Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

20 d'agost de 2022
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Boualem Sansal: «La fatwa de l’Iran contre Salman Rushdie attente à toute l’humanité»

Abans d’ahir Le Figaro entrevistava l’escriptor algerià Boualem Sansal, una de les poques veus que tenen el coratge de denunciar l’islamisme del seu país estant (també cal destacar a Kamel Daoud i Zineb El Rhazoui) i també, un dels escassos intel·lectuals amb projecció a Occident que ha alertat de la transcendència de l’atac contra Salman Rushdie.

LE FIGARO. – Plus de trente ans après avoir été visé par la fatwa de l’ayatollah Khomeyni, Rushdie a donc été rattrapé par l’islamisme. Cela vous étonne-t-il?

Boualem SANSAL. – Rien ne m’étonne, les islamistes ne se connaissent aucune limite. Égorger un journaliste naïf dans une ambassade sur ordre du palais et le dissoudre dans l’acide dans une baignoire livrée à cet effet par valise diplomatique, c’est banal ; tuer toute la rédaction d’un journal pour des caricatures, c’est une amusette ; condamner, égorger, lapider, brûler, pendre, violer, torturer, défenestrer, c’est viril. Voilà ce que l’islam/isme offre au monde. S’il y a autre chose, je ne l’ai pas vu, désolé. Si quelque chose peut m’étonner chez eux, ce serait qu’ils restent une semaine entière sans ennuyer leur monde avec leurs fatwas, leurs débordements, leurs vociférations, et, pis que tout, avec leurs envolées lyriques à la télé sur la meilleure religion qui soit pour la meilleure des communautés.

LE FIGARO.- Qu’est-ce que cela nous dit sur l’islamisme?

L’islamisme comme système de gouvernement par la charia et les châtiments corporels et comme instrument de conquête territoriale est encore dans l’enfance, il ne sait pas exploiter la pleine puissance de l’islam, la magie infinie de ses djinns et la geste exaltante de ses héros légendaires.

Il y a deux raisons à cela. La première est que le monde musulman est très arriéré à tous les niveaux de la hiérarchie sociale, il n’a pas réussi à se constituer une élite autonome capable de penser et de repenser le monde. Les plus avancés en sont encore à la récitation, à l’incantation, au blabla sur les mystères du Coranpour épater des publics déjà drogués, ou atteints de wokisme aigu. On est loin des Averroès, Avicenne, Omar Khayyam, Khwarezmi, Ibn Khaldoun, qui disputaient avec les géants grecs Thalès, Platon, Aristote, Pythagore, Hippocrate, Démocrite, Ératosthène, Hypatie. En France, ils sont en dessous de tout. Ne les comparons pas aux penseurs musulmans précités, des aigles de la stratosphère, on aurait le vertige. À part occuper des sinécures royales et se repaître de fromages bien gras, président de ceci, grand imam de cela, avion en “First”, rond de serviette dans les meilleures tables, pantoufles de soie dans les palais de la République, et répéter jusqu’à plus soif l’antienne «l’islam religion de paix et d’amour», «l’islamisme n’est pas l’islam» et rivaliser de pédantisme scolaire, que font-ils de plus? À quoi occupent-ils leurs journées? Les Français aimeraient savoir où vont leurs impôts. Il n’est pas normal qu’en France, en 2022, dans beaucoup de mosquées, on enseigne l’islam aux petits Français comme on l’enseigne dans les madrasas de Kaboul, qu’on désenvoûte les fillettes tous les 21 jours comme on le faisait au Moyen Âge et qu’ils viennent nous parler d’islam des Lumières à la télé comme leurs aïeux le faisaient à la cour du calife. Qu’on ne vienne pas après coup se plaindre qu’il y a des radicalisés dans la couvée.

La deuxième raison est qu’il n’a pas réussi à réaliser son unité et reconstituer le califat, la seule organisation politico-religieuse à même d’exploiter la pleine puissance de l’islam et de l’imposer au monde conformément au plan divin. C’est le grand projet de l’islamisme.

