Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

5 de maig de 2016
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Karim Akouche: “Schizophrénie algérienne”

Karim Akouche (1978), un escriptor cabil que viu des del 2008 al Quebec,  va publicar abans d’ahir aqueix colpidor article al digital “Amazigh24” en el qual descriu des de la seva perspectiva amazic la societat algeriana actual:

“Foutez-moi la paix! Laissez-moi tranquille! Je ne suis pas terroriste. Je suis écrivain. Je ne porte pas d’armes. J’utilise un stylo. Je compose la musique avec des mots. Je veille. J’interroge les étoiles et le temps. Je veux comprendre. Je ne sais pas quoi. L’homme, ses tragédies, ses comédies, ses prouesses, ses bassesses. La vie est un mystère. Le mort tombe-t-il dans le néant? Que signifie l’éternité? Pourquoi la lumière? Pourquoi la nuit? Les réponses se trouvent-elles dans le jeu des mots ou du hasard?

Je dialogue avec les jeunes et les vieux. Nous avons beaucoup de choses à nous raconter. Ils ont leurs idées, j’ai mes énigmes. Ils me disent ce qui les tracasse, je leur parle de ce qui me chagrine. Je leur raconte mes exils et mes colères. Ils me parlent de leurs rêves, de leurs craintes. Des monstres pullulent en Algérie. La raison sommeille. La foi redouble de folie. Les ténèbres sont épaisses. L’air manque de poésie. La raison est étouffée par le péché. Allah est partout, le bon sens nulle part. Le citoyen est tué par le croyant. L’individu par la communauté. L’écriture par le folklore. L’avenir par le passé. Les valeurs par le consumérisme.

Foutez-moi la paix! Occupez-vous des fous, des tueurs et des voleurs! Laissez-moi parler! Mon cœur ne triche pas. Il me dicte les mots. Ils sont tranchants. Ils disent la révolte des enfants. Ils dénoncent la trahison des cheikhs. Je suis en colère. Contre les assassins du savoir. Contre les tabous et la rouille des esprits. J’écris ce que je ressens. Je reviens du Nord. Les idées chargées de neige et de vitesse. Je fais une halte chez les miens. J’aime mes montagnes, les grillons qui jacassent, la galette de ma mère, les oranges et les nèfles, le couscous, le genêt, la lavande. Je hais le qamis et le képi. C’est plus fort que moi. Le bâton et la barbe gouvernent mon peuple. Je refuse la servitude. Je hais l’injustice. J’aime la liberté. Même si elle n’existe pas, je la fabrique avec mes rêves. J’improvise des images. Je les grave dans mon cerveau. Je suis artiste, un peu fou, un peu vagabond. J’aime le suspense et les hautes émotions.

Le stress pousse dans les rues et les cafés maures. La frustration est partout. Les hommes vivent loin des femmes. Les cinémas sont fermés. L’École est un amas de déchets. Les ronces étouffent les idées. L’État et ses séides ont échoué. Les démocrates sont une espèce rare. Je ne les trouve nulle part pour chanter l’avenir avec eux. Les uns se cachent pour ne pas mourir. Les autres hibernent pour ne pas devenir des fossiles. Ils sont gros gras et sûrs de leur lâcheté. Ils veillent sur la mangeoire. Quand le ventre est plein, la tête chante. C’est dit dans un dicton populaire. Rien à chercher. Tout est là. Dans la prose. Au détour d’une chanson. Il suffit de constater. Observer le chaos. Écouter les jurons.

L’Algérie est une pièce de Shakespeare ratée. C’est un bazar surchauffé, ou un cauchemar climatisé. Un gouvernement d’incultes qui dirige 40 millions de captifs. Les gens sont trop fiers pour se révolter. Ils détestent la France et chérissent leur Machiavel en fauteuil roulant. Ils n’ont rien à gratter de la liberté et de la science. Tout est maktoub. Le fatalisme est un courant philosophique. Tout est simple. Tout est stupide. Il suffit de balbutier des sourates pour penser le monde et ses secrets. Le savoir est dans l’instinct. L’homme vient de la terre, la femme des côtes de l’homme. Même s’il y a des contradictions, il faut faire avec le Livre saint.

