Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

29 de juny de 2015
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Gérard Bollon: “Au temps des rafles, la Maison des Roches”

Gérard Bollon és un historiador francès natural de la població de Chambon sur Lignon (1944) reputada per una llarga tradició d’acollida a col·lectius de perseguits:  protestants, exiliats republicans, jueus, significativament durant la Segona Guerra Mundial. Gràcies a la seva contribució he sabut els detalls d’una ràtzia menada per la Gestapo el 29 de juny del 1943 a la residència d’estudiants anomenada la Maison des Roches bastida a la citada població per ensenyants protestants amb l’ajuda de quakers americans per acollir joves fugitius sota la cobertura d’ésser universitaris de colònies.

L’any 2008 va publicar un opuscle titulat “Les Roches et la rafle de juin 1943” (Impimerie Chazot, Chambon sur Lignon), del qual m’ha fet arribar un resum que reprodueixo tot seguit ja que contextualitza l’episodi en el qual es va veure implicat Lluís Gausachs, un dels refugiats allotjats que fou detingut i posteriorment alliberat mercès al fet acreditat d’haver salvat un soldat alemany d’ofegar-se al riu. La dona del pastor protestant que regentava la residencia, Magda Trocmé, va fer testificar el sodat alemany i, fet inusual, la Gestapo el va alliberar. Posteriorment, va ser amagat a una casa de pagès que acollia fugitius anomenada “Les Sorbiers”, a la mateixa contrada, fins que fou traslladat a un altre alberg anomenat “le Côteau Fleuri”, des d’on va enllaçar amb les xarxes de resistents francesos i aliats que operaven al departament d’Haute Loire.

“Lorsqu’aujourd’hui on évoque, avec les habitants du Plateau, la Maison des Roches, on constate toujours l’oubli de ce qui s’est passé dans ce lieu entre 1942 et 1943. Ce n’est pas seulement le séjour d’au moins quatre-vingt-six jeunes hommes, principalement des réfugiés étrangers, qui a été réduit au rang de non-événement, c’est aussi le jour tragique, et aujourd’hui le souvenir lui-même de la rafle du 29 juin 1943 qui sont occultés.

Nous avons finalement estimé que les jeunes venus de toute l’europe et qui avaient obtenu asile aux Roches avaient droit à une place dans notre mémoire, car leur vie, et hélas leur mort, leur liberté ou leur captivité ne méritaient pas d’être soumise au silence de l’histoire du Plateau du haut Vivarais-Velay.

Souvenons nous que dés 1937 de nombreuses familles exilées, notamment espagnoles, ont été accueillies par les chambonnais. Puis, dans les années 40, des maisons d’enfants pour jeunes réfugiés  s’ouvrent : la Guespy, l’Abric, Faïdoli, les Guillons, et, à côté de ces « homes d’enfants » des dizaines de pensions de famille, tel le « Côteau Fleuri », abritent des familles exilées souvent pourchassées et déjà persécutées. Á tous ces hommes, femmes et enfants, hébergés grâce à l’engagement d’une multitude d’organismes caritatifs (La C.I.M.A.DE, l’O.S.E…), s’ajoutent des centaines de réfugiés étrangers. Chaque hameau est un refuge, chaque ferme est un abri pour un accueil chaud et souvent plein de compréhension et de tolérance. Les artisans de l’accueil sont de simples paysans de la campagne et des villageois autochtones, héritiers d’une longue tradition d’aide en faveur des déshérités. Bien sûr ce sont les pasteurs de la Montagne dont font partie Charles Guillon, Noël Poivre, Edouard Theis, André Trocmé, mais dans une égale mesure ce sont aussi tous les représentants et les bénévoles des organismes de secours qui se dépensent sans compter, ils ont pour nom : Bohmy, Saas, Beutler, Perdrizet, Séchas, Eyraud, Marion, Le Forestier, Usack, Pont, Orsi, Braemer, Dreyer, Barraud, Meyer…

La pensions des Roches

Depuis le début du XXe siècle, l’hôtel des Roches, dirigé par son propriétaire Monsieur Hippolyte Jouve, reçoit des estivants de juin à fin septembre. Il s’agit d’une ancienne ferme, à 2 km du Chambon-de-Tence, transformée en pension qui possède une quarantaine de chambres. La grande bâtisse est située en bordure des bois de pins, coincée entre la voie des chemins de fer départementaux (C.F.D.) et la route nationale n°103 qui conduit à Saint-Agrève. En façade une grande terrasse ouvre la vue sur la vallée du Lignon et les prairies du Lieu-dit « Les Chatoux ».