LE FIGARO.- «Un nouveau mot avait été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles: islamophobie», a écrit Rushdie dans son autobiographie, Joseph Anton. Avons-nous été aveugles depuis trente ans?

Oui, l’Occident n’a rien vu venir. Sa toute-puissance planétaire l’avait aveuglé. Il avait en particulier sous-estimé deux peuples dans sa conquête réussie du monde, tant ils paraissaient soumis, chétifs, les musulmans et les Chinois ; aujourd’hui il en paie le prix. Il n’a pas senti l’énergie potentielle du nombre, compris les soubresauts de l’histoire qu’il a provoqués, ni les mouvements indépendantistes, ni le formidable espoir levé par la création des Frères musulmans et d’autres confréries aussi pernicieuses, la gigantesque Jamaat e-tabligh (des dizaines de millions d’adeptes dans le monde) ou la petite Ahmadiya (qui n’en compte que 5 millions dans une centaine de pays) et celles très discrètes mais plus pernicieuses qui se disent au service de l’islam des Lumières, généralement fondées par des États musulmans et des organisations islamiques, l’Organisation de la coopération islamique (l’OCI), la Ligue islamique mondiale (LIM), et bien dotées en fonds inépuisables venus de richissimes donateurs.

LE FIGARO.- Rétrospectivement, la fatwa semble avoir ouvert la voie au 11 Septembre, aux massacres perpétrés à Charlie Hebdo, à l’Hyper Cacher ou au Bataclan…

Les meurtres de masse en islam sont vieux comme l’islam et ne sont pas près de disparaître. Le massacre des tribus juives de Médine et les guerres dites de l’apostasie ont été des monuments historiques dans la tuerie de masse. On en a des récits hallucinants. La chose s’est perpétuée et perdurera tant que l’islamisme n’aura pas réalisé son but, la domination mondiale.

Avec sa fatwa, Khomeyni a cassé un verrou fondamental. En tant que religieux de haut rang, il avait autorité pour émettre une fatwa pour blasphème, mais en tant que chef d’État, il n’avait le droit de condamner personne, encore moins pour blasphème, la chose relevant de la justice seule. Khomeyni passe outre ces considérations, il émet la fatwa et charge l’État dont il est le chef de l’exécuter. Il va plus loin, il enrôle tous les musulmans du monde comme exécuteurs du plan divin, moyennant une prime et la promesse d’aller au paradis. Ça c’était nouveau, ça c’était révolutionnaire, c’était le début de la révolution universelle. Il a ouvert la voie au pire, la sortie de l’ordre juridique consacré (la charia) et l’entrée dans l’ère de l’absolutisme. Partout dans le monde musulman, les chefs d’État se sont engouffrés dans la voie ouverte par Khomeyni, ils condamnent maintenant pour blasphème, pour sacrilège mais en les appelant atteinte à la religion, en s’appuyant sur le fait que les Constitutions de ces pays disposent que l’islam est religion d’État.

Comment l’Occident peut-il espérer vaincre l’islamisme avec si peu de moyens et tant de gens troubles dans ses rangs, prêts à toutes les coopérations ? Il faut que les Occidentaux cessent d’être des Occidentaux idiots.

LE FIGARO.- Cet attentat peut-il être synonyme de réveil aussi bien pour les sociétés occidentales que pour leurs dirigeants?

La fatwa court depuis trente ans. Avez-vous vu du nouveau durant ce temps? Quand le pouvoir iranien a porté la prime du bourreau de 2,6 à 3,3 millions de dollars, l’Occident a-t-il réagi? Il faut regarder la réalité, c’est le retour du chacun pour soi, l’affaire Salman Rushdie est l’affaire de Salman Rushdie et du gouvernement américain. En Europe, on compatit, mais on ne va pas refaire le cinéma «Je suis Charlie», nous mettre à mal avec l’Iran et le monde musulman travaillé par un salafisme aigu et des dictatures vieillissantes qui jouent la haine de l’Occident coupable de tout. L’Occident fait le dos rond en attendant des jours meilleurs. La guerre d’Ukraine a apporté un semblant de répit. Le monde musulman qui importe tout a peur de mourir de faim. En ce moment, tout le monde caresse tout le monde dans le sens du poil. C’est gaz contre blé, visas contre OQTF (obligation de quitter le territoire français, NDLR), etc.