L’esprit critique, comme le vin ou le porc ou la musique, c’est haram. Tout ce qui fait travailler les neurones est nocif. Le cerveau se nettoie avec les prières et surtout pas avec les mathématiques. Pas la peine de comprendre, il faut réciter les sourates et égrener des chapelets. Des versets, des versets et rien que des versets. Tout ce qui vient de l’homme est suspect: ses lois, son art, ses droits, son éducation, sa souveraineté. Ici les hommes ont plus de fierté que de principes. Leur arrogance est greffée à leur sexe, leur intelligence à leurs muscles, leur bonheur à l’au-delà.

La corruption est un sport national. Ministres, militaires, préfets… tout le monde profite. L’Algérien ne produit presque rien, il achète tout. De l’oncle de Gaulle et de tata la Chine. Son argent est une offrande d’Allah, il le cueille des entrailles du désert. Cela ne sert à rien de travailler, il faut se morfondre et attendre. Attendre le soleil et le mauvais temps. Tout vient seul. Il suffit d’offrir son front à la terre et ses fesses aux étoiles. Tricher, voler, trahir, ce n’est pas si grave puisque Dieu pardonne tout. L’alcool et le sexe se vendent sous la table. Le tabou côtoie le halal. Tout doit se faire en cachette car on est des bons musulmans…

Laissez-moi exprimer mon délire. N’en soyez pas offensés. La guerre civile guette. Le pétrole ne se vend pas cher. Les caisses sont vides. La paix sociale ne durera pas. C’est une question d’années ou de mois ou de jours… Foutez-moi la paix! Je suis poète. Je ne suis pas terroriste. Je ne me tairai pas. J’écris pour dire la folie de l’Algérie et de ses hommes.”

Avui mateix ha completat la seva anàlisi amb un altre article titulat “L’Afrique doit retrouver son Nord“.

Post Scriptum, 7 d’octubre del 2016.

El digital francès Causeur publicà el proppassat 29 de setembre aqueixa resposta de Karim Akouche als seus detractors arran del viatge a Israel del qual n’ha fet una extensa divulgació tot propugnant la coexistència intercultural. Especialment significatiu és el paràgraf de l’entrevista on explica com a l’escola algeriana va ser educat en l’odi a Israel prenent com a bons els pamflets antisemites “Mein Kampf” i “Els protocols dels savis de Sió”.

Post Scriptum, 5 de maig del 2017.

Una mostra de l’esquizofrènia que denuncia Karim Akouche l’aporta l’informatiu amazic Tamurt el proppassat 30 d’abril quan assenyala que el candidat islamista Abderzak Mokri crida “Il faut voter en masse pour lebérer El Qods“.

Post SCriptum, 2 de juliol del 2017.

Un nou article frapant de Karim Akouche, publicat el proppassat 27 de juny a Jeune Afrique, titulat “Marx est mort, vive Mahomet !“:

Chut, ne dis rien, ferme les yeux, bouche-toi les oreilles, ne dénonce pas l’islamisme et ses avatars. Faut pas faire le jeu de l’extrême droite, ni celui des nostalgiques du colonialisme, encore moins celui du grand capital.

Mens ! Le jihadisme n’a rien à voir avec l’islamisme, et celui-ci ne viendrait surtout pas de l’islam. Même si des intellectuels des pays musulmans, qui ont vu leurs sœurs et frères tomber sous les balles des fous d’Allah, nuancent ou pensent le contraire. Voile le réel, pratique le déni, c’est plus simple ainsi. D’une posture, deux conforts : tu t’inscris dans le « camp du bien » et tu ne prends aucun risque. Contourne la vérité, inverse les arguments, fais des détours sémantiques, ne désigne pas le mal ; tourne autour de la bête immonde, mais ne l’affronte jamais. Dédramatise le terrorisme, folklorise l’idéologie salafiste, psychanalyse le jihadiste. Fais de celui-ci un déséquilibré, une victime de la société individualiste, du fétichisme marchand, de la crise sociale, de l’arrogance de la modernité. Trouve-lui toutes les explications possibles, sociales et psychologiques, sauf la principale : la religieuse.

