Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

14 d'octubre de 2017
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Anotacions a l’article de Nicolas Marty: “La diabolisation des Catalans s’avère inutile et injuste”

Nicloas Marty, professor d’història contemporània a la Universitat de Perpinyà, va publicar abans d’ahir a Le Monde aqueix article rellevant per diverses raons:

“Le référendum catalan du 1er octobre et la déclaration d’indépendance, le 10, immédiatement suspendue par le chef du gouvernement de la communauté autonome, Carles Puigdemont, ont suscité une forte médiatisation en France. Si quelques voix mesurées et nuancées ont pu se faire entendre, l’énorme majorité des prises de position développe un argumentaire dont nombre d’éléments tiennent peu compte de la réalité. Le référendum n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel sans nuages. Cette crise était prévisible. Elle s’appuie sur la convergence entre un sentiment profond de la société catalane et un ensemble de faits récents.

La Catalogne se considère très largement comme une nation. Mais ce n’est pas un nationalisme borné et chauvin. Les Catalans sont des gens ouverts sur le monde, très favorables à l’Union européenne (UE) ; ils ne défendent en aucun cas un nationalisme de puissance, mais plutôt un nationalisme d’existence. La force de ce phénomène a été décuplée par une séquence politique qui, depuis 2010, a vu le gouvernement espagnol enchaîner une invraisemblable succession d’humiliations et de manifestations d’autoritarisme.

Modération, esprit de nuance

Le nouveau statut d’autonomie de 2006, négocié avec l’Etat central, voté par les Parlements et ratifié par référendum, a été annulé en 2010. Les décisions qui ont suivi ont été invariablement hostiles à la Catalogne. L’intransigeance, le caractère jusqu’au-boutiste des dirigeants catalans est le résultat direct de cette incroyable séquence. Appliquer l’article 155 de la constitution espagnole, c’est-à-dire suspendre de fait l’autonomie catalane, comme l’a proposé le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy au sortir du conseil des ministres extraordinaire du 11 octobre, ne serait qu’une étape de plus dans ce processus.

Non, les indépendantistes catalans ne sont pas des extrémistes. Le mouvement indépendantiste catalan occupe un spectre très large du champ politique. Convergència democratica de Catalunya (CDC), qui dispose du plus grand nombre de députés est un parti démocrate-chrétien. Il s’est allié pour le scrutin de 2015 avec un vieux parti républicain de centre gauche, l’Esquerra republicana catalana (ERC). Les deux se sont associés, pour avoir une majorité indépendantiste au Parlement catalan, avec un parti d’extrême gauche, la Candidature d’unité populaire (CUP). Mais la CUP ne représente que 8 % des voix de 2015 contre 40 % pour l’alliance CDC-ERC.

Faut-il insister sur le fait que des personnes universellement appréciées pour leur modération, leur esprit de nuance, leur engagement pour la paix comme le musicien et chef d’orchestre Jordi Savall, le coureur Kilian Jornet ou l’entraîneur de football Pep Guardiola, sont indépendantistes et le font savoir ?

Négocier un « pacte fiscal »

Non, les indépendantistes catalans ne sont pas extrémistes. En suspendant immédiatement l’indépendance après l’avoir proclamée, suivant ainsi l’exemple slovène de 1991, M. Puigdemont et le gouvernement catalan ont montré qu’ils n’étaient pas otages de la CUP, qui elle, voulait une application immédiate sans négociation.

Non, l’explication par l’égoïsme n’est pas sérieuse. La Catalogne est contributeur net de l’Espagne à hauteur de 16 milliards d’euros par an. Pourtant, il est extrêmement rare d’y entendre des discours hostiles aux régions moins développées de la péninsule ibérique. L’essentiel du mécontentement se focalise surtout sur un lourd déficit d’investissements de l’Etat espagnol en Catalogne.

Après 2010, les autorités catalanes ont cherché à négocier un « Pacte fiscal », signifiant être responsable de sa fiscalité. A charge pour elle de négocier avec Madrid le montant qu’elle souhaite transférer à l’Etat. Cette demande a été refusée. Doit-on insister sur le fait que personne n’a encore, à ce jour, entendu une explication rationnelle expliquant pourquoi la Catalogne n’a pas le droit de bénéficier d’un tel dispositif, alors qu’il a été accordé aux Basques et aux Navarrais ?

Stigmatisation

L’égoïsme apparaît par ailleurs comme une notion parfaitement réversible. Qui est égoïste ? Ceux qui veulent partir, ou ceux qui s’opposent à ce départ pour des raisons budgétaires ? Est-il égoïste de prendre le risque, totalement assumé, de voir partir un certain nombre de grandes entreprises dont les sièges sociaux étaient jusqu’à présent situés en Catalogne ?

