Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

22 de juliol de 2016
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Guillaume Bigot: “Le djihadisme, un patriotisme de substitution pour les enfants perdus de la République?

Guillaume Bigot és un politòleg francès i assagista que publica un interessant anàlisi a Le Figaro del proppassat 18 relatiu a la mentalitat i les motivacions del que anomena encertadament “les enfants perdus de la Rúpublique”. Aqueixa denominació arrenca de fa uns quants anys, quan l’any 2002 un grup de professors d’institut de la regió de París van publicar un llibre col·lectiu que duia per títol “Les territoires perdus de la République” on alertaven de la progressió del masclisme, l’antisemitisme i l’islamisme en el sistema escolar francès abocat a una fallida imminent.

L’obra va ser ignorada pels responsables governamentals i la classe política d’aleshores, la mateixa que ara se’n plany d’aqueixos mals que poden en crisi la democràcia republicana. Ara, aqueixos jóvens desarrelats sense identitat pròpia adopten com a substitutiu el gihadisme que és frontalment agressiu contra un ordre social i polític -el republicà- que consideren aliè i els aporta una seguretat i fortalesa personal i col·lectiva fictícia però d’efectes devastadors que beneficien la causa del supremacisme islàmic.

Global i revolucionari, el gihadisme és també local, estima Guillaume Bigot. L’afebliment de l’Etat i la dissolució de la identitat nacional francesa encoratgen aquells qui malden per la abatre “la République” més que no pas per l’alliberament de Medina:

Les experts ont beau rivaliser d’imagination pour renouveler le stock de leur prêt à penser, hyper terrorisme hier menée au nom d’une multinationale de la terreur, terrorisme de proximité aujourd’hui grâce à des loups solitaires, à des franchisés ou plus récemment à des générations spontanées de djihadistes champignons poussés sur la toile. À l’image des politiques qu’ils se plaisent à dénoncer pour mieux se faire mousser, depuis le 11 septembre, ils n’ont rien appris, ni rien compris à la puissance du djihad, torrent révolutionnaire impossible à endiguer si on se saisit pas sa nature à la fois globale et locale, à la fois totalitaire et musulmane mais aussi française.

Le djihadisme n’est pas qu’un phénomène global. Le salafisme armé a toujours été planétaire dans ses ambitions (le but de tout mouvement totalitaire est la conquête du monde) et local dans les facteurs de son recrutement, dans le profil des recrutés et dans leur motivation. Le djihadisme n’est pas un phénomène exogène en France. Ce qui anime nos djihadistes de proximité, c’est moins la libération de Médine que la vengeance qu’ils veulent exercer contre une République qui, jusqu’à présent n’a su ni les respecter, ni se faire respecter d’eux.

La déconfiture militaire de l’EI et sa fuite en avant dans la propagande par le fait ne forment que des causes immédiates. Les causes lointaines, elles, sont locales, ie, hexagonales.

Le phénomène islamiste est enraciné chez nous comme le sont les origines de sa propagation: un cocktail explosif fait de haine de soi et de renoncement à l’assimilation, de chômage de masse et d’installation d’économies parallèles, de diffusion symétrique du cynisme, du relativisme et d’un fanatisme vengeur et réparateur réhabilitant la communauté, l’idéal et le courage. C’est un islamisme bien de chez nous qui nous menace. Et il se propage rapidement. Pour enrayer sa diffusion, tout devrait changer et tout de suite.

L’égalité, la liberté et la fraternité sont devenues des mots creux. Les psalmodier ne servira à rien si ce n’est à aggraver le tableau. Comme le disait Jaurès certains n’ont d’autres biens que la patrie. Ils se sont trouvés une patrie de substitution avec le djihad, il faut les regagner à notre cause et, pour commencer, croire à nouveau en notre légitimité en notre grandeur et espérer dans notre avenir. Si nos dirigeants expliquent que la France est un petit pays fichu, comment voulez-vous que les enfants de l’immigration deviennent plus patriotes que nos élus?

