Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

7 de setembre de 2016
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Shmuel Trigano: “Le dialogue des religions: l’échec d’une politique”

El sociòleg jueu francès Shamuel Trigano publicà ahir al digital JForum aqueix article analitzant el fracàs del diàleg interreligiós entre islam, cristianisme i judaisme a França com a base de la convivència intercomunitària, el famós -i fallit- “Vivons ensemble!”. És a l’Estat a qui correspon fer respectar la legalitat republicana i la laïcitat, no pas deixar-ho en mans de l’entesa entre les diverses confessions:

“Le meurtre du prêtre de Saint Etienne du Rouvray marque un tournant pour la politique des institutions juives. Les réactions auxquelles il a donné lieu permettent d’éprouver la validité de certaines idées reçues du « dialogue des religions » qu’elles pratiquent couramment. La réaction des deux autres partenaires de ce dialogue est en effet pleine d’enseignements.

L’attitude de l’Eglise donna le ton. Elle pria pour les assassins et confessa que tous les hommes étaient coupables (donc elle même, ce que confirma le pape) et transforma le spectacle de la guerre de religion islamique en une cérémonie compassionnelle et sacrificielle prônant le pardon universel. L’idée, caressée par certains, qu’il pourrait y avoir un front uni judéo-catholique en lequel la communauté juive trouverait un appui face à l’antisémitisme émanant du milieu musulman s’effondrait avec fracas. Tout au plus, les Juifs se heurteraient-ils en cas d’urgence à la démission politique et nationale que l’Eglise de France démontra à cette occasion. Ils pourraient, en tout cas, compter sur sa « compassion », pour pleurer les victimes. En esquivant la confrontation avec le grave problème qui se pose aujourd’hui, en dispensant l’islam français d’un effort, l’Eglise aggrave le déni de la réalité sur lequel vit la France depuis 15 ans. Et dans ce déni est inscrit le déni de l’antisémitisme.

La réaction des acteurs musulmans est, elle aussi, pleine d’enseignements. L’opinion musulmane ne pouvait être que soulagée par l’attitude de l’Eglise. Le CFCM, émanation de l’UOIF, elle même émanation française des Frères Musulmans, appela les musulmans à prendre part à la messe du dimanche, une démarche à double sens, comme c’est la règle dans cette mouvance, si l’on se souvient de l’appel de Boubakeur à transformer les églises vides en mosquées et si l’on sait que, dans l’islam, prononcer la profession de foi musulmane dans un lieu suffit à islamiser ce lieu. Le spectacle irénique de la connivence islamo-chrétienne que les médias reproduisirent à satiété éteignait l’idée qu’il y avait un problème à résoudre en France. Pour une fois le « dialogue judéo-musulman », sur un plan religieux, auquel les instances juives avaient tant contribué, devenait le parent pauvre du « dialogue des religions ». L’idée que le judaïsme, par son modèle, pouvait aider à socialiser l’islam, nouveau venu dans la République, et le parrainer dans ce processus qui l’alignerait sur les autres religions, sombrait avec fracas.

Du côté « laïque », une quarantaine d’intellectuels musulmans condamnaient les attentats dans le JDD, un événement rarissime depuis tant d’années que la communauté juive a fait le pari qu’il y avait un »islam modéré », sur lequel elle pouvait s’appuyer. Hélas, la compassion pour les chrétiens, le jour même de la messe œcuménique, la condamnation des attentats – sans examen de conscience, pourtant – se nourrissaient d’un oubli énorme et central : dans la liste des massacres islamistes de ces 15 dernières années, ces intellectuels éclairés avaient tout simplement oublié non seulement les centaines d’agressions antisémites du début des années 2000 mais aussi les agressions meurtrières (Halimi, Toulouse, Hyper-casher). Il faut croire que ces intellectuels pensent, comme dans le monde arabe et la mouvance islamo-gauchiste, qu’il y avait là des actes de « résistance » contre le « sionisme »… Dans leur aveu, les « modérés » ont ainsi senti la nécessité d’occulter l’un des pôles les plus puissants du ressentiment islamiste pour faire passer la critique de la haine anti-chrétienne dans certains milieux musulmans. C’est un témoignage implicite que le rapport aux Juifs reste le facteur d’allégeance ultime à l’islam qui autorise la critique interne (on critique la haine des islamistes envers les chrétiens mais, pour légitimer cette critique, on « oublie » de condamner la haine envers les Juifs). Le modèle est connu. En pays arabes, les intellectuels critiques des islamistes compensent généralement leur audace par un « antisionisme » virulent… Force est de constater que nous n’avons jamais eu en France de condamnation franche et massive de l’antisémitisme par les autorités musulmanes (excepté la voix solitaire d’individus). Le représentant du CFCM, M. Kbibesh, au sortir de l’Elysée, a déclaré récemment qu’il manifesterait une « tolérance zéro » envers l’ »islamophobie ». Que ne l’a-t-il fait pour l’antisémitisme depuis que le CFCM existe! Quel piètre résultat pour les institutions juives du « dialogue »!