Sur le long terme, l’Occident n’a que la diplomatie ou la guerre pour s’en sortir. La guerre, il ne sait plus, il ne peut pas, ne veut pas, et la diplomatie, c’est un sport de riches, les pauvres n’en ont pas les moyens et les salafistes égorgent les diplomates. Comment forcer le destin, telle est la question à ce stade. Si tu ne fais pas la guerre, la guerre viendra à toi!

LE FIGARO.- Et concernant le monde musulman? Cet attentat semble trouver des partisans parmi des chiites et des sunnites. Seraient-ils réconciliés?

Il ne faut pas y croire une seconde, il n’y aura jamais entre eux que des arrangements tactiques sur des cibles politiques ponctuelles. Sur le plan doctrinal, tout les oppose. La haine entre eux est totale et éternelle. Les sunnites sont 1,81 milliard dans le monde et les chiites 150 à 200 millions. La loi du nombre a tranché, mais la guerre n’est pas finie, l’Iran travaille à la bombe atomique contre Israël et «ses complices» les sunnites.

LE FIGARO.- Votre liberté d’expression au sujet de l’islamisme, et même de l’islam, semble totale. Vous arrive-t-il d’avoir peur, d’avoir la tentation de vous censurer? L’écriture est-elle votre résistance?

Évidemment que j’ai peur, et tout naturellement je me censure. Je ruse avec les mots. Je tiens compte de l’état des lieux: à part les islamistes, qui ont tous les droits, personne au monde ne peut s’exprimer librement. Ma peur ne vient pas que des islamistes, il y a le gouvernement algérien qui est tout-puissant. Le pire pour moi, ce sont les commissaires politiques. C’est incroyable comme la culture FLN a pu produire tant de chiens de garde dans ce pays, tous bien dressés, forts, très acharnés contre ceux qui contestent le régime comme moi. Ici, il y a des lois pour condamner les «antinationaux», mais pas pour condamner ceux qui appellent à leur lynchage public. À qui vais-je me plaindre, ici? Ma philosophie est d’écrire comme on fonce sur l’autoroute, mais dans les faits, je fais tout à pied.

LE FIGARO.- Rushdie devrait survivre à cet attentat. Et, depuis trente ans, il a continué à écrire. Cela signifie-t-il que tout n’est pas perdu?

Il y aura toujours des écrivains pour écrire et dénoncer, et il y aura toujours des gens pour les en empêcher et les assassiner. Le régime iranien a préféré se servir de Salman Rushdie en le tenant vivant au bout de la ligne, trente années durant, pour terrifier ceux qui seraient tentés de blasphémer.

Il ne faut pas transformer des défaites en victoires. C’est une immense défaite. Que Salman Rushdie soit encore vivant et qu’il ait continué à écrire n’est pas une victoire. Ces gens ont attenté à toute l’humanité avec leur fatwa, pas seulement à Rushdie. Elle court d’ailleurs, pour Salman Rushdie et symboliquement pour tous les hommes qui refusent l’obscurité islamiste. Les seuls qui peuvent en finir avec ce cauchemar sont les musulmans eux-mêmes, ils doivent se lever tous et partout dans le monde et dire stop. Vos grands musulmans, président de ceci à Paris, grand imam à Limoges ou à côté, pourraient arrêter de se moquer de vous et lancer cet appel. Qu’ils aillent à Djedda, Téhéran, Alger, Damas, Bagdad, porter le message de la liberté.

Il ne faut pas désespérer le pèlerin mais il faut le lui dire: l’Occident est à l’agonie. Comment peut-il espérer vaincre l’islamisme avec si peu de moyens et tant de gens troubles dans ses rangs, prêts à toutes les coopérations? Il faut que les Occidentaux cessent d’être des Occidentaux idiots.

