Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

23 de gener de 2015
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Discurs de Bernard-Henri Levy a la seu de l’ONU sobre l’antisemitisme

Ahir el filòsof francès Bernard-Henri Levy va pronunciar el discurs que avui reprodueix íntegrament Le Monde Juif denunciant l’antisemitisme creixent arreu en una sessió programada des d’abans dels atemptats de Paris a petició de trenta set estats occidentals. He trobat una traducció en castellà pero dissortadament cap en català, per això n’ofereixo la versió original :

“Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs. Monsieur le Président et Monsieur le Secrétaire Général. Mesdames et Messieurs les Ministres.

Ce n’est pas souvent qu’il revient à un philosophe de s’exprimer dans cette enceinte. C’est l’une des première fois (Elie Wiesel, Jiddu Krishnamuti il y a trente ans…) qu’il est demandé à un ecrivain de se tenir ici, à cette tribune où ont retenti tant de grandes voix et où la cause de la paix et de la fraternité entre les hommes a connu quelques-unes de ses plus belles et nobles avancées. Et c’est pour moi, croyez-le, une vive émotion et un honneur immense.

​​​​​Si vous m’avez invité, ce matin, ce n’est pourtant pas pour chanter l’honneur et la grandeur de l’humanité – mais c’est pour pleurer, hélas, les progrès de cette inhumanité radicale, de cette bassesse,qui s’appelle l’antisémitisme. Bruxelles où l’on s’en est pris, il y a quelques mois, à la mémoire juive et à ses gardiens.

Paris où l’on a réentendu l’infâme cri de « Mort aux Juifs » et où, il y a quelques jours, l’on a tué des dessinateurs parce qu’ils dessinaient, des policiers parce qu’ils faisaient la police et des juifs parce qu’ils faisaient leurs courses et qu’ils étaient juste juifs. D’autres capitales, beaucoup d’autres, en Europe et hors d’Europe, où la réprobation des juifs est en train de redevenir le mot de passe d’une nouvelle secte d’assassins – à moins que ce ne soit la même, dans de nouveaux habits.

Votre Maison s’est édifiée contre cela. Votre Assemblée avait la sainte tâche de conjurer le réveil de ces spectres. Mais non, les spectres sont de retour – et c’est pour cela que nous sommes ici.

​​​​​Sur ce fléau, sur ses causes et sur les moyens d’y résister, je veux d’abord, Mesdames et Messieurs, Monsieur le Secrétaire Général, Monsieur le President, réfuter un certain nombre d’analyses courantes qui ne sont faites, j’en ai peur, que pour nous empêcher de regarder le mal en face.

Il n’est pas vrai, par exemple, que l’antisémitisme soit une variété parmi d’autres du racisme. Les deux doivent être combattus, bien sûr, avec une détermination égale. Mais l’on ne combat bien que ce que l’on comprend. Et il faut comprendre que, si le raciste hait dans l’Autre son altérité visible, l’antisémite en a, lui, après son invisible différence – et, de cette prise de conscience, va dépendre la nature des stratégies que l’on pourra et devra mettre en œuvre.

Il n’est pas vrai non plus que l’antisémitisme d’aujourd’hui ait, comme on l’entend partout, et en particulier aux Etats-Unis, ses sources principales dans le monde arabo-musulman. Dans mon pays, par exemple, il a une double source et comme un double bind. D’un côté, c’est vrai, les enfants d’un islamisme radical devenu l’opium le plus toxique des territoires perdus de la République. Mais, de l’autre, cette vieille bête française qui, depuis l’affaire Dreyfus et Vichy, n’a jamais dormi que d’un œil et qui fait finalement bon ménage avec la bête islamofasciste.

Et il n’est pas exact enfin que la politique de tel ou tel Etat, je veux évidemment parler de l’Etat d’Israël, produise cet antisémitisme comme la nuée l’orage. J’ai connu des capitales, en Europe, où la destruction des juifs a été quasi totale et où l’antisémitisme est pourtant maximal. J’en ai connu d’autres, plus lointaines, où il n’y a jamais eu de juifs du tout et où le nom juif est pourtant synonyme de celui du Diable. Et j’affirme ici qu’Israël serait-il exemplaire, serait-il la patrie d’un peuple d’anges, reconnaitrait-il au peuple palestinien l’Etat auquel il a droit, que la plus ancienne des haines ne baisserait, malheureusement, pas d’un ton.