Ce paysage est en fait la conséquence de la politique défaillante de l’Etat, depuis le gouvernement Jospin, qui, dès le départ, dénia la réalité des problèmes (et d’abord l’antisémitisme) puis crût pouvoir les gérer par un « dialogue des religions » télécommandé, en confiant aux religions la charge d’assurer la paix civile, là où la sécurité publique relevait de la puissance régalienne exclusive de l’Etat.

La création de « Marseille Espérance » par le député maire socialiste de Marseile Pierre Vigouroux, pour conjurer, lors de la première guerre du Golfe, la menace d’une « descente » des « quartiers » favorables à Saddam Hussein sur le centre ville fut sans doute le modèle absolu de cette politique. Les Juifs, en la personne du grand Rabbin Ouaknine, furent lourdement sollicités dans cette entreprise. Effectivement, ils étaient considérés comme les ennemis principaux par les islamistes (et bien plus) de sorte qu’ils devaient en être les chevilles ouvrières comme pour témoigner de leur pacifisme envers leurs ennemis[1]. Ils se retrouvèrent  dans la même situation qu’au Maroc, avant le protectorat, lorsque, pour arrêter un pogrom, ils devaient offrir un sacrifice aux portes de la ville pour demander pardon à leurs persécuteurs. Retour à la case « dhimmi »… « Marseille Espérance » avait pour tache d’organiser le spectacle de l’ensemble des dignitaires religieux, habillés en grande pompe (demande expresse de la mairie pour donner de la solennité) pour témoigner de la paix entre les religions et appeler à la paix dans la ville.

Ce faisant, les Juifs comme les catholiques se virent « communautarisés », à seule fin de ne pas mettre l’islam en difficulté si l’on faisait peser sur lui seul l’appel au calme. C’était la première démission de l’Etat dans la lutte contre l’islamisme. Le pli était pris : compromettre la communauté juive et, moins fortement mais tout de même, les chrétiens, reformatés pour l’occasion en « communauté », pour installer et banaliser l’islam comme communauté (non intégrée). Puis, dans un deuxième temps, invoquer la laïcité à l’encontre de toutes les religions, et la République contre « tous » les communautarismes.

C’est dire que pour les Juifs et les chrétiens, cette politique eut des conséquences profondément régressives. Elle ramena en arrière leur statut religieux (surtout celui des Juifs) car ni les Juifs ni les chrétiens n’ont les problèmes et les enjeux qui se posent à l’islam, une religion qui ne s’est pas modernisée depuis le début du XIX° siècle comme les deux autres et qui, de ce fait, ne s’inscrit pas dans le statut des religions que la République a mis en place tout en revendiquant les mêmes droits, sinon  bien plus.

Le bilan de cette politique parle de lui même. En ce qui concerne les institutions juives, force est de constater qu’elles se sont vues instrumentalisées au service d’une politique défaillante de l’Etat, dont la responsabilité, dans l’aggravation de la crise, autant en ce qui concerne la lutte contre l’antisémitisme que la sécurité publique, est incontestable, du gouvernement Jospin au gouvernement actuel. C’est le refus de définir objectivement la nature de la menace pour l’ordre public ( et en premier les Juifs) qui est en question dans cette responsabilité. Le vrai problème (des actes antisémites commis au nom de l’islam) a été méconnu pour ce qu’il est, voire dénié, et la nature de la situation, même après l’Hyper-casher, n’est toujours pas reconnue formellement et publiquement, comme les derniers développements et le rapport de la commission parlementaire nous le montrent.

Notes

(1) Robert Vigouroux et le rabbin Ouaknine écrivent ainsi: « Le 17 janvier 1991 la guerre du Golfe est déclarée. En quoi concerne-t-elle Marseille Espérance qui s’est donnée pour règle de n’intervenir qu’en cas de conflits locaux susceptibles de dresser les communautés les unes contre les autres?… Nous avons estimé que tout conflit au Moyen Orient dans lequel l’Etat d’Israël était impliqué risquait d’avoir des répercussions sur Marseille et de créer des situations explosives. L’armée de journalistes ayant investi la cité phocéenne en est une preuve. Il s’attendaient à un violent affrontement entre Arabes et Juifs… » (R.P. Vigouroux et J. Ouaknine, « Laïcité+ religions, Marseille Espérance » Transbordeurs, 2004). La « paix » des religions, donc, avec, en prime, l’accusation portée contre Israël, cause de conflits (« conflit importé ») et une communauté juive agressive (« tensions inter-communautaires »).”

Post Scriptum, 12 de novembre del 2016.

Shmuel Trigano va publicar ahir al portal digital jueu francòfon “Desinfos.com” aqueix article valorant el resultat de les eleccions presidencials americanes, titulat “L’éclipse de la démocratie“:

“Le drame qui s’est déroulé aux Etats Unis tout au long de la campagne électoral, et qui n’est pas encore clos à l’heure ou j’écris ces quelques réflexions, est plus qu’une tragi-comédie. C’est le symptôme d’une crise de la démocratie, de son éclipse à venir, peut être de son inadéquation finale à ce que deviennent les sociétés démocratiques dans la mondialisation. C’est également, par ce biais même, un signe du déclin du monde occidental, le seul à être démocratique. Quelles en sont les caractéristiques ?