Personne n’établit le lien pourtant très fort entre le projet de notre classe dirigeante de déplacer le pouvoir suprême de Paris à Bruxelles (qui repose sur le présupposé erroné d’une France nanifiée par la mondialisation) et la démonétisation du projet politique que constitue la France. Personne ne semble sentir le lien entre l’utopie d’un État devenu une zone aéroportuaire de libre échange de biens, de services mais aussi d’identités et celui d’une dévalorisation de la France qui n’est au fond qu’une culture politique. À cet égard, le défi majeur soulevé par la répétition des attentats consiste à reconquérir symboliquement mais aussi économiquement et politiquement les territoires et les générations perdues de la République (et elles sont loin de se cantonner aux seuls enfants de l’immigration maghrébine, les conversions sont nombreuses) car elles menacent dans le contexte du djihad global la concorde du pays.

Le djihadisme sous sa forme armée et spectaculaire, comme l’islamisme, dans ses diverses tendances et obédiences, constituent une éruption révolutionnaire dont il est irresponsable de faire le pari qu’elle va s’épuiser d’elle-même. Ce pari ultra hasardeux est pourtant celui que font experts et politiques depuis 15 ans déjà.

Gilles Kepel et Olivier Roy en 2000-2002 prophétisaient le déclin du djihadisme et de l’islamisme. À l’époque, je soulignais trois facteurs qui demeurent valables.

Le premier, c’est le caractère anachronique de leurs analyses historiques. La comparaison systématique entre djihadisme et terrorisme rouge, celui qui avait ensanglanté l’Allemagne, l’Italie ou le Japon dans les années de plomb. Le raisonnement «universitaire ment» correct qui avait cours après le 11 septembre était que Ben Laden correspondait à l’acmé du mouvement. Le djihadisme avait brillé de mille feux dans le ciel de New York mais l’effondrement des tours jumelles constituait son coucher de soleil.

Les mouvements gauchistes s’étant coupés de leurs bases populaires et ayant échoué à provoquer une révolution de masse en étaient réduits à une fuite en avant dans les années 70. 15 ans plus tard, le raisonnement des spécialistes reste le même: la multiplication des attentats et la surenchère dans la violence marquent l’essoufflement du djihadisme! Depuis le 11 septembre, le djihadisme non seulement n’a pas cessé d’enfler mais il n’a nullement discrédité l’islamisme en tant qu’idéologie politique.

L’universitairement correct de Kepel ou de Roy ont toujours le grand tort de ne pas saisir que l’ultra violence du djihadisme n’est pas une marque de faiblesse mais une stratégie pensée et destinée à diffuser le chaos mais aussi apte à s’en nourrir comme un feu de l’oxygène. Cette analyse est décrite noir sur blanc dans les manuels djihadistes comme Gestion de la barbarie par exemple.

L’islamisme radical ayant échoué à prendre le pouvoir ou ayant été incapable de le conserver au Soudan, en Arabie, en Algérie, en Somalie et, depuis lors, en Égypte et en Tunisie, en Syrie et en Irak se lance dans des stratégies suicidaires, certes terrifiantes et ultra spectaculaires mais désespérées. Voilà ce que nous expliquaient déjà Kepel et ses confrères en 2002. Mais c’était commettre un grave anachronisme car l’islamisme sunnite n’était pas et n’est toujours pas historiquement au stade atteint par le marxisme léninisme en Europe occidentale après 60 ans de tyrannie et d’échecs en Russie, en Chine et ailleurs. Comparaison pour comparaison, tant que la Mecque et Médine ne seront pas tombés aux mains des djihadistes (nous n’en sommes, il est vrai, plus très loin), nous ne serons pas encore en 1917.