Fais de l’islam une religion à part, de ses adeptes les « élus » de Dieu. Clame-le sur toutes les tribunes : Ce sont des humiliés. Fouille dans les vieux placards de l’histoire, déterre les cadavres, éparpille les cendres, revisite la guerre d’Algérie, attise le choc des mémoires, évoque l’Irak, la Syrie et la Libye. Les « humiliés » ont subi le colonialisme, ils ont été dépossédés de leurs biens, de leur pétrole, de leur langue, de leur terre et, quoi qu’ils fassent, il faut les excuser ; ce n’est jamais leur faute, c’est toujours celle des autres et de l’Occident. N’évoque surtout pas les esclavagistes arabes, ce chemin est miné, on te taxera de révisionniste. Oublie l’empire ottoman et ses crimes, oublie les civilisations et les peuples colonisés par l’arabo-islamisme.

Depuis l’effondrement du bloc soviétique, la gauche ne propose plus d’utopies ; ses idéologues, n’ayant plus de nouvelles idées, claudiquent dans le brouillard. Les uns ont viré à droite, les autres ont sombré dans les désillusions et les rancœurs. Hier internationalistes, ils deviennent aujourd’hui communautaristes, ethnicistes, différencialistes, relativistes. Ils ont tourné le dos aux Lumières, à la laïcité et à la liberté.

L’islam est « révolutionnaire », le vert a remplacé le rouge, les chants religieux l’Internationale, le sabre la faucille, les jihadistes les brigadistes.

L’islamisme pousse sur les ruines du communisme. Les musulmans sont devenus les nouveaux prolétaires. Il faut les défendre contre Wall Street, le progrès, la dépravation des mœurs, les féministes, les homosexuels… Les perdants de la mondialisation doivent s’unir pour bâtir la Oumma et faire face au « gouvernement mondial ».

Complotistes de tous les pays, unissez-vous ! Déçus de la société de consommation, organisez-vous !

Marx est mort, vive Mahomet !

Post Scriptum, 9 de novembre del 2017.

Karim Akouche ha publicat abans d’ahir al diari “Le Matin d’Algérie” aqueixa punyent “Lettre ouvertes aux intellectuels algériens“:

Mes amis du livre et de l’écrit,

Puisque les politiques ont emprisonné notre histoire, faisons-la sortir des cages idéologiques. Libérons les esprits de leurs chaînes, et les écoles des récits travestis. Regardons la réalité avec des yeux francs et faisons parler les légendes, les pierres et les arbres. Ils ont beaucoup de choses à nous apprendre, sur nous, sur l’Autre, sur le passé, sur l’avenir. Pénétrons l’essence du verbe et des choses. Les demi-vérités, les sentiers plusieurs fois empruntés et le confessionnel des patriotes ne mènent nulle part, au plus à la dérive, sinon au fleuve des regrets. Toute tergiversation est synonyme de petit mensonge. Avec nos plumes respectives, sarclons, creusons, retournons les feuilles et les ardoises, déterrons les objets qui intriguent, analysons-les, repeuplons les mémoires de héros et de mythes crédibles.

Mes amis du livre et du verbe,

Je suis arrivé au monde « étiqueté ». Deux mots gravés dans ma chair : arabe et musulman. Je suis né Algérien et la constitution du pays stipule que « l’islam est la religion de l’État » et que « l’arabe est la langue nationale et officielle ». Arabe malgré la langue de mes parents, le kabyle, et musulman malgré mes doutes et le paganisme de mes ancêtres.

Ma naissance a été, en des termes crus, un viol identitaire. Un assaut contre mon être, une guerre contre mes origines. Je suis né dans le mensonge. Élevé dans la farce, j’ai vécu dans le déni. Je suis un enfant falsifié. Je porte en moi la faille mémorielle. Mon âme est amazighe, les préceptes qui l’étouffent, pendant des siècles, sont arabo-islamiques.

Mon premier contact avec la langue arabe a été un choc. À 6 ans, j’ai eu comme instituteur un imam ; lequel, pour nous apprendre la langue de Naguib Mahfouz, a utilisé des versets coraniques. Il fallait apprendre et réciter, sur-le-champ et correctement, la première sourate : El-fatiha. Puis plusieurs autres. Je n’y comprenais rien. Tout m’échappait, tout me terrorisait : les mots, le rythme, le sens. En trébuchant une énième fois sur une syllabe, j’ai reçu une salve de gifles. Je n’avais pas le droit de déformer la parole de Dieu. C’était sérieux et j’étais, malgré mon innocence, puni. Sévèrement. Je n’étais pas à la hauteur du message du prophète. Il fallait que j’obéisse, que je m’agenouille, prie davantage, balbutie nuit et jour des versets, m’assimile aux « Frères » et aux « pieux prédécesseurs », et devienne un « véritable » Arabe et musulman.