​​​​​Pour comprendre comment fonctionne l’antisémitisme d’aujourd’hui, il faut, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, donner congé à ces clichés et entendre la façon dont il s’exprime et se justifie. Car jamais, au fond, les hommes ne se sont contentés de dire : « voilà, c’est comme ça, nous sommes de méchants hommes et nous haïssons les pauvres juifs ».

Non. Ils ont dit : « nous les haïssons parce qu’ils ont, eux, tué le Christ » – et c’était l’antisémitisme chrétien. Ils ont dit : « nous les haïssons parce qu’ils l’ont, au contraire, en produisant le monothéisme, inventé » – et c’était l’antisémitisme de l’âge des Lumières qui voulait en finir avec toutes les religions.

Ils ont dit : « nous les haïssons parce qu’ils sont d’une autre espèce, reconnaissables à des traits de nature qui n’appartiennent qu’à eux et qui corrompent, polluent, les autres natures » – et c’était l’antisémitisme raciste, contemporain de la naissance des sciences modernes de la vie. Ils ont encore dit : « nous n’avons rien contre les juifs en soi ; non, non, vraiment rien ; et nous nous moquons d’ailleurs de savoir s’ils ont tué ou vu naître le Christ, s’ils forment ou non une race à part, etc ; notre problème, notre seul problème, c’est qu’ils sont d’horribles ploutocrates, acharnés à dominer le monde et à opprimer les humbles et les petits » – et c’était, dans toute l’Europe, ce socialisme des imbéciles qui infecta le mouvement ouvrier au début du XX° siècle et au-delà.

Aujourd’hui, aucune de ces rhétoriques ne fonctionne plus. Pour des raisons qui tiennent à l’histoire du dernier siècle, il n’y a plus que des minorités de femmes et d’hommes pour ne pas voir qu’elles ont toutes, débouché sur des massacres abominables. Et, pour que le vieux virus reparte à l’assaut des têtes, pour qu’il lui soit de nouveau possible d’enflammer de vastes foules, pour que des hommes et des femmes puissent, en grand nombre, et ce qu’à Dieu ne plaise, recommencer de haïr en toute bonne conscience ou croire, si l’on préfère, qu’il existe de justes raisons de s’en prendre aux juifs, il faut un argumentaire nouveau que l’Histoire universelle n’ait pas eu le temps de déconsidérer.

​​​​​L’antisémitisme d’aujourd’hui dit, en réalité, trois choses. Il ne peut opérer sur grande échelle que s’il parvient à proférer et articuler trois énoncés honteux, mais inédits, et que le XX° siècle n’a pas disqualifiés. Les juifs seraient haïssables parce qu’ils soutiendraient un mauvais Etat, illégitime et assassin – c’est le délire antisioniste des adversaires sans merci du rétablissement des Juifs dans leur foyer historique. Les juifs seraient d’autant plus haïssables qu’ils fonderaient leur Israël aimé sur une souffrance imaginaire ou, tout au moins, exagérée – c’est l’ignoble, l’atroce déni de la Shoah.

Ils commettraient enfin, ce faisant, un troisième et dernier crime qui les rendrait plus détestables encore et qui consisterait, en nous entretenant inlassablement de la mémoire de leurs morts, à étouffer les autres mémoires, à faire taire les autres morts, à éclipser les autres martyres qui endeuillent le monde d’aujourd’hui et dont le plus emblématique serait celui des Palestiniens – et l’on est, là, au plus près decette imbécillité, de cette lèpre, qui s’appelle la compétition des victimes.

L’antisémitisme nouveau a besoin de ces trois énoncés. C’est comme une bombe atomique morale qui aurait là ses trois composants. Chacun, pris séparément, suffirait à discréditer un peuple redevenu objet d’opprobre ; mais qu’ils viennent à s’additionner, que les composants se composent, que les trois fils entrent en contact et parviennent à former un nœud ou une tresse – et l’on est à peu près sûr d’assister à une déflagration dont tous les juifs, partout, seront les cibles désignées. Car quel vilain peuple que celui dont on aurait insinué qu’il est capable de ces trois crimes !

