Jaume Renyer

per l'esquerra de la llibertat

16 de novembre de 2012
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Jordània, dins la tormenta del món àrab

La periodista libanesa Fifi Abou Dib publicà ahir al diari de Beirut L’Orient-Le Jour un article premonitori (“Le commencement du monde fini”), sobre les turbulències que són a punt de desfermar-se sobre el Regne de Jordània, fins ara un oasi relatiu dins la tormenta que afecta el món àrab:

 

“Souvenir d’un court séjour à Amman. Impression d’une ville pudique, attachée à ses traditions, à cheval sur ses valeurs. L’une des premières cités habitées sans interruption de l’histoire humaine, Amman tire beaucoup d’orgueil de son histoire et de son patrimoine. Les racines, c’est clair, sont solides.

Certains aspects de la vie sociale ne manquent pourtant pas d’étonner l’étranger. Ainsi, lors de ma visite, à une époque de l’année – au tout début de l’été, où les étudiants venaient d’obtenir leurs diplômes de fin d’études, on pouvait croiser des familles entières, grands-parents, oncles et tantes compris, dans les soirées de célébration organisées par les jeunes. En comparaison avec Beyrouth où les adolescents fêtent ces choses entre eux, c’était pousser un peu trop loin l’esprit grégaire.

Dans la sphère publique, il est d’ailleurs rare de trouver un établissement servant de l’alcool. Il existe bien un bar, quelque part sur un rooftop, mais l’ambiance n’y est pas. On boit, mais personne ne danse. La musique est en sourdine et un écran de dimension respectable diffuse…les informations de CNN. Comme un malaise ? En tout cas le sentiment inconfortable d’un décalage entre la croissance affichée depuis quelques années, une accélération de la modernité et une certaine difficulté de la société à s’y adapter. Pourtant, fiers de leurs gratte-ciel en construction, des centres commerciaux flambant neufs et du luxe qui gagne leur métropole, les Jordaniens se réjouissaient à l’idée que l’antique Philadelphie se donne des airs de Dubaï.

Ce ne sont pas les révolutions qui produisent les changements, mais les changements qui déclenchent les révolutions. Beyrouth a été la première ville arabe à imploser sous l’effet de la modernisation. Dès la fin des années 50, les gens des campagnes venus dans la capitale en quête de travail se sont trouvés confrontés à un univers radicalement différent du leur, avec sa liberté, sa légèreté et ses excès. Démographes et sociologues n’hésitent pas aujourd’hui à mettre au moins l’un des facteurs de la guerre du Liban sur le compte de ce choc des civilisations.

Ce siècle a bientôt 13 ans. Pas besoin de fables futuristes pour constater qu’il s’agit bien de la fin du monde connu. Les modèles traditionnels de gouvernance comme de gestion économique se révèlent inefficaces, confrontés aux changements de mœurs et de mentalités, à l’accroissement de la population mondiale, à l’épuisement des ressources, à l’appauvrissement de la classe moyenne qui entraîne dans sa chute de plus pauvres encore. Le monde entier frémit d’un mal-être qui se traduit par une colère dont l’objet est encore confus.

Mardi soir à Amman, on a entendu des manifestants réclamer ouvertement le départ du roi Abdallah. C’est bien la première fois en plusieurs mois de troubles modérés qu’une telle revendication se fait jour. Hier, un journaliste du New York Times s’interrogeait à cet égard sur le sort des monarchies arabes, après la chute des pseudo-démocraties. Domino ou pas, une chose est sûre, nous vivons une époque qui exige de l’imagination. Une qualité dont dépendra la survie de tout régime dans notre partie du monde.”

Post Scriptum, 27 d’agost del 2015.

L’analista de The Times of  Israel, Aaron Jereny Miller, publicà ahir aqueix article titulat “Where IS attacks on Jordan fail, its ideology seeps through“, alertant que si bé la seguretat del règim sembla capaç d’aturar els atacs dels gihadistes islàmics la penetració ideològica d’aqueixos augmenta entre una població pauperitzada.

Post Scriptum, 26 de setembre del 2016.