Ces éruptions révolutionnaires mettent généralement une génération ou deux pour s’apaiser. C’est aujourd’hui le cas en Iran alors que le peuple perse a pratiquement terminé de virer sa cuti totalitaire. C’est très loin d’être le cas au sein de l’arc de crise de l’Islam sunnite toujours électrisé par la révolution islamiste.

Les islamologues fréquentent les islamistes lettrés et modérés du monde arabo-musulmans et veulent croire, avec ces derniers à une sorte de «réforme musulmane» qui verrait simultanément un retour à la lettre du Coran et la diffusion de l’esprit de la modernité. Une sorte de ruse de la foi musulmane en quelque sorte qui diffuserait la démocratie et les NTIC par le retour aux sources. Ce faisant, nos experts ignorent la nature même d’un phénomène révolutionnaire qui possède sa propre dynamique et qui est presque toujours celle du pire et celle des masses.

Car s’il est une analogie juste entre les mouvements totalitaires qui ont mis l’Europe et le monde à feu et à sang au XX ieme siècle, c’est que ce sont toujours les plus fanatiques qui l’emportent à l’intérieur des mouvements révolutionnaires.

Les révolutions déclenchent des dynamiques idéologiques qui poussent à la surenchère par un double mécanisme: appel à la pureté idéologique et à la radicalité dans la violence. En période révolutionnaire, la légitimité ancienne est fragilisée ou tombe et avec elle l’ordre public. Le plus fanatique et le plus brutal possèdent donc un énorme avantage et sont bien mieux armés pour triompher. Mirabeau a été remplacé par Danton et Danton par Robespierre. Kerenski par Lénine et ce dernier par Staline. Tchang Kaï Check par Mao. Hindenburg par Hitler. Ben Laden a été remplacé par EL Bagdadi. Des combattants plus zélés viendront demain.

Un autre atout maître des fanatiques est de paraître trop idéaliste et trop jusqu’au boutiste pour mériter d’être pris au sérieux. Pourtant, ce qui n’est pas sérieux, c’est d’oublier Lénine revenu dans les fourgons de l’armée allemande alors que deux ans plus tard, la Bavière se donnait des Soviets. Ou encore d’effacer de nos mémoires un petit caporal qui, avec l’aide de quelques sponsors qui pensaient le manipuler, déclencha l’apocalypse. Le djihad est un djinn que les Américains ont sorti de sa lampe en Afghanistan et qu’ils ont fait grandir en Irak et que nous avons aussi contribuer à étendre au Maghreb. Surtout, ne le sous-estimons pas.

La troisième erreur commise par les experts aura été et reste de surestimer la force de séduction du modèle occidental et de la démocratie sur les masses musulmanes sunnites (des Pakistanais des zones tribales jusqu’aux habitants dès bidonvilles de Casablanca, pour aller d’un bout à l’autre de l’arc de crise) et de sous estimer l’attractivité de l’islamisme.

Dans notre «vision de l’histoire» occidentalo-centrée, nous partons du principe ou plutôt de la pétition de principe que la démocratie est un point d’arrivée. Au sein du monde arabo-musulman, la démocratie est plus vraisemblablement devenu un moyen au service de l’islamisme qu’une fin. C’est au nom des idéaux occidentaux de laïcité et des droits de l’homme que l’armée turque a tenté un coup et c’est au nom de la démocratie que l’islamisme a ressaisit le pouvoir. On en revient à l’idée d’une lame de fond historique, difficile à stopper. En Europe, au XIX ième siècle, tout a été tenté ou presque après 1815 pour arrêter la propagation de l’idée démocratique et de l’idée nationale. Les digues ont finit par sauter. Qui peut dire combien de temps les monarchies traditionnelles ou les Républiques nationalistes tiendront dans le monde arabo-musulman? Ce serait tomber dans ce que l’on dénonce de partir du principe que les djihadistes gagneront partout mais ce serait la même erreur de tabler sur leur défaite.

