Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

8 d'octubre de 2018
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Pierre Lurçat: “Athènes sans Jérusalem: le rejet des racines hébraïques au coeur du suicide d’Occident”

Pierre Lurçat és un jurista i assagista jueu francès (sovint esmentat en aqueix bloc) que ahir va publicar al seu bloc aqueix apunt dedicat a l’obra del seu pare François Lurçat (1927-2012), físic i filòsof, “La science suicidaire: Athènes sans Jérusalem” (Éditions Guibert, 1999):

“La société occidentale doit choisir aujourd’hui entre la vie et le suicide…

Pour se ressaisir, la culture occidentale devra retrouver tout ce qui, dans son histoire et dans ses sources, exalte et favorise le courage et la vie. Et d’abord la source hébraïque, d’où n’a pas cessé de jaillir depuis des millénaires cet appel : ”J’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction, tu choisiras la vie afin que tu vives, toi et ta descendance”, (François Lurçat, La science suicidaire, Athènes sans Jérusalem, p. 282).

Physicien et philosophe des sciences, François Lurçat est décédé il y a tout juste six ans, le 27 Tichri 5773, entre la parachat Berechit et la parachat Noa’h, qu’il affectionnait particulièrement. Professeur à l’université de Paris-Sud (Orsay), très apprécié de ses étudiants, et chercheur en physique des particules, il a entrepris à partir de la fin des années 1980 une réflexion approfondie sur la philosophie des sciences, partant du constat de la difficulté à enseigner et à rendre intelligibles les acquis récents de la physique théorique et des effets dévastateurs de l’idéologie scientiste dans le monde contemporain. Ses ouvrages de vulgarisation scientifique et de philosophie des sciences incluent : Niels Bohr, avant/après (Critérion 1990), L’autorité de la science (Cerf 1995), De la science à l’ignorance (éditions du Rocher 2003) et La science suicidaire (F.X. de Guibert, 1999). Les réflexions qui suivent s’inspirent notamment de ce dernier livre, sous-titré de manière éloquente “Athènes sans Jérusalem”.

L’oeuvre philosophique de François Lurçat aborde, entre autres thèmes, celui de la crise de la culture européenne, des fondements métaphysiques de la science moderne, du scientisme et de ses effets sur la société occidentale. Cette réflexion s’est nourrie à la double source de la pensée occidentale et de la tradition hébraïque, que François Lurçat a découverte à travers l’oeuvre de penseurs juifs d’expression française (Léon Ashkénazi “Manitou”, Emmanuel Lévinas, André Néher), mais aussi de traductions en français de Maïmonide, de la Bible accompagnée des commentaires d’Elie Munk, et d’écrivains et de poètes juifs (Benjamin Fondane, Claude Vigée, etc.).

L’idée de la spécificité irréductible de l’être humain (celle du Tselem, ou de l’homme créé à l’image de Dieu pour utiliser les catégories de la pensée hébraïque) est au coeur de la réflexion de François Lurçat. D’emblée, il comprend que la “crise de la science” (expression qui revient souvent dans son oeuvre) n’est pas seulement celle qu’il a décelée et analysée dans le fonctionnement interne de l’institution scientifique et dans la transmission du savoir scientifique, mais qu’elle concerne l’ensemble de la culture et de la civilisation occidentale, dont l’avenir est étroitement lié à celui de la science. (Il trouvera la confirmation de cette intuition fondamentale chez plusieurs philosophes et scientifiques, parmi lesquels Edmund Husserl dont la “Krisis” [La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale] nourrira sa réflexion et Leo Strauss, dont la citation suivante figure en exergue d’un de ses livres : “Les piliers de la civilisation sont par conséquent la morale et la science, et les deux ensemble. Car la science sans morale dégénère en cynisme et détruit ainsi la base de l’effort scientifique lui-même ; et la morale sans la science dégénère en superstition et risque ainsi de se muer en cruauté fanatique”).

La polémique qui l’oppose au biologiste Jean-Pierre Changeux porte précisément sur la nature de l’homme et sa spécificité, niée par l’auteur de l’Homme neuronal, livre paru en 1983 et devenu rapidement un best-seller. Lurçat s’oppose avec virulence à l’idée, défendue par Changeux et d’autres représentants des “neurosciences”, que l’homme ne serait qu’un animal un peu plus évolué que les autres : “L’idée la plus dangereuse parmi celles qui sont ainsi popularisées, c’est la négation de l’humain. Les biologistes de l’ADN, qui tiennent le devant de la scène, ne cessent d’affirmer que l’homme n’a pas, selon l’expression de James Watson, ‘quelque chose de spécial’ qui le sépare des autres vivants’”. Dans son refus de la “négation de l’homme”, François Lurçat retrouve une idée fondamentale de la pensée hébraïque, qui a été exprimée par nos sages commentant les versets de la Genèse sur la création de l’homme : “l’homme ressemble à la fois aux êtres inférieurs [les animaux] et aux êtres supérieurs” (Nahmanide commentant Berechit 1, 27).