Mon deuxième choc a été la compréhension du sens des sourates violentes et intolérantes, celles traitant de la guerre sainte, de la vengeance et de l’enfer. À peine pubère, je refusais de croire que Dieu, si bon et si clément, puisse ordonner aux fidèles de tuer les mécréants et traiter les femmes menstruées d’impures. J’ai compris d’emblée, la religion qu’on m’a imposée n’était pas celle que mon âme a élue : la liberté. J’ai été glacé de terreur en relisant, entre autres, la sourate 4, verset 56 : « Certes, ceux qui ne croient pas à nos versets, nous les brûlerons bientôt dans le feu. Chaque fois que leurs peaux auront été consumées, nous leur donnerons d’autres peaux en échange afin qu’ils goûtent au châtiment. Allah est certes puissant et sage ! »

Que j’ai eu peur pour ma mère en récitant sous la couette la sourate 4, verset 34 ! « Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi à cause des dépenses qu’ils font de leurs bien. Les femmes vertueuses sont obéissantes (à leurs maris), et protègent ce qui doit être protégé, pendant l’absence de leurs époux, avec la protection d’Allah. Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d’elles dans leurs lits et frappez-les. »

Mon troisième choc, je l’ai reçu au lycée. Notre enseignante de philosophie, une salafiste officiant parfois à la matinale de la télévision nationale, m’a exclu définitivement de son cours. La raison : j’ai osé remettre en cause la véracité d’un hadith farfelu. Lors de l’examen de fin d’année, n’ayant pas assouvi sa rancune, elle m’a gratifié d’un zéro et d’un blâme aussi grands et violents que les châtiments de l’enfer.

D’autres chocs, aussi variés que brutaux, en rafale, m’ont fait perdre toute illusion pendant la décennie noire qui a secoué l’Algérie, lorsque des hommes, au nom de l’islam, écrasaient les citoyens comme des criquets et épinglaient les intellectuels tels des papillons au bout de leurs kalachnikovs et de leurs fusils à canon scié.

La liberté de conscience et l’égalité des droits n’existent pas dans les pays musulmans. On n’y choisit pas sa croyance, on y subit le diktat de la religion officielle. On naît musulman et on le reste. À vie. On mange musulman, on rêve musulman, on chie musulman, on meurt musulman. Les yeux tournés vers La Mecque, les fesses vers Hollywood.

Mes amis du livre et des mots,

Affrontons les fantômes du passé ! Avouons nos erreurs, nos excès et nos fuites. Le chat ne sera jamais un tigre et le nationalisme excessif ne résistera pas aux fourberies du temps. Comment définir l’Algérie, ce pays insaisissable, que les uns aiment exagérément et que les autres aiment haïr ? Est-elle vraiment une République ? Est-elle démocratique et populaire, une et indivisible, comme cela est chanté dans toutes les assemblées ? Les Algériens forment-ils un seul peuple, une seule nation ? Ont-ils la même identité ? La même religion ? Les mêmes rêves ? Parlent-ils la même langue ? L’algérien, comme langue, existe-t-il réellement ? L’Est et l’Ouest s’aiment-ils ? Le Nord ne méprise-t-il pas le Sud ? L’Algérie n’est-elle pas conjuguée au pluriel ? N’est-elle pas une mosaïque de peuples, chacun perdu dans sa « tribu » et ses fantasmes, partageant plus au moins des bouts d’une histoire souvent douloureuse et confuse ?