Enfin, il faut dire ici que le territoire qui souhaite sortir d’un Etat constitué est toujours stigmatisé : soit par ce qu’il est trop riche, soit par ce qu’il est trop pauvre. On le voit, l’égoïsme, si souvent mobilisé, ne mène pas très loin pour comprendre ce qui se passe. Non, le thème d’une la majorité silencieuse, hostile à l’indépendance, n’est pas tenable. C’est le dernier élément mobilisé pour démonétiser à peu de frais les indépendantistes catalans. Mais qui est responsable du silence de cette supposée majorité, sinon ceux qui ne veulent absolument pas la voir voter, c’est-à-dire l’Etat espagnol ? Faire le compte de ceux qui veulent rester en Espagne et de ceux qui veulent en partir, n’est-ce pas exactement ce que demande Barcelone depuis 2010 ? Le gouvernement de M. Puigdemont, doit-on le rappeler, a été élu aux élections de 2015 avec une très forte participation (75 %).

Ne pas nier les réalités

Considéré comme illégal dès le départ par l’Espagne, le vote du 1er octobre s’est déroulé dans des conditions très difficiles. Il aboutit à une participation de 42 %. Mais en cas de vote négocié avec Madrid, la supposée « majorité silencieuse » s’exprimerait-elle ? Rien n’est moins sûr.

Les élections, dans le pays, réunissent en général entre 50 % et 70 % de participation. Il est donc parfaitement faux de tabler sur un taux de 100 %. La majorité silencieuse n’est en réalité que pour partie unioniste, elle est surtout abstentionniste.En somme, il est possible d’être hostile à l’indépendance de la Catalogne, pour de nombreuses raisons. Il est possible d’être pris de vertige en voyant un vieil Etat vaciller. Mais une chose est sûre, nier les réalités ne pourra jamais aider à trouver les bonnes solutions. Celles-ci passent par une négociation sur la place que peut tenir la Catalogne considérée comme une entité crédible, au sein d’un ensemble ibérique complètement repensé dans le cadre de l’UE.”

En primer lloc, el seu contingut respon a una interpretació rigorosa de la realitat històrica catalana adreçada al públic francès, majoritàriament inclinat a favor de les tesis uniformitzadores de l’espanyolisme. Le Monde, acollint aqueix article demostra una voluntat de diàleg que no es troba ni a les pàgines de Le Figaro, ni de Libération.

En segon lloc, el sentit de catalanitat compartida que demostra l’autor és una prova més de la solidaritat de la Catalunya Nord amb el Principat expressada pels 226 batlles que han signat un manifest de suport als alcaldes principatins i pel renaixent catalanisme en aqueixa part del país.

En tercer lloc, front a la creixent estratègia repressiva del poder espanyol contra la declaració d’independència de Catalunya que pretén retrotraure’ns al 1939, la resposta nacional catalana passa per la complicitat dels altres territoris dels Països Catalans que es veuran afectats també per la nova ofensiva castellanitzadora.

Post Scriptum, 31 d’octubre del 2017.

Nicolas Marty és entrevistat avui per L’Indépendant de Perpinyà: “L’Espagne de 1978 est morte“:

La situation actuelle trouve ses racines dans une histoire longue mais toutes les tentatives précédentes d’établir une République en Catalogne ont échoué. En quoi est-ce aujourd’hui différent ?

C’est une première à l’échelle de l’Europe. Une région qui souhaite sortir d’un Etat, sans qu’elle soit sous le joug d’un autoritarisme absolu ou dans une volonté de décolonisation. C’est différent car c’est un défi posé à un système démocratique, même si l’Espagne est loin d’être une démocratie parfaite. Il y a tout de même de sérieux problèmes, notamment le fait qu’ils n’ont absolument pas soldé la mémoire de la guerre civile et de la dictature. Et c’est l’une des explications au fait ces thèmes soient repris en Catalogne actuellement. Il n’y a pas eu, non plus, de politique de réconciliation comme cela a pu avoir lieu en Argentine ou en Afrique du Sud. Ces politiques qui permettent de donner un nouveau départ à un pays.

« La Catalogne est un verrou géographique »

Que va-t-il ou peut-il se passer maintenant pour l’exécutif catalan, s’il refuse de reconnaître sa destitution ?

Pour l’instant il y a deux légalités qui cohabitent, celle de l’Etat espagnol et celle de la République catalane mais il y a une grande incertitude, liée à un manque gravissime de négociations. La force « naturelle » va à l’Etat espagnol. Je ne vois pas comment la République catalane pourrait s’imposer sinon par de la désobéissance civile massive puisqu’ils n’ont pas créé un Etat parallèle qui peut fonctionner immédiatement.

