Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

6 de setembre de 2016
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Said Musayev: “Progression de l’antisémitisme politique en Turquie”

Said Musayev és un politòleg azerbaijanès especialitzat en cultura jueva que ha publicat ahir al seu blog de The Times of Israel aqueix anàlisi sobre l’antisemitisme polític com a component essencial de l’islamisme otomà alimentat per Erdogan malgrat l’acord de restabliment de relacions diplomàtiques entre Turquia i Israel:

Les Juifs ont participé à la culture turque depuis plus de sept siècles en Turquie. Aujourd’hui la ville d’Istanbul compte près de 17 000 Juifs et 21 synagogues : vingt séfarades et une ashkénaze. L’historien Naïm Güleryüz précise : « Beaucoup de Juifs ne sont pas très pratiquants. Il s’agit d’un fait plus culturel que religieux ». Selon les historiens, 96% des Juifs de Turquie sont des Séfarades descendants des Juifs expulsés d’Espagne en 1492 bien que les premiers Juifs soient arrivés dans la région au IIe et IIIe siècles avant JC.

La communauté juive s’est réduite les dernières années, puisqu’il reste environ 17 000 Juifs en Turquie, alors qu’ils étaient plus de 100 000 à la fin de la Première Guerre mondiale. Beaucoup ont quitté le pays pour l’Europe, les Etats-Unis ou bien pour effectuer leur alyah vers Israël.

Depuis plusieurs années, des actes isolés prennent pour cible la communauté juive locale qui est en état d’alerte. Il y a quelques mois Nouvelles Sky a révélé que l’Etat islamique planifiait des attaques spécifiquement contre les Juifs de Turquie. La sécurité a été renforcée ; les écoles ont été fermées et les événements communautaires ont été reportés. La situation précaire avec la baisse de la population juive de Turquie soulève également la question de l’antisémitisme politique.

Historiquement, l’antisémitisme s’est exprimé par des actes, tout autant que dans les pratiques sociales et des préjugés. De nouvelles perspectives d’histoire politique permettent non seulement de renouveler la définition du politique, mais également de déterminer ce qui est politique dans l’antisémitisme, et de percevoir comment les questions sociales, économiques, religieuses, culturelles et morales sont porteuses de cette dimension. Par conséquent, dans les rhétoriques antisémites les Juifs stigmatisés comme boucs émissaires dans les conflits sociaux, étaient devenus la cible du mouvement politique antisémite.

La progression de l’antisémitisme politique en Turquie justifie une recrudescence des inquiétudes. La liberté d’expression et la démocratie semble étrangère aux antisémites. Au Moyen-Orient, Israël offre un rare espoir de liberté et de démocratie au milieu de l’obscurantisme, du terrorisme et de la haine dans la région. De là, il semble que bon nombre de ces antisémites, autoproclamés libéraux ont un concept bien arrêté du bien et du mal. Quand les gens se réfèrent à Israël comme «le problème», ils veulent en réalité remettre en cause l’existence des Juifs.

Le nouvel antisémitisme turc a ses ‘‘héros’’. Rifat Bali, un chercheur juif natif d’Istanbul qui fait des recherches sur l’antisémitisme en Turquie depuis des années, est l’auteur de plusieurs ouvrages et articles sur l’histoire des Juifs de Turquie.

Dans son article, « L’antisémitisme contemporain en Turquie » (The California Courier, 30 juillet 2009), Rifat Bali résume son analyse en certains points clés : « Les intellectuels turcs ont toujours adopté une attitude pro-palestinienne et anti-israélienne. Les islamistes associent la « question palestinienne » avec la participation juive supposée dans la montée de la laïcité en Turquie. La gauche considère Israël comme un État impérialiste et une extension de l’hégémonie américaine au Moyen-Orient. On retrouve des thèmes comparables parmi les intellectuels nationalistes. » Ils sont quelques-uns des visages de la haine anti-juive et anti-occidentale que feignent de ne pas voir les « anti-israéliens », obnubilés par le gouvernement de l’islamo-conservateur turc Recep Tayyip Erdogan.

Au moment où Israël et la Turquie renouent des liens diplomatiques, il peut être utile d’évoquer certaines des déclarations d’Erdogan dénonçant jusqu’à peu Israel. Même si la «Realpolitik » conduit actuellement les deux pays à se rapprocher, les israéliens seraient bien inspirés de n’avoir des attentes que très modérées vis-à-vis du gouvernement d’Erdogan.

Selon un sondage réalisé par Pew en 2014, Israël était le pays le plus haï en Turquie : 86% des répondants avaient une opinion défavorable d’Israël, alors que seulement 2%  le percevaient positivement.