LE FIGARO.- Dans un texte publié dans Tribune juive, vous avez souligné que l’imam Iquioussen a autorité pour émettre des fatwas contre X ou Y. Pourquoi faire le lien entre ces deux affaires? Qu’avez-vous pensé des polémiques sur cette expulsion?

L’autorité de l’État, dans un pays démocratique, ne doit en aucun cas être mise en doute. C’est le ministre de l’Intérieur qui l’incarne en premier. Annuler sa décision d’expulser ledit imam de cette manière légère est une atteinte grave à l’autorité de l’État. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué: la plupart des prêches de l’imam Iquioussen sonnent comme des fatwas heureuses, mais qui dans la tête de ses élèves provoquent des failles abyssales. Quand il dit à ses élèves:«Vous êtes français, de vrais musulmans, respectez la laïcité, s’il vous plaît», il leur dit en vérité ceci:«Si vous ne respectez pas la laïcité qui est contre l’islam, le gouvernement dira que vous êtes de faux Français et vous accusera d’être de méchants musulmans et il interdira notre sainte religion, et ce n’est pas ce que vous voulez, n’est-ce pas?». J’avais appris ça à l’école de la taqiya quand j’avais 6 ans. Annuler son expulsion est une belle victoire offerte aux forces du mal, tapies dans les replis de la société française.

Post Scriptum, 22 d’agost del 2022.

Abans d’ahir, Ben-Dror Yemini, analista del periòdic israelià Ynet New, analitza l’exculpació del règim iranià pel que fa a l’atac contra Rushdie per part dels mitjans progressites occidentals, sempre amatents a culpabilitzar Israel: “Why New York Times still at a loss to explain what prompted Rushdie attack. Media’s insistence on claiming not to know devout Shi’ite Muslim and Iran admirer’s motives for stabbing the Satanic Verses writer is a point of concern; if our generation’s intellectuals choose to ignore reality to push agendas, we’re in deep trouble.”

Post Scriptum, 20 d’agost del 2023.

Tribune Juive reprodueix el proppassat 11 de juliol aqueixa entrevista apareguda inicialment a Le Figaro Maagazine feta conjuntament a Florence Bergeaud-Blackler-Boualem Sansal: “La progression de l’islamisme en France”.

Post Scriptum, 19 de febrer del 2024.

Entrevista d’avui a Boualem Sansal a Causeur: Le Voltaire algérien

Causeur. Dans votre roman Vivre, un petit groupe d’« appelés » apprend que la Terre va bientôt disparaître. Ils ont la possibilité de sauver une partie de l’humanité, qu’ils appellent les « élus ». Que nous raconte ce terrible impératif de sélection ?

Boualem Sansal. Le dilemme fait partie de la condition humaine ! Ce qui est nouveau et terrifiant ici, c’est l’immensité de l’opération et le délai imparti, sept cent quatre-vingts petits jours pour choisir, parmi les 8 milliards d’habitants de la Terre, les 3 à 4 milliards qui seront sauvés. C’est mission impossible à tous points de vue, organisationnel, matériel, moral, politique, religieux. Les appelés refusent cette responsabilité, puis s’y résignent. Ne pas le faire, c’est voir l’humanité disparaître, accepter, c’est en sauver une partie qui pourrait surune autre planète s’inventer une nouvelle vie, fonder une nouvelle humanité. Le rêve.

À la différence des grands monothéismes, la religion de l’écologie annonce que personne ne sera sauvé. Puisque nous sommes tous coupables…

Le problème avec les Prophètes, religieux ou civils, c’est qu’ils parlent avec des majuscules : la Vérité, le Destin déjà tracé, la Culpabilité, le Châtiment. Comment discuter avec eux quand on est un homme minusculeet malveillanta priori ? La véritable religion de l’homme, c’est le réel, c’est là qu’il habite, et c’est avec lui qu’il doit s’arranger.

Vous n’avez pas juste un problème avec Dieu, mais avec l’autorité en général. « Les humains, écrivez-vous,n’ont pas d’autres ennemis sur Terre que leur gouvernement, d’où l’intérêt vital qu’ils se gouvernent eux-mêmes. »

Je le pense. Le gouvernement tient son pouvoir du peuple, mais une fois aux commandes, il se croit son propre créateur, par génération spontanée, se bombarde Deus ex-machinaet fait ce qu’il veut de nos vies et de nos biens.