Jordània ha estat notícia aqueixa setmana per esdeveniments de diferent signe. D’una banda el partit afí a la Germandat Musulmana ha obtingut novament representació al Parlament encara que bastant reduïda atès el sistema tribal imperant a l’hora de triar els candidats, i dissortadament, ha estat assassinat després de reiterats intents, l’escriptor cristià Nahed Hattar, pel fet d’haver publicat un acudit a facebook. D’altra banda, l’empresa americano-israeliana explotadora del gas subaquàtic Leviatan ha conclós un acord estratègic amb l’empresa nacional jordana d’energia per garantir el subministrament que l’estat àrab necessita pel seu desenvolupament, fet que consolida els lligams econòmics i polítics entre Jordània i Israel.

Post Scriptum, 1 de novembre del 2016.

Michael Freund, (un analista israelià repetidament esmentat en aqueix bloc i bon amic de la causa catalana) publicà el proppassat 27 d’octubre un article al Jerusalem Post titulat, “Jordan’s chilly peace with Israel“, traduït al francès pel blocaire Malaasot com “La paix froide de la Jordanie avec Israël”.

Post Scriptum, 4 de juny del 2018.

L’analista jordà Abe Haak ha publicat avui al digital jueu nordamericà Algemeiner aqueix article traduït al francès per Malaassot: Le danger d’un Etat palestinien pour la Jordanie.

 

Post Scriptum, 1 d’abril del 2019.

L’observatori israelià MEMRI especialitzat en el seguiment dels esdeveniments als països àrabs de l’entorn publicà el proppassat 11 d’aqueix mes un report sobre les protestes populars a Jordània: “Ongoing Protests in Jordan Threaten to Destabilize the Regime”. I, fa quatre dies, el blocaire jueu francòfon Mabatim tradueix aqueix interessant article de Daniel Siriuti aparegut en hebreu al diari Israel Hayom, “La Jordanie et Jérusalem” on exposa les contradiccions entre beduïns i palestins i la fragilitat del règim monàrquic. Una anàlisi coincident amb la informació que avui publica DEBKA: “Egypt’s Israeli-Hamas deal further shakes Jordan’s Hashemite throne“.

Post Scriptum, 16 de novembre del 2020.

Amb motiu, l’any passat del vint-i-cinquè aniversari de l’acord de pau entre Israel i Jordània Benyamin Netanyahu va declarar: “Jamais de « réelle réconciliation » entre Israël et la Jordanie – “, una situació que es manté encara malgrat la normalització amb alguns estats àrabs del Golf Pèrsic.

Post Scriptum, 10 d’abril del 2021.

Avui, a L’Orient-Le Jour, Soulayma MARDAM BEY, escriu: “Les cent ans d’un improbable royaume“.

À l’occasion du centenaire de la constitution de l’émirat de Transjordanie – devenu par la suite un royaume –, « L’Orient-Le Jour » revient en deux épisodes sur l’histoire d’un État sur lequel peu misaient et qui s’est, au gré des décennies, imposé comme l’un des plus stables de la région, grâce à l’appui américain d’une part, et à la détermination du roi Hussein – à la tête du pays pendant près d’un demi-siècle – d’autre part.

Ils étaient tous là ou presque, ce 8 février 1999. Chefs d’État, de gouvernement et têtes couronnées ; adversaires habiles et rivaux coriaces ; alliés de toujours et partenaires de circonstance. Se tenaient à quelques mètres les uns des autres le chef du Mossad et un membre du Hamas, le président turc et son homologue chypriote, Yasser Arafat d’un côté, Ariel Sharon et Benjamin Netanyahu de l’autre, quatre présidents américains et plusieurs bêtes noires de Washington. Dans le palais de Raghadan, propriété de la couronne hachémite nichée dans l’enceinte de la cour royale d’al-Maquar à Amman, au beau milieu de la salle du trône, ils s’inclinent tous, à tour de rôle, devant la dépouille mortelle du roi Hussein, disparu la veille des suites d’un cancer. Solennelle, la scène l’est assurément. Et pourtant, elle ne manque pas d’ironie. Car celui qui avait œuvré sa vie entière à faire de son pays un « îlot de stabilité » dans une région instable, à ménager la chèvre et le chou pour pérenniser son trône, se retrouve précisément entouré par les antonymes des uns et les synonymes des autres au lendemain de sa mort, comme un ultime pied de nez à l’avenir qui lui avait été destiné.