Un examen plus attentif montre que les incidents antisémites de ces dernières années sont profondément enracinés dans le gouvernement actuel d’AKP, chez Erdoğan et qu’ils ont aussi de plus en plus de résonance dans la société turque dans son ensemble. La propagande haineuse antisémite est fréquemment et ouvertement publiée dans les médias turcs, dont surtout les journaux islamistes ‘Yeni Akit’ et ‘Millî Gazete’ et la chaîne de télévision pro-gouvernementale ‘Kanal A’. Les journalistes font partie de l’entourage journalistique régulier de Monsieur Erdoğan. Au lieu de condamner leur négation de l’Holocauste et l’incitation à la haine des Juifs, au lieu de lutter contre la corruption, le gouvernement Erdoğan dissémine les théories du complot et la haine contre les minorités.

Cette haine est encouragée par les déclarations d’Erdogan sur Israël. Il exploite le préjugé anti-juif inhérent avec la vision traditionnelle de l’Islam considérant le Juif comme un dhimmi, un «protégé», mais une minorité et une religion inférieure qui serait assimilée perpétuellement au statut politique de seconde classe.

L’obsession antisémite obscurcit aussi sa politique étrangère. Les partenaires et les ennemis sont choisis pour des raisons idéologiques plutôt que pour les intérêts nationaux avec une vision “les Ennemis de mes ennemis sont mes Amis”. Ses liens étroits avec Kadhafi ont été fondés en partie sur leur haine commune d’Israël. Erdoğan a reçu des prix de Kadhafi de 2010 après avoir provoqué délibérément une crise dans les relations israélo-turques.

Dans l’esprit d’un antisémite, le cas est clair, dans les paroles d’Erdogan: « Qui est derrière tout cela? Israël ». Lors d’une conférence parrainée par l’ONU en 2013, encore Premier ministre, Erdogan avait assimilé le sionisme à un crime contre l’humanité. Le président israélien, Shimon Peres avait réagi sur Euronews : « Je regrette profondément ces propos, qui sont basés sur l’ignorance, déclare Shimon Peres. Ils attisent les flammes de la haine. Il était totalement infondé de dire cela. C’est l’une des interventions regrettables de ces derniers jours ».

Obsession ou manipulation

En 2013, Monsieur Erdogan a «gagné» la deuxième place sur la liste du Centre Simon Wiesenthal des dix insultes antisémites et antisionistes de l’année (l’Ayatollah Ali Khamenei a pris la première place).

Lors de ses meetings, le Premier ministre islamo-conservateur turc Recep Tayyip Erdogan, qui est donc un coutumier des dérapages antisémites, accuse « le lobby du taux d’intérêt » d’être un des responsables du mouvement protestataire rassemblant en 2013 plusieurs millions de personnes contre un projet immobilier qui aurait détruit le parc Gezi d’Istanbul.

En conséquence, les membres du parti islamo-conservateur ont pointé du doigt « le jeu du lobby juif » et Besir Atalay, le vice-premier ministre, a désigné nommément « la diaspora juive » en précisant qu’il y a des cercles jaloux de la croissance de la Turquie. Ils sont tous unis dont la diaspora juive. Il dénonce l’attitude des médias étrangers lors des incidents du parc Gezi qui ont commencé à diffuser l’info immédiatement. Ces attaques verbales ont été suivies par des demandes sans précédent contre les commerçants d’Istanbul qui avaient des liens e-mail avec des étrangers.

Lors de la même crise, le New York Times, le prestigieux quotidien, a aussi critiqué la règle du Premier ministre à l’égard du parc Gezi.

Selon le chef de la communauté turque en Israël, Nessim Güvenis, les Juifs de Turquie ont dû fuir sous la montée d’un antisémitisme insufflé par les dirigeants du pays : « L’antisémitisme, déclenché par les déclarations sévères du gouvernement turc, a conduit à la migration de centaines de jeunes Juifs de Turquie aux États-Unis ou en Europe, » déclare-t-il en octobre 2013 au Daily News de Turquie.

Un an après, en 2014, le Premier ministre turc accuse Israël d’avoir orchestré le coup d’Etat militaire en Egypte, au cours duquel le président appartenant aux groupes des Frères Musulmans Mohamed Morsi a été renversé. La réponse des Israéliens ne s’est pas fait attendre. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a réagi aux paroles d’Erdogan les qualifiant d’«antisémites» .

La manipulation ne s’arrête pas là. Le 19 Juillet 2014, CNN Turquie couvre la campagne électorale d’Erdogan et rapporte le discours qu’il a tenu dans la ville d’Ordu. Sous une bannière «Finissons-en avec Israël» («Down with Israël»), Erdogan déclare entre autres des mensonges au sujet d’Israël. Le 31 Juillet de la même année, Erdogan poste un tweet «Le génocide qu’Israël commet n’est pas différent de ce que Hitler a fait. Ce que Hitler a fait hier, Israël le fait aujourd’hui».

La limite entre l’antipathie envers Israël et le racisme est étroite. Il a certes déclaré ouvertement qu’il n’approuvait pas les attitudes négatives envers les Juifs de Turquie qu’il considère comme ses citoyens.