L’idéologie dominante de notre temps, le post-modernisme, a ruiné le politique dans l’affirmation que « tout est politique » (dixit son mauvais génie, Foucault et autres Bourdieu) de sorte que la politique a tout envahi (jusqu’au sexe), c’est à dire qu’elle a disparu en tant que telle. Exit l’État, le Parlement, les partis politiques… Le revers de cette conviction, c’est la guerre de chacun contre tous, la décomposition du social (d’ailleurs il n’existe pas, nous dit le sociologue Michel Touraine). Les « armes » de la joute entre Trump et Clinton n’ont pas été sans raison les frasques sexuelles de Trump, sa violence envers les femmes (vraie ou fausse, elle fut l’argument) mais aussi celles de Bill Clinton, la participation du couple Clinton aux fêtes d’un milliardaire pédophile notoire… Le sexe est devenu l’arène de la politique, comme le montre aussi l’idéologie du « genre » qui projette de remodeler la condition humaine, comme hier le totalitarisme. On mesure ce délin quand on se souvient que se joue là l’avenir de la plus grande puissance du monde et donc du destin de la planète. Scènes de la fin de la Rome impériale antique ?

La deuxième caractéristique de la « post-démocratie » pourrait bien être une irréductible coupure entre les masses et les élites, toutes confondues comme on l’a vu aux Etats Unis, au point que l’on parle de « système » pour désigner le pouvoir, qu’il soit de gauche ou de droite, en l’occurence. On ne savait plus si Trump était toujours de droite tant le Parti Républicain s’est défié de lui. Balayées les catégories de « gauche » et de « droite ». Ne font-elles pas plus ou moins les mêmes politiques ? Et la méthode des primaires en France orchestrent cette grande confusion. C’est la raison pour laquelle le le discours des hommes politiques a perdu toute crédibilité. Le cas américain nous montre à merveille le nouveau partage : entre vertueux « moralistes » (la « gauche »), le clan Clinton, et « populistes » (la droite), les masses pro-Trump. En effet, c’est au nom de la morale que parlent désormais les politiciens, et par excellence la gauche qui se croit détentrice de la morale. Aujou’d’hui le combat politique ne se définit plus par rapport à une idéologie mais à la « vertu », occasion de terrasser les droits du citoyen au nom des « droits de l’homme », dont la seule « idéologie » est l’« anti-racisme » (dont nous savons qu’il a généré un violent antisémitisme).

Et là nous touchons à une autre caractéristique : le recul du lien politique qui fait la socialité. Finis les classes, les engagements, la lutte pour l’égalité. L’ordre nouveau se fonde sur les « races », les « ethnies », les identités reçues et non conquises et choisies. Ce ne sont plus les individus qu’on prend en compte mais leurs groupes d’origine, que l’on agence non plus en fonction de l’égalité individuelle mais de quota raciaux, en vertu d’un principe d’inégalité, au nom si évocateur, « la discrimination positive » : Positive pour qui ? Alors, les vieux citoyens se sentent abandonnés, largués, floués par ces grandes consciences morales qui les dirigent et les méprisent. Eux qui furent le cadre même de la citoyenneté se voient relégués à « la périphérie », au « populisme », à la « xénophobie » tandis que le système judiciaire fonctionne en réseau avec le système médiatique pour donner à cette morale un impact dans la réalité dont l’Etat souverain n’est plus capable parce qu’il a été démantelé… Et, de fait, les vieux citoyens ne voient plus dans cette démocratie qu’une procédure creuse. Et là nous touchons à la variable la plus puissante de la post-démocratie. L’appel d’air engendré par le recul de la souveraineté a ouvert la voie à la venue massive de populations étrangères qui a pulvérisé le cadre national dans lequel, seul, le régime démocratique avait pu s’instituer. Il n’y a plus aucune foi commune possible pour fédérer les individus dans une même société. Demain, la démocratie pourrait bien devenir dictatoriale, s’incarner dans des hommes forts capables de mettre un terme à la décomposition inéluctable de l’ordre politique.”

Post scriptum : Fin de l’agonie occidentale ?
La victoire de Donald Trump représente la première défaite du post-modernisme en politique quoique, il est vrai, le « Brexit » l’a précédé de façon bien plus fondamentale. L’unification européenne est effectivement le cadre et le modèle de la post-démocratie : ce qui s’y produit engage son destin. Il faut attendre pour voir si la tendance à la restauration du régime démocratique, inséparable de l’Etat-nation et en question aujourd’hui, se confirme. La victoire de Trump donne à penser, en tout cas, que l’Occident n’est pas inéluctablement voué à la lente agonie que nous connaissons.

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