Au mois de septembre 1941 le pasteur Noël Poivre rencontre Monsieur Legal, professeur de droit à Montpellier et surtout secrétaire pour la France du Fonds Européen de Secours aux étudiants, émanation des quakers américains. Il est en quête d’un gîte pour abriter des étudiants étrangers, anti-nazis, exilés espagnols, victimes de persécutions raciales et captif des camps d’internement français du Sud-Ouest. Avec l’appui de Charles Guillon, maire du Chambon, et d’Edouard Theis, directeur de l’Ecole Nouvelle Cévenole (E.N.C.), la pension des Roches est louée en janvier 1942 pour héberger, avec l’accord du préfet de la Haute-Loire et donc du régime de Vichy, une trentaine de jeunes persécutés. Un couple de retraités, ayant des attaches familiales avec le Chambon, Monsieur et Madame Elisée Pantet acceptent la direction de la maison qui porte désormais le nom de « Foyer Universitaire des Roches ». Pendant treize mois ils dirigent la maison « avec bonté et sollicitude pansant beaucoup de plaie dans les esprits des étudiants ». Le couple, déjà âgé, demande au pasteur Theis leur remplacement au printemps 1943. Le relais est pris par un jeune homme de 32 ans, Daniel Trocmé, déjà directeur depuis octobre 1942 de la maison d’enfants des Grillons, à proximité des Barandons à 3 km du village. Ce proche parent d’André et Magda Trocmé fait preuve d’une activité multiple, à ne pas savoir où donner de la tête, dans des conditions inimaginables de misère et de difficultés :

« 16/11/42 Il faut tout faire… En dehors du travail de chef de maison, il faut s’occuper des finances, il faut équiper tous ces gosses des pieds à la tête… obtenir des déblocages spéciaux du préfet Bach… se faire sabotier, s’occuper de la santé… voyager à Marseille au siège des Quakers Bailleurs de fonds de l’aide aux réfugiés… »

Le 25 mars 1943 Daniel Trocmé prend ses fonctions au foyer des Roches qui comptent alors 38 personnes.

La vie quotidienne du Foyer Universitaire

Du 14 février 1942 au 29 juin 1943 la maison héberge 86 jeunes hommes extraits principalement du camp d’internement de Gurs. Les Roches sont, au premier chef, un lieu d’accueil pour étrangers réfugiés dont un fort contingent d’allemands (31), de polonais (12), d’espagnols (16). La majorité de ces jeunes souhaitent poursuivre au Chambon des études ! Tous sont célibataires âgés de 17 à 28 ans et précisent que leur famille a disparu, a été déportée ou qu’elle est internée dans les camps français.

Si quelques étudiants suivent les cours de l’E.N.C., en réalité la plupart sont à la maison des Roches pour fuir les camps et les polices françaises et allemandes. Pour occuper le temps ils s’organisent parfois en « université des aux champs » avec des conférences et des cours de langues étrangères. En fait la grande préoccupation du directeur, de l’intendant, de la cuisinière et des étudiants concerne d’abord et surtout l’alimentation : « Etant sous alimenté, il me faudrait un supplément de nourriture » déclarent plusieurs étudiants. Le reste, tout le reste paraît bien superflu même s’il s’agit du strict nécessaire !

La seconde inquiétude, qui domine la correspondance des étudiants, concerne une éventuelle arrestation et le retour en camp d’internement. Tous se sentent menacés. Ils savent que l’Inspecteur de police Léopold Praly nommé au Chambon par le préfet  Bach l’a été pour « surveiller les centres d’accueil du Coteau Fleuri et des Roches et de veiller à la limitation de liberté de circuler sur le seul territoire de la commune du Chambon ». L’ inspecteur constitue et met à jour régulièrement la liste des étudiants du Foyer. Avec ce véritable fichier Praly n’ignore donc rien de l’état civil des habitants des Roches, notamment de leur situation au regard de la loi du 2 juin 1941 qui régit le statut des Juifs.