Mes amis du livre et de la vérité,

Qui a colonisé qui ? Qui a dépossédé qui ? Qui est venu chez qui, qui est arrivé plus tard et qui était là avant tous ? Notre histoire n’a pas commencé avec l’Indépendance en 1962, ou avec Messali Hadj, ou avec l’Émir Abd-El-Kader, ou avec Ben Badis, ou au 7ème siècle avec la conquête arabe de l’Afrique du Nord. Nous avions déjà nos rois et nos princesses, nos dieux et nos saints protecteurs, nos musiques et nos contes. Autochtones, les Berbères étaient là depuis toujours. Avant d’être islamisés et arabisés, ils étaient, entre autres, des Garamantes, des Libyens et des Numides. Ils ont traversé plusieurs époques, blessés, le ventre noué de faim et de douleur, les pieds chargés d’épines ; ils ont connu les guerres puniques, la romanisation, la christianisation, l’invasion vandale, l’empire ottoman, le colonialisme français…

Mes amis du livre et de la pensée,

L’Afrique du Nord est amazighe. Qui oserait affirmer le contraire ? Cependant, officiellement, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie sont arabes. Les Nord-Africains sont-ils des Berbères qui s’ignorent ou de faux arabes s’affirmant avec zèle ? L’ignorance de soi, véhiculée par l’école et les médias officiels, ravage les mentalités. Ne sachant pas qui ils sont, les Algériens, se considèrent plus arabes que les Saoudiens, plus palestiniens que les Gazaouis.

Connaissons-nous notre histoire ou n’en prenons-nous pas que ce qui nous arrange ? Savons-nous d’où vient le vocable « Algérie » ? Le 14 octobre 1839, le général Schneider a envoyé une lettre au maréchal Sylvain-Charles Valée, gouverneur général d’alors, lui demandant de remplacer l’appellation « Possession française en Afrique du Nord », trop longue à son goût, par le mot « Algérie ». La France a-t-elle inventé l’Algérie, comme l’Empire britannique a créé artificiellement plusieurs États au Moyen-Orient et en Asie ? C’est une question légitime que d’aucuns se posent. Les Touaregs n’ont jamais reconnu les frontières tracées à la règle par le pays de Gaulle. L’Algérie, qui n’existait pas au temps du roi Jugurtha ou de la reine Dyhia, existera-t-elle dans cinquante ans ou dans un siècle ? Quelle forme politique et juridique prendra l’Afrique du Nord dans quelques décennies ? Les nations et les peuples invisibles triompheront-ils des États artificiels issus de la colonisation. Après tout, la fatalité de l’histoire n’existe pas. Les pays et les peuples se font, se défont ou se refont au gré des bouleversements du monde. Avant 1918, l’empire austro-hongrois régnait dans un vaste territoire d’Europe centrale et, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il a éclaté en plusieurs États.

Mes amis du livre et de la vérité,

Tous les colonialismes sont décriés sauf le colonialisme arabo-islamique. Pire, celui-ci est nié. Pourquoi la majorité des intellectuels, du Sud comme du Nord, pratiquent-ils la dénonciation sélective ? Les nouveaux damnés de la terre ne sont pas les Arabes ou les musulmans, mais les peuples colonisés par ces derniers : les Amazighs, les Kurdes, les Persans, les Coptes… « La religion des pauvres », ce n’est pas l’islam. Les langues maternelles et les coutumes des peuples colonisés par les descendants de Mahomet risquent tôt ou tard de disparaître. Ce sont elles les véritables religions des pauvres. Je ne défends pas ma spécificité culturelle par chauvinisme (je hais tous les chauvins), mais par crainte de la voir un jour s’éteindre.

La diversité des langues et des identités est une richesse pour l’humanité. L’uniformisation est une sorte de fascisme.

Mes amis du livre et de l’écrit,

Nous serons, quoique nous fassions, poursuivis par la question des origines. Tant que celle-ci n’est pas résolue, notre avenir sera incertain, nos espoirs fragiles. Nous aurons des comptes à rendre aux générations à venir. Nos mots seront tamisés ; les silences des uns et des autres, accusés. N’est-il pas venu le temps de rebattre toutes les cartes, de séparer le vrai des faux-semblants, les saints des corrompus et les justes des faussaires ?

Rien n’est tabou, tout se dit, tout est discutable. L’intellectuel ne doit rien cacher à ses contemporains. Il doute de tout, aussi bien des géants sanctifiés que des thèses éternelles. Repoussant tout calcul et toute pensée molle, il doit dire toutes les vérités, de surcroît celles qui agacent.

Avec toute mon affection,

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