Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

16 de maig de 2016
0 comentaris

Arran del centenari dels acords Sykes-Picot sobre el Pròxim Orient

Avui fa un segle, enmig de la Primera Guerra Mundial, un acord secret franco-britànic negociat pel militar anglès Mark Sykes i el diplomàtic francès François-Georges Picot prefigurava un repartiment d’àrees d’influència entre les dugues potències aliades al pròxim Orient a partir del mosaic d’ètnies i comunitats religioses que esperaven el seu reconeixement un cop acabat el conflicte bèl·lic.

Els tractats internacionals posteriors anaren concretant els límits de la vençuda Turquia i  dels mandats territorials franco-britànics, que els conflictes posteriors han anat modificant fins a l’actualitat. Per comprendre la situació present cal entendre les causes endògenes de la conflictiva relació del món  musulmà amb la modernitat, la potència emergent de l’estat jueu i la progressiva presa de consciència nacional de les diferents comunitats (els kurds, especialment).

La culpabilització sistemàtica i acrítica d’Occident com a causant principal de les malvestats actuals és un punt de partida equivocat: “D’ont Blame Sykes-Picot for The Middle East’s Mess” escriu abans d’ahir Steven A. Cook a la revista Foreign Policy. Si llegim, per exemple, Hayam Mallat analitzant les causes de la formació de la moderna Síria i el Líban en tindrem una tota una altra perspectiva.

Avui, el diari francòfon de Beirut, L’Orient-Le Jour dedica un dossier especial a aqueix centenari i d’entre els articles aplegats el que em sembla més punyent és aqueix d‘Anthony Samrani titulat significativament. “Pourquoi un nouveau Sykes-Picot ne réglerait en rien les conflits du Proche Orient”:

Un siècle après, les États nés de l’effondrement de l’Empire ottoman sont en totale faillite, pris en otage par des régimes qui instrumentalisent à leur(s) profit(s) les questions communautaires et concurrencés par des groupes jihadistes transnationaux qui veulent promouvoir un nouvel ordre politique.

L’histoire, tout comme le cœur, doit avoir ses raisons que la raison ignore. Comment expliquer autrement que, même cent ans après le dernier échange de lettres entre le diplomate britannique et le diplomate français, le mythe Sykes-Picot hante toujours autant les esprits des populations du Proche-Orient ? Comment expliquer autrement que, malgré les guerres entre nations, les guerres civiles, les dictatures, les révolutions qui ont marqué l’histoire de la région tout au long du XXe siècle et en ce début de XXIe, le mythe Sykes-Picot est encore présenté comme la principale explication de la faillite des États et du vivre-ensemble dans la région ? Comment expliquer autrement que, un siècle après Sykes-Picot, le Proche-Orient traverse une période de bouleversements, d’incertitudes et de remise en question qui donnent l’impression d’« une revanche de l’histoire », selon l’expression utilisée par la politologue Myriam Benraad ?

L’échange de lettres entre les deux diplomates, Mark Sykes et Georges Picot, qui a abouti à un partage de la région entre Britanniques et Français, profondément modifié et concrétisé par la conférence de San Remo en 1920, a eu des conséquences majeures sur l’évolution du Proche-Orient au XXe siècle. Les deux grandes puissances ont, pour des raisons de rivalités stratégiques, créé des États plus ou moins artificiels dont le tracé des frontières n’a pas toujours pris en compte l’histoire des peuples de la région. Les Palestiniens et les Kurdes ont été les grands oubliés de cette période intense entre 1915 et 1923, qui dessina le Proche-Orient moderne sur les ruines de l’Empire ottoman et qui, jusqu’à aujourd’hui, est l’objet de critiques plus ou moins objectives.

(Regards croisés : L’accord Sykes-Picot vu par des Arabes…, l’article de Samia Medawar)

Les États coloniaux ont une part importante de responsabilité dans la fragilité structurelle des pays du Proche-Orient. Cette responsabilité est d’autant plus grande que les États coloniaux, tout comme les autres grandes puissances qui n’ont pas de passé colonial, n’ont cessé d’adopter une attitude hypocrite vis-à-vis des peuples de la région en soutenant inconditionnellement Israël, tout en commerçant avec les dictatures les plus strictes et en taisant les pires atrocités en fonction de leurs intérêts. Mais cette responsabilité ne saurait pour autant suffire à justifier les échecs successifs de l’Irak, de la Syrie ou du Liban à construire des États modernes qui assurent un vivre-ensemble entre les différentes communautés qui composent leurs populations. Autrement dit, Sykes-Picot ne saurait être présenté comme la cause originelle de toutes les violences qui ont marqué la région tout au long de ce siècle. Il est essentiel de garder cet élément à l’esprit au moment où le Proche-Orient est en pleine déconstruction et où la tentation d’un nouveau Sykes-Picot n’a jamais été aussi grande.

Intenses perfusions

Le parallèle entre la période 1915-1923 et la période actuelle, qui a commencé avec l’euphorie du printemps arabe en 2011, est aussi troublant qu’évident. Un siècle après, les États nés de l’effondrement de l’Empire ottoman sont en totale faillite, pris en otage par des régimes qui instrumentalisent à leur profit les questions communautaires et concurrencés par des groupes jihadistes transnationaux qui veulent promouvoir un nouvel ordre politique. L’Irak, depuis l’intervention américaine en 2003, et la Syrie, depuis le début des révoltes en 2011, sont au bord de l’éclatement. À peine survivent-ils tous deux grâce aux intenses perfusions des puissances étrangères qui leur viennent en aide – mais qui les affaiblissent dans le même temps. La conquête par l’État islamique (EI) en 2014 de vastes pans de territoires entre la Syrie et l’Irak a mis le doigt sur la fragilité de ces deux États et sur le mécontentement d’une grande partie de la population sunnite qui les habite. L’organisation jihadiste dirigée par Abou Bakr al-Baghdadi a d’ailleurs donné une portée historique à son projet, non sans subterfuge, en revendiquant l’effacement, au sens propre, des frontières de Sykes-Picot, qui sont en fait celle de San Remo, entre la Syrie et l’Irak.

