mille maladies et mille poisons. Détruire les Destructeurs, voilà le seul vrai combat.

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