Quel hideux portrait que celui d’une communauté de femmes et d’hommes accusés de trafiquer ce qu’ils ont de plus sacré, à savoir la mémoire de leurs morts, pour légitimer un Etat illégitime et intimer silence aux autres souffrants de la planète ! L’antisémitisme moderne c’est cela. L’antisémitisme ne renaîtra sur grande échelle que s’il parvient à imposer ce tableau insensé et ignoble. Il sera antisioniste, négationniste, carburant à l’imbécile compétition des douleurs – ou il ne sera pas : c’est d’une cohérence imparable ; c’est d’une détestable, méprisable mais infaillible logique.

Reconnaître cela, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Monsieur le Secrétaire Général, Monsieur le Président, c’est commencer de voir, symétriquement, ce qu’il vous revient de faire pour lutter contre cette calamité. Imaginons une Assemblée Générale des Nations Unies où Israël aurait sa place, toute sa place, celle d’un pays comme les autres, ni plus ni moins fautif que d’autres, soumis aux mêmes devoirs mais aussi aux mêmes droits– et imaginons qu’on lui rende justice en lui reconnaissant, au passage, d’être ce qu’il est vraiment : une authentique, solide et vaillante démocratie.

Imaginons une Assemblée Générale des Nations Unies qui, fidèle à son pacte fondateur, se ferait la gardienne sourcilleuse de la mémoire du pire génocide jamais conçu depuis qu’il y a des hommes – imaginons que cette année 2015 voie se tenir, sous votre égide et avec l’aide des plus hautes sommités scientifiques mondiales, la plus complète, la plus exhaustive, la plus définitive des conférences jamais réunie sur la tentative de destruction des Juifs.

Et puis rêvons, quelque part entre New York, Genève, ou Jérusalem, d’une deuxième conférence consacrée, elle, à toutes les guerres oubliées qui endeuillent les terres habitées mais dont on ne parle jamais car elles n’entrent pas dans le cadre des blocs, ou des groupes, entre lesquels vous vous partagez – et rêvons que cette seconde conférence, ce Sommet des damnés, prenant le contre-pied du sot et monstrueux préjugé voulant qu’il n’y ait de place dans un cœur que pour une seule et unique compassion, révèle ce qui fut la vraie vérité des décennies écoulées : c’est quand on avait la Shoah au cœur que l’on voyait tout de suite l’horreur de la purification ethnique en Bosnie ; c’est quand on avait en tête cet étalon de l’inhumain que fut le massacre planifié des juifs d’Europe que l’on comprenait sans tarder ce qui se passait au Rwanda ou au Darfour ; bref, loin de nous rendre aveugles aux tourments des autres peuples, la volonté de ne rien oublier du tourment du peuple juif est ce qui rend saillante, évidente, l’immense affliction des Burundais, des Angolais, des Zaïrois, j’en passe.

En adoptant ce programme, vous lutterez contre l’antisémitisme réel. En réhabilitant cet Israël que votre Assemblée a porté sur les fonts baptismaux il y a presque 70 ans, en usant de votre autorité pour faire taire, une bonne fois, les crétins négationnistes et en vous portant, troisièmement, au secours de ces nouveaux damnés de la terre immolés sur l’autel de l’idéologie antisioniste, vous déconstruirez un à un chacun des composants du nouvel antisémitisme. Mais vous défendrez en même temps, et dans le même mouvement, la cause de l’humanité.

​​​Je ne serais pas là, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, si je ne pensais pas que cette enceinte soit l’un des seuls lieux au monde, peut-être le seul, où puisse s’orchestrer cette solidarité des ébranlés dont parlait le grand philosophe tchèque Jan Patocka et qui aura été le fil de ma vie. Quand, dans mon pays, les plus hautes autorités de l’Etat disent : « la France sans ses juifs ne serait plus la France », elles dressent une digue contre l’infamie.

Mais quand, dans ce même pays, on a vu un quart d’entre vous, un chef d’Etat et de gouvernement sur quatre, venir marcher à nos côtés pour dire « je suis Charlie, je suis policier, je suis juif », ce fut une raison d’espérer que l’on n’attendait plus. Et votre présence même, ici, ce matin, votre volonté de rendre cet événement possible et, peut-être, mémorable, attestent que c’est sur tous les continents, dans toutes les cultures et toutes les civilisations, que l’on commence de prendre conscience que la lutte contre l’antisémitisme est une obligation pour tous – et c’est là une belle et grande nouvelle.

