Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

15 de novembre de 2016
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Malek Chebel: manifest per un islam de la Il·lustració

Malek Chebel, (Skikda, 23 d’abril del 1953 – París, 12 de novembre del 2016) fou un antropòleg i psicoanalista algerià divulgador d’una visió moderna i liberal de l’islam contemporani, especialment conegut per l’obra “Manifest pour un islam des Lumières”, aparegut l’any 2004. Fundà també una revista dedicada a aqueixa finalitat, “Noor“.

L’observatori israelià MEMRI li dedicà ahir una especial atenció amb motiu del seu traspàs tornat a  publicar un resum del seu pensament:

“Malek Chebel, anthropologue des religions et penseur algérien ayant maintes fois invité ses lecteurs et auditeurs à reconsidérer l’islam à la lumière des valeurs du monde moderne, est décédé le 12 novembre 2016 à l’âge de 63 ans. Des organes de presse arabes en langue française, ainsi que la presse française, lui ont rendu hommage en rappelant les grandes lignes de son parcours et de son œuvre. Ses ouvrages L’Islam pour les nuls ou Le Coran pour les nuls sont fréquemment cités. Toutefois, l’œuvre majeure de Malek Chelel est incontestablement son Manifeste pour in islam des Lumières, sous-titré  « 27 propositions pour réformer l’islam », paru en 2004. Pour la première fois en français, un auteur musulman énonçait des propositions claires pour « réformer » l’islam, selon ses propres termes. MEMRI publiait en 2006 un résumé en anglais de cet ouvrage. Tour d’horizon :  

Islam : approche de l’amour et nécessité de réforme

Malek Chebel a publié une vingtaine d’ouvrages traitant de l’islam, dont plusieurs consacrés à l’amour dans le monde musulman : il y présente l’islam comme une religion sensuelle, en porte-à-faux avec l’approche islamiste rigoriste mieux connue du grand public. Il évoque notamment la place du vin et de l’homosexualité dans l’islam. Parmi ses publications, on trouve un Dictionnaire amoureux de l’islam (Plon, 2004) et une Encyclopédie de l’amour en islam (Payot, 1995). Son autre sujet de prédilection est la réforme de l’islam, auquel Malek Chebel consacre deux ouvrages majeurs : L’islam et la raison : le combat des idées (Perrin, 2005) et Manifeste pour un islam des lumières (Hachette, 2004). En 2004 également, Malek Chebel crée à Paris la Fondation pour un islam des lumières.

Laïc mais pas athée

Le Manifeste pour un Islam des lumières met en avant 27 propositions pour une réforme en profondeur de l’islam. S’inspirant des Lumières, Chebel fait de la raison et de la laïcité les moteurs du progrès culturel, social et politique. Ses deux premières propositions posent les principes de la réforme: une nouvelle interprétation des textes sacrés et la suprématie de la raison sur la foi. Il écarte toutefois l’athéisme, notant que « rien de très important ne se fait en dehors du cadre de la religion ». Les propositions de Malek Chebel ont pour objectif de fournir des clés à la formation d’un islam moderne et éclairé.

Renoncer à la violence, au djihad et aux châtiments corporels

Chebel appelle à mettre fin aux actes de violence perpétrés au nom de l’islam et notamment à renoncer au djihad. Il prône l’abolition de toutes les fatwas appelant à la mort ainsi que le renoncement complet aux châtiments corporels. A ce sujet, il écrit : « Il n’y a rien de plus barbare que de couper la main à un voleur ou la langue à un menteur, de lapider une personne qui a commis une faute ou d’appliquer des punitions humiliantes à qui que ce soit, car une justice digne de ce nom ne peut utiliser les mêmes armes que celui qu’elle punit, même sévèrement. Tous ces châtiments sommaires relèvent, on le sait, de coutumes ancestrales qui préexistent à l’islam et au Coran. » Dans le cadre d’une modernisation du Fiqh, les aspects les plus barbares de la sharia devraient être dénoncés, affirme Chebel.