Jusqu’à la fin, le « petit roi » aura défait tous les pronostics. Même son vieil ennemi, le président syrien Hafez el-Assad – mal en point –, est de la partie. Et le président russe Boris Eltsine, contre l’avis de ses médecins, alors qu’il se remettait à peine d’un ulcère à l’estomac, a lui aussi tenu à faire le voyage, bien qu’un léger malaise ait coupé court à ses efforts et l’ait contraint de repartir vers Moscou avant la fin de la cérémonie. L’image qu’offre au monde le fleuron de l’élite politique internationale ce jour-là en dit long sur un personnage proclamé roi à dix-sept ans seulement – dans le sillage de l’abdication forcée, le 11 août 1952, de son père, le roi Talal, pour raison de santé – un an à peine après l’assassinat de son grand-père, le monarque Abdallah. En 46 ans de règne, Hussein ben Talal aura échappé à une dizaine d’attentats, survécu à tous les soubresauts régionaux – de la guerre des Six-Jours à la première guerre du Golfe, en passant par la guerre civile libanaise et la guerre Iran-Irak – et mené sa barque d’une main de fer – bénéficiant pour cela des faveurs britanniques d’abord, américaines ensuite – dans un environnement marqué par les conflits, les coups d’État et les assassinats politiques. « Artisan de paix » pour ses défenseurs, « vassal » de Washington pour ses pourfendeurs, le roi Hussein aura clos son règne par la signature en octobre 1994, quelques années seulement avant sa mort, d’un traité avec Israël normalisant les relations du royaume avec l’État hébreu.

En filigrane des discours laudateurs qui suivent sa disparition semblent s’esquisser les inquiétudes des chancelleries occidentales autour de la stabilité de la monarchie, un État-clé incontournable pour la garantie de leurs intérêts au Moyen-Orient et devenu par la force des choses un pilier des négociations en vue d’une hypothétique résolution du conflit israélo-palestinien. Des incertitudes alimentées par le charivari qui s’était emparé de la succession quelques semaines avant le décès du monarque. Le souverain avait multiplié les signes de désaveu vis-à-vis de son frère Hassan, prince héritier depuis 1965 et régent du royaume en son absence, et décide de l’écarter de la couronne au profit de son fils Abdallah au cours du mois de janvier 1999. Or celui-ci, militaire de carrière, n’avait à l’époque aucune expérience du pouvoir. Une question se pose alors : pourra-t-il poursuivre l’œuvre de son père, véritable architecte de l’ancrage régional du pays ?

Car indéniablement, rien n’augurait rétrospectivement que le petit émirat de Transjordanie fondé en 1921 sur un territoire peu développé et faiblement peuplé connaîtrait une telle longévité. « À l’origine, la Jordanie faisait partie du mandat de Palestine accordé par la Société des nations après la Grande Guerre. Puis, en 1921, les Britanniques décident de séparer la Palestine de la Transjordanie », commente James Barr, historien britannique et auteur de A Line in the Sand (2012 – publié en français aux éditions Perrin sous le titre Une ligne dans le sable, 2017). « Il y avait très peu de gens qui y vivaient. C’était un coin perdu. Mais après la Première Guerre mondiale, le diplomate Mark Sykes envisageait ce qu’il appelait alors la ceinture des États contrôlés par la Grande-Bretagne au Moyen-Orient, qui s’explique d’abord par le souhait des Britanniques d’éloigner la France de la péninsule Arabique, en partie pour des raisons liées à la politique religieuse, en partie pour assurer la sécurité de l’Inde sous contrôle britannique à l’époque. »

Lot de consolation

Né sur les décombres de l’Empire ottoman que se disputent les appétits français et britanniques, la genèse de l’émirat est d’ailleurs, selon une légende urbaine, attribuée à un « hoquet » de Winston Churchill, lorsqu’il était secrétaire d’État aux colonies. Ce dernier se faisait ainsi gloire d’avoir créé le protectorat britannique « d’un coup de plume, un dimanche après-midi au Caire », dans des circonstances qui, d’après d’autres rumeurs, étaient fortement arrosées et expliqueraient l’étrange tracé en zigzag de la frontière jordano-saoudienne… Cette mise en abîme entre un dessin aux contours erratiques et son dessinateur titubant est toutefois apocryphe.