Nourrie de la Bible hébraïque et de ses commentaires, la réflexion de Lurçat n’est cependant pas celle d’un croyant ou d’un homme religieux à proprement parler. Elle demeure celle d’un physicien et d’un scientifique qui n’a jamais rejeté la science, même quand il critique ses dérives actuelles : “Quand je m’inquiète et m’indigne de la complicité actuelle entre une certaine pensée porteuse du label ‘science’ d’une part, la montée de l’ignorance et la dégradation physique et morale du monde d’autre part, ou encore, quand je cherche à restituer les vérités qu’a pu atteindre la physique du XXe siècle – dans toutes ces démarches, je place plus haut la science que ne le fait l’opinion banale pour qui elle ne serait qu’un ensemble de recettes, fructueuses ou nocives, selon le cas. Reconnaître la haute valeur des connaissances scientifiques authentiques implique en particulier le souci que ces connaissances soient comprises et soient transmises”. (De la science à l’ignorance p. 34).

Ce souci de compréhension et de transmission – qui l’a animé en tant que professeur de physique à l’université d’Orsay, et plus tard en tant que vulgarisateur scientifique dans ses livres sur Niels Bohr et sur le chaos – a conduit François Lurçat à s’interroger sur les raisons du désaveu actuel de la science, tant dans le système éducatif que dans la société en général, où la connaissance scientifique est à la fois valorisée (les Prix Nobel sont invités à s’exprimer sur tous les sujets) et réservée à un nombre de plus en plus restreint de spécialistes. Ce paradoxe tient à la fois à des causes techniques – comme la spécialisation et la fragmentation grandissante du savoir scientifique – et à des causes plus profondes, historiques et philosophiques, voire ontologiques, qui sont précisément celles auxquelles François Lurçat s’intéresse.

“Croire à la science tout en se détournant d’elle.

Notre culture est scientifique comme la culture de l’Occident médiéval était théologique. On retrouve partout l’attitude scientifique, elle est dans le monde de la pensée la seule puissance unificatrice. Le monde économique et l’Etat sont méprisés, la religion n’est qu’une affaire privée ; on ricane de la réalité de l’amour, la vie elle-même est souvent répudiée, tandis que seuls la science et l’art sont considérés comme dignes qu’un homme leur consacre sa vie”. (La science suicidaire, p. 65).

Le regard que François Lurçat porte sur la science est celui d’un scientifique, à la fois lucide et désabusé, et celui d’un philosophe qui tente de comprendre comment la science est devenue ce qu’elle est aujourd’hui – réalité qu’il désigne par l’expression de “social-science” – une institution et une discipline qui “nous éblouit plus qu’elle nous éclaire”. Dans cet effort, il s’attaque à ce qu’il appelle le “physicalisme”, c’est-à-dire la “doctrine qui affirme la portée universelle de l’ontologie galiléenne”. C’est cette doctrine qui explique l’apparition récente de nouvelles disciplines se parant du nom de sciences, comme les “sciences de l’éducation”, les “neurosciences” ou les “sciences cognitives”.

Dans un autre débat d’idées essentiel à ses yeux, François Lurçat s’oppose au relativisme culturel, exprimé notamment par Claude Levi-Strauss dans un texte publié en 1952 à la demande de l’UNESCO (!). Précurseur de l’idéologie actuelle du relativisme culturel, Levi-Strauss affirme ainsi que “toute discrimination entre les cultures et les coutumes” revient à rejeter certaines “formes culturelles”, ce qu’il assimile en fin de compte au racisme pur et simple. (On retrouve dans le raisonnement de Levi-Strauss une accusation souvent portée contre les Juifs au cours de l’histoire : la prétendue “supériorité” – que leurs ennemis croient discerner dans l’idée d’élection, serait une forme de “racisme”. Cette accusation est un des thèmes récurrents du discours antijuif au fil des siècles, comme l’a montré Pierre-André Taguieff).

Le paradoxe de la science moderne est que son projet philosophique (le physicalisme) a échoué monumentalement, au moment même où elle connaît certaines de ses plus grandes réussites. Pour que la science renaisse, malgré son suicide actuel, elle doit devenir plus modeste, comme l’explique François Lurçat dans la conclusion de son livre La science suicidaire : “Pour surmonter ses tendances suicidaires, elle doit corriger la sécheresse obstinée du cosmocentrisme grec par la compassion et la finesse de Jérusalem. Elle doit corriger la tendance à l’aplatissement, inhérente à la pensée géométrisante, par le sens aigu de la transcendance – et d’abord de l’absolue spécificité de l’homme – portée par la tradition juive”. Puissent ces quelques lignes donner envie au lecteur de découvrir la pensée et l’oeuvre de mon père, dont la figure continue de nous éclairer!

Post Scriptum, 31 de maig del 2022.

Pierre Lurçat va publicar ahir al seu bloc aqueix emotiu i clarificador article: JÉRUSALEM APPARTIENT À CEUX QUI L’AIMENT. IMPRESSIONS RECUEILLIES LE YOM YEROUSHALAYIM.