Ce qu’il veut, c’est mal imité compte tenu de son impuissance réelle. A-t-il existé dans l’Histoire des systèmes qui ont marché différemment ?

Athènes dans l’Antiquité, la Suisse aujourd’hui où on vote tous les matins ; c’est possible parce que c’est un petit pays sérieux. Dans les grands pays,le référendum est un moyen pour le peuple souverain de reprendre la main et de recadrer le gouvernement.Mais le peuple est mort, vivent les consommateurs !

Vous dressez un portrait cocasse de la France wokisée. Avec l’épisode hilarant d’une réforme fantôme qui déclenche polémiques et batailles politiques.

Les intellectuels français d’avant-garde n’ont pas attendu le wokisme américain pour inventer le leur, un truc péremptoire et sournois, franchement minable. Monter en chaire et déclamer du vide par hologramme, ça ils aiment. Ils sont le crépuscule de cette merveilleuse société savante qui a fait les Lumières et la grandeur de la France.

Il est beaucoup question de religion dans votre livre. Avez-vous été croyant dans votre vie ?

Je suis un athée de naissance, irréductible mais pas fanatique. Pour moi, l’athéisme est la seule foi raisonnable dans ce monde de fous, on a déjà du mal à s’entendre sur des choses simples, si on ajoute les dieux et la religion, on va s’entretuer comme on le fait depuis des siècles. Restons entre humains.

Dans votre livre, toutes les religions en prennent pour leur grade.

L’islamique surtout, la petite dernière, elle est née arméede tant de prétentions et de brutalités qu’on ne sait quoi lui opposer. Elle nous refuse et nous dénie notre dignité humaine. Elle est pourtant née du judaïsme qui a fait de l’étude et du débat sans intention prosélyte un outil de connaissance privilégié. C’est une religion parfaite de ce point de vue-là. Elle devrait l’imiter, ce n’est pas honteux d’imiter ses parents. Enfin bon, elle a seshalachiquescomme chacun et ils ne sont pas commodes. Il faudraittous lespiquer au sérum de laïcité et les renvoyer à leurs yeshivot, médersas et autres ashrams lointains.

Vous avez eu cette formule : « Un islamiste est un musulman impatient. » N’existe-t-il pas un islam avec lequel on pourrait vivre tranquillement ?

Allah le veut :« l’islam doit régner sur terre », point. Le reste doit disparaître. Depuis sa naissance il est en marche, concentré sur l’objectif. Bilan à ce jour : il règne sur 49 pays et progresse hardiment dans 30 autres, dont la France, compte 2 milliards de fidèles, soit 25 % de la population mondiale, et ne manque pas de bénévoles idiots. Il n’y a plus d’endroit au monde où on vit tranquillement avec l’islam, quelles que soient sa foi et les concessions qu’on lui fait pour l’amadouer.

Cet islamisme, qui fournit, en même temps que des règles, une identité et une communauté de référence, séduit une grande partie de la jeunesse musulmane en Europe. Comment combattre cette emprise ? À l’évidence, pas par la science et la raison…

Comment lutter contre une croyance sans croyance ? C’est une bonne question. Je n’ai pas la réponse. Je suis frappé par le fait que l’islam qui se déploie en France depuis un siècle n’a en rien été ébranlé, influencé, par la société française, ses valeurs, son anthropologie. J’ai visité la France et je l’ai vu de mes yeux : une régression colossale est en marche dans ses territoires et dans l’âme de ses enfants. C’était donc vrai, l’inversion des pôles a atteint le point de bascule.

Il y a quelques jours, le président algérien a lancé un message à ses compatriotes émigrés : « Si vous êtes malheureux, revenez, on a besoin de vous. » Compte tenu de l’échec patent de l’intégration d’une partie des descendants d’immigrés, ne pourraient-ils pas trouver une meilleure vie dans le pays de leurs parents ?