(Rétrospective : Sykes-Picot, la ténacité d’un mythe, l’article de Lina Kennouche)

Les guerres civiles syrienne et irakienne, conjuguées à la montée en puissance de l’EI, grâce au soutien d’une partie des populations arabes sunnites syrienne et irakienne, ont amené certains à considérer qu’il fallait retracer les frontières de la région en prenant davantage en compte les identités ethniques et communautaires des peuples concernés. Un nouveau Proche-Orient découpant les États avec par exemple une Syrie alaouite, une Syrie kurde et une Syrie sunnite, ainsi qu’un Irak kurde, un Irak sunnite et un Irak chiite. Un morcellement des États baassistes qui donnerait lieu à une multitude de micro-États qui se voudraient à la fois homogènes et viables. Le projet peut être séduisant sur le papier, il n’en est pas moins utopique dans la réalité. Non seulement la communauté internationale est extrêmement réticente à l’idée d’une modification des frontières, par peur d’éveiller ailleurs d’autres velléités, mais une partie non négligeable des acteurs de ces conflits, du côté des régimes comme de celui des oppositions, ne souhaitent pas la création de nouveaux États.

Malgré leur fragilité et leurs frontières artificielles, les États du Proche-Orient ont été des réalités tangibles pendant un siècle, qu’aucune guerre et qu’aucun projet n’ont pu totalement remettre en question. Même les régimes qui se voulaient panarabes n’ont jamais renoncé à leur identité nationale, en témoigne d’ailleurs l’échec de la République arabe unie. Il est, en outre, facile aujourd’hui pour tout connaisseur de la région de reconnaître un Irakien d’un Syrien, d’un Libanais ou d’un Palestinien, preuve que ces nationalismes ne reposent pas sur des bases aussi artificielles qu’elles le paraissent.

(Lire aussi : « Les Français et les Anglais ont dessiné les frontières, et les Arabes ont colorié la carte », l’article d’Antoine Ajoury)

Nettoyage ethnique

Un nouveau tracé de frontières se confronterait aussi à l’hétérogénéité des territoires. Malgré un fort déplacement interne et externe des populations ces dernières années, les régions ne sont pas pour autant homogènes, ni du point de vue ethnique ni du point de vue communautaire. De nouvelles frontières donneraient ainsi lieu à des nettoyages ethniques et s’inscriraient en totale rupture avec l’héritage pluricommunautaire des entités politiques dans l’histoire de la région.

En Syrie comme en Irak, les Kurdes profitent effectivement de cette étape de transition et de flou pour construire les bases d’une autonomie politique. Leurs revendications pourraient effectivement faire bouger les lignes, puisqu’ils ont l’oreille de plusieurs grandes puissances. Mais de là à imaginer un grand Kurdistan, cela apparaît encore irréaliste puisque les puissances régionales (Turquie, Irak, Syrie, Iran) y sont toutes fortement opposées et que les Kurdes eux-mêmes sont divisés.

L’idée qu’un Sykes-Picot II puisse permettre de régler les conflits régionaux apparaît aussi mythique que celle qui accorde à Sykes-Picot une importance démesurée. D’autant plus que ce nouveau Sykes-Picot ne dit rien sur la question israélo-palestinienne, qui est pourtant l’un des conflits matriciels de la région. Le temps où les chancelleries pouvaient dessiner l’avenir des peuples sur une carte est révolu, même si une nouvelle question d’Orient, concernant la lutte contre le terrorisme, est depuis apparue. La question aujourd’hui n’est pas de savoir comment tracer de nouvelles frontières, mais plutôt de comprendre comment de nouveaux gouvernements peuvent naître sur les ruines des anciens régimes, alors que des peuples tyrannisés depuis un demi-siècle sont en proie à une extrême violence, guidée par des passions communautaires et/ou ethniques, et instrumentalisée par des puissances extérieures.

Post Scriptum, 27 de novembre del 2017.

L’escriptor francès Christian de Moliner publica avui a Le Figaro un article breu, però rellevant per la seva excepcionalitat, on fa autocrítica de la intervenció francesa al Pròxim Orient posterior a la Primera Guerra Mundial: “Le mandat français sur le Levant: l’origine des crises au Liban et en Syrie”. Afirma que si França hagués respectat el principi de les nacionalitats i el sentiment de pertinença comunitari dels pobles en lloc de crear estats artificials ara no hi hauria els conflictes que els desagnen.

Post Scriptum, 13 de gener del 2018.

Trobo, amb retard, aqueix interessant i documentat apunt publicat el 24 d’agost del 2017 al bloc personal de l’intel·lectual jueu francès Michel Gurfinkiel titulat “Sir Mark Sykes, l’homme qui a voulou créer le Moyen Orient“.

Post Scriptum, 2 de maig del 2020.

El propppasst 26 d’abril, arran del centenari de la Conferència de San Remo, Jean-Pierre Filu, historiador i arabista, va publicar aqueixa anàlisi commemorativa al seu bloc, “Un si proche Orient” allotjat a Le Monde: “Il y a cent ans, la France et la Grande-Bretagne se patageaient le Moyen Orient”.

Deixa un comentari

L'adreça electrònica no es publicarà. Els camps necessaris estan marcats amb *

Aquest lloc està protegit per reCAPTCHA i s’apliquen la política de privadesa i les condicions del servei de Google.

Us ha agradat aquest article? Compartiu-lo!