Cependant, cela semble en contradiction avec son appel aux Juifs de Turquie pour condamner Israël à la suite des opérations de 2014 contre le Hamas. En d’autres termes, Erdogan a lié les Juifs de la Turquie avec Israël en mettant la communauté sur la ligne de tir par un public turc qui ne fait souvent pas de distinction entre la population juive d’Israël et juifs de Turquie. Encore plus inquiétant, en mai 2014, lors d’une manifestation suite à une catastrophe minière, Erdogan a soulevé ses sourcils après avoir appelé un manifestant de « semence d’Israël » (spawn).

Selon une enquête menée en 2015 par l’Anti-Defamation League (ADL) sur les attitudes antisémites, 71 % des Turcs ont des points de vue antisémites. Un porte-parole officiel de la Communauté juive “Turk Musevi” a expliqué que les Juifs de Turquie sont consternés par la légère hausse des articles et des discours antisémites. Ils essaient toujours, avec des moyens limités, de porter ces questions à l’attention de la population et du gouvernement pour les résoudre via le système juridique turc.

Le président turc avait déclaré « Nous devons également accepter le fait que nous avons besoin d’Israël. C’est une réalité dans la région » (janvier 2016).

Conclusion :

En effet, pour comprendre les attitudes anti-juives d’Erdogan et de l’AKP, il faut remonter à l’histoire de la représentation des Juifs dans l’Islam. De nombreux fondateurs de l’AKP étaient du Parti de la prospérité, qui dérive du mouvement Milli Görüs (Outlook National). Un aspect important du Milli Görüs est d’avoir une forme unique d’antisémitisme qui emprunte des éléments à la théorie du complot antisémite traditionnel. Il rejette le blâme la disparition du califat islamique de l’Empire ottoman sur les « Dönme » (Juifs adeptes du « faux » messie Sabbetai Zvi, du XVIIe siècle, convertis à l’Islam) qui auraient contribué à établir la république laïque de la Turquie au détriment de l’islam. Pendant ce temps, le sionisme international continuerait d’exercer un pouvoir dans l’ombre et de manipuler la politique turque et le système monétaire.

Le mouvement a vu la puissance lorsque Necmettin Erbakan du Parti islamique du bien-être est devenu Premier ministre en 1996, jusqu’à ce qu’il ait été évincé par une intervention militaire. Erbakan aurait commenté que les Juifs étaient la cause de tout le mal et que des complots seraient ourdis par le sionisme international.

Erbakan n’a pas été en reste avec ses commentaires. Selon lui, les croisades ont été organisées par les sionistes, le monde a été créé par «le racisme, le sionisme et l’impérialisme» et que le dollar américain est de l’argent sioniste.

Aujourd’hui, il y a encore beaucoup d’exemples sur ce sujet, notamment des publications alléguant les conspirations juives. Les publications des maisons d’éditions des traductions turques de Mein Kampf et le faux prouvé ‘Les Protocoles des Sages de Sion’ étaient parmi les meilleures ventes en Turquie à partir de 2005, sous le premier mandat de l’AKP.

Selon les chiffres de l’Agence juive pour Israël, un organisme israélien gouvernemental qui organise l’émigration vers Israël, l’une des plus fortes hausses de l’Alyah en 2016 a été observée en Turquie, où le président Recep Tayyip Erdogan a fait face à des protestations croissantes contre plusieurs initiatives anti-démocratiques et a même fait l’objet d’une récente tentative de coup d’Etat militaire. Bien que restant toujours limitée en termes de valeur absolue, l’immigration des Juifs de Turquie vers Israël a presque triplé, passant de 23 à 61 candidats au cours des deux périodes concernées.

Pour résumer, après la tentative du coup d’Etat dans la nuit du 15 au 16 juillet, le populisme et le chauvinisme montent en Turquie. Cela renforce la popularité d’Erdogan, le dirigeant islamo-conservateur, dans l’opinion publique et porte le risque d’orienter le pays vers une dérive autoritaire en concentrant tout le pouvoir entre ses mains.

L’autoritarisme semi-démocratique du Président turc Erdoğan dans la politique intérieure, son penchant vers l’islam radical, et son soutien des groupes islamistes radicaux participent de ses visions antisémites du monde. Finalement la majorité de la population de la Turquie arrive à considérer Israël comme une menace étrangère numéro 1. Evidemment, les conséquences de l’antisémitisme du plus haut niveau de gouvernement se font sentir dans la société turque, dans les communautés juives, en Israël, et dans les relations internationales au Moyen-Orient en général.

Enfin, nous pouvons conclure que malgré tout il serait possible de renforcer les liens politiques et commerciaux entre Israël et la Turquie. Le premier projet en commun reposerait sur la construction d’un gazoduc acheminant le gaz israélien jusqu’à la Turquie. Toutefois, il faudrait avant tout vaincre les haines cachées parce que l’antisémitisme a été et continue d’être un sérieux problème en Turquie.

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