Quand on frappe un juif, disait un autre écrivain, c’est l’humanité qu’on jette à terre. Quand on s’en prend aux Juifs, insista un antinazi de la première heure, c’est comme une première ligne enfoncée sous une invisible mitraille qui frappera ensuite, de proche en proche, le reste des humains.

Un monde sans juifs, non, ne serait plus un monde – un monde où les juifs recommenceraient d’être les boucs émissaires de toutes les peurs et de toutes les frustrations des peuples serait un monde où les hommes libres respireraient moins bien et où les asservis seraient plus asservis encore. A vous, maintenant, de prendre la parole et d’agir. A vous, qui êtes les visages du monde, d’être les architectes d’une maison où la mère de toutes les haines verrait sa place amenuisée. Puissiez-vous, dans un an, et l’année suivante, et toutes les autres encore, vous retrouver pour constater que votre mobilisation d’aujourd’hui n’est pas vaine et que la Bête peut reculer​. »

Post Scriptum, 19 de març del 2024.

Ahir Tribune Juive publicava aqueixa entrevista a Bernard-Henry Lévy : “Il faut aider Israël à vaincre le Hamas”.

Dès le début de votre livre, vous écrivez que le 7 Octobre ouvre une nouvelle ère. Laquelle ?

BERNARD-HENRI LÉVY. Le retour du mal radical. Un mal qui n’est lié ni à une volonté de puissance, ni à une querelle de nations, ni à rien. Le mal pour le mal. La barbarie pour la barbarie. Égorger des femmes, les charcuter, les dépecer pendant qu’un autre les viole, pour le seul plaisir de le faire. Le monde s’est employé, dès le lendemain, à effacer l’événement. Il l’a transformé, pour reprendre une expression tristement célèbre, en un détail de l’histoire. Il s’est même trouvé des salauds pour voir dans cette inimaginable sauvagerie un « acte de résistance ». C’est pourquoi il faut rappeler, et rappeler encore, l’énormité de ce qui s’est produit là.

Vous évoquez à la fois l’invasion de l’Ukraine, en 2022, et les massacres du 7 octobre 2023 : deux guerres à nos portes. Vit-on un moment de bascule ?

Oui. Et il n’y a que les autruches et les lâches pour refuser de le voir. Vous avez d’un côté l’Iran, la Russie, l’islam radical sunnite, la Turquie et, en arrière-plan, la Chine qui entraînent dans leurs folies néo-impériales une grande part du « Sud global ». Vous avez, en face, ce que j’appelle « l’Occident global ». Israël est, comme l’Ukraine ou comme Taïwan, en première ligne de cet Occident global. C’est peut-être ça, la troisième guerre mondiale.

Est-ce un conflit de civilisation ?

Oui. Mais pas l’Ouest contre l’Est. Pas le Sud contre le Nord. La liberté contre la tyrannie. Et, dans chacun des grands blocs, le goût de la démocratie contre celui de l’autocratie. Prenez les dissidents chinois. Les blogueurs pakistanais ou afghans. Les avocats turcs persécutés. Les femmes iraniennes. Les dissidents russes pour lesquels Navalny s’est sacrifié. Ils font partie de l’Occident global. Pour eux aussi, une défaite d’Israël, ou de l’Ukraine, serait une catastrophe.

Comment interprétez-vous le possible retour de Donald Trump à la Maison-Blanche ?

Comme la preuve que les États-Unis sont prêts à lâcher. Pour l’Occident global, ce retour serait une défaite terrible, une déflagration.

Êtes-vous pessimiste ?

Bien sûr. La guerre est possible quand des acteurs puissants la désirent. C’est le cas de Poutine qui, par-delà l’Ukraine, veut mettre l’Europe à genoux. C’est le cas de l’Iran qui, en attaquant Israël par Hamas interposé, veut mettre le feu au monde. Face à ces volontés de puissance, il faut un esprit de résistance à toute épreuve.