Cette troisième erreur fut aussi commise par les néoconservateurs qui ne voulurent pas seulement endiguer la progression de l’islamisme mais accélérer la démocratisation des nations arabes, en intervenant militairement pour abattre des dictatures nationalistes laïques. L’erreur n’était pas seulement anachronique mais «anatopique», i.e., reposant sur une confusion de lieux et de civilisations. Le risque que voulait conjurer l’administration Bush en Irak ou la présidence Sarkozy en Lybie était d’assister à l’émergence d’un État totalitaire islamique disposant en plus de ressources pétrolières et menaçant ses voisins. Or, le risque majeur représenté par l’islamisme armé n’est pas de bâtir un État au sens occidental du terme mais de s’étendre, en même temps et au même rythme que l’anarchie. Chaos, charria et terreur sont les trois termes d’une épouvantable trinité qui menace des régions entières de notre planète.

L’islamisme sunnite est constituée d’une kyrielle d’organisations politiques, militaire, terroristes, plus ou moins bien coordonnées entre elles mais c’est surtout une force révolutionnaire et, pire encore, si le communisme ou le nazis furent des religions de substitution, l’islamisme, lui peut faire fond sur la seconde religion de l’humanité qu’il caricature certes mais sur laquelle il puise aussi sa légitimité. S’il y a un fossé moral infranchissable entre djihadisme, islamisme et islam, il n’y a pas de parois religieuses étanches mais plutôt un dégradé, un continuum. La révolution islamique sunnite est à la fois un totalitarisme «classique», une réaction pathologique des sociétés traditionnelles à l’avènement de la modernité, mais aussi une réaction spécifique.

Il faut lire l’œuvre magistrale d’Henri Plagnol (qui vient de mourir), la Géographie de l’Islam et comprendre que ce grand monothéisme qu’est l’Islam est d’abord une religion du désert (voire une religion qui désertifie) et des trafics caravaniers et du commerce. La version totalitaire et cancéreuse de l’Islam sunnite n’en est pas moins une religion taillée sur mesure pour répondre aux besoins d’ilotes déboussolés et qui vivent dans le désert moral des grandes conurbations et dans les zones laissées en friche par la mondialisation. Le djihadisme comme on le sait prospère y compris sur le désert intellectuel numérique.

L’islamisme se répand partout où l’ordre s’écroule, il est la religion naturelle du caïdat et des gangsters mais aussi des complotistes qui, comme chacun de nous, ne vivent pas que de pain.

Nous voulons lutter contre cette maladie de la post modernité? Commençons par cesser de fragiliser nos États au nom des marchés. Car les katibas djihadistes seront mieux armés pour survivre au chaos économiques que les cabinets d’avocats panaméens.

L’argent peut tout acheter sauf la foi de celui qui est prêt à donner sa vie. On ne corrompt pas un kamikaze. Dans la dialectique planétaire des maîtres matérialistes et cyniques que nous sommes, les zombies et des esclaves, spiritualistes et idéalistes, les fanatiques qu’ils sont, le combat n’est peut être pas si réglé à l’avance.

Répétons le, si le phénomène est planétaire et s’il menace principalement l’arc de crise arabo-musulman, les flammes du brasier lèchent déjà les périphéries de nos villes. Et ce risque est proportionnel au désordre que nous laissons prospérer dans nos banlieues.

Tant que nous refusons de prendre la juste mesure du phénomènes (non le terrorisme ne délégitime pas du tout le djihâd, il le renforce) et notamment d’analyser les dimensions proprement locales de ses manifestations (en France, le djihadisme est un patriotisme de substitution), nous risquons de payer un tribut de plus en plus lourd. Celui de notre aveuglement au désastre.

Post Scriptum, 31 d’agost del 2017.

Guillaume Bigot fou entrevistat per Le Figaro el proppassat 28 d’aqueix mes en relació a l’estat actual de la guerra del jihadisme contra Occident emmarcant les seves respostes en aqueix titular: “Du 11 septembre 2001 à Barcelone: retour sur 15 ans de djihadisme“.

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