L’histoire est bien plus calculée et répond davantage aux manœuvres occidentales qu’aux malheureux effets du cognac ou du champagne. La correspondance entretenue dans les années 1915-1916 entre le chérif Hussein de La Mecque – qui gouverne la région du Hedjaz dans la péninsule Arabique, sous domination ottomane – et Sir Henry McMahon, le haut-commissaire britannique en Égypte, donne lieu à des négociations autour des termes de l’engagement arabe dans le camp allié contre l’Empire ottoman.

Héritier de la dynastie hachémite à laquelle incombe depuis 800 ans de veiller sur les lieux saints de La Mecque et de Médine, le chérif Hussein est père de trois enfants, dont Fayçal, futur roi d’Irak, et Abdallah, futur roi de Transjordanie. Il exige de son interlocuteur l’indépendance des provinces arabes de l’Empire ottoman et l’établissement, en échange de son implication, d’un royaume arabe – sans toutefois inclure Aden, au Yémen, qui resterait aux mains des Britanniques. Dans sa lettre datant du 24 novembre, la réponse de McMahon se veut – sans doute délibérément – vague. Il suggère au chérif Hussein un royaume composé de la péninsule Arabique à l’exclusion de la Mésopotamie, réservée aux Britanniques, et de la côte syrienne réservée à la France.

Malgré l’engagement arabe aux côtés des alliés, malgré la déclaration conjointe franco-britannique du 9 novembre 1918 sur la reconnaissance des aspirations légitimes des populations du Bilad al-Cham relatives au développement de gouvernements nationaux, les accords secrets de Sykes-Picot en 1916 puis la conférence de San Remo en 1920 auront raison des promesses de Londres et de Paris et entérineront la division de la région en zones d’influence entre les deux puissances. Les ambitions hachémites semblent étouffées dans l’œuf, même lorsque à la faveur des rivalités franco-britanniques, l’hostilité des uns pousse les autres à certaines largesses. Ainsi, lorsque Paris chasse Fayçal ben Hussein – fils du chérif Hussein – de Syrie en 1921, les Britanniques l’installent un an plus tard comme roi d’Irak, où la monarchie hachémite succombera néanmoins à un coup d’État militaire en 1958. Entre-temps, Winston Churchill avait incité Abdallah ben Hussein à renoncer à porter secours à son frère Fayçal à Damas, invoquant la supériorité militaire des Français et lui faisant miroiter un territoire, celui de la Transjordanie. « La création de l’émirat de Transjordanie relevait en partie d’un lot de consolation. Il s’agissait également d’un moyen d’amener Abdallah à s’arrêter là où il était et à ne pas aller plus au nord. Et il y avait aussi le sentiment que cela apaiserait peut-être les Arabes, inquiets face à la montée du sionisme », dit M. Barr.

Le royaume aux pieds d’argile

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’émirat devient royaume et obtient son indépendance des Anglais. Mais le roi Abdallah se retrouve à la tête d’une monarchie aux pieds d’argile, sur qui personne ne parie. Comment construire un État sur la base d’un équilibre démographique et politique aussi fragile ? Comment défendre l’identité d’un territoire au découpage si peu naturel ? Comment faire cohabiter les descendants des tribus bédouines qui avaient migré d’autres terres arabes avant et pendant le règne ottoman, les minorités chrétiennes et circassiennes et, surtout, à partir de la création d’Israël en 1948, les réfugiés palestiniens fuyant la Nakba ? Comment intégrer par la suite, dans le sillage de l’annexion de la Cisjordanie par la Transjordanie – en avril 1950 –, une population palestinienne nationaliste et qui ne se sent pas forcément d’affinités pour les Hachémites ?

