Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

11 d'octubre de 2016
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Ariane Bonzon: “Les Kurdes de Daech, sujet tabou”

La periodista francesa Ariane Bonzon, especialitzada en el seguiment dels conflictes del Pròxim Orient (un article seu l’he enllaçat a l’apunt “La guerra de Rússia contra els txetxens en terra síria“), publicà ahir a l’edició francesa del digital Slate aqueix article titulat “Les kurdes de Daesh, sujet tabou” que analitza l’existència d’una minoria islamista kurda contrària a la lluita d’alliberament nacional per bastir un estat independent, un conflicte que es dóna també al si d’altres pobles entre islamisme i nacionalisme:

Les Kurdes sont, dit-on, les ennemis déterminés des djihadistes de l’Etat islamique (EI). C’est effectivement le cas des Kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et de sa branche syrienne, le Parti de l’Union démocratique (PYD) ainsi que des peshmergas du Gouvernement régional du Kurdistan en Irak (KRG) qui combattent Daech en Irak et Syrie.

Ce qu’on ne dit pas

Mais ce qu’on ne dit pas toujours c’est que des Kurdes, il y en a aussi dans les rangs de l’Etat islamique. Le prédicateur Najmuddin Ahmad Faraj, fondateur du mouvement Ansar al-Islam, qui a donné naissance à l’Etat islamique dans les années 2000, n’était-il d’ailleurs pas lui-même un Kurde?

Et en Syrie lors de la fameuse bataille de Kobane, d’octobre 2014 à janvier 2015, les Kurdes du PKK-PYD ne se sont-ils pas trouvés combattant aussi d’autres Kurdes engagés dans l’EI? Tandis que, pendant quelques jours, de l’autre côté de la frontière en Turquie, de véritables scènes de guerre civile opposant jeunes kurdes du PKK et membres du Parti de Dieu (Hüda-Par, islamiste radical kurde) faisaient une cinquantaine de morts.

En avril 2016, on estimait à quelques 300 le nombre de combattants kurdes de l’EI tués par la coalition internationale, dont Ziad Salim Mohammad Ali le Kurde, l’un des dirigeants, lors d’un raid sur Mossoul début 2015. Plus récemment en juin 2016, un autre responsable de l’EI, Hemn Jalal, connu sous le nom d’Abdulrahman le Kurde, a également été liquidé. Tous deux venaient d’Irak mais on évoque aussi la présence de deux frères kurdes originaires de Turquie à la tête de l’une des unités turques de l’Etat islamique en Syrie.

Un phénomène déjà ancien en Turquie

Liée à la crise sociale et politique que vit le sud-est de Turquie, la radicalisation religieuse des Kurdes sunnites du sud-est du pays est un phénomène qui n’est pas nouveau. Il remonte au moins à 30 ans.

Dans les années 80, le terme générique d’Hezbollah (sans rapport avec son homonyme libanais chiite) recouvrait plusieurs groupes, essentiellement kurdes, qui avaient pour objectif d’établir par la violence un Etat fondé sur la Charia. Deux de ces groupes les plus connus, Manzil et Ilim, avaient noué des liens avec l’Iran dont ils ont pu recevoir une aide financière et logistique en échange de renseignements sur les dissidents iraniens réfugiés en Turquie ou sur les positions militaires turques dans la région frontalière.

Or à partir de 1984, à l’autre bout du spectre idéologique, le PKK veut établir un Etat kurde, indépendant et marxiste-léniniste. Pour cela, il passe à la lutte armée contre les forces de sécurité turques. Ces communistes voient donc d’un très mauvais œil l’influence grandissante du Hezbollah parmi les Kurdes pieux et pauvres, recrutés dans les mosquées de Diyarbakir, Batman, Bingöl et Mardin. L’Etat turc quant à lui comprend l’intérêt qu’il peut tirer de l’essor des musulmans radicaux pour empêcher les militants marxistes et ruraux du PKK de prendre pied dans les zones urbaines. Et il ne s’oppose pas à la coopération (information sur d’éventuelles cibles, entraînement au fonctionnement des armes, etc.) entre services secrets turcs et militants radicaux du Hezbollah.