Les élections de décembre, décidées par Madrid, peuvent-elles résoudre la crise politique ?

Ces élections, du point de vue des indépendantistes, sont très discutables dans la mesure où il y a déjà eu plusieurs votes. La situation actuelle est le résultat de tout ce qui s’est produit depuis 2012. Le référendum consultatif d’Artur Mas en 2014, la dissolution du parlement catalan en 2015 et l’appel de nouvelles élections plébiscitaires sur le thème de l’indépendance. Elles ont eu lieu en 2015 avec une très forte mobilisation, 75% de participation, ce qui est exceptionnel en Espagne. Et elle a donné une majorité en sièges aux indépendantistes. Deux ans après, on dissout à nouveau le parlement pour faire de nouvelles élections, cela pose un problème.

Madrid parle d’une « majorité silencieuse » qui serait « prise en otage » par les indépendantistes. Pourrait-elle changer la donne des élections ?

Je conteste l’idée de « majorité silencieuse ». C’est paradoxal que l’Etat espagnol, qui ne veut pas que la Catalogne vote (le référendum rendu illégal par Madrid, NDLR), mobilise cette idée. Si il y a une « majorité silencieuse », il faut lui permettre de s’exprimer. C’est justement ce que les dirigeants indépendantistes demandent depuis 2013. Ils veulent faire le compte de « qui est pour » et « qui est contre » l’indépendance. D’autre part, il y a une grande partie d’abstentionnistes dans les personnes en âge de voter en Catalogne et il est probable que les 75 % qui ont voté en 2015 ne soient pas plus nombreux en 2017.

Le Parlement catalan a voté l’instauration de la République mais la Catalogne a-t-elle les moyens de se constituer en Etat ?

La situation est compliquée du fait du manque de reconnaissance de la part d’un autre Etat, d’une autre institution. Du point de vue matériel, il n’y pas de possibilité d’obtenir des ressources à part des mobilisations citoyennes mais cela ne durera qu’un temps. Pour l’instant, les conditions matérielles d’existence de cette République ne sont pas réunies.

Carles Puigdemont et ses ministres peuvent-ils encore agir ?

On ne le sait pas. Le gouvernement refuse de reconnaître qu’il a été destitué, clairement. La plus grande probabilité s’ils continuent à agir de cette manière, c’est qu’ils soient bientôt arrêtés. Ce qui sera probablement contre-productif pour l’Etat central, puisque plus ils vont arrêter de gens, plus ils vont mobiliser et favoriser la sensation d’agression dans le camp indépendantiste.

Dans cette crise, un retour en arrière est-il encore possible ?

Non, il n’y aura pas de retour en arrière. L’Espagne de 1978, telle qu’elle s’est construite pendant la transition, est morte. Elle n’existera plus telle qu’elle existait depuis cette date. Et si elle persiste, ce sera pour un temps limité, sur la base d’une fiction en faisant croire que tout va bien.

Beaucoup d’entreprises ont annoncé le transfert de leur siège social hors de Catalogne, n’est-ce-pas un gros risque économique que prend la région ?

Il y a 600 000 entreprises en Catalogne et il y en a 1 500 qui ont annoncé un changement de siège social. Certaines sont de très grosses entreprises mais ce sont seulement les sièges sociaux qui partent, l’opérationnel est toujours sur place. Par ailleurs, la dette souveraine espagnole va se retrouver en danger car les Catalans sont contributeurs nets de l’Espagne. Il y aurait un risque fort de crise financière. Donc c’est aussi risqué pour Madrid que pour Barcelone. De plus, si la Catalogne sortait de l’Union européenne, cela serait désastreux pour l’économie espagnole. Cette région est un verrou géographique. Il y a un corridor européen qui passe par la Catalogne et se trouve être vital pour l’Espagne. C’est aussi risqué pour la France. Les banques françaises ont 108 milliards d’euros de créances espagnoles. Et il y a beaucoup d’emplois liés à l’articulation entre nos deux pays qui devraient être complètement repensés. La France aurait donc vraiment interet à pousser à une négociation pour que l’on n’arrive pas à cette situation de coupure. Personne n’a intérêt à ce qu’une Catalogne indépendante soit isolée.

Post Scriptum, 12 de maig del 2019.

Nicolas Marty ha publicat un assaig titulat “Comprendre la crise catalana” (Éditions Cairn, 2019) i per aqueix motiu ha estat entrevistat avui a Vilaweb: “França va canviant lentament la visió sobre Catalunya“.

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