Cette résistance est, dites-vous, incertaine…

Oui. Car, dans la langue d’aujourd’hui, on ne dit plus “résistant” mais “va-t-en-guerre”. Emmanuel Macron (en n’excluant pas d’envoyer des troupes au sol en Ukraine) a tenu des propos d’une sagesse stratégique élémentaire. De Thucydide à Clausewitz, tous ceux qui ont réfléchi à la guerre savent que, si on veut la paix, il ne faut pas exclure la guerre. Vous avez vu le tollé ? La surenchère dans la veulerie à l’Assemblée ? Fabien Roussel, les Insoumis, les lepénistes, retrouvant jusqu’aux intonations de ceux qui, dans les années 1930, ne voulaient pas “mourir pour Dantzig” ?

Jeudi soir, Emmanuel Macron a indiqué que ce début d’année 2024 devait être “celui du sursaut”. Concrètement, que faut-il faire ?

Livrer à l’Ukraine les F 16 et les munitions dont elle a besoin. Tout de suite. Car Poutine, depuis dix ans, n’est fort que de nos faiblesses. Et il faut, bien sûr, aider Israël à vaincre le Hamas. Exactement comme on a aidé les Irakiens et les Kurdes à vaincre Daech. Ou les Afghans, il y a vingt ans, à détruire Al-Qaïda. C’est le même combat.

À Paris, plus de 100 000 personnes ont défilé contre l’antisémitisme le 12 novembre. La France est-elle exemplaire dans la lutte contre l’antisémitisme ?

Exemplaire, je ne sais pas. Mais ses institutions, ses élites, sa presse tiennent bon. La vague antisémite est là mais les digues sont plus fortes qu’aux États-Unis ou en Angleterre. Peut-être parce que nous avons connu le nazisme, la collaboration… Peut-être parce que la France a vécu dans sa chair la soumission à la barbarie…

Emmanuel Macron ne s’est pas joint à cette manifestation…

C’est vrai. Et c’est dommage. Car sa place était là.

Une parole antisémite se libère-t-elle dans la classe politique ?

Oui. Trouver, comme le font les Insoumis, que les violeurs du Hamas sont des « résistants » était impensable il y a cinq ans.

Jean-Luc Mélenchon est-il antisémite ?

Je ne veux pas vous faire risquer un procès en diffamation. Alors voilà : quand on dit que Mélenchon est un Machiavel qui veut draguer les voix des banlieues, on insulte Machiavel et on est trop indulgent avec Mélenchon.

Vous évoquez également Dominique de Villepin et ses « clichés rances »…

C’est infiniment triste, mais c’est ainsi. Un ancien Premier ministre, qui n’a pas été sans mérite, ne peut pas épouser de cette manière les pires dérives complotistes.

« Ce qui est terrible avec ces mouvements woke, c’est qu’ils sont racistes et qu’ils sont bêtes »

Bernard-Henri Lévy

Les actes antisémites ont explosé depuis le 7 Octobre. Craignez-vous des attentats ?

On sent bien qu’il s’en faut de peu que les dernières digues cèdent. Cette façon, par exemple, de dépeindre un Israël vengeur, assassin, génocidaire… C’est comme ça qu’on met le feu aux esprits. Et c’est comme ça que ce haut lieu de l’excellence républicaine qu’est Sciences-po peut devenir un endroit où on ostracise une étudiante “sioniste”. La terre est sèche et bonne pour tous les incendies, écrivait Louis Aragon.

Vous parlez du phénomène woke aux États-Unis, de ces universités dans lesquelles toutes les minorités sont protégées, “sauf la communauté juive”…

L’idée, là, c’est que les juifs seraient l’incarnation du Blanc dominateur. C’est immonde. Mais c’est surtout idiot. Il y a bien plus de juifs dominés, pauvres, fragiles, que de juifs prospères. Et il suffit de passer trois minutes en Israël pour voir que c’est l’exemple même de la société multiethnique. Ce qui est terrible avec ces mouvements woke, c’est qu’ils sont racistes et qu’ils sont bêtes.

Sommes-nous préservés de ce wokisme américain en France ?