Résultat: le PKK lance une campagne d’attaques et d’assassinats contre des cadres du Hezbollah qui à leur tour exécutent ou font disparaitre sommairement leurs rivaux. Entre 1992 et 95, ces affrontements intra-kurdes auraient fait quelque 600 morts (dont deux tiers de militants du PKK).

De plus en plus infiltré à partir de 1995, le Hezbollah (dont le groupe principal comprendrait alors environ 20.000 militants dont 4000 engagé dans son aile militaire, et un réseau de plusieurs dizaines de mosquées dans les régions kurdes) prend ses distances vis-à-vis de la police et des services secrets turcs.

Jusqu’à ce qu’en 1999, suite au retournement d’un des dirigeants du Hezbollah, l’Etat turc conduise plusieurs raids, exécute de nombreux responsables et arrête 4000 militants. Certains croient alors que c’en est fini du Hezbollah turc. Or en 2003 à la faveur du vote d’une loi d’amnistie générale, quelque 2000 de ces militants sont libérés par le gouvernement du Parti de la Justice et du développement (AKP) au pouvoir depuis l’année précédente.

Un réseau et des routes tout prêts pour l’Etat islamique

Depuis 2003, des Kurdes de Turquie sont partis faire le djihad contre l’occupation américaine de l’Irak. Les anciennes filières de recrutement djihadiste sont déjà en place lorsque l’Etat islamique perce en 2013. Il bénéficie donc de routes et d’un réseau tout prêts.

Même si le courant salafiste importée d’Arabie saoudite n’a pas en Turquie autant d’influence que dans d’autres pays musulmans, comme en Tunisie par exemple, une partie de la société kurde, traditionnelle et profondément religieuse, n’adhère toujours pas au discours socialiste et plutôt laïc du PKK où les femmes se battent comme des hommes. Pour une jeunesse désemparée et en pleine crise d’identité dans une région ravagée par trente ans de guerre et alors que le processus de paix initié par le gouvernement turc a échoué, la perspective de reconstruire le Califat peut constituer un bon « produit d’appel » aux yeux de nombreux jeunes Kurdes religieux. Et puis, ils n’ont que la frontière turco-syrienne, longtemps poreuse, à traverser pour rejoindre l’Etat islamique (ou une autre formation djihadiste).

Les témoignages ne manquent pas sur les radicalisations expresses au vu et au su de tous. Ainsi de la fameuse cellule kurde d’Adiyaman que l’on trouve derrière 8 des 10 des attentats perpétrés par l’EI en Turquie.

A Suruç (juillet 2015) comme à Ankara (octobre 2015), l’EI a choisi des djihadistes kurdes pour aller tuer d’autres Kurdes dont de nombreux alévis (un courant musulman minoritaire), proches du PKK ou de gauche. La stratégie est la même en Turquie que dans le monde entier : s’engouffrer dans les failles ethniques, religieuses et politiques pour provoquer une guerre civile.

Les «vrais kurdes»

Il faut donc sortir de la vision caricaturale d’une société kurde homogène et unifiée. En Turquie, parmi les Kurdes animés par une idéologie révolutionnaire et qui ont opté pour la lutte armée, il y a d’un côté les Kurdes du PKK, les plus nombreux, et de l’autre les Kurdes djihadistes. Leurs projets de société (socialisme vs charia) n’ont pas grand-chose de commun.