Les programmes d’aide au retour n’ont jamais manqué. Sur les trente dernières années, on a rapatrié quoi, 2 000 à 3 000 personnes, dont une partie est repartie aussitôt. Il n’y a pas assez d’emplois en Algérie ni de moyens pour faire plus. Et puis le pays est une dictature, rappelez-vous, et des plus ennuyeuses, les Franco-Algériens ne sont pas fous pour venir s’enterrer dans un bled que ses habitants fuient à la nage. Tebounne pourrait commencer par retenir les siens et délivrer des laissez-passer pour récupérer ses OQTF.

Pouvez-vous expliquer le fonctionnement de cette dictature ?

Elle a emprunté aux meilleures dictatures du monde, anciennes etactuelles. Son clavier a sept touches : Terreur, Bureaucratie, Propagande, Corruption, Mensonge, Nationalisme, Religion. Chaque touche a elle-même ses petits réglages. Ainsi, la Terreur peut être massive, sourde, psychologique, morale, aléatoire, continue, et se combiner avec Bureaucratie, Propagande, etc.

Mais vous pouvez critiquer le régime et vous ne vous en privez pas…

J’étais enseignant et haut fonctionnaire, tranquille dans mon coin. Un jour de 2003, dans une interview en France, j’ai osé dire que sous son air de parfait démocrate, Bouteflika était un islamiste que la junte militaire avait embauché pour dealer avec les islamistes, embobiner les Occidentaux avec son bagout éclectique et la sauver elle-même de la justice internationale qui instruisait contre elle sur des allégations de crimes contre l’humanité. Ma vie s’est brusquement détériorée. Je passe sur les détails, ils ennuieraient vos lecteurs, mais plusieurs touches du clavier ont été actionnées par une main invisible experte.

Votre femme n’est pas voilée ?

Toutes les femmes ne sont pas voilées en Algérie, certaines résistent encore et la mienne plus que d’autres, car elle a le malheur de m’avoir pour mari et que par-là elle est plus visée que d’autres.

La plupart des dictatures ont un visage. À qui profite le système algérien ?

L’hydre algérienne a mille têtes, les généraux, les oligarques, les religieux et le président qui fait l’équilibre. Tout leur appartient.

Comment expliquez-vous que le régime soit si hostile à la France ?

Le régime n’existe que par la France. À l’indépendance, les militaires sont descendus des maquis avec un narratif attrape-nigaud qui a merveilleusement fonctionné : « Nous avons sacrifié nos vies pour libérer le pays du colonialisme français barbare et lui ouvrir un avenir radieux, le devoir nous dicte de poursuivre le combat, la France criminelle est notre ennemi éternel. » Ils se sont ainsi offert une légitimité à vie, piégeant et le peuple, transformé en armée de réserve, et la France qui s’est engluée entre défensive et repentance.

Est-ce le recul de la culture qui a permis à l’islam de s’imposer ?

C’est l’inverse, la religion a tué la culture. On a mis du temps pour comprendre que notre désastre culturel venait du poisoninoculé au pays par les imams importés du Proche-Orient et les prêches des chaînes satellitaires islamiques. Dans ma petite ville, à 50 kilomètres d’Alger, formée autour d’un campus universitaire moderne cosmopolite avec une vraie culture, bourré de docteurs, de PHD, de chercheurs, d’étudiants, il y avait une petite mosquée oubliée, comme abandonnée. Aujourd’hui, la ville compte dix grandes mosquées toujours bondées de foules vibrantes, et ressemble au Kaboul des talibans. Le couple islam-islamisme a vaincu la science et la culture.

Pourtant, les Algériens semblent avoir unanimement condamné le terrorisme islamiste.

Ils ont condamné le terrorisme, sans l’imputer forcément aux islamistes. Beaucoup pensent que des massacres ont été commis par des agents du contre-terrorisme.

Et c’est faux ?