À ses débuts, l’histoire de la monarchie est intimement liée aux turbulences politiques dans son environnement proche. Voté par les Nations unies en novembre 1947, le plan de partage de la Palestine prévoit la création de deux États, l’un arabe et l’autre juif, ainsi que l’internationalisation de Jérusalem, placée sous le contrôle de l’ONU. Avec la Syrie, le Liban, l’Irak et l’Égypte, la Jordanie déclare la guerre à l’État israélien nouvellement créé, craignant les déséquilibres régionaux que pourraient faire encourir les sionistes. De cet engagement militaire, le royaume retire une extension de son territoire, enrichi de la Cisjordanie et de Jérusalem et le Parlement du royaume de Transjordanie approuve officiellement en 1950 l’union des deux rives du Jourdain en un seul État, rebaptisé Royaume hachémite de Jordanie. À cette époque, beaucoup ne donnaient pas cher de son avenir. « Avec l’exode palestinien, l’espoir secret était que la Transjordanie disparaisse au profit d’un État palestinien », avance Hana Jaber, chercheuse associée à la chaire d’histoire du monde arabe contemporain du Collège de France. « Avec la création de l’État d’Israël, la majorité des Palestiniens ont fui vers la Transjordanie et la Cisjordanie. Dans les coulisses diplomatiques, le principe était de les aider à s’installer économiquement. » En témoigne ainsi le projet Johnston en 1955 qui, à coups d’investissements massifs en infrastructures, caresse l’espoir d’installer les Palestiniens dans la vallée du Jourdain.

Les premiers temps sont ceux d’un pouvoir qui doit, constamment, naviguer dans les eaux mouvementées de la guerre froide et des déchirements idéologiques régionaux, avec, toujours, cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Le roi Abdallah en fera d’ailleurs rapidement les frais. Les États arabes rejettent l’annexion de la Cisjordanie et, pire, reprochent au monarque de s’être lié secrètement avec les Israéliens pour parvenir à son objectif. Le 20 juillet 1951, à l’entrée de la grande mosquée d’al-Aqsa de Jérusalem, il est assassiné par un nationaliste palestinien, partisan du mufti de Jérusalem, l’ennemi numéro un de la monarchie, le cheikh Amine el-Husseini, l’homme qui voulait être l’allié de Hitler.

« Symboliquement, cet assassinat près de la mosquée a ancré les liens des Hachémites avec le “noble sanctuaire” ou Haram al-Charif (NDLR : esplanade entourant le Dôme du Rocher) dans la partie arabe de Jérusalem ainsi qu’avec la cause palestinienne », nuance le journaliste Oussama el-Sharif. C’est dans un contexte particulièrement chaotique que le jeune Hussein arrive sur le trône, après que son père, Talal, en a été écarté pour des raisons de santé. D’emblée, le nouveau souverain est confronté à un défi de taille : le panarabisme exalte la région et une grande partie de ses sujets se reconnaissent davantage dans la verve des dirigeants syriens ou irakiens que dans la sienne, à plus forte raison quand le royaume semble très, trop tourné vers l’Occident et que de larges pans de la population jordanienne sont d’origine palestinienne et semblent acquis aux idées panarabes du raïs égyptien.

« Une fois que Gamal Abdel Nasser arrive au pouvoir en Égypte, le roi Hussein est constamment attaqué par les Égyptiens comme étant la marionnette de la Grande-Bretagne », commente James Barr. « Le roi était coincé entre la vague panarabe nassérienne dirigée par Gamal Abdel Nasser et, plus tard, l’Irak et la Syrie baasistes, deux voisins ayant une influence idéologique sur les officiers supérieurs de l’armée jordanienne qui ont tenté de renverser son régime », note pour sa part Oussama el-Sharif. Les critiques à l’égard du royaume visent notamment le fait que l’armée nationale était dirigée par des officiers britanniques. « La façon dont Hussein a résolu cela en 1956 ressemblait à une pièce de théâtre », dit M. Barr, en référence au limogeage par le roi de Jordanie du commandant britannique John Glubb, démontrant ainsi sa capacité à être son propre maître.