Hélas non. Cet enfermement des sujets dans leur prison identitaire, cette nouvelle gauche réactionnaire et raciste, ce refus de l’universel, de la république, de la citoyenneté dans ce qu’elles avaient de libérateur : tout cela est une insulte aux idéaux de la gauche mais, ici aussi, cela progresse. Voyez l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, mon école : Judith Butler, la grande prêtresse du wokisme américain, devait y donner une série de conférences. Et ce, quelques jours après avoir qualifié le pogrom du 7 Octobre d’« acte de résistance ». Les conférences, sous la pression d’anciens élèves indignés, ont été annulées in extremis. Mais le symbole est là.

Vous décrivez une armée israélienne exemplaire, qui prévient les civils, leur laisse le temps de quitter les zones de danger et dont l’engagement est régi par un code extrêmement rigoureux… C’est réellement votre sentiment ?

En effet. J’ai rarement vu une armée à ce point soucieuse, dans une guerre atroce, d’éviter les victimes civiles. Il ne faut pas se lasser de le rappeler : Tsahal ne vise pas intentionnellement les civils ; Tsahal, en ce moment même, retarde son offensive à Rafah pour pouvoir évacuer d’abord les civils.

Et pourtant, on évoque déjà près de 30 000 morts, dont d’innombrables civils et des enfants…

C’est le chiffre du Hamas. Et il ne fait pas la différence entre les civils et les combattants. Mais peu importe le nombre. C’est, de toute façon, abominable. Mais qui est le premier responsable de cette abomination ? Les Israéliens qui adjurent les Gazaouis de quitter les zones de combat ou le Hamas qui s’en sert comme de boucliers humains, leur interdit l’accès à ses tunnels et leur tire dessus quand ils tentent de partir ? C’est toute la stratégie du Hamas : faire qu’il y ait, à Gaza, suffisamment de morts pour que l’opinion mondiale, révulsée, se révolte contre cette guerre et l’arrête. C’est une arme atroce, monstrueuse, mais c’est l’arme du Hamas.

Israël est-il en train de perdre cette bataille de l’opinion mondiale ?

Sans doute. Et Israël, du coup, est de plus en plus seul. Seul à mener cette bataille qui est aussi, pourtant, la nôtre. Seul, face, je le répète, à ce troisième avatar de l’islamisme radical qu’est le Hamas, après Al-Qaïda et Daech.

“82 % des États de la planète exigent d’Israël la retenue qu’ils n’ont jamais demandée à aucun autre État agressé et menacé d’être détruit”, écrivez-vous. Voyez-vous dans ces réserves une forme d’antisémitisme ?

Un “deux poids et deux mesures”, oui, c’est certain. Israël est le seul État au monde auquel autant de pays interdisent de se défendre. J’y reviens toujours : personne ne demandait de cessez-le-feu quand on allait, il y a vingt ans, à Kaboul, détruire les bases de Ben Laden ; et quand la bataille de Mossoul réduisait la ville en cendres, personne ne disait qu’il fallait faire la paix avec Daech… J’étais sur place pour tourner un documentaire. La situation, croyez-moi, était assez comparable à ce qu’elle est à Gaza.

Une solution à deux États est-elle encore possible ?

Si le Hamas l’emporte, non. Le Hamas ne veut pas d’un État, il veut la disparition d’Israël. Et s’il sort de cette guerre avec l’aura du martyr qui a tenu tête à Israël, alors la solution à deux États sera enterrée pour très longtemps. Imaginez, maintenant, l’hypothèse inverse. Imaginez que les Palestiniens soient libérés, une fois pour toutes, de ces dirigeants qui se moquent éperdument de leur sort. Alors, tout redeviendra possible. À commencer par cet État auquel ils ont droit et dont je suis partisan depuis toujours.

Votre livre, finalement, peut se lire comme un plaidoyer pour un soutien à Israël. Doit-il être inconditionnel ?

Dans la guerre qu’il mène contre le Hamas et ses alliés, oui, je crois que ce soutien doit être inconditionnel. Vous avez là un petit pays ami, entouré d’ennemis qui veulent sa mort. Vous avez l’Iran qui observe, qui brûle d’ouvrir un nouveau front au Nord et qui, en attendant, se prépare tranquillement à franchir le seuil du nucléaire. Il porte sur ses épaules, ce petit pays, une responsabilité historique immense. Et nous avons, nous, la responsabilité de ne pas le trahir.”

 

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