Intégrité de la personne : contre l’excision, l’esclavage, le trafic d’êtres humains et les crimes d’honneur

Il s’élève contre l’excision, qui doit être détachée de tout contenu religieux, n’ayant aucune base dans le Coran, contre l’esclavage et le trafic d’êtres humains dans des pays musulmans. Il écrit: « (…) L’esclavage existe encore en Mauritanie, dans la plupart des pays du Golfe, au Soudan et, d’une manière plus discrète, au Maroc et dans l’islam asiatique (…) Il faudrait que les ligues qui militent pour l’abolition de l’esclavage se mobilisent plus qu’elles ne le font aujourd’hui et exigent l’abrogation par tous les pays musulmans de ces pratiques indignes. » Il exige en outre des sanctions fermes contre les auteurs des crimes d’honneur, se demandant ce qui vaut aux femmes le « privilège douteux » d’incarner la pureté des familles pieuses. Il insiste sur le rôle clé de l’amélioration du statut de la femme dans le monde arabe.

La gestion de la cité

Une grande partie des propositions de Malek Chebel sont d’ordre social et politique : il appelle à « donner à la justice les moyens de son indépendance », à « rappeler le primat de la politique en matière de gestion de la cité ». Il suggère de lutter contre le phénomène des assassinats politiques par une démocratisation des régimes. D’autre part, il évoque la nécessité de réformes culturelles : la liberté de pensée et le respect d’autrui devraient pouvoir devenir des valeurs musulmanes. Il souligne aussi l’importance du culte de la personnalité dans la culture arabe, encouragé par les médias, et la nécessité d’enrayer le phénomène. Finalement, il appelle à une législation intraitable face à la corruption, décrit comme le pire des maux frappant les sociétés islamiques.

Valoriser le divertissement

Les autres propositions d Malek Chebel portent sur les domaines moins strictement religieux de la technologie, la bioéthique, l’écologie et les médias. L’une de ses propositions consiste à « dépénaliser le jeu et les divertissements » : « La psychologie moderne ayant montré que les activités ludiques sont un facteur d’équilibre et d’épanouissement pour les individus qui s’y adonnent, il n’est que trop normal que les musulmans s’y intéressent aussi (…) Une fois levé l’anathème qui pèse sur le secteur du jeu et du divertissement, la terre musulmane montrera son potentiel naturel (…) »

Primauté de l’être humain sur la religion

L’ouvrage s’achève sur le rappel de la suprématie des êtres humains sur la religion et sur l’affirmation que la jeunesse, la société civile – par le biais notamment de réformateurs – et l’éducation sont les trois leviers du changement dans le monde arabe et musulman.

Le rapport intégral en anglais résume aussi les positions de Malek Chebel sur le port du voile, les caricatures de Mahomet et la montée de l’islamisme en Europe. Lire le  rapport intégral en anglais.”

Avui mateix, una personalitat intel·lectual de la comunitat jueva francesa, Maurice-Ruben Hayoun, ha publicat a Jewish Forum aqueixa semblança del seu amic: “Hommage à Malek Chebel“:

Me trouvant à l’étranger pour une tournée de conférences, j’apprends par une brève, diffusée par BFM TV la disparition de mon ami Malek à l’âge de 63 ans. Je n’aime pas sacrifier à ce genre d’exercice, surtout depuis la survenue d’attentats à Paris, à Saint-Denis et à Nice. Toutes ces commémorations, tous ces hommages à nos compatriotes disparus sont indispensables, mais génèrent une atmosphère de deuil permanent. Et pourtant, sans douter le moins du monde de cette nécessité de rendre hommage, on souhaite la rapide arrivée d’événements heureux, réjouissants, voire vivifiants.

Pour Malek, aujourd’hui disparu, c’est un hommage amical, respectueux de l’homme et de son œuvre dans de multiples domaines que je souhaite lui rendre.

En lui, la communauté franco-musulmane perd un de ses meilleurs fils et représentants, attaché à sa culture religieuse autant qu’aux valeurs républicaines, c’est-à-dire en termes clairs, ne plaçant jamais au premier plan de son action d’autres valeurs, notamment religieuses. Ce n’était pas très difficile pour lui qui avait entrepris une œuvre de mise à portée, de rapprochement et d’explication, notamment par ses traductions, ses interviews à la radio et à la télévision au cours desquelles il a toujours donné l’avantage à un islam modéré et respectueux des convictions et engagements d’autrui.