La stabilité à tout prix

Au gré des années, deux éléments-clés vont permettre au miracle jordanien de se concrétiser : le soutien politique, financier et sécuritaire britannique jusqu’en 1957 – puis américain – à la monarchie d’une part, et la détermination du roi Hussein d’autre part. Dans un monde partagé entre les blocs de l’Ouest et de l’Est, le souverain jordanien comprend très vite qu’il est impossible de faire abstraction de cette réalité et intègre la zone d’influence américaine, bénéficiant ainsi de la protection de

Washington – bien que Amman fasse le choix de ne pas rejoindre le pacte de Bagdad – qui veille à son intégrité territoriale, en vertu des dispositions de la doctrine Eisenhower. Le pays commence à bénéficier également, à la fin des années 60, des programmes d’aides financières des États arabes du Golfe. En interne, le monarque met à profit durant les premières années de son règne les conseils avisés de sa mère, la reine Zein. « Elle était une femme de pouvoir d’une très grande intelligence politique et œuvrait en coulisses pendant la jeunesse de son fils. C’est elle qui lui a appris les ficelles de la relation politique avec les tribus transjordaniennes », analyse Hana Jaber.

La monarchie hachémite s’est en effet installée en Transjordanie à la faveur d’un pacte tissé avec les grandes tribus, ces dernières troquant leur allégeance contre leur intégration aux corps de l’État, à savoir l’armée et l’administration. À travers ce contrat, elles paraissent avoir trouvé un moyen de contrebalancer l’exode palestinien et les changements démographiques qu’il a entraînés. Le roi consolide l’État en assurant un rôle central extrêmement puissant à la couronne, protégée par les services de sécurité dont les membres sont recrutés au sein des tribus bédouines et des familles établies de longue date. En échange, il assure une distribution équitable aux postes importants au sein de l’armée et calme les ardeurs de ses critiques en les gratifiant de postes privilégiés.

Le roi travaille également à bâtir le sentiment d’appartenance jordanien à travers l’intégration des Palestiniens à l’économie et à l’État. « Jusque dans les années 70, l’idée était qu’il était le roi de tous les Jordaniens, y compris celui des Palestiniens parmi eux. À l’époque, toutes les classes éduquées parmi les Palestiniens ont également intégré l’appareil de l’État jordanien, puisque celui-ci avait besoin de compétences que la classe moyenne et l’élite palestiniennes pouvaient davantage lui fournir que les Bédouins », précise Mme Jaber. Mais ces ambitions se heurtent, dans les années 60, aux velléités hégémoniques de l’OLP, créée en 1964 du côté cisjordanien du royaume. La décennie est marquée par la multiplication des attentats sur le territoire national et des commandos palestiniens attaquent Israël à partir de l’Égypte, de la Syrie et de la Jordanie. En 1967, l’État hébreu déclenche la guerre des Six-Jours, à l’issue de laquelle la Jordanie perd la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Elle doit faire face à l’arrivée de 200 000 réfugiés palestiniens. Ce deuxième exode galvanise les cadres de l’OLP qui affluent vers Amman après la défaite et érigent leurs quartiers généraux dans les camps de réfugiés d’al-Wehdat ou encore de Jabal Hussein. Et pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, le roi Hussein sent que la situation lui échappe et qu’il pourrait bien être assis sur un siège éjectable…

 

Post Scriptum, 14 de juliol del 2021.

Mentre que Debka informava el proppassat 10 que “Bennett’s trip to Amman fits Biden’s plan for a Jordan-Egypt-Israel axis”, ahir Edy Cohen, publicava al BESA Center aqueix report: “Jordan Is Now an Ally of the Islamic Republic of Iran”.

Post Scriptum, 16 de novembre del 2023.

Ahir, The Times of Israel publicava aqueix exemple de doble joc: “Jordanian newspaper features front-page Hebrew article predicting Israel’s collapse. As IDF advances against Hamas in Gaza, prominent daily Al-Ghad addresses Israelis in their mother tongue, heralds ‘new world order’ that will rise once Israel is ‘vanquished.”

 

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