Le temps des ramassages d’étrangers

Dès le 15 août 1942 la Direction générale de la Police Nationale à Vichy donne instruction à la préfecture de Haute-Loire d’effectuer un ramassage des étrangers juifs du département. La rafle est prévue le 25 août par les gendarmeries de Tence et de Fay-sur-Lignon. L’alerte est donnée, peut-être par la préfecture elle-même ou la gendarmerie locale. Dès le 24 août au soir le Foyer des Roches se vide de ses étrangers juifs. Les gendarmes de Tence enregistrent la déclaration du directeur Monsieur Pantet : « Les étrangers juifs dont vous avez la liste sont effectivement hébergés aux Roches mais aucun d’eux n’est présent dans sa chambre. En effet ces jeunes de confession israélites n’ignoraient pas qu’un jour ou l’autre ils devaient être ramassés. Hier ils m’ont dit que l’opération de ramassage était prévue pour aujourd’hui 25 août 1942 à l’aube. Evidemment aucun de ces jeunes gens n’a couché à la maison des Roches et aucun d’eux n’est rentré… »

Plusieurs autres opérations de ramassage de Juifs étrangers se réalisent au printemps 1943. Á chaque fois l’alerte est donnée et la rafle effectuée par les gendarmes échoue.

Fin juin 1943 la police allemande entre en scène. Depuis le 5 juin le Foyer a changé de statut et se trouve rattaché au Service du Contrôle Sociale des Etrangers à Vichy, lui-même en relation directe avec la Feldgendarmerie. Le devenir des Roches semble scellé et le hasard n’y est pour rien. Le mardi 29 juin 1943 vers 6h30 se produit la rafle de la maison des Roches. Aucune information ne transite par la préfecture ou par les gendarmeries. Le réveil est brutal : une quinzaine d’allemands, certains en civil, cernent la maison de toutes parts, font irruption dans le foyer et font subir à chacun un interrogatoire serré sur leur identité. Quatorze étranges et quatre français sont embarqués dans un camion. Daniel Trocmé, directeur du Foyer est embarqué aussi avec ses étudiants[i]. Plusieurs personnes échappent à l’arrestation, tandis que les dix-neuf étudiants arrêtés partent vers les camps français de Drançy et de Compiègne puis vers les camps de concentration allemands. Cinq d’entre eux disparaissent à Auschwitz, on ne dispose d’aucune trace sur le devenir de cinq autres, tandis que sept étudiants reviendront de déportation en 1945. Daniel qui n’a pas voulu abandonner ses étudiants disparaît dans le camp de Maïdenek en Pologne le 2 avril 1944[ii].

Tous les rapports officiels de l’époque concluent par : « les motifs de la perquisition et des arrestations demeurent inconnus ».

Ainsi donc 65 ans après le drame, la rafle des Roches conserve toujours bien des aspects énigmatiques. Y-a-t-il eu dénonciation aux Allemands ? Est-elle le fait de responsable administratifs du régime de Vichy ? S’agit-il d’un défaut de vigilance, d’une vengeance, d’une malencontreuse démarche. Ces hypothèque, toujours à étayer, reste plausibles. Aujourd’hui une discrète plaque est apposée en bordure de la maison des Roches, rappelant cet événement douloureux et réparant cet étrange oubli de l’histoire récente.

Après la guerre, en 1947 et 1948, la maison des Roches est louée par la Caisse d’allocations familiales de la Drôme pour en faire un centre d’accueil et de rééducation de garçons en danger moral, puis la maison sert plusieurs années de colonies de vacances pour jeunes citadins. Dans les années 80 la commune fait alors l’acquisition du bâtiment en ??? et l’utilise exceptionnellement pour le tournage du film de Jean-Louis Lorrenzi « La colline aux mille enfants ». Finalement à la fin des années 90 le Centre d’Art Contemporain transforme et réhabilite avec bonheur l’espace des Roches.


 

Notes

Les dix-neuf arrestations concernent : Goldenberg Léonidas (roumain), Moral Lopez (espagnol), Villasante Jules (espagnol), Martin Cayre (espagnol), Martin Lopez (espagnol) Perez Anonio (espagnol), Wollstein H. (allemand), Loewenstein H. (allemand), Weiss F. (autrichien), Wonters C. (belge), Kumimen R. (luxembourgeois), Marx G. (luxembourgeois), Simon K. (hollandais), De Haon A. (hollandais), Stern Ch. (belge), Guyonnand A. (français), Balter J. (français), Schoen J.M. (français), Trocmé Daniel (français).

 

 

[ii] Voir la brochure de G. Bollon sur « Les Roches et la rafle de juin 1943 » – Imprimerie Chazot – 2008

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