Non, mais la loi sur la Réconciliation interdit d’en connaître sous peine de prison. Elle a effacé cette histoire et l’a remplacée par une vague bluette appelée « la tragédie nationale ». La religion et l’armée sont blanchies, elles n’apparaissent plus comme le problème, mais comme sa solution. Le retour à la paix, c’est lui, l’islam de paix et detolérance, c’est elle, la glorieuse armée nationale. L’amnistie générale et la culture de l’oubli ont fait le reste : la fameuse régression.

On a aussi vu s’amplifier la haine contre les juifs…

On a d’abord la haine d’Israël et du sionisme, mais c’est théorique, ça fait partie du discours d’ambiance débité journellement par la radio. On est dans Orwell, cinq minutes de haine par jour. Les juifs, c’est autre chose, là on est dans le religieux, dans l’histoire longue, la vraie magie, les vieilles terreurs et la violence incroyable du Coran contre eux, jamais expliquée. L’ordre est qu’il faut les haïr et les maudire du mieux qu’on peut, ça plaît à Allah. Les malades adorent.

Comment expliquez-vous qu’au Maroc, il reste des juifs alors qu’en Algérie il n’y en a plus du tout ?

C’est aussi vrai des chrétiens, il n’en reste plus. Comme toute dictature, le pouvoir voulait son peuple, formaté pour l’obéissance, musulman nationaliste stricto sensu, pas de curieux, pas d’espions, pas de rapporteurs, pas de contaminants. Le Maroc, c’est autre chose, on réfléchit un peu dans ce vieux pays, on a de la mémoire, la courte et la longue.

L’Algérie n’a évidemment pas signé les Accords d’Abraham. Néanmoins, sont-ils un motif d’espoir pour vous ?

L’Algérie ne les signera jamais, mais moi j’y crois et j’applaudis les pays signataires. Il s’est trouvé là des hommes d’État qui ont eu ce courage, comme Sadate à l’époque, de braver l’impensable. Qu’en pensent les peuples ? Sont-ils d’accord ? J’ai des doutes. Il faut convaincre les pays du Proche-Orient, le danger est là.

Si on résume : en Algérie, il n’y a aucun espoir. Et en France, il y a des Algériens qui mettent le bazar.

C’est bien la situation. Beaucoup l’aiment comme ça, d’autres ne la voient pas ou ne veulent pas savoir. Que faire ? Continuer à alerter, à expliquer aux gens de quelle terrible façon ils vont bientôt mourir.

Y a-t-il une réconciliation possible entre la France et l’Algérie, entre les Algériens et les Français ?

Macron y croit et fait tout pour y parvenir. Son forcing sur Tebboune a abouti à ce que la commission mixte, créée en août 2022, se réunisse enfin en novembre 2023. Alleluia ! On attend la suite, mais sans rêver s’il vous plaît.

Ici, on a plutôt tendance à lui reprocher de céder tout le temps aux Algériens, de faire profil bas face à leurs accusations délirantes…

Macron pensait qu’il réussirait cette réconciliation qu’aucun président avant lui n’a pu faire. Le challenge s’est avéré un engrenage malin, il s’est trouvé obligé de multiplier les gestes pendant que Tebboune fermait une à uneles portes de la réconciliation, la dernière, l’irréparable, étant le grand remplacement du français par l’anglais, et l’arabe of course.

N’obtiendrait-on pas plus de résultats en tapant du poing sur la table ?

« Le pouvoir algérien ne croit qu’au rapport de forces »,expliquait Xavier Driencourt, dans son très remarqué opus L’Énigme algérienne. La question est alors celle-ci: la France veut-elle, sait-elle, peut-elle relever la tête et taper du poing ? Si oui, il propose de dénoncer unilatéralement l’accord de 1968 qui favorise la circulation et le séjour des Algériens en France. L’Assemblée a dit niet.

Pourquoi n’utilisez-vous pas cet accord pour quitter ce pays devenu si invivable ?

J’y pense chaque jour. Invivable est un mot faible, il faut ajouter : dangereux, absurde, parano, schizo, ridicule, désespérant, sourd, aveugle… bref, cauchemardesque. Il serait si beau, si accueillant avec un gouvernement humain, démocrate, laïque, audacieux, copain comme cochon avec une France glorieuse comme elle a toujours aimé être.

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