Cette dichotomie a d’ailleurs son pendant politique avec le Parti démocratique des peuples (HDP, proche du PKK, fondé en 2013 et majoritaire dans les régions kurdes) et le parti de Dieu (Hüda-Par, fondé en 2012 par le Hezbollah, ultra minoritaire). Leurs scores électoraux ne sont pas comparables (aucun député pour Hüda-Par, 59 pour HDP) mais chaque année pour fêter l’anniversaire de Mahomet à Diyarbakir, la cérémonie de Hüda-Par rassemble plusieurs dizaines de milliers de personnes.

La diversité de la société kurde est souvent ignorée en raison du discours du PKK selon lequel ses membres combattraient au nom de l’idéal kurde (socialiste, féministe et communautaire) tandis que les djihadistes, qu’il cherche à décrédibiliser, le feraient pour de l’argent ou des biens matériels, sous-entendu: ils ne peuvent être de «vrais Kurdes»

Post Scriptum, 14 de juny del 2017.

Enllaçant amb l’article precedent, Louis Imbert publica avui a Le Monde la informació segons la quals els membres del Califat islàmic que van atacar el parlament iranià eren kurds gihadistes: “Iran: après les attentats, les réseaux djihadistes kurdes dans la ligne de mire de Téhéran“:

Les autorités iraniennes ont multiplié les opérations antiterroristes depuis les attentats du 7 juin, qui ont fait 17 morts à Téhéran, les premiers qu’ait revendiqués l’organisation Etat islamique (EI) en Iran. Cette traque s’étend largement à travers le pays, mais elle vise particulièrement les régions du nord-ouest, frontalières de l’Irak, et la minorité kurde sunnite.

De sources sécuritaires anonymes, quatre des cinq membres du commando de Téhéran, qui ont tous été tués dans l’attaque, étaient des Kurdes iraniens. Le nom de l’un d’eux, Saryas Sadeghi, a été publié dans la presse. Son profil sur le réseau Facebook a été supprimé. Ce recruteur présumé était en relation, en ligne, avec un combattant de l’EI basé en Irak ou en Syrie, et des étudiants en théologie de l’université de Médine, en Arabie saoudite.

Dans le quotidien Shargh, l’avocat Saleh Nikbakht a affirmé que certains des terroristes avaient attaqué par le passé des salons de beauté et des boutiques de vêtements féminins supposés porter atteinte à la moralité, dans les alentours de Paveh et de Javanroud, dans la région frontalière avce l’Irak de Kermanshah.

Cercles « wahhabites »

Selon le ministre du renseignement, Mahmoud Alavi, ces hommes avaient rejoint de longue date des cercles « wahhabites », le courant de l’islam sunnite ultrarigoriste en vigueur en Arabie saoudite. Mardi 13 juin, le général Mohammad Ali Jafari, chef des Gardiens de la révolution, la principale force armée du pays, a accusé le royaume saoudien d’instrumentaliser l’EI dans sa rivalité avec l’Iran chiite, affirmant que Riyad avait « demandé à des terroristes de mener des opérations » dans le pays.

Une partie du commando de Téhéran aurait combattu dans les rangs de l’EI en Irak et en Syrie, selon M. Alavi. Ils seraient revenus au pays à l’été 2016, cornaqués par un haut responsable de l’organisation surnommé « Abou Aisha ». La presse avait fait écho, à l’époque, de la mort d’un responsable ainsi nommé dans la région de Javanroud, dans une opération antiterroriste. Le commando se serait alors dispersé, échappant à la surveillance des forces de sécurité.

Les autorités iraniennes, tout en multipliant les annonces d’arrestations, n’ont eu de cesse de minimiser la portée des attentats du 7 juin. Elles rappellent que les assaillants du Parlement se sont vite égarés dans les bureaux des parlementaires. Ils n’ont pu accéder à l’hémicycle, alors en pleine session. Dans l’enceinte de leur seconde cible, le mausolée du fondateur de la République islamique, l’ayatollah Khomeyni, les terroristes cernés par les policiers ont abattu un jardinier, avant que l’un d’eux ne fasse détonner sa ceinture explosive sans faire de victimes.