J’ai souvenance d’au moins deux colloques auxquels nous avions participé, aux côtés d’autres personnalités. Le premier eut lieu dans la salle des fêtes de la mairie de Levallois et le second à Bordeaux. Nous nous croisions aussi lors de salons du livre en différents endroits

A Levallois, nous venions de nous rencontrer, ce fut la première rencontre et nous eûmes à confronter nos idées sur le dialogue interreligieux. Il y avait aussi un évêque dont le nom m’échappe… La question qui se posa en tout premier lieu portait sur l’ordre d’intervention. Malek eut quelques difficulté à accepter d’intervenir le dernier, l’islam étant le dernier représentant du monothéisme et cette postériorité temporelle n’avait rien d’ontologique ! En fin de compte, il accepta mais cela déclencha une petite opposition entre nous deux. En revanche, sur les questions de fond, notamment le respect absolu des règles de la laïcité, Malek développa un point de vue assez subtil, apparemment modéré mais assez tranché intérieurement. C’est que le musulman de base n’est pas toujours enclin à accepter dans sa vie quotidienne l’approche des intellectuels de sa propre communauté. Et Malek ne concevait pas son action comme une retraite dans une tour d’ivoire. Il fallait  comprendre mais aussi faire comprendre à la majorité silencieuse, faute de quoi on tenait un solipsisme…

La seconde rencontre fut plus longue, tout un week end à Bordeaux, et se déroula devant des centaines de spectateurs, musulmans à 99% (il y avait trois juifs, moi inclus, et je me souviens que le maire Alain Juppé avait ordonné à ses collaborateurs de ne pas divulguer l’adresse de mon hôtel…)

Malek fut à la fois l’organisateur de la rencontre et son principal orateur ; il avait inscrit au programme du colloque un thème qui lui a toujours tenu à cœur : l’Islam des Lumières, c’est-à-dire l’islam du Moyen Age, médiéval mais non moyenageux, un islam qui, au moins par ses couches sociales les plus cultivées et les plus ouvertes, est allé au devant de l’esprit, du prochain, n’hésitant pas, à l’instar d’Averroès, de reprendre ce qu’il y avait de mieux dans l’hellénisme tardif, générant ainsi un nouveau legs philosophique gréco-musulman.

La réinstallation de cette culture si riche et si ouverte dans les consciences, tel fut l’objectif de Malek qui, lors de ce colloque (où nous avons joué à guichets fermés, toutes les places étaient prises), a fait preuve de courage intellectuel mais aussi physique. Dire devant un tel auditoire de près de 400 personnes ce qu’il pensait de la personnalité et de l’œuvre terroriste de Oussama Ben Laden, m’a stupéfié. Moi, en ma qualité de philosophe juif, qui devais évoquer l’héritage de la philosophie d’Averroès , je marchais sur des œufs car certains trouvaient que je n’avais pas à intervenir dans un tel contexte. Avec le soutien de Malek qui me tressa des couronnes (imméritées) en me présentant, je pus parler durant une bonne demi heure des représentants et commentateurs juifs médiévaux d’Averroès, et notamment de son magnifique Traité décisif où le penseur cordouan exposait sa théorie des rapports entre la philosophie et la religion.

C’est bien connu et cette banalité traîne dans tous les manuels : Averroès n’eut pas d’héritiers dans sa propre communauté religieuse, ce furent d’abord ses commentateurs juifs, et ensuite chrétiens qui le firent connaître et préservèrent son héritage philosophique. On se souvient du théologien soufi Abuhamid Alghazali, l’auteur des Intentions des philosophes, suivies de la Destruction des philosophes. Même si Averroès a rejeté par une cinglante réfutation les déclarations du théologien, sous le titre ironique de Destruction de la destruction (Tahafut al Tahafut), le coup fut presque mortel.

C’est cette déchirure que Malek a tenté de raccommoder et de rapiécer. Ce ne fut pas facile, surtout dans un monde médiatique occupé à tout simplifier, à tout abréger, de crainte d’une baisse de l’audimat !

Mais ne soyons pas pessimistes, Malek nous a quittés mais son œuvre lui survivra. Le monde arabo-musulman a besoin d’hommes comme lui pour bien comprendre que la paix, le respect d’autrui, l’accueil des sans patrie, des rejetés, l’assistance apportée aux nécessiteux et aux malades, oui telles sont les bonnes actions que l’on attend de toute religion qui se respecte.

Et Malek l’avait très bien compris.

  1. En aquest apunt sobre Malek Chebel (per cert: té una obra fonamental que cal llegir, “L’esclavage en terre d’islam”) hi ha un passatge que abona la tesi sobre la subordinació del “fich” a la xària i no pas de la xària al “fich”. És aquest: “(…) Dans le cadre d’une modernisation du Fiqh, les aspects les plus barbares de la sharia devraient être dénoncés, affirme Chebel (…)”. La xària opera en el dret islàmic com ho fa el dret natural sobre els diferents ordenaments jurídics.

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