Depuis bientôt trente ans que j’ai le privilège de vivre à Jérusalem, ville où se sont rencontrés mes grands-parents et où est née ma mère, je participe chaque année au traditionnel défilé des drapeaux du Yom Yeroushalayim, célébrant la réunification de la ville en 1967. Pourtant je n’ai jamais ressenti aussi fortement que cette année la joie particulière à cette fête, joie incomparable qu’on n’éprouve jamais aussi pleinement qu’en ce jour particulier. Impressions recueillies Yom Yeroushalayim 5782.

Cela faisait déjà plus d’une semaine que les médias israéliens annonçaient que la Journée de Jérusalem se déroulerait dans une ambiance tendue, en raison des menaces du Hamas et des autres ennemis d’Israël, qui ne voulaient pas que le drapeau Juif soit brandi dans les rues de la Ville sainte réunifiée… Avec leur mauvais esprit typique, mélange de catastrophisme et de défaitisme, ils avaient presque réussi à nous faire oublier que ce jour est avant tout un jour de fête.

Mais le peuple d’Israël est plus intelligent que ses médias et surtout, plus confiant et plus au fait des choses essentielles. La foule qui défilait aujourd’hui dans les rues de la Nouvelle ville et de la Vieille ville était nombreuse – hommes, femmes et enfants, jeunes et vieillards (comme dans la prophétie d’Ezéchiel), Juifs religieux en majorité, kippot srougot prédominantes, mais aussi quelques Juifs orthodoxes ou laïcs, tous conscients de l’importance de cet anniversaire et de la Sainteté de ce Jour à nul autre pareil.

Comme chaque année, c’était les jeunes des Yeshivot sionistes qui constituaient l’immense majorité de cette foule bigarrée et joyeuse, défilant sous des banderoles au nom de leurs écoles et entonnant en boucle des vieux refrains israéliens et des chansons modernes, toutes à la gloire de Jérusalem. “Le peuple éternel n’a pas peur d’une longue route”, reprenaient-ils en chœur et ce refrain était comme un hymne à la gloire de ce jour.

“C’est comme un rite de passage” me fit remarquer mon ami Michel Koginsky. Oui, il y avait bien de cela… Car ces jeunes sont élevés dans l’amour de Sion et de Jérusalem, de la Torah, de la terre d’Israel et du peuple Juif. Il fallait voir avec quel entrain ils reprenaient les couples des Psaumes mis en musique et sautillaient sur place, embrassant les soldats et les garde-frontières qui les observaient eux aussi avec des yeux pleins de sympathie.

En les regardant, je sentais moi aussi mon cœur se gonfler d’amour pour notre peuple, si vieux et si jeune à la fois, si endurci par les souffrances et pourtant si plein de sentiments purs et de naïveté, cette “temimout” dont nos Sages disent qu’elle est un des traits caractéristiques du peuple Juif… Je pensais aussi à la description prophétique de Jérusalem faite par Theodor Herzl, notre nouveau Moïse, (que quelques esprits chagrins ou mal informés s’obstinent encore aujourd’hui à décrire comme un Juif assimilé). Quand j’ai été au musée du Mont Herzl, il y a une semaine, pour voir le manuscrit de son roman Altneuland exposé au public, à l’occasion des 120 ans de sa parution, j’ai été un peu déçu par les quelques pages jaunies exposées dans une vitrine.

Mais le plus bel hommage que le peuple ancien et nouveau rend au “Visionnaire de l’Etat” n’est pas sur le Mont qui porte son nom : il est dans les rues et les places de notre pays ancien-nouveau, cet Altneuland qui est si différent et pourtant si proche de la description qu’il en a faite dans son roman. Qu’il est beau, ce peuple à nul autre pareil ! Qu’elles sont gracieuses ces jeunes filles des oulpanot et qu’ils sont vaillants, ces jeunes élèves de yeshivot qui regardaient avec envie leurs aînés d’à peine quelques mois, portant fièrement l’uniforme des garde-frontière! Si Yom Yeroushalayim s’est déroulé dans le calme et dans l’allégresse, c’est bien sûr grâce à la vigilance de nos policiers et de nos soldats, mais aussi à celle du “Gardien d’Israël, qui ne veille ni ne sommeille”.

Comme je l’écrivais l’an dernier, pendant les jours éprouvants de mai 2021, pour savoir à qui appartient Jérusalem, la ville que le monde entier, de Macron au Hamas – nous dispute, il suffit d’appliquer le jugement de Salomon, le “plus Sage des hommes” : qui, des deux “mères”, veut le bien de son enfant? Qui, de tous les peuples, a su réunifier la Ville sainte et en faire une capitale de paix et non de guerre ? Qui parle de Jérusalem comme ville de paix, et non comme un slogan guerrier pour inciter à la haine et à la violence ? Jérusalem appartient au peuple qui a su en faire une ville moderne, un “corps gigantesque qui vit et respire” selon les mots de notre dernier prophète, Zeev Binyamin Herzl. Oui, Jérusalem nous appartient, parce que nous seuls savons l’aimer et la faire prospérer. Yom Yeroushalayim Saméah!

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