A Téhéran, l’appareil sécuritaire se fait moins visible depuis samedi. De nombreux habitants de la capitale veulent croire à un drame isolé : ils estiment improbables de nouveaux attentats hors des régions frontalières à forte population sunnite.
Une menace réelle et croissante

Pourtant, de l’avis de la plupart des experts, la menace est réelle et croissante. Entre 350 et 500 Kurdes iraniens, pour la plupart pauvres et peu éduqués, auraient rejoint les rangs subalternes de l’EI en Irak et en Syrie, selon les estimations d’Adel Bakawan, sociologue associé à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris.

A mesure que le « califat » de l’EI rétrécit, certains de ces djihadistes ont commencé à revenir au pays. « Avec la destruction de Daech [acronyme arabe de l’EI] à Mossoul et à Rakka, frapper en Iran devient un objectif majeur pour les djihadistes. Il y aura d’autres attentats dans les grandes villes iraniennes, tout comme au Kurdistan d’Irak, où les attaques ne cessent d’augmenter », dit M. Bakawan.

Depuis la prise de Mossoul par l’EI, en juin 2014, les services de sécurité iraniens n’ont cessé d’annoncer, presque chaque semaine, avoir déjoué un « complot » djihadiste. Ils surveillent de longue date la minorité sunnite (environ 15 % de la population), défavorisée et discriminée dans un pays où le chiisme est de fait religion d’Etat. Le pouvoir iranien a fait des gestes en faveur des sunnites. Il a favorisé l’émergence d’un sunnisme institutionnel et politique, qui contribué au vote massif des Kurdes, mais aussi des Baloutches et des habitants de la zone frontalière avec l’Afghanistan, à l’autre orientale du pays, pour le modéré Hassan Rohani à la présidentielle du 19 mai.

Cependant, au Kurdistan, ces relais apparaissent plus faibles. Selon le chercheur Etienne Delatour, « le souvenir reste cuisant à Téhéran du refus de certains grands imams régionaux de garantir à Khomeyni, dans les années 1980, la loyauté du Kurdistan ». Les réseaux existants, notamment le parti local des Frères musulmans, légalisé en 2002, sont affaiblis par l’audience croissante du salafisme, diffusé via Internet par des prédicateurs étrangers.

Frontière poreuse avec l’Irak

Depuis les attentats, des récits circulent sur les réseaux sociaux, accusant les autorités d’avoir fermé les yeux sur cette montée en puissance. « Au début, leurs activités étaient pacifiques et se limitaient à des prêches dans les mosquées. A l’époque personne ne s’y opposait », plaide Jalal Jalalizadeh, un ancien parlementaire kurde, qui met toutefois en garde contre les effets qu’aurait une répression indifférenciée à l’égard des salafistes.

Surtout, le Kurdistan iranien est déstabilisé par sa frontière poreuse avec l’Irak. La République islamique a elle-même entretenu des liens, dès les années 1980, avec des islamistes kurdes irakiens en lutte contre Saddam Hussein. Des djihadistes iraniens ont rejoint, entre 2001 et 2003, la ville frontalière irakienne de Byara, repli du djihad international entre l’invasion américaine de l’Afghanistan et celle de l’Irak. « Des djihadistes iraniens pouvaient encore passer en Irak relativement facilement jusqu’à la prise de Mossoul par Daech, en juin 2014, qui a menacé soudain directement le Kurdistan irakien et la frontière iranienne », note Adel Bakawan.

Depuis, l’Iran collabore intensément avec les services de la province semi-autonome du Kurdistan irakien. Samedi, le ministre iranien du renseignement, M. Alavi, a affirmé que le « cerveau et commanditaire » des attentats de Téhéran avait fui le pays et avait été tué à l’étranger, dans une opération menée « avec l’aide des services de renseignement de pays amis », sans préciser lesquels ni où.

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